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Décision n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020 - Décision de renvoi Cass.

M. Maxime O. [Utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d'audiences relatives au contentieux de la détention provisoire II]
Non conformité totale - effet différé

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 4 février 2020
N° de pourvoi : 19-86945
Publié au bulletin Qpc incidente - renvoi au cc

M. Soulard (président), président
SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Y 19-86.945 FS-P+B+I
N° 171

4 FÉVRIER 2020
EB2

RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 FÉVRIER 2020

M. Y... X... a présenté, par mémoire spécial reçu le 4 décembre 2019, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1ère section, en date du 11 octobre 2019, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes en relation avec une entreprise terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Des observations complémentaires ont été produites.

Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. Y... X..., et les conclusions de Mme Le Dimna, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, M. Seys, conseillers de la chambre, M. Barbier, M. Violeau, conseillers référendaires, Mme Le Dimna, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, en ce qu'elles ne font pas obstacle à ce qu'en matière criminelle, une personne placée en détention provisoire soit privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus précisément, aux droits de la défense et à l'équilibre des droits des parties, tels qu'ils sont garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 à l'occasion de ce texte dans sa rédaction antérieure  »

2. Par l'article 1er de sa décision n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019, le Conseil constitutionnel, saisi sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution de la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du troisième alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-1636 du 1er décembre 2016 relative à la décision d'enquête européenne en matière pénale, a déclaré les termes « la chambre de l'instruction » contraires à la Constitution.

3. Après avoir constaté que les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, n'étaient plus en vigueur, le Conseil constitutionnel a décidé que la remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement de celles-ci méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait des conséquences manifestement excessives et que, par suite, ces mesures ne pouvaient être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

4. La déclaration d'inconstitutionnalité des termes « la chambre de l'instruction » pourrait être regardée comme s'appliquant également aux mêmes mots, figurant à l'alinéa 4 de l'article 706-71, dans sa rédaction issue de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, dès lors que ces dispositions sont rédigées de manière identique et ont un objet analogue.

5. Toutefois, seule une déclaration d'inconstitutionnalité des mots « la chambre de l'instruction » figurant à la première phrase du quatrième alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 précitée, prononcée sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, permettrait au Conseil constitutionnel, le cas échéant, d'abroger cette disposition, de fixer la date de cette abrogation et de reporter dans le temps ses effets.

6. En conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité ne peut être regardée comme dépourvue d'objet.

7. Il convient dès lors de rechercher si celle-ci remplit les conditions posées au premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

8. La disposition législative contestée est applicable à la procédure dès lors que M.X..., mis en examen pour des faits de nature criminelle, placé en détention provisoire le 24 septembre 2018, a comparu par visioconférence, le 11 octobre 2019, à l'occasion de son appel de l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire.

9. Cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel.

10. Enfin, le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulève nécessairement, eu égard à la décision du Conseil constitutionnel mentionnée ci-dessus, une question présentant un caractère sérieux.

11. En conséquence, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre février deux mille vingt.