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Décision n° 2020-838/839 QPC du 7 mai 2020 - Décision de renvoi CE

M. Jean-Guy C. et autre [Cumul de poursuites et de sanctions en cas de gestion de fait]
Conformité - réserve

Conseil d'État

N° 436066
ECLI : FR : CECHS : 2020 : 436066.20200207
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Catherine Moreau, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats

Lecture du vendredi 7 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A... B..., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation du jugement n° 2017-01 GF du 6 décembre 2017 de la chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes le constituant débiteur de la somme de 416 484 euros et lui infligeant une amende de 80 000 euros, a produit un mémoire, enregistré le 11 juillet 2019 au greffe contentieux de la Cour des comptes, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par un arrêt n° S2019-2568 du 14 novembre 2019, enregistré le 19 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Cour des comptes, avant qu'il soit statué sur la requête d'appel de M. B..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat une question portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 131-11 du code des juridictions financières.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code des juridictions financières ;
- la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 131-11 du code des juridictions financières : « Les comptables de fait peuvent, dans le cas où ils n'ont pas fait l'objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l'article 433-12 du code pénal, être condamnés à l'amende par la Cour des comptes en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public. / Le montant de l'amende tient compte de l'importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l'immixtion dans les fonctions de comptable public s'est produite, ainsi que du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait. Son montant ne pourra dépasser le total des sommes indûment détenues ou maniées. »

3. Ces dispositions, qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Il est soutenu que, en ce qu'elles excluent le prononcé d'une amende uniquement en cas de poursuite sur le fondement de l'article 433-12 du code pénal, les dispositions de l'article L. 131-11 du code des juridictions financières sont contraires au principe de nécessité des délits et des peines. Le grief tiré de ce qu'elles portent ainsi atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe de la nécessité des délits et des peines résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux. Par suite, il y lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. B....

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 131-11 du code des juridictions financières est renvoyée au Conseil Constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée au Premier ministre, au ministre de l'action et des comptes publics et au parquet général près la Cour des comptes.