Décision n° 80-120 DC du 17 juillet 1980 - Saisine par 60 sénateurs
I : SAISINE SENATEURS J'ai l'honneur de déférer à votre examen, conformément à l'article 61, 2 ° alinéa de la Constitution, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée Nationale et par le Sénat, tendant à modifier les articles 13, 14 et 15 de la loi n° 68-978 d'orientation de l'enseignement supérieur du 12 novembre 1968, aux motifs suivants : 1) Considérant que l'article premier B (nouveau) de la proposition de loi susvisée modifie l'article 14 de la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 modifiée par la loi n° 75-573 du 4 juillet 1975 qui institue pour l'élection des représentants des étudiants un quorum de 25 % des inscrits pour l'attribution des sièges de cette catégorie de membres des conseils d'université et d'unités d'enseignement et de recherche ; qu'une telle disposition constitue une violation du principe de participation des membres de la Communauté universitaire au fonctionnement de ses institutions posé par la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 précitée, d'autant plus injustifiée que l'article premier A nouveau, de la proposition de loi susvisée qui modifie l'article 13 de la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 précitée, fixe les proportions des différentes catégories de membres des conseils et que le législateur ayant déterminé celle qui revient aux étudiants au regard de la place qu'ils doivent occuper au sein de la communauté universitaire, l'exigence du quorum, si tant est qu'elle ait pu être fondée dans le passé alors que la loi était muette sur la répartition des différentes catégories composant les conseils, ne peut s'interpréter désormais que comme une ségrégation inacceptable à tous égards ; qu'une telle disposition viole en outre la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, annexée au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, qui dispose en son article VI que la loi doit être la même pour tous, et que les citoyens étant égaux à ses yeux, ils sont également admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents ; qu'il est constant que la catégorie des étudiants ne peut valablement être tenue pour inférieure aux autres catégories au seul motif qu'elle serait moins stable, les institutions universitaires ayant pour raison d'être la formation des étudiants, il est dans la nature de leur état de les quitter à un terme plus ou moins rapproché sans que cela puisse atteindre le sens de leurs responsabilités ; qu'enfin l'article 2 de la loi du 5 juillet 1974 ayant fixé à dix huit ans accomplis la condition pour être électeur et participer ce faisant aux élections des plus hautes instances de la République, il est injustifié que pour la participation aux élections des Conseils d'universités et d'unités d'enseignement et de recherche le même principe d'égalité ne soit pas appliqué, alors qu'il bénéficie aux étudiants qui ont atteint l'âge de la majorité.
2) Considérant que l'article 2 (nouveau) de la proposition de loi susvisée dispose en son deuxième alinéa que les Conseils d'universités et les Conseils d'unités d'enseignement et de recherche actuellement en fonction sont dissous à la date du 15 décembre 1980 ; qu'une telle disposition viole le principe fondamental du droit selon lequel les lois ne disposent que pour l'avenir ; qu'il est constant que les Conseils d'universités et d'unités d'enseignement et de recherche ont été régulièrement élus et valablement constitués sur la base des dispositions de la loi n° 68-978 d'orientation de l'enseignement supérieur du 12 novembre 1968 ; que seuls des motifs touchant à l'ordre public auraient pu justifier la dissolution desdits conseils, mais qu'aucun motif de cette nature ne peut être allégué en la circonstance, d'autant plus que le 3ème alinéa de l'article 2 (nouveau) de la proposition de loi susvisée dispose que les présidents en fonction au 1er juillet 1980, dont le mandat arrive à expiration après le 15 décembre 1980 conservent ce dernier jusqu'à son terme normal. Dès lors qu'il est fait une distinction entre l'expiration du mandat des présidents d'universités et l'extinction des Conseils qui les ont élus, le législateur n'est pas fondé à violer le principe de la non-rétroactivité des lois.
Par ces motifs, il est demandé au Conseil Constitutionnel de vouloir bien prononcer l'annulation de la proposition de loi tendant à modifier les articles 13, 14 et 15 de la loi d'orientation de l'enseignement supérieur du 12 novembre 1968.