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Décision n° 80-116 DC du 17 juillet 1980 - Saisine par 60 députés

Loi autorisant la ratification de la convention franco-allemande additionnelle à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959
Conformité

Conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil Constitutionnel la Convention Franco-Allemande sur l'entraide judiciaire.
Nous estimons premièrement que la convention Franco-Allemande déroge par les possibilités d'intervention qu'elle ouvre à des fonctionnaires et magistrats d'un autre Etat au principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire reconnue par l'article 64 de la Constitution et au droit d'asile reconnu dans le préambule.
Nous estimons deuxièmement que la convention Franco-Allemande déroge à une convention en vigueur : la convention Européenne d'entraide judiciaire signée en 1959 et ratifiée par la France.
L'article 2 de cette Convention Européenne précise les cas dans lesquels l'entraide judiciaire pourrait être refusée.
Il s'agit des cas où la partie requise considèrerait que la demande se rapporterait à des infractions politiques, à des infractions connexes à des infractions politiques ou à des infractions fiscales, et du cas où la partie requise estimerait que l'exécution de la demande serait de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de son pays.
L'article 3 de la convention Franco-Allemande stipule : « Pour l'application de l'article 3, paragraphe 1er (les commissions rogatoires) de la Convention Européenne, la demande d'un juge de l'Etat requérant en vue d'une perquisition, d'une saisie ou d'une remise d'objets a dans l'Etat requis la même valeur qu'une décision judiciaire rendue aux mêmes fins dans cet Etat ».
Ce paragraphe déroge à l'article 2 de la Convention Européenne en ce sens que l'Etat requis ne pourra plus faire prévaloir ses intérêts nationaux où le caractère politique d'une infraction dont l'application n'est pas la même en France et en RFA pour opposer un refus à la demande d'entraide judiciaire qui lui aura été transmise.
Les garanties importantes contenues dans la Convention de 1959 quant à l'indépendance et aux intérêts du pays requis, sont ainsi mises en cause.
Or, si la Convention Européenne autorise en son article 26, paragraphe 3 les parties contractantes à « conclure entre elles des accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs à l'entraide judiciaire en matière pénale », seulement pour « compléter les dispositions de la présente convention ou pour faciliter l'application des principes contenus dans celle-ci », en aucun cas elle n'autorise les parties contractantes à y déroger par une convention bilatérale.
En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir déclarer non conforme à la Constitution la Convention Franco-Allemande sur l'entraide judiciaire qui représente une étape dans l'établissement d'un espace judiciaire européen.