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Décision n° 76-73 DC du 28 décembre 1976 - Saisine par Premier ministre

Loi de finances pour 1977 et, notamment ses articles 16, 27, 28, 29, 37, 87, 61 par. VI
Non conformité partielle

SAISINE PREMIER MINISTRE J'ai l'honneur, en application de l'article 61, 2ème alinéa, de la Constitution, de vous demander de bien vouloir soumettre à l'examen du Conseil Constitutionnel le texte de la loi de finances pour 1977, récemment adoptée par le Parlement.
J'estime, en effet, pour les raisons exposées dans la note ci-jointe, que le paragraphe VI de l'article 61 de cette loi, qui résulte d'un amendement d'origine parlementaire, n'est pas conforme aux dispositions des articles 34 et 39 de la Constitution.
NOTE sur la constitutionnalité du paragraphe VI de l'article 61 de la loi de finances pour 1977.
I : Le projet de loi de finances pour 1977 comportait un article 57, devenu dans la loi votée, l'article 61, qui autorisait les entreprises à réviser les immobilisations non amortissables inscrites à leur bilan.
Cet article est venu en discussion à l'Assemblée nationale le 20 novembre 1976. L'Assemblée y a apporté quelques modifications techniques, elle a surtout adopté un amendement tendant à ajouter à l'article un paragraphe VI qui enjoint au Gouvernement de proposer au Parlement avant le 31 décembre 1977, une réévaluation des immobilisations amortissables. Cet amendement précise le délai maximum dans lequel cette réévaluation pourra être faite ainsi que les modalités comptables de cette opération.
Le Sénat a adopté le texte voté par l'Assemblée.
Devant l'une et l'autre chambre, M DURAFOUR a présenté des réserves sur la constitutionnalité de cette injonction (v JO débats Assemblée nationale, 3ème séance du 20 novembre 1976, p 8525 et JO débats Sénat, séance du 12 décembre 1976, p 4347).
II : Il n'appartient pas, en effet, au Parlement de demander au Gouvernement, dans un texte de loi, que celui-ci use de son droit d'initiative législative dans tel ou tel sens.
D'une part, une telle injonction ne trouve pas de base juridique dans l'article 34 ni dans aucune des autres dispositions de la Constitution portant définition du domaine de la loi : c'est ce que le Conseil Constitutionnel a décidé le 21 décembre 1966 à propos d'une proposition de loi relative à l'indemnisation des rapatriés.
D'autre part, selon l'article 39 de la Constitution « l'initiative des lois appartient concurremment au Premier Ministre et aux membres du Parlement ». S'agissant du Premier Ministre, le droit d'initiative perdrait tout son sens si une disposition législative pouvait déterminer les délais et conditions dans lesquels il doit s'exercer dans une matière particulière. La procédure préalable au dépôt des projets de lois, prévue par le même article 39, deviendrait alors sans objet : ni l'avis du Conseil d'Etat, ni la délibération du Conseil des Ministres ne sont compatibles avec une compétence qui serait liée par le législateur.
Il résulte de l'ensemble de l'article 39 que si le Parlement veut être saisi d'un texte, il incombe à ses membres de déposer une proposition de loi.
Au demeurant dans tous les cas où le Gouvernement a formellement opposé l'article 41 à de telles injonctions, il a obtenu l'accord du Président de l'Assemblée intéressée .
III : On observera enfin que si le Conseil Constitutionnel décide de prononcer l'inconstitutionnalité du paragraphe VI de l'article 61, il ne devrait pas en résulter que ne puissent être promulgués les cinq autres paragraphes du même article.
Ces paragraphes traitent, en effet, de la révision des actifs non amortissables et recevront application dès 1977. Le paragraphe VI est relatif aux actifs amortissables, dont la révision éventuelle ne pourrait être mise en oeuvre qu'après l'adoption d'un nouveau projet de loi. Le dispositif adopté par le Parlement implique donc que les deux types de révision puissent être mis en oeuvre séparément.