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Décision n° 78-97 DC du 27 juillet 1978 - Saisine par 60 sénateurs

Loi portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d'assises
Conformité

L'article 31 *25* de la Loi portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d'assises dispose que la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale est abrogé.
Le Conseil Constitutionnel n'est pas sans savoir que cette disposition votée le Ier juillet 1978, tend à légaliser indirectement le décret du 23 mai 1975 qui a modifié le régime des établissements pénitentiaires.
A ce jour, le Conseil d'Etat ne s'est toujours pas prononcé sur le décret du 23 mai 1975. Y-a-t'il, en la matière, constitutionnalité d'une disposition législative qui permet au Gouvernement de prendre un décret identique à un précédent acte règlementaire sur la légalité duquel le Conseil d'Etat doit se prononcer ? Notre seconde observation vise l'objet de la Loi portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d'assises. Le présent titre de la loi ne dit pas que les réformes de procédure pénale s'appliquent à la réforme pénitentiaire.
L'article 31 de la loi concerne précisément cette réforme pénitentiaire. Les articles 98, alinéa 5 et 48 alinéa 3, respectivement du règlement intérieur de l'Assemblée Nationale et du Sénat, précisent bien que la recevabilité des amendements ne s'inscrit que dans le « cadre du projet ou de la proposition ».
La question de recevabilité pour cas litigieux n'ayant pas été soumise avant discussion à l'une comme à l'autre Assemblée, y-a-t'il constitutionnalité de l'article 31 dont la portée s'exclue du titre de la loi.
Nous ne saurions oublier que l'article 31 reprend en termes identiques l'article 10 d'un projet de loi (AN 2182, 5me législature, seconde session ordinaire, 75/76-retirée de l'ordre du jour), modifiant certaines dispositions du code de procédure pénale relatives à l'application des peines. En introduisant cette disposition, dans un texte de loi, dont le titre n'est plus conforme au contenu, il s'agit bien de « cavalier ». A cette occasion, nous rappelons la décision du Conseil Constitutionnel en date du 28 décembre 1976, sanctionnant le Gouvernement à l'occasion d'une pratique abusive de « cavalier budgétaire ».
Enfin, la constitutionnalité de l'article 31 n'est-elle pas soumise à une réflexion de fond eu égard à la déclaration des droits de l'homme de 1789. En effet, effacer la deuxième phrase de l'article 722 du code de procédure pénale, tend à abandonner un des principes généraux de droit : à sentence égale, exécution égale de la peine. La rédaction de l'article 722 du code de procédure pénale était conforme à l'esprit de l'article 7 de la déclaration des droits : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et, selon les formes qu'elle a prescrites » La légitimation des quartiers de haute sécurité qu'inspire la nouvelle rédaction de l'article 722 du code de procédure pénale, après le vote du Ier juillet 1978, supprime le principe qu'on ne peut faire subir à quelqu'un une peine plus forte que celle à laquelle il a été condamné. L'article 31 de la loi portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d'assises rétablit certes l'esprit de l'article 6 de la déclaration des droits de 1789 (la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse »). Mais, en légalisant indirectement le décret du 23 mai 1975, elle remet en cause le principe général énoncé par cet article 6.
Pour ces deux raisons de forme et cet argument de fond, nous vous demandons de rendre inconstitutionnel l'article 31 de la loi portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d'assises.