Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 433460
ECLI : FR : CECHR : 2019 : 433460.20191107
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Thomas Janicot, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP GADIOU, CHEVALLIER, avocats
Lecture du jeudi 7 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 août et 12 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des industries de la protection des plantes demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 23 juillet 2019 du ministre de la transition écologique et solidaire, du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation relative à l'entrée en vigueur de l'interdiction portant sur certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons de protection de la santé et de l'environnement, en application de la modification de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime.
L'union requérante soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent la liberté d'entreprendre, garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Par un mémoire et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 septembre et 4 octobre 2019, le ministre de l'économie et des finances soutient que les conditions posées par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies.
La question prioritaire de constitutionnalité a été transmise au Premier ministre, au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui n'ont pas produit de mémoires.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Janicot, auditeur,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP) ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime : « Sont interdits à compter du 1er janvier 2022 la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précitée, sous réserve du respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce ».
3. D'une part, ces dispositions sont applicables au litige et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. D'autre part, le moyen tiré par l'Union des industries de la protection des plantes de ce que l'interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l'Union européenne pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement prévue par ces dispositions est susceptible de porter atteinte à la liberté d'entreprendre, garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux. Dans ces conditions, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est transmise au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête jusqu'à ce que le Conseil Constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union des industries de la protection des plantes, au ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.