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Décision n° 2016-612 QPC du 24 février 2017 - Décision de renvoi CE

SCI Hyéroise [Dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même]
Conformité

Conseil d'État

N° 400351
ECLI : FR : CECHR : 2016 : 400351.20161208
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Christian Fournier, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, avocats

lecture du jeudi 8 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

1 °) La SCI Hyeroise a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 à raison de biens qu'elle possède sur la commune de Hyères à hauteur de la somme de 43 535 euros. Par un jugement n° 1303381 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Par une ordonnance n° 16MA01755 du 2 juin 2016, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat la requête d'appel que la SCI Hyeroise a formé contre ce jugement. Par un mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 9 mai 2016 et un mémoire complémentaire, enregistrés, sous le n°400351, le 5 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Hyeroise demande au Conseil d'Etat :

1 °) d'annuler ce jugement ;

2 °) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3 °) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 30 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État sous le n° 400351, la SCI Hyeroise demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi en cassation, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du I de l'article 1389 du code général des impôts.

2 °) La SCI Hyeroise a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à raison de biens qu'elle possède sur la commune de Hyères à hauteur de la somme de 47 786 euros. Par un jugement n° 1303380 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Par une ordonnance n° 16MA01756 du 2 juin 2016, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat la requête d'appel que la SCI Hyeroise a formé contre ce jugement. Par un mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 9 mai 2016 et un mémoire complémentaire, enregistrés, sous le n°400353, le 5 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Hyeroise demande au Conseil d'Etat :

1 °) d'annuler ce jugement ;

2 °) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3 °) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
  • le code général des impôts ;
  • le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

  • le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

  • les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la société Hyeroise ;

Considérant ce qui suit :

  1. Les questions soulevées dans les instances visées ci-dessus sont identiques. Il y a lieu d'y statuer par une seule décision.

  2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

  3. Le I de l'article 1389 du code général des impôts prévoit que : « Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin. / Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, que la vacance ait une durée de trois mois au moins et qu'elle affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée (...) ».

  4. La SCI Hyeroise soutient, d'une part, que ces dispositions méconnaissent les principes constitutionnels d'égalité devant la loi fiscale et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et portent atteinte au droit de propriété, garanti par les dispositions de l'article 2 de la même Déclaration et, d'autre part, que la question ainsi posée est nouvelle au regard de l'autorité qui s'attache, en vertu de l'article 62 de la Constitution, aux décisions du Conseil constitutionnel n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 et n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012.

  5. Les dispositions du I de l'article 1389 du code général des impôts sont applicables aux litiges dont est saisi le tribunal administratif de Toulon et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce que les dispositions contestées sont contraires aux principes d'égalité devant la loi fiscale et d'égalité devant les charges publiques, notamment en ce qu'elle prévoient une condition supplémentaire pour les immeubles à usage commercial ou industriel tenant à ce qu'ils soient utilisés par le contribuable lui-même et en ce qu'elles ne prévoient aucun dégrèvement en faveur des parkings et des garages, soulève une question présentant un caractère sérieux. Il y a lieu, pour ce motif, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du I de l'article 1389 du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCI Hyeroise et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.