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Décision n° 2022-1027/1028 QPC du 9 décembre 2022 - Décision de renvoi CE 2

Conseil national de l’ordre des médecins [Dispositif de non-concurrence applicable à certains praticiens exerçant dans un établissement public de santé]
Conformité

Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 28/09/2022, 462977, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 5ème - 6ème chambres réunies

N° 462977
ECLI : FR : CECHR : 2022 : 462977.20220928
Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 28 septembre 2022
Rapporteur
Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public
M. Florian Roussel
Avocat(s)
SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juillet et 7 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national de l'ordre des médecins demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-132 du 5 février 2022 portant diverses dispositions relatives aux personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques des établissements publics de santé, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l'article L. 6152-5-1 du code de la santé publique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la santé publique, notamment son article L. 6152-5-1 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. A l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 5 février 2022 portant diverses dispositions relatives aux personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques des établissements publics de santé, le Conseil national de l'ordre national des médecins demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l'article L. 6152-5-1 du code de la santé publique.

3. Aux termes du I de l'article L. 6152-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-292 du 17 mars 2021 : « I. - Lorsqu'ils risquent d'entrer en concurrence directe avec l'établissement public de santé dans lequel ils exerçaient à titre principal, il peut être interdit, en cas de départ temporaire ou définitif, aux praticiens mentionnés à l'article L. 6151-1, au 1 ° de l'article L. 6152-1 et à ceux mentionnés au 2 ° du même article L. 6152-1, dont la quotité de temps de travail est au minimum de 50 % d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un cabinet libéral, un laboratoire de biologie médicale privé ou une officine de pharmacie. / Le directeur de l'établissement support fixe, sur proposition des directeurs des établissements membres du groupement hospitalier de territoire, après avis de la commission médicale de groupement et du comité stratégique, les conditions de mise en œuvre de cette interdiction, par profession ou spécialité, et, le cas échéant, par établissement, selon des modalités définies par voie réglementaire./ L'interdiction ne peut excéder une durée de vingt-quatre mois et ne peut s'appliquer que dans un rayon maximal de dix kilomètres autour de l'établissement public de santé dans lequel les praticiens mentionnés au premier alinéa du I du présent article exercent à titre principal./ En cas de non-respect de cette interdiction, une indemnité est due par les praticiens pour chaque mois durant lequel l'interdiction n'est pas respectée. Le montant de cette indemnité ne peut être supérieur à 30 % de la rémunération mensuelle moyenne perçue durant les six derniers mois d'activité. / Dès que le non-respect de cette interdiction a été dûment constaté, dans le respect du contradictoire, le directeur de l'établissement notifie au praticien la décision motivée fixant le montant de l'indemnité due calculé sur la base de la rémunération mensuelle moyenne perçue durant les six derniers mois d'activité ».

4. Ces dispositions sont applicables au litige et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Les moyens tirés de ce qu'elles portent atteinte à la liberté d'entreprendre et sont entachées d'incompétence négative affectant par elle-même la liberté d'entreprendre soulèvent une question présentant un caractère sérieux. Il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Conseil national de l'ordre des médecins.

D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du I de l'article L. 6152-5-1 du code de la santé publique est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête du Conseil national de l'ordre des médecins jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des médecins, au Premier ministre et au ministre de la santé et de la prévention.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

ECLI : FR : CECHR : 2022 : 462977.20220928