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Décision n° 75-60 DC du 30 décembre 1975 - Saisine par 60 députés

Loi de finances pour 1976 et notamment ses articles 41-III et 47
Conformité

Conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1976 telle qu'elle vient d'être adoptée par le Parlement.
Nous estimons que les articles 39 (Comptes retraçant des opérations à caractère temporaire : services votés) et 45 (Comptes de réglement avec les Gouvernements étrangers : Mesures nouvelles) *ARTICLES 41-III et 47* ne sont pas conformes à la Constitution pour les motifs suivants.
En vertu de l'article 27 de l'ordonnance n 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, "les comptes de réglement avec les gouvernements étrangers retracent des opérations faites en application d'accords internationaux approuvés par la loi.
Cette disposition ne fait que reprendre, en la confirmant, une autre disposition insérée sous l'article 53 de la Constitution et selon laquelle les accords « qui engagent les finances de l'Etat » ne peuvent être approuvés qu'en vertu d'une loi.
Or, le compte de réglement avec les Gouvernements étrangers, intitulé « Compte de consolidation des dettes commerciales de pays étrangers », et dont les dotations financières de l'exercice 1976 figurent sous les articles 39 et 45 de la loi de finances pour 1976 retrace, notamment, les conséquences des accords conclus le 15 juin 1972 et le 16 septembre 1974 entre le Gouvernement Français et le Gouvernement du CHILI.
Toutefois, ces deux accords conclus avec le CHILI n'ont pas été soumis à l'approbation du Parlement.
Il s'en suit que les crédits destinés à couvrir les engagements financiers résultant, pour le budget de l'Etat, des deux accords susvisés ne sont pas conformes, ni en services votés, ni en mesures nouvelles, aux dispositions de l'article 53 de la Constitution et à celles de l'article 27 de la loi organique sur les lois de finances.
Sans doute pourrait-on considérer que l'approbation des dépenses vaut approbation indirecte des accords.
Mais une telle interprétation ne serait pas conforme à la Constitution.
En effet, selon l'article 55 de la Constitution, les « accords régulièrement approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ».
C'est ce qui explique, semble-t-il, que la procédure d'approbation d'un accord international fasse l'objet de dispositions spéciales dans le Réglement de l'Assemblée nationale (Art 128 et 129). C'est ainsi que le Règlement de l'Assemblée, qui a été déclaré conforme à la Constitution, interdit toute approbation d'un accord dans des formes autres que celles prévues aux articles 128 et 129. Il s'en suit qu'aucun accord soumis à approbation obligatoire en vertu de l'article 53 de la Constitution et de l'article 27 de la loi organique sur les lois de finances ne saurait être approuvé, ni directement, ni indirectement, par une loi autre que celles visées aux articles 128 et 129 du Règlement et, par suite, par une simple loi de finances.
Pour ces divers motifs, nous avons l'honneur de vous demander de bien vouloir déclarer non conformes à la Constitution les dispositions susvisées de la loi de finances pour 1976 en tant qu'elles comportent les crédits nécessaires aux dépenses entraînées par la mise en oeuvre des accords conclus avec le CHILI et qui n'ont fait, à ce jour, l'objet d'aucune loi d'approbation.