Décision n° 2016-589 QPC du 21 octobre 2016 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 400632
ECLI : FR : CECHR : 2016 : 400632.20160722
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Vincent Villette, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
lecture du vendredi 22 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'association des maires de Guyane et les communes d'Apatou, d'Awala-Yalimapo, de Cayenne, de Camopi, de Montsinéry-Tonnegrande, de Maripa-Soula, Macouria, de Mana, de Grand-Santi, de Matoury, d'Iracoubo, de Kourou, de Rémire-Montjoly, de Régina, de Papaichton, de Roura, de Saint-Elie, de Saint-Laurent-du-Maroni, de Sinnamary, de Saül, de Saint-Georges de l'Oyapock, à l'appui de leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait de la non-conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit et de la non-compatibilité avec la charte européenne de l'autonomie locale des termes « Cette dotation est répartie, (...) en Guyane (...) entre la collectivité territoriale (...) et les communes » de l'article 47 et du second alinéa de l'article 48 de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, ont produit chacune un mémoire, enregistré le 31 mai 2016 au greffe du tribunal administratif de Cayenne, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels elles soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n°s 1500824, 1500829, 1500830, 1500831, 1500838, 1500839, 1500840, 1500841, 1500842, 1500843, 1500844, 1500845, 1500850, 1500851, 1500852, 1500853, 1500854, 1500855, 1500856, 1500857, 1500858 et 1500859 du 9 juin 2016, enregistrée le 13 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Cayenne, avant qu'il soit statué sur les demandes des requérantes, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions, à savoir des termes « Cette dotation est répartie, (...) en Guyane (...) entre la collectivité territoriale (...) et les communes » de l'article 47 et du second alinéa de l'article 48 de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. L'article 47 de la loi du 2 juillet 2004 sur l'octroi de mer, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juin 2015 modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer prévoit que « En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, le produit de l'octroi de mer fait l'objet, après le prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement (...) d'une affectation annuelle à une dotation globale garantie. Cette dotation est répartie, (...) en Guyane (...), entre la collectivité territoriale (...) et les communes. ». Aux termes du second alinéa de l'article 48 de cette même loi : « Nonobstant le premier alinéa, la collectivité de Guyane reçoit une part de la dotation globale garantie fixée à 35 % et plafonnée à 27 millions d'euros. ».
3. Les termes « Cette dotation est répartie, (...) en Guyane (...) entre la collectivité territoriale (...) et les communes » de l'article 47 et le second alinéa de l'article 48 précités sont applicables aux litiges dont le tribunal administratif de Cayenne est saisi. Ils n'ont pas été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaissent notamment le principe d'égalité entre collectivités territoriales soulève une question qui présente un caractère sérieux. Il y a donc lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de constitutionnalité soulevée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des termes « Cette dotation est répartie, (...) en Guyane (...) entre la collectivité territoriale (...) et les communes » de l'article 47 et du second alinéa de l'article 48 de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association des maires de Guyane, et aux communes d'Apatou, de Awala-Yalimapo, de Cayenne, de Camopi, de Montsinéry-Tonnegrande, de Maripa-Soula, de Macouria, de Mana, de Grand-Santi, de Matoury, d'Iracoubo, de Kourou, de Rémire-Montjoly, de Régina, de Papaichton, de Roura, de Saint-Elie, de Saint-Laurent-du-Maroni, de Sinnamary, de Saül et de Saint-Georges de l'Oyapock.
Copie en sera adressée au Premier ministre, à la ministre des outre-mer, à la collectivité territoriale de Guyane et au tribunal administratif de Cayenne.