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Décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 - Décision de renvoi CE

Époux G. [Majoration de 25 % de l'assiette des contributions sociales sur les rémunérations et avantages occultes]
Conformité - réserve

Conseil d'État

N° 403171
ECLI : FR : CECHR : 2016 : 403171.20161202
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jean-Marc Anton, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public

lecture du vendredi 2 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B..., à l'appui de leur requête d'appel tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, ont produit un mémoire, enregistré le 12 juillet 2016 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 15LY00532 du 31 août 2016, enregistrée le 5 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, cette cour, avant qu'il ne soit statué sur la demande de M. et MmeB..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions combinées de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et du 2 ° du 7 de l'article 158 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 ;
- la décision n° 90-285 DC du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1990 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. D'une part, aux termes du 7 de l'article 158 du code général des impôts : « Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / (...) 2 ° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice (...) ». Aux termes de l'article 109 du même code : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1 ° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2 ° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ». Aux termes de l'article 111 du même code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués :/ (....) c. les rémunérations et avantages occultes (...) ».

3. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, aux dispositions duquel renvoient directement ou indirectement les articles 1600-0 C, 1600-0 F bis et 1600-0 G du code général des impôts relatifs à la contribution sociale généralisée, aux prélèvements sociaux et à la contribution au remboursement de la dette sociale : « Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France (...) sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) :/ (...) c) Des revenus de capitaux mobiliers (...) ».

4. M. et Mme B...ont été imposés à l'impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010 à raison de revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts et ont été soumis aux contributions mentionnées au point 3. Ils soutiennent à l'appui de leur contestation de ces contributions sociales qu'en prévoyant l'imposition de ces sommes à hauteur de 125 % de leur montant, alors qu'à l'exception des revenus de capitaux mobiliers mentionnés au 2 ° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, les revenus de capitaux mobiliers sont imposés à hauteur de leur montant réel, ces dispositions combinées à celles du c) du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques respectivement garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

5. Ces dispositions sont applicables au litige. Elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution. Le moyen des requérants soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions combinées du 2 ° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, en tant qu'elles portent sur les revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du même code, et du c) du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la cour administrative d'appel de Lyon.