Décision n° 2016-565 QPC du 16 septembre 2016 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 397366
ECLI : FR : CECHR : 2016 : 397366.20160620
Inédit au recueil Lebon
3ème et 8ème chambres réunies
Mme Célia Verot, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
lecture du lundi 20 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 mars et 12 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'Assemblée des départements de France demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête enregistrée le 26 février 2016 et tendant à l'annulation de la circulaire du ministre de l'intérieur, de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, et du secrétaire d'Etat à la réforme territoriale du 22 décembre 2015 relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- le code de justice administrative ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-618 QPC du 9 décembre 2010 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Célia Verot, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leur compétence » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, « Le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui attribue. / Il est compétent pour mettre en oeuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l'accueil des jeunes enfants et à l'autonomie des personnes. Il est également compétent pour faciliter l'accès aux droits et aux services des publics dont il a la charge. / Il a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes. » ; que ces dispositions sont applicables au présent litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;
4. Considérant que l'Assemblée des départements de France soutient que les dispositions de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales méconnaissent l'article 72 de la Constitution en privant les conseils départementaux de la compétence générale qu'ils détenaient auparavant d'intervenir dans les matières, qui n'avaient pas été attribuées par la loi à d'autres personnes ou collectivités publiques, afin de prendre des décisions ou de créer des services publics répondant à un intérêt public et aux besoins de la population ; que la question ainsi soulevée par l'Assemblée des départements de France présente un caractère sérieux ; qu'il y a donc lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'Assemblée des départements de France jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Assemblée des départements de France, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.