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Décision n° 2023-1068 QPC du 17 novembre 2023 - Décision de renvoi Cass.

Mme Astrid A. [Vente par adjudication de droits incorporels saisis]
Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 12 septembre 2023, 23-12.267, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2

Audience publique du mardi 12 septembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 03 novembre 2022

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

COUR DE CASSATION

IT2

______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________

Audience publique du 12 septembre 2023

RENVOI

Mme MARTINEL, présidente

Arrêt n° 999 F-D

Pourvoi n° J 23-12.267

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 SEPTEMBRE 2023

Par mémoire spécial présenté le 13 juin 2023, Mme [F] [C], domiciliée [Adresse 2], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° J 23-12.267 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans une instance l'opposant à la société SCI Feaugas, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [C], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

  1. Le 27 juillet 2020, la société SCI Feaugas (la société) a fait procéder à la saisie des droits incorporels détenus par Mme [C] dans une société civile immobilière.

  2. Le 3 septembre 2021, Mme [C] a assigné la société devant un juge de l'exécution en contestation du montant de la mise à prix des parts sociales saisies.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

  1. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux ayant confirmé le jugement du juge de l'exécution l'ayant déclarée irrecevable en sa contestation, Mme [C] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité « relative à la conformité des articles L. 213-6 du code des procédures civiles d'exécution, et des articles L. 231-1 et L. 233-3 du même code composant du titre III » La saisie des droits incorporels « du livre II » Les procédures d'exécution mobilière ", à l'article 34 de la Constitution relatif à la compétence du législateur, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et au droit au recours garanti par l'article 16 du même texte, en tant que ces dispositions, entachées d'incompétence négative, ne prévoient pas de possibilité pour le saisi, en matière de saisie mobilière de droits incorporels, de contester devant le juge de l'exécution le montant de la mise à prix. »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

  1. La question posée comporte une erreur de plume en ce qu'elle invoque l'article L. 213-6 du code des procédures civiles d'exécution au lieu du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, en vigueur depuis le 1er janvier 2020.

  2. L'article L. 231-1 du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011 en vigueur depuis le 1er juin 2012, figurant dans le titre III relatif à la saisie des droits incorporels du livre II, intitulé « Les procédures d'exécution mobilière » dans le chapitre 1er relatif aux dispositions générales, prévoit la possibilité, pour tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, de faire procéder à la saisie et la vente des droits incorporels, autres que les sommes d'argent, dont son débiteur est titulaire.

  3. L'article L. 233-1 du même code, créé par l'ordonnance précitée, figurant dans le chapitre III intitulé « Les opérations de vente », dispose que seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de vente les créanciers saisissants ou opposants qui se sont manifestés avant la vente.

  4. Il en résulte qu'à l'exception du visa, dans le mémoire spécial et motivé, d'un article L. 233-3, inexistant, ces textes sont applicables au litige.

  5. Ces dispositions législatives n'ont pas été déjà déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

  6. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

  7. En matière de saisie immobilière, pour la vente par adjudication, l'article L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution, créé par l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011, a instauré un recours permettant au débiteur, en cas d'insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, de saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble et les conditions du marché.

  8. En matière de saisie de droits incorporels, aucune disposition législative n'institue ou n'organise de recours du débiteur devant un juge pour contester le montant de la mise à prix fixé par le créancier poursuivant.

  9. A défaut de disposition législative instituant, en matière de vente sous forme d'adjudication des droits incorporels, un recours effectif du débiteur sur le montant de la mise à prix, lequel est fixé unilatéralement par le créancier poursuivant, la question d'une éventuelle méconnaissance par le législateur de sa propre compétence est susceptible de se poser au regard des droits et libertés garantis par les articles 2, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

  10. La question posée présente, dès lors, un caractère sérieux.

  11. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-trois.ECLI : FR : CCASS : 2023 : C200999