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Décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017 - Saisine par 60 députés

Loi pour la confiance dans la vie politique
Non conformité partielle - réserve

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,

En application du second alinéa de l'article 61 de la Constitution, les députés soussignés ont l'honneur de vous déférer les articles premier, 2, 3 cinquième et sixième alinéas, 11, 12 III, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 23 et 30 de la loi pour la confiance dans la vie politique, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement le 3 août 2017.

A l'appui de cette saisine, sont développés les griefs suivants.

***

Quant à la procédure
Sur les conditions d'adoption de l'article 2
Lors de la première séance du mardi 25 juillet 2017, l'adoption de l'article 1 bis A, devenu l'article 2 du texte définitif, n'a pas été acquise, la Présidente de séance a appelé à trois reprises les votes favorables à l'article pour s'assurer d'obtenir une majorité. Il n'a pas alors, dans cette totale confusion, été procédé au vote « contre ». La présidente de séance, alors que les députés de son groupe n'avaient majoritairement pas pris part au vote, est ainsi revenue, de sa propre initiative, sur un vote. Le compte rendu, comme la vidéo de la séance montrent donc que cet article a en réalité été rejeté. Votre décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987 prévoit, à propos d'un scrutin public, la nullité de la procédure d'adoption « que s'il est établi, d'une part, qu'un ou des députés ont été portés comme ayant émis un vote contraire à leur opinion et, d'autre part, que, sans la prise en compte de ce ou ces votes, la majorité requise n'aurait pu être atteinte ». Ces conditions cumulatives sont ici réunies. L'article 27 de la Constitution ne fait aucune différence entre les modalités de vote, lesquelles relèvent du règlement de l'Assemblée, et garantit le caractère personnel du vote, donc sa sincérité, qu'il s'agisse ou non d'un scrutin public. L'exigence d'un vote personnel, qui emporte la possibilité de voter contre, et la sincérité du vote sont manifestement méconnues, remplissant ainsi, de façon inédite sous la Ve République, les conditions posées par votre décision du 23 janvier 1987. Puisqu'il est clairement établi que des députés n'ont pu exprimer leur vote, que des votes contradictoires et successifs n'ont pas été ou ont été décomptés, on ne sait, que la majorité requise n'a pas été atteinte, cette méconnaissance de l'article 27 de la Constitution, et de son article 45, puisque la CMP ne se prononce pas au vu du rejet de l'article, d'autant plus grave que la présidence a refusé l'application de l'article 101 du Règlement et n'a pas répondu aux vives protestations de nombreux députés, ne peut échapper à la censure. A défaut, plus aucun vote à main levée dans les hémicycles ne sera jamais susceptible d'être sanctionné, ce qui assurément ne rétablira certainement pas la confiance de nos concitoyens envers le Parlement.
Quant au fond
L'article 1er méconnaît l'individualisation des peines et comporte un critère contraire à la nécessaire précision de la loi pénale : en prévoyant une peine complémentaire d'inéligibilité à caractère obligatoire, cet article méconnaît le principe d'individualisation des peines (V. pour l'ancien article L. 7 du code électoral, votre décision n° 2010-6/7 du 11 juin 2010). En vain seraient évoquées les facultés exceptionnelles dont dispose le juge pour ne pas prononcer la peine : en retenant comme critère la « personnalité » du coupable, cet article introduit un élément purement subjectif dans l'appréciation des faits : l'inéligibilité dépendra-t-elle du mandat détenu, de la présence médiatique ou des fonctions de la personne jugée coupable ? Ce critère, s'agissant d'une privation de droit civique, est manifestement inadapté et témoigne d'une incompétence négative du législateur.
L'article 3, cinquième et sixième alinéas est contraire à la séparation des pouvoirs, à l'exercice de la souveraineté nationale par les représentants du peuple et aux conditions d'exercice du mandat parlementaire et aux pouvoirs qu'il confère : le cinquième alinéa de cet article dispose que chaque assemblée « détermine également les modalités de tenue d'un registre public recensant les cas dans lesquels un parlementaire a estimé devoir ne pas participer aux travaux du Parlement en raison d'une situation de conflit d'intérêts telle qu'elle est définie au premier alinéa ». Ce dispositif conduit en réalité à rendre public des cas dans lesquels un parlementaire doit se déporter, en laissant leur détermination à la seule appréciation individuelle. Le comportement consistant à ne pas se déporter, si le moindre doute existe est ainsi suspecté comme fautif, le déport devient « exemplaire » puisque public par le biais du registre. Est-ce qu'un parlementaire serait ainsi empêché de prendre position sur un dossier concernant sa profession antérieure ou actuelle, dès lors qu'il n'est pas en situation d'incompatibilité, sur un dossier concernant sa circonscription, etc. ? Veut-on fabriquer des parlementaires « hors sol » ? Le mandat est unique, participe de l'exercice de la souveraineté nationale, conformément à l'article 3 de la Constitution, et à ce titre est insécable.
Ce dispositif est donc contraire :
- A l'article 44 de la Constitution, puisqu'il repose sur le postulat que dans certains cas, rendus publics, un parlementaire ne doit faire usage de son droit d'amendement,
- Au caractère personnel du droit de vote, garanti par l'article 27 de la Constitution, puisque cette abstention aux travaux de l'assemblée postule également une absence de vote,
- A la séparation des pouvoirs, en ce qu'il constitue une injonction législative portant sur une obligation faite aux assemblées : il ne s'agit pas d'une simple modalité de fonctionnement des assemblées mais bien d'organiser des modalités d'exercice du mandat et de la procédure législative et de contrôle : rien ne permet au législateur d'imposer de telles règles aux assemblées, ni la tenue d'un tel registre à disposition des électeurs. Au mieux peut-il inciter à la mise en place de règles déontologiques dont la détermination ne peut que relever des assemblées elles-mêmes : tel n'est pas le cas lorsque la tenue d'un registre est imposée par la loi,
- A l'article 26 alinéa 1er de la Constitution, puisqu'il établit au contraire un lien entre certaines actions et une responsabilité supposée du parlementaire,
- Et à la nature même du mandat parlementaire, donc à l'article 3 de la Constitution.
Pour ces motifs cet alinéa, et le suivant qui en est indissociable, seront jugés contraires à la Constitution.
Sur les discriminations que comportent les articles 11, 23, 14, 15,16, 17 et sur l'article 18
L'interdiction pour un membre du Gouvernement (article 11) un parlementaire (article 14), un président d'exécutif local (article 15) un maire néo calédonien (article 16) ou polynésien (art.17) d'employer son conjoint, ses enfants ou enfants de son conjoint, ses parents ou parents de son conjoint contrevient à plusieurs principes constitutionnels.
Le besoin de transparence des activités publiques électives s'entend et se comprend, mais les mesures cherchant à le renforcer doivent être mises en œuvre de façon utile et proportionnée à l'objectif recherché. Or l'interdiction des emplois dits « familiaux » ne constitue qu'une mesure symbolique alors qu'elle va créer une discrimination à l'emploi, qui ne se justifie par aucun motif d'intérêt général. La Garde des sceaux, a bien précisé ne pas remettre en cause d'une manière générale le caractère effectif de ces emplois « familiaux » qui tomberaient sous le coup de cette interdiction. Elle a seulement justifié le vote de ces articles par la « nécessité de mettre fin à une pratique qui n'est désormais plus acceptée par nos concitoyens ». Le refus supposé des « nos concitoyens » est-il un motif d'intérêt général suffisant pour écarter des principes juridiques élémentaires ? On ne voit d'ailleurs pas pourquoi la défiance s'exercerait de manière privilégiée à l'encontre d'un époux, d'une épouse, d'un enfant ou d'un ascendant et non à l'égard d'autres « liens sentimentaux », comme l'avait envisagé un amendement au Sénat, ou pourquoi elle porterait sur les seuls élus et non sur d'autres employeurs. La suspicion généralisée, pour être un argument démagogique, n'est cependant pas une justification juridique.
L'article 11 prétend ainsi régir, par la loi, la composition même des cabinets ministériels. En lui-même ce dispositif méconnaît donc tout à la fois l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme qui garantit la séparation des pouvoirs et l'article 34 de la Constitution. Votre décision du 9 août 2012 n ° 2012- 654 DC, portant sur le salaire du Président de la République et des ministres constitue une censure explicite de la même méconnaissance : « le principe de la séparation des pouvoirs s'applique à l'égard du Président de la République et du Gouvernement ». Ce n'est pas au législateur de réglementer la composition ou le fonctionnement des cabinets ministériels.
L'article 23 encourt les mêmes griefs : le pouvoir réglementaire peut, en la matière intervenir de façon autonome, comme il l'a fait par exemple par le décret n° 2016- 1302 du 4 octobre 2016 pour déterminer le statut matériel des anciens présidents de la République. En revanche, le législateur ne peut intervenir en la matière, en prévoyant un pouvoir réglementaire subordonné au législateur. L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et l'article 34 de la constitution sont méconnus.
L'article 14 interdit, par dérogation au droit commun, les emplois familiaux par les députés ou les sénateurs. Jusqu'à présent, les règles de limitation salariales relèvent de la seule compétence des bureaux des assemblées, auquel à trois reprises d'ailleurs cet article renvoie. En l'absence d'une habilitation constitutionnelle exprès, comme celle qui, à l'article 44, renvoie à la loi le soin de « fixer le cadre » d'exercice du droit d'amendement (n° 2009-579 DC du 9 avril 2009), la loi ne saurait régir l'exercice même du mandat, les fonctions de collaborateur découlant exclusivement de l'existence dudit mandat (V. Schoettl, petites affiches 14 février 2017) comme en atteste le deuxième alinéa de l'article 18 du règlement de l'Assemblée nationale. S'agissant des conditions de recrutement, seules des règles internes aux assemblées pourraient déroger au code du travail, comme vous l'avez jugé, sur un sujet voisin, en constatant que les « relations avec les représentants d'intérêts entretenues par les députés et les sénateurs, leurs collaborateurs ou les agents des services d'une assemblée parlementaire sont régies par des règles propres à chaque assemblée. Le contenu de cette réglementation est librement défini par le bureau de chaque assemblée. Le respect de ces règles est assuré par des procédures internes faisant intervenir les autorités chargées de la déontologie parlementaire, qui peuvent mettre en demeure un représentant d'intérêts de respecter ses obligations » (n° 2016-741 du 8 décembre 2016). Ce nécessaire respect fondamental de l'autonomie des assemblées parlementaires, qui est par ailleurs méconnu par l'article 12 III, appelle un grief spécifique sur l 'article 14, qui méconnaît l'indépendance du mandat, laquelle postule au contraire une liberté de choix de ses collaborateurs, et l'autonomie de fonctionnement des assemblées, qui est un élément essentiel de la séparation des pouvoirs : la seule source du contrat de travail est l'exercice du mandat (P. Avril et J Gicquel, le Figaro, 9 fév. 2017) , comme en atteste votre décision n° 2011-129 DC du 13 mai 2011.
En outre, ces articles n'échappent pas aux griefs constitutionnels suivants portant sur l'interdiction générale des emplois familiaux pour des collaborateurs de ministres ou d'élus. Celle-ci introduit dans notre droit une discrimination à l'embauche et une obligation de licenciement qui n'est pas proportionnée au but recherché, lequel est de s'assurer de la réalité du travail du collaborateur.
Ces critiques renvoient à un débat volontairement confus, mais dont la médiatisation conduit à confondre le principe de l'emploi de collaborateurs et la matérialité des tâches accomplies : ce n'est pas à raison de la personne employée mais de la réalité d'un emploi que celui-ci peut être contesté. Mais la pression médiatique, qui conduit à assimiler le principe d'un emploi familial et la matérialité de tâches, ne saurait justifier que la loi ne respecte pas l'égalité entre les employeurs, la liberté d'accéder à l'emploi, l'égalité entre les salariés, la liberté contractuelle. On ne voit pas ce qui permet à un chef d'entreprise, un artisan, un commerçant, de salarier son conjoint ou son enfant et ce qui, par nature même, doit excepter du droit commun du travail ou du commerce, par exemple, un parlementaire.
La seule réponse rationnelle qui justifierait cette différence repose sur la source du paiement du salaire : c'est la nature publique de l'origine de ces fonds qui justifierait une telle exception. Pour autant, il convient de rappeler que le contrat de travail du collaborateur parlementaire est un contrat de droit privé caractérisé par un fort intuitu personae : la jurisprudence étend sans tenir compte de la spécificité des liens entre l'employeur et le salarié, autant que faire se peut, le droit commun (Molfessis, Le Monde, 14 février 2017), notamment en ce qui concerne la liberté d'expression du salarié (Cass. Soc. 28 avr. 2006, no 03-44.527, Cass. Soc. 29 sept. 2010, nos 09-41.543 et 09-41.544 ), ce qui aboutit à souligner le caractère paradoxal de l'origine publique de fonds servant à rémunérer une activité salariée régie par les règles du droit commun (CAA Lyon, 31 mars 1992, no 90LY00492, Mme Mont), et caractérisée par le seul lien entre le détenteur du mandat et le collaborateur : il « n'existe aucune unité de direction sur les collaborateurs parlementaires » (Cass. Soc. 18 févr. 2004, UNSA-USCP, no 02-60.567). La qualification d'agent salarié du maire avait même été, sous l'empire d'une législation ancienne, étendue en cas de cumul de mandat de député maire (C.E. 21 oct. 1992, Couveinhes, no 125211, C.E. 15 janv. 1997, élections d'Héricourt, no 177015). Pour la jurisprudence, le lien direct et salarial existant entre l'employeur individuel, titulaire du mandat, et le collaborateur est le seul critère pertinent du contrat.
De deux choses l'une : soit, en raison du fait qu'ils tirent leur origine de l'existence de mandats publics et, surtout, qu'ils sont rémunérés par des fonds dont l'origine est publique, les contrats de collaborateurs sont constitutifs de « places ou d'emplois publics », même si ils sont régis par un contrat de travail ordinaire, soit la nature de ce contrat, le fort lien de subordination entre l'employeur et le salarié, la jurisprudence précitée, confirmée par l'article 19 du texte déféré, font échapper les contrats de collaborateurs à cette qualification de places ou d'emplois publics . Dans les deux cas, la censure est inévitable.
Dans la première hypothèse, qui justifierait l'application de l'article L. 432-15 du code pénal aux relations entre un parlementaire et son collaborateur, l'existence de fonds publics conduit à retenir le caractère de « places ou d'emplois publics » des fonctions de collaborateur, nonobstant la nature privée du contrat de travail.
Ainsi les saisissants soutiennent que les articles 14, 15, 16 et 17 méconnaissent l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme : « Tous les Citoyens étant égaux … sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents », la discrimination fondée sur un lien familial n'étant pas alors admissible.
Si le Conseil retenait la seule nature du contrat de travail, le principe d'égalité conduirait alors à censurer ces dispositions. Aucun critère rationnel et objectif ne saurait en effet justifier une différence entre employeurs individuels, selon qu'ils sont élus ou non. Aucun critère rationnel ne justifierait une différence entre salariés selon que leur employeur est ou non un membre de leur famille. Il y a donc une double rupture d'égalité. Cette rupture n'est justifiée par aucun critère rationnel, au regard du lien de confiance fondamental entre parlementaire et assistant, elle n'est nullement proportionnée au but de moralisation de la vie publique.
Contraires à l'article 225-1 du code pénal, qui dispose que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement [notamment] de leur l'origine [et] de leur situation de famille », les dispositions en cause portent à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée : la collaboration à l'exercice du mandat reposant sur un fort lien de confiance, ces articles supposent celle-ci acquise à l'égard de tiers et non de membres de la famille, ce qui est totalement paradoxal. Les saisissants visent ici non seulement, à titre principal, le contrat de travail , mais aussi la liberté de conclure un PACS , conformément à votre décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999 : « la liberté qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 justifie qu'un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l'un ou l'autre des contractants, l'information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant toutefois être garanties ; qu'à cet égard, il appartient au législateur, en raison de la nécessité d'assurer pour certains contrats la protection de l'une des parties, de préciser les causes permettant une telle résiliation, ainsi que les modalités de celle-ci, notamment le respect d'un préavis ». De ce fait les mots « partenaire lié par un pacte civil de solidarité » doivent être censurés dans les articles cités.
En faisant obstacle au fait d'épouser son collaborateur ou sa collaboratrice, ces dispositions portent atteinte à la liberté du mariage « composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 » (n° 2013-669 DC du 17 mai 2013). De ce fait, dans les articles cités les mots « conjoint » doivent en outre hypothèse être censurés.
En obligeant, par exemple, à dévoiler des reconnaissances de paternité, ces dispositions méconnaissent en outre le respect du droit à la vie privée (V. votre décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013 par laquelle est censurée l'obligation de déclarer les activités professionnelles exercées par les enfants et les parents). Ici il ne s'agit plus d'une obligation de déclaration, mais d'une prohibition.
Au regard du droit du travail, l'article L 122-45 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de sa situation familiale. (Cour de Cassation, chambre sociale, 1er juin 1999, 96-43617).
Le principe même de ces discriminations, totalement dérogatoires au droit commun, qu'il soit droit du travail ou droit pénal, ne peut échapper à la censure.

L'article 18 méconnaît l'article 34 de la Constitution, la liberté contractuelle et porte atteinte à la stabilité des situations juridiques. C'est à la connaissance des saisissants, la première fois que la loi définit elle-même un motif précis et automatique de licenciement : l'article 18 méconnaît ainsi la liberté contractuelle. En outre, l ‘application aux contrats en cours conduit à des licenciements, le législateur porte ainsi une atteinte disproportionnée à la stabilité des situations juridiques.
Le III de l'article 12, qui impose au Bureau de l'Assemblée la mise en œuvre d'un dialogue social est constitutif d'une injonction portant non sur une matière à régir mais sur l'établissement d'une procédure. Il est contraire à l'autonomie fonctionnelle des assemblées, donc à la séparation des pouvoirs telle qu'elle résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme.
L'article 13 est constitutif d'une incompétence négative du législateur, et son dispositif méconnaît l'article 4 de la Constitution. D'une part dans son ensemble cet article est constitutif d'une incompétence négative du législateur, puisqu'il fait obligation aux parlementaires d'informer le Bureau de certaines fonctions exercées par leur collaborateur « dès lors qu'ils en ont connaissance » : sans aucune précision sur l'obligation de la part du collaborateur d'informer son employeur, le dispositif met le parlementaire dans une situation inextricable : comment pourra t'il prouver qu'il est ou n'est pas en possession d'une information qu'il doit transmettre ? En outre, en visant une information quant aux fonctions d'un collaborateur « au sein d'un parti ou d'un groupement politique », dont le Bureau, donc par principe les adversaires politiques auront connaissance, cet article méconnaît l'article 4 de la Constitution. Nul n'est tenu de de dévoiler une activité politique, l'anonymat des dons comme de ces activités découle directement de l'article 4 de la Constitution et du libre exercice des activités des partis politiques.
L 'article 22 est constitutif d'une incompétence négative du législateur, méconnaît les droits de l'opposition, l'article 8 alinéa 2 de la Constitution, et le respect de la vie privée.
Cet article, qui a fait l'objet de débats nourris, permet au Président de la République d'obtenir des renseignements judiciaires, fiscaux - sans d'ailleurs présenter aucune garantie que des poursuites fiscales n'interviendront pas par la suite - et patrimoniaux sur toute personne dont la nomination au gouvernement est « envisagée ». Le Président sera ainsi informé de tout manque dans un des éléments cités. Le terme « envisagée » est dénué de toute limite ou portée juridique : il suffirait que le Président « envisage » une nomination pour déclencher un droit à l'obtention de données, par ailleurs couvertes par le secret. Il convient de rappeler que la composition du gouvernement est exclusivement un choix politique et qu'autant on peut « envisager » que chaque personne, avant sa nomination, signale au Président les difficultés qui peuvent survenir du fait de sa situation personnelle, autant la loi ne saurait prévoir des informations aussi précises à partir d'un critère aussi imprécis.
Le mot « envisagée », qui fonde tout l'article, est donc constitutif d'une incompétence négative du législateur : il ne renvoie qu'à un choix discrétionnaire du chef de l'Etat, qui peut « envisager » la nomination d'un adversaire politique pour en déclencher le dispositif. Il méconnaît donc les droits de l'opposition. En outre, il est contraire à la lettre de l'article 8 alinéa 2 de la Constitution : ce n'est pas en effet, aux termes de cet article, le Président de la République qui « envisage » la nomination d'un ministre, mais bien la proposition du Premier ministre qui, seule, pourrait fonder une telle procédure.

L'article 30, est contraire aux conditions de l'habilitation prévues à l'article 38 de la Constitution.

Cet article 30 habilite le Gouvernement à créer par ordonnance une structure dédiée de financement des campagnes électorales des candidats qui n'auraient pas accès au crédit.
Ce dispositif, qualifié dans les premières moutures du projet de loi de « banque la démocratie » soulève deux questions majeures.
La première est celle de l'habilitation, posée par l'article 38. « Cette disposition fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention » (n° 2017- 745 DC du 26 janvier 2017). Or le champ de l'habilitation n'est ici pas assez précis. Le deuxième alinéa de l'article de loi dispose que le dispositif, pris par ordonnance, « peut prendre la forme d'une structure dédiée », ce qui n'exclut pas une autre forme d'organisation.
L'autre question, posée par ce dispositif, est celle de la qualité de l'étude d'impact imposée au Gouvernement par l'article 39 de la Constitution et par la loi organique de 2009 prise pour son application. Or, lorsque l'assemblée générale du Conseil d'État s'est prononcée sur ce texte, elle a précisément indiqué que l'étude d'impact sur ce dispositif était beaucoup trop sommaire et tardive. Par ailleurs le Conseil d'état a mis en cause la très grande indétermination des choix du gouvernement en ce qui concerne cette banque de la démocratie.
Le Conseil d'Etat a également émis beaucoup de réserves sur l'utilité d'une telle mesure. Il s'est demandé pourquoi une telle « banque de la démocratie [...] serait nécessaire afin de garantir la transparence du financement de la vie politique, alors que le présent projet de loi crée déjà directement, aux mêmes fins, un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques ».
Cette imprécision et les réserves émises doivent conduire à la censure de l'article 30.

Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, les députés, auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur les points soulevés et sur tous ceux qu'il estimera pertinent, eu égard à la compétence et à la fonction que lui confère la Constitution.