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Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 - Saisine par 60 députés

Loi relative à la prévention de l'immigration clandestine et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'office national d'immigration
Non conformité partielle

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil Constitutionnel la loi relative à la prévention de l'immigration clandestine et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'Office national d'immigration.

Nous estimons que cette loi qui vient d'être adoptée par le Parlement n'est pas conforme à la Constitution.

Deux de ses dispositions sont en effet contraires à l'article 66 de la Constitution qui dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu, l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle assure le respect de ce principe ».

C'est le cas de l'article 3 qui permet à l'Administration de maintenir « dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire » l'étranger qui n'est pas en mesure de référer immédiatement à la décision lui refusant l'autorisation d'entrer sur le territoire français. Ce n'est qu'au terme d'un délai de 48 heures que le maintien doit être confirmé par un magistrat. Cette confirmation n'est pas limitée dans le temps.

C'est également le cas de l'article 6 qui prévoit que, dans un certain nombre de cas, l'immigré en instance d'expulsion peut être détenu dans des locaux relevant de l'administration pénitentiaire par décision administrative, l'intervention d'un magistrat n'étant obligatoire qu'au terme d'un délai de sept jours. L'article 120 du Code pénal auquel il est fait référence dans cet article découle de la loi du 7 février 1933 promulguée à une époque où il n'y avait pas de contrôle de la constitutionnalité des lois.

La violation de la Constitution par ce texte ressort également de la décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 1977 relative à la loi sur la fouille des véhicules.

Le Conseil avait considéré, en effet, d'une part que la liberté individuelle constitue un des principes fondamentaux garantis par les lois de la République et proclamée par le Préambule de la Constitution de 1946, confirmé par le Préambule de la Constitution de 1958, et d'autre part que l'étendue des pouvoirs conférés aux officiers de police judiciaire et à leurs agents était de nature à porter atteinte aux principes essentiels sur lesquels repose la protection de la liberté individuelle.

La loi qui vous est déférée est, par ailleurs, contraire à l'arrêt fondamental rendu par le tribunal des conflits le 2 décembre 1902 (Société immobilière Saint-Just) et qui définit les conditions de l'exécution forcée eu égard à l'urgence absolue. Pour ces motifs, nous vous demandons de bien vouloir déclarer la loi qui vous est déférée non conforme à la Constitution.