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Décision n° 2018-700 QPC du 13 avril 2018 - Décision de renvoi CE

Société Technicolor [Report en avant des déficits des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés en cas d'abandons de créances]
Conformité

Conseil d'État
N° 415695
ECLI : FR : CECHR : 2018 : 415695.20180126
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Laurent Domingo, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
lecture du vendredi 26 janvier 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires distincts, enregistrés les 16 novembre et 28 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Technicolor demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du paragraphe n° 220 des commentaires administratifs publiés le 10 avril 2013 au Bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-IS-DEF-10-30, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article 17 la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 ;
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. En vertu du 3ème alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts : « Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice dans la limite d'un montant de 1 000 000 euros majoré de 50 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant (...) ». Selon le 4ème alinéa de ce I, dans sa version résultant de l'article 24 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 : « La limite de 1 000 000 euros mentionnée au troisième alinéa est majorée du montant des abandons de créances consentis à une société en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ou dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ouverte à son nom ». Dans sa version issue du I de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, ce 4ème alinéa dispose : « Pour les sociétés auxquelles sont consentis des abandons de créances dans le cadre d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ou lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ouverte à leur nom, la limite de 1 000 000 euros mentionnée à l'avant-dernier alinéa du présent article est majorée du montant desdits abandons de créances ». Le II de cet article 17 dispose : « Les dispositions du I ont un caractère interprétatif ».

3. Les dispositions du II de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, qui confèrent un caractère interprétatif à la nouvelle rédaction du 4ème alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, issue du I de cet article 17, sont applicables au litige par lequel la société Technicolor demande l'annulation du paragraphe n° 220 des commentaires administratifs publiés le 10 avril 2013 au Bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-IS-DEF-10-30 et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte au principe de la garantie des droits énoncé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du II de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Technicolor et au ministre de l'action et des comptes publics.