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Décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 - Décision de renvoi CE

M. Sofiyan I. [Assignations à résidence dans le cadre de l'état d'urgence II]
Non conformité partielle - réserve

CE, ordonnance du 16 janvier 2017, M. A., N° 406614

Le juge des référés

Vu la procédure suivante :

M. E...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 20 décembre 2016 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Toulouse pour une durée de 90 jours, avec l'obligation de se présenter trois fois par jour, à 9 heures, 14 heures 30 et 20 heures, au commissariat de police tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés ou chômés, de demeurer, tous les jours, de 21 heures 30 à 7 heures 30, à son domicile avec interdiction de se déplacer de son lieu d'assignation à résidence sans avoir obtenu préalablement l'autorisation écrite du préfet de la Haute-Garonne. Par une ordonnance n° 1605909 du 3 janvier 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1 °) d'annuler cette ordonnance ;

2 °) de faire droit à sa demande de première instance ;

3 °) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- l'arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir et à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la mesure d'assignation à résidence repose sur une analyse inexacte et déformée des faits qui ne permet pas de caractériser l'existence de raisons sérieuses de penser qu'il constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publics ;
- le caractère excessivement long de son assignation à résidence porte une atteinte disproportionnée à sa liberté individuelle ;
- l'assignation à résidence fait obstacle à ce qu'il puisse purger la peine prononcée à son encontre par le juge judiciaire.

Par un mémoire distinct, enregistré le 5 janvier 2017, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Il soutient que l'article contesté est applicable au litige, n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution, porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d'aller et venir et méconnaît l'article 66 de la Constitution.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 10 et 11 janvier 2017, le ministre de l'intérieur conclut, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat ne renvoie pas la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés, que les dispositions du I de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 ne sont pas applicables au litige et que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...est dépourvue de caractère nouveau et sérieux.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 10 janvier 2017, la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen demande au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de la requête ; elle fait siens les moyens présentés pour M.A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 66 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;
- la loi n° 2016-162 du 19 février 2016 ;
- la loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 ;
- la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 ;
- la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 ;
- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 janvier 2017 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- M.A... ;
- le représentant de M.A... ;
- la représentante du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures » ;

2. Considérant que M. A...relève appel de l'ordonnance du 3 janvier 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 20 décembre 2016 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence à compter du 22 décembre 2016 pour une durée de quatre-vingt dix jours ;

Sur l'intervention de la Ligue des droits de l'homme :

3. Considérant que la Ligue des droits de l'homme, justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de M. A...tendant à la suspension de son assignation à résidence ; que son intervention est, par suite, recevable, tant à l'appui de ces conclusions qu'au soutien de sa demande de renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

Sur les dispositions applicables :

4. Considérant qu'en application de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain et prorogé pour une durée de trois mois, à compter du 26 novembre 2015, par l'article 1er de la loi du 20 novembre 2015, puis prorogé à nouveau pour une durée de trois mois à compter du 26 février 2016 par l'article unique de la loi du 19 février 2016, pour une durée de deux mois à compter du 26 mai 2016 par l'article unique de la loi du 20 mai 2016 et pour une durée de six mois à compter du 21 juillet 2016 par l'article 1er de la loi du 21 juillet 2016 ; que l'article 1er de la loi du 19 décembre 2016 a prorogé l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017 ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction en vigueur avant l'intervention de la loi du 19 décembre 2016 : « Le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l'article 2 et à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. (…) / La personne mentionnée au premier alinéa du présent article peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures. / L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération. (…) / L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille. / Le ministre de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence : / 1 ° L'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s'applique y compris les dimanches et jours fériés ou chômés (…) ;

6. Considérant que le I de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2006 a complété l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 par quatre alinéas ainsi rédigés : « La décision d'assignation à résidence d'une personne doit être renouvelée à l'issue d'une période de prorogation de l'état d'urgence pour continuer de produire ses effets. / A compter de la déclaration de l'état d'urgence et pour toute sa durée, une même personne ne peut être assignée à résidence pour une durée totale équivalant à plus de douze mois. / Le ministre de l'intérieur peut toutefois demander au juge des référés du Conseil d'Etat l'autorisation de prolonger une assignation à résidence au-delà de la durée mentionnée au douzième alinéa. La demande lui est adressée au plus tôt quinze jours avant l'échéance de cette durée. Le juge des référés statue dans les formes prévues au livre V du code de justice administrative et dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine, au vu des éléments produits par l'autorité administrative faisant apparaître les raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne continue à constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics. La prolongation autorisée par le juge des référés ne peut excéder une durée de trois mois. L'autorité administrative peut, à tout moment, mettre fin à l'assignation à résidence ou diminuer les obligations qui en découlent en application des dispositions du présent article. / La demande mentionnée à l'avant-dernier alinéa peut être renouvelée dans les mêmes conditions » ; qu'aux termes du II de l'article 2 de la même loi : « Par dérogation aux quatre derniers alinéas de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, toute personne qui, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, a été assignée à résidence plus de douze mois sur le fondement de l'état d'urgence déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et le décret n° 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 peut faire l'objet d'une nouvelle mesure d'assignation s'il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Cette nouvelle assignation ne peut excéder une durée de quatre-vingt-dix jours. Dans ce délai, s'il souhaite prolonger l'assignation à résidence, le ministre de l'intérieur peut saisir le Conseil d'Etat sur le fondement des quatre derniers alinéas de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 précitée » ;

Sur la situation de M.A... :

7. Considérant que M. A...a fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence le 15 novembre 2015, l'astreignant à résider sur le territoire de la commune de Fresnes ; que, par un arrêté du 14 décembre 2015, le ministre de l'intérieur a confirmé cette assignation à résidence en ramenant l'obligation pesant sur l'intéressé de se présenter au commissariat de quatre à trois fois par jour, à 8 heures 30, 13 heures, et 20 heures, et en astreignant M. A...à demeurer à son domicile tous les jours de 21 heures 30 à 7 heures 30 ; que cette assignation à résidence a été renouvelée, dans les mêmes conditions, par un arrêté du 24 février 2016, puis par un arrêté du 24 mai 2016 ; qu'à la suite du déménagement de M. A...à Toulouse, un arrêté du 10 juin 2016 du ministre de l'intérieur l'a assigné à résider sur le territoire de cette commune, en l'obligeant à demeurer chez lui chaque jour de 21 heures 30 à 7 heures 30 et à se présenter au commissariat de police trois fois par jour, à 9 heures, 14 heures 30 et 20 heures ; que cette assignation à résidence a été renouvelée, dans les mêmes conditions, par un arrêté du 22 juillet 2016 ; que M. A...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté ; que sa demande a été rejetée ; que le juge des référés du Conseil d'Etat, par une ordonnance n° 404916 du 23 novembre 2016, a rejeté la requête d'appel de M.A... ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, l'assignation à résidence de l'intéressé a été renouvelée, dans les mêmes conditions, par un arrêté du 20 décembre 2016, pour une durée de quatre-vingt dix jours à compter du 22 décembre, en application des dispositions de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016, M. A...étant assigné à résidence, à la date de leur entrée en vigueur, depuis plus de treize mois ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (…) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ; que l'article 23 3 de cette ordonnance prévoit qu'une juridiction saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité « peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires » et qu'elle peut statuer « sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence » ;

9. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions organiques avec celles du livre V du code de justice administrative qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant, en première instance ou en appel, sur le fondement de l'article L. 521-2 de ce code ; que le juge des référés peut en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter une requête qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence ; que s'il ne rejette pas les conclusions qui lui sont soumises pour l'un de ces motifs, il lui appartient de se prononcer, en l'état de l'instruction, sur la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité ou, pour le juge des référés du Conseil d'Etat, sur le renvoi de la question au Conseil constitutionnel ; que même s'il décide de renvoyer la question, il peut, s'il estime que les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires, compte tenu tant de l'urgence que du délai qui lui est imparti pour statuer, en faisant usage de l'ensemble des pouvoirs que cet article lui confère ;

10. Considérant que, à l'appui de l'appel qu'il a formé contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, M. A...demande au Conseil d'Etat que soit renvoyée au Conseil constitutionnel, en application de l'article 23 5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 ;

11. Considérant que la mesure d'assignation à résidence décidée à l'encontre de M. A...a été prise sur le fondement des dispositions de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 ; que ces dispositions sont, par suite, applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23 5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;

12. Considérant que ces dispositions n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

13. Considérant que M. A...soutient que les dispositions de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016, en tant qu'elles permettent le renouvellement de l'assignation à résidence d'une personne déjà soumise à ce régime juridique depuis plus de douze mois, portent une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d'aller et venir et qu'elles méconnaissent l'article 66 de la Constitution ; que la question ainsi soulevée présente, notamment en ce qui concerne la liberté d'aller et venir, un caractère sérieux ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée à l'encontre de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 ;

Sur le litige en référé :

15. Considérant que, dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité qui lui est renvoyée, la demande en référé doit être examinée par le Conseil d'Etat au regard et compte tenu des dispositions de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016, telles qu'elles sont en vigueur à la date de la présente décision ;

16. Considérant que, pour renouveler l'assignation à résidence de M. A..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la gravité de la menace terroriste sur le territoire national, qui a justifié la prolongation de l'état d'urgence, et sur le comportement de M.A..., qu'il a caractérisé par quatre éléments : en premier lieu, le fait que l'intéressé a participé, en 2012, à la création d'une filière d'acheminement de combattants jihadistes vers le Mali, participation pour laquelle M.A..., considéré comme le responsable de cette filière, a été condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs dans le but de commettre des actes terroristes, en deuxième lieu, le fait que, libéré en 2014, M. A...s'est ensuite particulièrement investi dans les activités de l'association « Fraternité Musulmane Sanâbil », dissoute par un décret du 24 novembre 2016, en raison de l'implication de ses membres dans la mouvance islamiste radicale et terroriste et du soutien logistique qu'elle apportait aux détenus pratiquant un islam radical ou écroués pour des faits de terrorisme, ainsi qu'à leurs familles, en troisième lieu, les relations étroites qu'il entretient avec d'autres militants pro-jihadistes, enfin, la participation du requérant à la création et au développement du site Internet « Repère de Sagesse », qui affiche ouvertement une propagande anti-occidentale à travers des vidéos et des biographies de référents religieux impliqués dans le jihad international ;

17. Considérant que, par son ordonnance du 23 novembre 2016, le juge des référés du Conseil d'Etat a relevé que, s'agissant des liens de M. A...avec l'association « Fraternité Musulmane Sanâbil » et le site Internet « Repère de Sagesse », la nature des faits pouvant lui être imputés et leur caractère ancien ne permettaient pas d'établir l'existence de raisons sérieuses de penser que son comportement constituait une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics justifiant le renouvellement de son assignation à résidence par l'arrêté du 22 juillet 2016 ; que le ministre de l'intérieur n'apporte aucun élément de nature à modifier cette appréciation ;

18. Considérant, toutefois, comme l'a également relevé l'ordonnance du 23 novembre 2016, qu'il résulte des motifs du jugement du 12 décembre 2014 par lequel le tribunal correctionnel de Paris a condamné M. A...à une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont deux ans assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans, pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, que l'intéressé a joué un rôle primordial, au cours de l'année 2012 et jusqu'en février 2013, dans la constitution et la direction d'un groupement de six personnes dont la finalité était de participer au jihad, en particulier au Mali et que trois des membres de ce groupement ont rejoint ou tenté de rejoindre le Mali pour participer à la lutte armée ; que, si M. A...affirme n'avoir plus été en contact avec M. B..., ressortissant turc militant en faveur du « jihad », qui a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion le 24 février 2016, depuis qu'il a cessé de collaborer au site « Repère de Sagesse », il résulte de l'instruction, notamment de « notes blanches » établies par les services de renseignement, et soumises au débat contradictoire, que le requérant est demeuré en relation téléphonique ou par l'intermédiaire de l'application Whatsapp avec cette personne au cours de l'été 2015 ; que si le requérant affirme n'avoir plus été en relation avec M.C..., qui a été sous mandat de dépôt le 10 septembre 2016 dans le cadre d'une information judiciaire pour des faits de détention d'images à caractère terroriste et apologie du terrorisme, et M. F..., président de l'association « Fraternité Musulmane Sanâbil », lui aussi assigné à résidence, depuis qu'il ne participe plus aux activité de cette association, il résulte de l'instruction que M. A... a été en relation téléphonique avec M. C...jusqu'au 8 septembre 2015 et avec M. F... jusqu'au 28 novembre 2015 ; qu'enfin, M. A...a échangé 12 708 messages de type SMS entre le 14 juillet et le 13 août 2015 avec MmeD..., actuellement mise en examen et incarcérée dans le cadre de l'enquête sur une tentative d'attentat à Paris le 3 septembre 2016 ; que si M. A...soutient que ces différentes relations ont cessé, au plus tard, en 2015, que les faits reprochés aux personnes concernées sont survenus postérieurement et que, s'agissant de ses contacts avec MmeD..., ils se sont produits dans le cadre d'un projet de mariage religieux qui n'a pas abouti, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que le ministre de l'intérieur, sur la base de ces éléments, ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir de M.A..., à sa liberté individuelle et à son droit au respect de sa vie privée et familiale en estimant qu'il existait des raisons sérieuses de penser que son comportement constituait une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics justifiant le renouvellement de son assignation à résidence par l'arrêté contesté, ni qu'une telle atteinte serait constituée à la date de la présente ordonnance ;

19. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'instruction que, par un jugement du 21 septembre 2015, le vice-président du tribunal de grande instance de Paris chargé de l'application des peines, compétent en matière de terrorisme, constatant que M. A... avait trouvé un emploi à temps partiel dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et justifiait d'un environnement familial et d'une activité professionnelle stables, a décidé son placement sous surveillance électronique à compter du 29 septembre 2015, en précisant les obligations qu'il devrait respecter ; que l'assignation à résidence à Fresnes de M.A..., à compter du 15 novembre 2015 ayant compliqué l'exécution de sa peine, en raison notamment de l'obligation qui lui a alors été faite de se présenter quatre fois par jour au commissariat de police de l'Haÿ-les-Roses et du refus du ministre de lui délivrer un « sauf conduit » qui lui aurait permis de poursuivre son activité professionnelle à Paris, le ministère public a sollicité le retrait de l'aménagement de peine accordé le 21 septembre 2015 ; que, par un arrêt du 16 février 2016, la cour d'appel de Paris, constatant que l'assignation à résidence sur le territoire de la commune de Fresnes rendait matériellement impossible la mise en œuvre des modalités d'aménagement de la peine dont avait bénéficié M. A...en ce qui concerne le volet professionnel, ce qui vidait de sens la mesure prise par le juge d'application des peines, a ordonné la suspension de l'aménagement de peine décidé par le jugement du 21 septembre 2015 « jusqu'à la mainlevée de toute assignation à résidence prise à l'encontre du condamné » ; que M. A... fait valoir que le maintien de son assignation à résidence fait obstacle à ce que puisse être exécutée la peine prononcée à son encontre et retarde ainsi d'autant la date à laquelle il l'aura purgée ;

20. Considérant que la reprise du placement sous surveillance électronique de M.A..., dans le cadre de l'exécution de la peine prononcée par le tribunal correctionnel de Paris, serait susceptible de modifier l'appréciation de la nécessité du maintien de l'assignation à résidence de M. A...au regard de la menace qu'il présente pour la sécurité et l'ordre publics ; qu'il appartient à l'intéressé de saisir le juge d'application des peines, afin que celui-ci détermine si, compte tenu de son nouveau lieu de résidence et de sa situation professionnelle et familiale, une mesure d'aménagement de peine prenant la forme d'un placement sous surveillance électronique peut être à nouveau prononcée, le cas échéant sous réserve d'une suspension de son assignation à résidence ; que, dans le cas où il serait fait droit à une telle demande, il serait loisible à M. A...de saisir le juge des référés, en application de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, aux termes duquel « saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin » ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu pour le juge des référés, dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par la présente ordonnance, de prendre, en l'état de l'instruction, des mesures de sauvegarde sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :
Article 1er : L'intervention de la Ligue française de défense des droits de l'homme et du citoyen est admise.
Article 2 : La question de la conformité à la Constitution de l'article 2 de la loi n° 2016 1767 du 19 décembre 2016 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de M. A...jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E...A..., au ministre de l'intérieur et à la Ligue des droits de l'homme.