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Décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977 - Saisine par 60 sénateurs

Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement
Conformité

Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,
J'ai l'honneur, avec mes collègues sénateurs, de saisir le Conseil constitutionnel, en application de l'article 61 (deuxième alinéa) de la Constitution, en vue de déclarer l'inconstitutionnalité de la loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement.
Je suis à ce titre signataire du mémoire ampliatif déposé par soixante de mes collègues sénateurs.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, à l'assurance de ma haute considération.

Considérant que l'article premier de la proposition de loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 relative à la liberté de l'enseignement fait obligation, en son dernier alinéa, aux maîtres chargés d'assurer l'enseignement de respecter le caractère propre des établissements où ils exercent.
Considérant que l'article premier de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 fait obligation aux établissements placés sous le régime du contrat de donner un enseignement dans « le respect total de la liberté de conscience ».
Considérant que la liberté de conscience est un principe fondamental de la République et qu'à ce titre, il figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans celui de 1958.
Qu'en outre ledit préambule de la Constitution de 1946 range au niveau des devoirs de l'Etat l'organisation de l'enseignement gratuit et laïque à tous les degrés.
Considérant que le caractère propre des établissements, qui est à distinguer de l'enseignement proprement dit, ne recouvre aucune catégorie juridique précise, et qu'il s'ensuit une très libre appréciation pour le définir, et qu'il en résulte une très grande insécurité pour ceux qui sont tenus de le respecter.
Considérant qu'il y a là une incompatibilité avec l'exercice élémentaire des droits individuels et des libertés publiques, notamment de la liberté de conscience.
Considérant en outre que les dispositions contenues à l'article 3 de ladite proposition de loi, en particulier à l'alinéa 5, seront financées par des mesures votées au budget de l'exercice 1977, notamment par un crédit de 5 M.F. destiné à financer la formation continue des maîtres du privé.
Considérant que le financement d'une mesure nouvelle par des crédits votés préalablement, préjuge en fait la détermination et l'affectation des fonds publics, et atteint par conséquent la souveraineté des Assemblées.
Il y a lieu pour toutes ces raisons de déclarer non conforme à la Constitution la proposition de loi sus-visée.