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Décision n° 2018-763 DC du 8 mars 2018 - Saisine par 60 députés

Loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants
Conformité

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, en application du second alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiant.e.s.

Les député.e.s, auteurs et autrices de la présente saisine considèrent que ce texte méconnaît plusieurs exigences constitutionnelles et notamment le droit au recours découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le principe d'égal accès à l'instruction protégé par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et plusieurs principes constitutionnels encadrant le service public de l'Université française et de l'enseignement supérieur.

1. Sur l'atteinte à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au droit au recours protégé par votre jurisprudence.
L'article 1er de la loi présentement déférée constitue une validation législative de l'arrêté du 19 janvier 2018 créant la plateforme « Parcoursup » contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du droit constitutionnel au recours.
L'arrêté du 19 janvier 2018 autorisant la mise en œuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Parcoursup » et publié au Journal officiel le 20 janvier 2018, et donc entré en vigueur le lendemain de sa publication, fait l'objet de plusieurs recours devant le Conseil d'Etat. Cet arrêté constitue une application anticipée directe de ce projet de loi orientation et réussite des étudiant.e.s, instaurant la sélection à l'université dans des filières jusque-là non sélectives. Ces deux référés ayant été rejetés (pour défaut d'urgence, ordonnances n° 418029 et n° 417905), cet arrêté est toujours en vigueur, et une validation législative (voir-ci dessous) est effectivement mise en œuvre par les dispositions de l'article 1er contesté.

a. La loi orientation et réussite des étudiant.e.s apporte a posteriori la base légale à l'arrêté créant Parcoursup.
La plateforme Parcoursup comporte deux parties, l'une publique et l'autre privée. La partie publique présente les différents attendus de chaque filière, dans les limites du cadrage national des attendus. La partie privée concerne la collecte des données des candidates et des candidats, afin de les transmettre aux établissements d'enseignement supérieur qui pourront sélectionner les étudiantes et étudiants ou conditionner leur intégration au suivi d'un parcours individualisé.
Ainsi, les candidates et candidats doivent renseigner l'ensemble de leur parcours, stages, lettres de motivation et notes afin que les établissements d'enseignement supérieur puissent ensuite procéder à la sélection de leur dossier en fonction d'un côté des caractéristiques établies pour chaque filière et de l'autre des compétences du candidat ou de la candidate. Or, l'article L. 612-3 du code de l'éducation toujours en vigueur dispose que « Tout candidat est libre de s'inscrire dans l'établissement de son choix » et que « Les dispositions relatives à la répartition entre les établissements et les formations excluent toute sélection ».
En effet, l'article 1er modifie l'article L. 612-3 du code de l'éducation et instaure la sélection. Il dispose que « L'inscription peut, compte tenu, d'une part, des caractéristiques de la formation et, d'autre part, de l'appréciation portée sur les acquis de formation antérieure du candidat ainsi que sur ses compétences, être subordonnée à l'acceptation, par ce dernier, du bénéfice des dispositifs d'accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l'établissement pour favoriser sa réussite. »
De plus, l'article 1er instaure de manière encore plus claire la sélection à l'université dans les filières dites « en tension », c'est-à-dire quand le nombre de candidatures excède le nombre de places. Ainsi, l'alinéa 11 de l'article 1er dispose que « lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d'accueil d'une formation, les inscriptions sont prononcées par le président ou le directeur de l'établissement dans la limite des capacités d'accueil, au regard de la cohérence entre, d'une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences et, d'autre part, les caractéristiques de la formation ».
L'article 1er donne donc, a posteriori, une base légale à l'arrêté mettant en place la plateforme Parcoursup qui en était dépourvue à sa publication.

b. Cette validation législative de l'arrêté condamne par avance à être rejetés les recours introduits devant le Conseil d'Etat, contrevenant à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
En intervenant postérieurement à l'arrêté et alors que celui-ci était l'objet de recours contentieux devant la justice administrative, le pouvoir législatif procède implicitement mais nécessairement à une validation législative de l'acte administratif contesté, ce qui a pour effet de priver par avance les recours de toute chance d'aboutir.
L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « Toute société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Or, fondée sur cette disposition constitutionnelle, la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière est particulièrement restrictive puisqu'il considère « que si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition que cette modification ou cette validation respecte tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions et que l'atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification ou de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; ». (Décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, considérant 3).
Ainsi, en privant les recours de la possibilité d'aboutir en validant par la loi l'arrêté créant Parcoursup, l'article 1er contrevient notamment au principe de séparation des pouvoirs et du droit au recours en ce qu'aucun motif impérieux d'intérêt général suffisant ne vienne justifier cette grave atteinte aux principes constitutionnels en cause. Les requérant.e.s estiment qu'en conformité et en continuité de votre contrôle particulièrement vigilant sur cette pratique des validations législatives (notamment n° 2011-224 QPC, n° 2012-287 QPC, etc.), les dispositions contestées seront censurées comme inconstitutionnelles.

2. Sur la violation de l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction.
L'article 1er du projet de loi présentement déféré, en organisant un système de sélection des étudiant.e.s sur la base de critères non définis, est manifestement entaché d'incompétence négative en ce qu'il risque de conduire, s'il était appliqué, à une méconnaissance de l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction.
Le 6e alinéa de l'article 1er vise à permettre, dans certains cas, le caractère différé de l'inscription dans une formation de premier cycle à partir d'un dispositif de sélection des candidat.e.s. Cette disposition prévoit en effet que « L'inscription peut, compte tenu, d'une part, des caractéristiques de la formation et, d'autre part, de l'appréciation portée sur les acquis de la formation antérieure du candidat ainsi que sur ses compétences, être subordonné à l'acceptation, par ce dernier, du bénéfice des dispositifs d'accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l'établissement pour favoriser sa réussite ».
Ainsi, lorsque les inscriptions dans une filière excéderont les capacités d'accueil, l'accès immédiat ou différé des candidat.e.s à la filière d'enseignement de leur choix sera subordonné à une décision de la présidente ou du président de l'établissement.
Le traitement des candidat.e.s pourra ainsi varier, non seulement selon les filières choisies par les un.e.s et par les autres, mais également au regard d'une « appréciation » reposant sur des critères évoqués par la loi : acquis de la formation antérieure, compétences du candidat ou de la candidate.
Sans préjuger des qualités des dispositifs d'accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé dont pourront bénéficier une partie seulement des candidat.e.s souhaitant poursuivre une formation commune, force est de constater que la différence de traitement introduite par cette disposition repose sur des critères particulièrement flous dont l'appréciation dépendra entièrement des services compétents des établissements concernés.
Faute d'avoir édicté des critères suffisamment précis pour éviter tout risque de variation sensible dans l'interprétation des « attendus » entre les établissements et au sein d'un même établissement entre les candidat.e.s, le pouvoir législatif a créé les conditions d'une inévitable rupture d'égalité.
Cette disposition, entachée d'incompétence négative, est dans le même temps manifestement contraire au treizième alinéa du préambule de la Constitution française du 27 octobre 1946 en vertu duquel « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'Etat. » En effet, selon votre jurisprudence, il n'est possible de déroger à l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction que si les différences de traitement entre les étudiants « reposent sur des critères objectifs » (votre décision n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001).
A cet égard, non seulement le pouvoir législatif n'a pas lui-même défini les garanties propres à éviter les inégalités de traitement entre les candidat.e.s, mais il s'est borné à renvoyer à l'édiction ultérieure de « attendus » nationaux et locaux qui pourront ainsi être établis et modifiés de manière parfaitement arbitraire compte tenu de l'absence des garanties légales destinées à nous en prémunir. Certains attendus nationaux ont d'ores et déjà été fixés par des documents émanant du ministère de l'enseignement supérieur et dont la nature juridique n'est pas identifiée. Quant à la nature de ces critères, dont dépendra fondamentalement l'application de la loi, il vous appartiendra d'apprécier l'objectivité de la prédisposition attendue concernant les candidat.e.s en droit d'être « ouvert au monde » (1).
Ainsi, en offrant aux universités la possibilité de définir par elles-mêmes les attendus nécessaires pour l'accès à certaines de leurs filières d'étude, sans fixer les garanties légales propre à assurer l'égalité de traitement des candidat.e.s, le pouvoir législatif a manifestement méconnu l'étendue de sa compétence et porté atteinte à l'exigence d'intelligibilité et de clarté de la loi (votre décision 2006-540 DC). Sauf à dénier toute effectivité à l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction, vous censurerez cette disposition.

3. Sur la méconnaissance de principes constitutionnels encadrant le service public de l'Université française et de l'enseignement supérieur.
Il est prévu, à l'alinéa 10 de l'article 1er que « Les capacités d'accueil des formations du premier cycle de l'enseignement supérieur des établissements relevant des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur sont arrêtées chaque année par l'autorité académique après dialogue avec chaque établissement. Pour déterminer ces capacités d'accueil, l'autorité académique tient compte des perspectives d'insertion professionnelle des formations, de l'évolution des projets de formation exprimés par les candidats ainsi que du projet de formation et de recherche de l'établissement », dispositions devant être combinées avec les dispositions suivantes influant sur l'orientation des candidat.e.s et l'attractivité des formations :
- En amont à savoir le dispositif d'information et d'orientation qui influera nécessairement sur le choix d'inscription : « L'inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est précédée d'une procédure nationale de préinscription qui permet aux candidats de bénéficier d'un dispositif d'information et d'orientation qui, dans le prolongement de celui proposé au cours de la scolarité du second degré, est mis en place par les établissements d'enseignement supérieur. Au cours de cette procédure, les caractéristiques de chaque formation, y compris des formations professionnelles et des formations en apprentissage, et les statistiques prévues à l'article L. 612-1 sont portées à la connaissance des candidats (…) ces caractéristiques font l'objet d'un cadrage national fixé par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. »
- Durant les années universitaires elle-même, à travers le deuxième alinéa de l'article 2 bis A qui prévoit la création d'un « observatoire de l'insertion professionnelle est institué dans chaque université par délibération du conseil d'administration après avis de la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique. Cet observatoire remplit la mission définie au 1 ° de l'article L. 124-2. ».
En outre, l'alinéa 6 de l'article 1er du projet de loi dispose que : « L'inscription peut, compte tenu, d'une part, des caractéristiques de la formation et, d'autre part, de l'appréciation portée sur les acquis de la formation antérieure du candidat ainsi que sur ses compétences, être subordonnée à l'acceptation, par ce dernier, du bénéfice des dispositifs d'accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l'établissement pour favoriser sa réussite. Il est tenu compte, à cette fin, des aménagements et des adaptations dont bénéficient les candidats en situation de handicap. »

a. Sur l'indépendance des professeur.e.s, enseignant.e.s-chercheur.se.s et la liberté académique.
Dans sa décision n° 83-165 DC, loi relative à l'enseignement supérieur, du 20 janvier 1984, le Conseil constitutionnel a dégagé un principe fondamental reconnu par les lois de la République française (PFRLR), qui consacrait la liberté et l'indépendance des enseignant.e.s-chercheur.se.s et notamment des professeur.e.s (« par leur nature même, les fonctions d'enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l'intérêt même du service, que la libre expression et l'indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables et qu » en ce qui concerne les professeurs (…), la garantie de l'indépendance résulte (...) d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ", considérants 19 et 20).
Toutefois, jusqu'ici, il ressort de ces décisions successives (lois déférées ou cas d'espèce dans le cadre des questions prioritaires de constitutionnalité notamment) que le Conseil constitutionnel n'a eu depuis cette décision de 1984, l'occasion de ne se prononcer qu'à une seule occasion et ce sur un objet particulièrement restreint, à savoir la place spécifique des professeur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.se.s dans le processus décisionnel de l'université et notamment pour la nomination à des emplois de professeur.e.s même (Décision n° 2010-20/21 QPC du 6 août 2010, où il a été précisé que ce PFRLR implique leur association aux choix de leurs pairs mais pas que « toutes les personnes intervenant dans la procédure de sélection soient elles-mêmes des enseignants-chercheurs d'un grade au moins égal à celui de l'emploi à pourvoir »).
Il est à noter qu'en l'état de leurs recherches, les requérant.e.s constatent aussi que le Conseil d'Etat n'a lui aussi pu préciser ce PFRLR qu'en ce qui concerne le processus décisionnel au sein des universités et la place particulière de ces professeur.e.s, enseignant.e.s chercheur.se.s. Par exemple, la présence - « même non délibérante » de personnes n'ayant pas rang de professeur.e dans des salles où étaient délibérées des affaires relatives à des professeur.es méconnaissaient ce PFRLR (CE, 19 octobre 2017, n° 391707 ; CE, 22 juin 2007, n° 292167, Ordonnance du 22 juin 2009 du juge des référés du Conseil d'Etat, Université de Picardie Jules Vernes, n° 328756).
Vous noterez enfin que dans la décision initiale consacrant ce PFRLR, le Conseil constitutionnel avait alors autant apprécié l'article 55 (à partir duquel il dégage ce PFRLR) que l'article 3 de cette même loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 relative à l'enseignement supérieur. Or cet article 3 disposait que « le service public de l'enseignement supérieur est laïc et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l'objectivité du savoir, il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l'enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ». En ce sens, ce PFRLR consacré par le Conseil constitutionnel en 1984 impliquait nécessairement une effectivité de la préservation de la liberté et de l'indépendance des professeur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.se.s. Cette effectivité ne pouvant être appréhendée que comme « dynamique », à savoir nécessitant non seulement de préserver les garanties essentielles de l'application de ce principe, mais aussi de s'assurer de son développement progressif et de sa non-régression.
Or les dispositions contestées sont tout d'abord inconstitutionnelles car elles méconnaissent directement ce PFRLR et sont entachées d'incompétence négative.
En premier lieu, ces dispositions ont pour conséquence directe de faire intervenir des considérations et des acteurs et actrices extérieur.e.s sur la décision ou non de créer, maintenir, faire évoluer ou supprimer une formation universitaire, qui ne devrait toutefois seulement relever que des établissements d'enseignement supérieurs eux-mêmes.
Or, les dispositions ci-dessus induisent tout d'abord que « Les capacités d'accueil des formations du premier cycle de l'enseignement supérieur des établissements relevant des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur sont arrêtées chaque année par l'autorité académique après dialogue avec chaque établissement. » Ce qui signifie que dépendent de « l'autorité académique » l'autorisation de se développer d'une formation (plus de cours dispensés, plus de moyens humains et financiers) ou l'injonction à ce qu'elle réduise ses effectifs (moins de cours dispensés, moins de moyens humains et financiers), et donc par extension une appréciation potentielle sur sa viabilité, ainsi que sur la création d'une nouvelle formation (par exemple on peut tout à fait imaginer une formation à haute capacité d'accueil que l'autorité académique souhaite voir divisée en deux formations distinctes). Or cette décision souveraine relative à l'existence ou non d'une formation ne doit pas relever de l'autorité académique seule, mais bien de l'enseignement supérieur/de l'université eux-mêmes, permettant par là-même de garantir la liberté et l'indépendance méme des professeur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.se.s. En effet, l'article L. 713-1 du code de l'éducation énonce que : « Les Universités regroupent diverses composantes qui sont : 1 ° Des unités de formation et de recherche, des départements, laboratoires et centres de recherche, et d'autres types de composantes créés par délibération du conseil d'administration de l'université après avis du conseil académique (…) » et son article L. 711-1 : « Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel sont des établissements nationaux d'enseignement supérieur et de recherche jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière. Ces établissements sont gérés de façon démocratique avec le concours de l'ensemble des personnels, des étudiants et de personnalités extérieures. Ils sont pluridisciplinaires et rassemblent des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs de différentes spécialités, afin d'assurer le progrès de la connaissance et une formation scientifique, culturelle et professionnelle préparant notamment à l'exercice d'une profession. Ils sont autonomes. Exerçant les missions qui leur sont conférées par la loi, ils définissent leur politique de formation, de recherche et de documentation dans le cadre de la réglementation nationale et dans le respect de leurs engagements contractuels. » Les dispositions contestées auront ainsi pour effet direct d'introduire un pouvoir décisionnel entièrement distinct et avec des intérêts propres qui ne sont pas ceux des professeur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.se.s au titre de leur liberté et indépendance académique, sans que celle-ci ne soit suffisamment explicitement protégée. Ainsi, par leur nature tant que par leurs effets directs, ces dispositions méconnaissent le principe fondamental reconnu par les lois de la République suscité et sont entachées d'incompétence négative, notamment en ce que les modalités de garantie de ce principe constitutionnel et la nature de l'association des professeur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.se.s à ce titre n'est pas précisée.
En outre, les dispositions relatives au dispositif d'information et d'orientation impliquent nécessairement que la volonté de candidat.e.s à s'inscrire dans une formation, son attractivité, et donc par extension la capacité d'une formation à se développer, se maintenir, ou à ne pas être supprimée (ce qui arrivera si une formation n'a plus d'inscriptions) va dépendre de l'information qui va être fournie aux candidat.e.s lors de la phase de préinscription. Cette information va porter sur les critères suivants : « des statistiques comportant des indicateurs d'inscription des étudiante.s dans toutes les formations dispensées, de réussite aux examens et aux diplômes, de poursuite d'études et d'insertion professionnelle des étudiante.s. » (article L. 612-1 du code de l'éducation auquel renvoie les dispositions contestées). Ainsi, les résultats aux formations concernées, qui ne découlent en outre pas nécessairement de la nature ou de la qualité des enseignements dispensés ou des modalités d'évaluation et de validation des connaissances, mais bien évidemment aussi des particularités propres à tous les étudiant.e.s y étant inscrites, vont avoir une influence directe sur l'attractivité et donc la viabilité de ces formations. Ainsi, l'existence de formations n'est ici proposée à l'appréciation des étudiant.e.s que sur des critères de validation et d'accession à un niveau supérieur d'études, ainsi qu'à l'existence ou non d'une insertion professionnelle (car il va de soi que ces dispositions n'allaient pas jusqu'à préciser le type d'insertion professionnelle/de contrat, et le niveau de précarité possible !). Ces statistiques auraient tout à fait pu être complétées par d'autres, tel le taux de satisfaction des étudiant.e.s, l'évaluation par les pair.e.s académiques, qui auraient pu tempérer le caractère partial ainsi présenté des formations (l'information présente uniquement le taux de réussite et l'insertion professionnelle). L'univocité de ces critères tend ainsi à menacer l'indépendance et la liberté des professeur.e.s et enseignant.e.s chercheur.se.s dans leur décision à soutenir la création, le maintien, l'évolution et la suppression d'une formation, ainsi que les modalités d'organisation de cette formation et son contenu pédagogique, afin que celle-ci s'adapte pour donner lieu à des indicateurs statistiques satisfaisants (L. 621-1 suscité) et ainsi mettre en concurrence des formations au détriment de l'effectivité du PFRLR. Les dispositions contestées auront ainsi pour effet direct d'introduire une logique - en l'espèce la réussite des étudiant.e.s et l'insertion professionnelle/qui équivaut à une logique utilitariste brute - entièrement distincte et avec des intérêts propres qui ne sont pas ceux des professeur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.e.s au titre de leur liberté et indépendance académique, sans que celle-ci ne soit suffisamment explicitement protégée. Ainsi, par leur nature tant que par leurs effets directs, ces dispositions méconnaissent le principe fondamental reconnu par les lois de la République suscité et sont entachées d'incompétence négative - notamment en ce que le seul renvoi à un cadrage national fixé « par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur » ne permet pas la garantie de la préservation de ce principe constitutionnel en cause.
Enfin, la création d'un « observatoire de l'insertion professionnelle (…) chaque Université par délibération du conseil d'administration après avis de la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique. Cet observatoire remplit la mission définie au 1 ° de l'article L. 124-2. » ne précise absolument pas quelle place et représentation exacte les professeur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.se.s auront dans la composition de cet observatoire, ses missions et ses productions (par exemple les statistiques éventuelles qu'il lui reviendra possiblement d'élaborer (au titre de l'article L. 621-2 du code de l'éducation suscité). Les dispositions contestées auront ainsi pour effet direct d'introduire un pouvoir décisionnel et une logique - en l'espèce la réussite des étudiant.e.s et l'insertion professionnelle, qui équivaut à une logique utilitariste brute - entièrement distincts et avec des intérêts propres qui ne sont pas ceux des professeur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.se.s au titre de leur liberté et indépendance académique, sans que celle-ci ne soit suffisamment explicitement protégée. Ainsi, par leur nature tant que par leurs effets directs, ces dispositions méconnaissent le principe fondamental reconnu par les lois de la République suscité et sont entachées d'incompétence négative - notamment en ce que les modalités de garantie de ce principe constitutionnel et la nature de l'association des professeur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.e.s à ce titre n'est pas précisée.

b. S'agissant des étudiant.e.s en situation de handicap : de la méconnaissance du principe de solidarité nationale, de l'égal accès à l'instruction, au service public de l'enseignement supérieur et de l'égalité devant la loi.
Les dispositions suscitées évoquent la mise en place un traitement particulier pour les candidat.e.s en situation de handicap lors de leur inscription. Or ce dispositif ne précise aucunement en quoi il permettra, en conformité avec les exigences constitutionnelles, de favoriser l'accès à l'enseignement supérieur des personnes en situation de handicap, et non de restreindre leur accès effectif à ces formations (au motif par exemple que son acceptation des dispositifs d'accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l'établissement pour favoriser sa réussite rendue impossible, de par des contraintes liées à leur handicap).
En étant aussi peu précises et en laissant une marge d'interprétation aussi large au pouvoir réglementaire, ces dispositions sont entachées d'incompétence négative et méconnaissent ainsi les principes à valeur constitutionnelle de solidarité nationale consacrés par le onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, d'égalité devant la loi (entre personnes en situation de handicap et celles qui ne le sont pas), ainsi que d'égal accès au service public et d'égal accès à l'instruction.

4. Sur l'inintelligibilité de ce projet de loi.
A de nombreux égards, le texte déféré ne répond pas à l'exigence constitutionnelle d'intelligibilité de la loi résultant de votre jurisprudence.
L'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi se fonde sur les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont le but est de « prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi » (décision n° 2005-514 DC, 28 avril 2005, considérant 14).
Or, l'article 34 de la Constitution confie au pouvoir législatif le soin de déterminer les principes fondamentaux de l'enseignement. Les modalités d'entrée dans l'enseignement supérieur doivent être considérées comme faisant partie des principes fondamentaux de l'enseignement et par conséquent, doivent être précisément définies par le pouvoir législatif.
Au sein de l'article ler, il est fait mention aux alinéas 6, 11, 22, 23 de la prise en compte « des compétences » des candidates et candidats afin de prononcer, ou non, l'inscription dans une filière, qu'elle soit le fait de l'établissement d'enseignement supérieur ou de l'autorité académique.
L'absence d'objectivité que recouvre la simple notion de « compétences », sans plus de précisions des critères pris en compte dans le processus de sélection, ne répond pas à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi et l'entache en outre d'incompétence négative. Le pouvoir législatif méconnaît de fait sa compétence consacrée par l'article 34 de la Constitution et reporte sur l'autorité administrative le soin de définir les attendus pour chaque filière, à travers le cadrage national des attendus édités par la directrice de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle et en laissant le soin aux établissements d'enseignement supérieur de définir une partie des attendus.
Ainsi, la loi doit clairement définir quels critères de sélection seront appliqués, c'est-à-dire définir ce que recouvrent les compétences des élèves, afin de prémunir les candidates et les candidats de décisions arbitraires.
En corollaire, en ne définissant pas de manière suffisamment claire et précise la nature des attendus servant de critères de sélection dans les différentes filières de l'enseignement supérieur, le pouvoir législatif n'a pas épuisé sa compétence et, de fait, ne permet pas aux candidates et candidats à l'enseignement supérieur de se prémunir face au risque d'arbitraire dans le processus de sélection.
Le code de l'éducation actuel interdit la sélection pour l'entrée à l'université tout en autorisant un grand nombre d'établissement à déroger à ce principe. L'article 1er du projet de loi contesté pourrait se résumer à l'extension de ce système dérogatoire à l'ensemble des établissements.
S'agissant de l'inscription dans une formation du premier cycle, l'alinéa 3 de l'article L. 612-3 du code de l'éducation tel que modifié par le projet de loi est particulièrement peu clair. Il prévoit que l'inscription peut être subordonnée à l'acceptation par le candidat ou la candidate du bénéfice de dispositifs d'accompagnement pédagogique. Toutefois, la mise en place d'une conditionnalité (acceptation ou non de dispositifs d'accompagnement) pour l'accès à l'enseignement supérieur devrait a minima mentionner quelle est l'autorité compétente pour décider de la nature, du nombre de ces dispositifs d'accompagnement qui sont proposés au candidat ou à la candidate, ainsi que les conditions dans lesquelles ceux-ci valident ou non la réponse du candidat ou de la candidate, et peuvent potentiellement lui proposer un autre aménagement. En outre, l'absence de précisions quant aux caractérisations précises de ces dispositifs, à leurs modalités de suivi et de validation constitue de même un manque particulièrement préjudiciable.
S'agissant de la plateforme Parcoursup, aucune autorité administrative n'est compétente pour édicter un mécanisme de sélection à l'entrée d'un établissement d'enseignement supérieur, sauf pour l'accès aux formations prévues à l'alinéa 3 de l'article L. 612-3 du code de l'éducation.
S'agissant des capacités d'accueil des formations, celles-ci seront fixées en tenant compte « des perspectives d'insertion professionnelle des formations ». En permettant à l'autorité académique de fixer ses capacités d'accueil en fonction de ces « perspectives », le pouvoir législatif prévoit un critère dont les modalités d'appréciation ne sont pas déterminées par la loi. Le terme « perspectives » ne mentionne en aucun cas un seuil précis ou une modalité de comparaison entre formations. En outre, aucune mention n'est faite de la méthode retenue pour apprécier le taux d'insertion professionnelle des formations.
S'agissant du bilan détaillé par académie, le pouvoir législatif a prévu que la ministre chargée de l'enseignement supérieur rende public un bilan détaillé par académie de la procédure nationale de préinscription dans le premier cycle de l'enseignement supérieur ainsi que les prévisions démographiques d'entrée dans le premier cycle universitaire pour la prochaine rentrée.
Pourtant, le Conseil d'Etat, dans sa décision n° 393743, avait déjà censuré les dispositions du projet de loi qui prévoyait qu'un bilan de la loi était remis dans un délai imparti au motif qu'il estime « que ces dispositions ne relèvent pas des principes fondamentaux de l'enseignement au sens de l'article 34 de la Constitution et observe qu'il est toujours loisible au ministre chargé de l'enseignement supérieur de demander aux services et corps d'inspection, qui ont une mission générale d'évaluation, placés auprès de lui de produire ce bilan ».
Si, étant donné votre jurisprudence constante qui permet à la loi d'empiéter sur le domaine réglementaire (notamment décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, « que, par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi, mais a voulu, à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à l'autorité réglementaire un domaine propre et conférer au Gouvernement, par la mise en œuvre des procédures spécifiques des articles 37, alinéa 2, et 41, le pouvoir d'en assurer la protection contre d'éventuels empiétements de la loi »), vous apprécierez à l'aune de ce mélange de dispositions de nature législative et réglementaire (niveau juridique décrétal voire relevant d'arrêtés ministériels) dans la loi l'intelligibilité nécessaire qui en découle eu égard notamment aux destinataires de cette loi (voir ci-dessous).
Par ailleurs, le texte méconnaît l'exigence d'accessibilité du droit (votre décision n° 99-421). Cet objectif prohibe ainsi la complexité « inutile » et « excessive » de la loi au regard de l'aptitude de ses destinataires (décisions n° 2003-473 DC, 26 juin 2003, considérant 5 et n° 2005-530 DC, 29 décembre 2005, considérant 77). Or, en l'espèce, outre les administrations et praticien.ne.s de l'enseignement supérieur concerné.e.s, ce sont bien avant tous les candidat.e.s qui sont les destinataires de cette loi, candidat.e.s qui en grande majorité peuvent ne pas être juridiquement majeur.e.s, dont le niveau d'étude est de facto celui de l'enseignement du second degré et qui n'ont pas nécessairement eu d'instruction juridique qui leur a été dispensée dans le cadre de l'éducation nationale. A cet égard, l'excessive inintelligibilité évoquée ci-dessus entraîne mécaniquement une difficulté d'accessibilité aux conséquences dirimantes.
De plus, aucune mention n'est prévue, dans le cas du bénéfice par le candidat ou la candidate des dispositifs d'accompagnement pédagogique, de l'issue de la candidature et aucune obligation n'est faite de porter à la connaissance du candidat ou de la candidate les critères de validation dudit accompagnement.
Ainsi, eu égard à ces éléments, les dispositions en cause méconnaissent les principes constitutionnels suscités.

5. Sur la méconnaissance du principe constitutionnel d'un droit pour les administré.e.s d'obtenir une décision de l'administration, dont découle le droit constitutionnel au recours.
a. Sur la méconnaissance du droit à la décision de l'administration dont bénéficient les administré.e.s
L'alinéa 7 de l'article 1er du projet de loi qui vous est déféré dispose que « Le silence gardé par un établissement sur une candidature présentée dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du présent I ne fait naître aucune décision implicite avant le terme de cette procédure. »
Il est par conséquent prévu, à cet alinéa, que le silence de l'administration ne débouche pas sur une décision, de quelque nature que ce soit (temporaire, définitive, d'acceptation totale, d'acceptation partielle, de rejet total, de rejet partiel). Les candidat.e.s n'auront ainsi d'une part pas de droit implicitement créé (ils et elles ne pourront pas être implicitement inscrit.e.s). Mais ils n'auront pas non plus la possibilité de contester une décision implicite de rejet.
Or le « droit à une décision », droit constitutionnel à ce que toute autorité publique sollicitée par un.e administré.e prenne une décision a minima d'acceptation ou de rejet de sa requête, ou tout du moins que le silence de cette même administration équivaille juridiquement à une telle décision, qui conditionne et permet nécessairement l'effectivité du droit au recours (article 16 de la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen), a été progressivement consacré depuis la fin du XIXe siècle, et doit pouvoir être reconnu comme principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) ou à tout le moins au titre des principes à valeur constitutionnelle.
Quatre conditions doivent être réunies pour qu'un principe soit reconnu au titre des PFRLR énoncés par le préambule de la Constitution de 1946. Il est nécessaire que ce principe soit contenu dans un texte législatif antérieur à 1946 d'une portée générale énonçant ce principe. Il doit en outre avoir été consacré dans un véhicule législatif adopté pendant une période républicaine, il doit avoir reçu une application continue et il doit être général et non contingent.
Le principe selon lequel le silence constituait une décision a été admis d'abord par l'article 7 du décret du 2 novembre 1864 qui dispose que dès lors qu'un ministre n'a pas statué dans un délai de quatre mois, les parties sont habilitées à considérer leur recours comme rejeté et à se pourvoir devant le Conseil d'Etat.
Il a ensuite été confirmé et précisé au niveau législatif strict par la loi du 17 juillet 1900 qui introduit le principe général selon lequel « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le Conseil d'Etat que sous la forme d'un recours contre une décision administrative, lorsqu'un délai de plus de quatre mois s'est écoulé sans qu'il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées pourront considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le Conseil d'Etat ».
Il est admis par votre jurisprudence que pour être fondamental, un principe doit intéresser des domaines essentiels pour la vie de la Nation, comme les libertés fondamentales, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs publics (2).
Ce « droit à une décision » constitue un principe essentiel pour l'organisation des pouvoirs publics. Il découle de deux articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; l'article 15, selon lequel « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » et l'article 16 selon lequel « Toute société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a pas de Constitution ».
Comme l'a démontré la doctrine, et notamment selon les termes du professeur Maurice Hauriou (3), ce « droit à la décision » est une « fiction essentielle », nécessaire pour sauvegarder les droits des administré.e.s et permettre la liaison du contentieux.
Ce principe a ainsi été consacré en tant que principe général du droit, et donc de facto de norme de niveau législatif (puisque seule une loi ou une disposition normative supra-législative peut faire échec à un tel principe) à travers la jurisprudence administrative constante, notamment du Conseil d'Etat. A cet égard, ce principe général du droit dispose que le silence de l'administration vaut décision implicite de rejet (4). Vous avez, vous-même, explicitement repris cette jurisprudence en énonçant que « d'après un principe général de notre droit le silence gardé par l'administration vaut décision de rejet et, qu'en l'espèce, il ne peut y être dérogé que par une décision législative » (5). Cette dérogation évoquée visait à permettre au pouvoir législatif d'autoriser à ce que des décisions implicites de l'administration vaillent décisions d'acceptation, ce en conformité avec les obligations qui découlent des articles 15 et 16 de la DDHC (garantissant notamment les droits fondamentaux des administrés, au titre desquels le droit au recours) (6), et avec pour finalité d'éviter précisément tout vide juridique qui aurait impliqué que l'arbitraire l'emporte sur l'Etat de droit.
D'ailleurs, si la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyen.ne.s a inversé le régime général et l'exception, en ce que le sens du silence de l'administration vaut désormais acceptation et par dérogation le rejet, il n'a jamais été question de remettre en cause le principe selon lequel le silence de l'administration créait par nature une décision de celle-ci.
Cette « fiction légale », décelée par la doctrine, notamment le professeur Edouard Laferrière (7) a d'ailleurs eu pour corollaire différentes précisions à ce principe, pour encadrer les conditions dans lesquelles l'administration devait rendre ses décisions à la suite de demandes d'administré.e.s, et son silence être considéré comme une même décision. Le premier d'entre eux fut d'encadrer l'action de l'administration dans des délais. Puis de l'obliger à rendre des motivations de ses décisions individuelles défavorables (loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, code des relations entre le public et l'administration).
Ainsi, c'est tout l'ordre administratif, contentieux et non contentieux qui repose sur ce principe fondamental. Sa remise en cause par l'alinéa 7 de l'article 1er de ce projet de loi que nous vous demandons de censurer méconnaît ainsi manifestement et substantiellement un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ou à tout le moins un principe à valeur constitutionnelle.

b. Sur la méconnaissance du droit au recours
L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 pose le principe du droit au recours : « Toute société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».
Selon votre jurisprudence constante, « il résulte de cette disposition qu'en principe il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction » (8).
Or, l'alinéa 7 de l'article ler du projet de loi qui est soumis à votre analyse, dispose que « le silence gardé par un établissement sur une candidature présentée dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du présent I ne fait naître aucune décision implicite ».
L'absence de réponse ne constituant pas une décision administrative, toute tentative de recours contre le silence de l'administration ne saurait être portée devant une juridiction administrative. Des candidat.e.s vont ainsi voir leur avenir scellé par un silence qu'ils n'auront pas la possibilité de contester. Par voie de conséquence, le droit au recours garanti par notre Constitution connaît une atteinte substantielle en ne permettant aucune voie de recours.

Par ces motifs et tous autres à déduire ou suppléer même d'office, les député.e.s, auteurs et autrices de la présente saisine, vous demandent de bien vouloir invalider les dispositions ainsi entachées d'inconstitutionnalité.

(1) https://www.youscribe.com/BookReader/Index/2909055/? documentle3196608.

(2) N° 98-407 DC du 14 janvier 1999 - Loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des Conseils régionaux, cons 9.

(3) Maurice HAURIOU, Cons. d'Et., 26 mars 1920, note Heuriou reproduite dans M. HAURIOU, Notes d'arrêts sur décisions du Conseil d'Etat et du Tribunal des Conflits ; t. 2, Paris, Edition la Mémoire du Droit, 2000.

(4) CE, 14 février 2001, Ministre de l'emploi et de la solidarité c/M. Boureib, n° 202820, T. pp 793-955 : « considérant que les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce qu'une décision implicite de rejet soit acquise par application de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable, issu du principe général du droit selon lequel le silence gardé par l'administration vaut décision de rejet ».

(5) Cons. Const. Déc. n° 69-55 L du 26 juin 1969.

(6) Selon votre jurisprudence constante, « il résulte de cette disposition qu'en principe il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction », Cons. Const. Déc. n° 96-373 DC du 9 avril 1996 ; Cons. const., déc. n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012.

(7) Edouard LAFERRIERE : Traité de Juridiction administrative et des recours contentieux, t.2, Paris, Berger-Levrault, 1888, p. 400.

(8) Conseil constitutionnel, 96-373 DC du 9 avril 1996 ; Cons. const. déc. n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012.