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Décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 - Décision de renvoi CE

Époux M. D. [Exclusion des plus-values mobilières placées en report d'imposition de l'abattement pour durée de détention]
Conformité - réserve

Conseil d'État
N° 394596
ECLI : FR : CESSR : 2016 : 394596.20160210
Inédit au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Esther de Moustier, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public

Lecture du mercredi 10 février 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...B...demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation du paragraphe 370 de l'instruction BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10 publiée au bulletin officiel des finances publiques-impôts le 2 juillet 2015, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des 1, 1 ter et 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts en tant que leurs dispositions ne prévoient pas l'application d'un abattement pour durée de détention aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la décision n° 2012-662 DC du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, notamment son article 17 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a modifié l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, en particulier en soumettant ces plus-values au barème de l'impôt sur le revenu tout en prévoyant un dispositif d'abattement sur le montant des gains nets de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, selon la durée de détention de ces valeurs ; que l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction issue de cet article, dispose désormais, à son 1, que : « Les gains nets de cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés, de droits portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés au I de l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7,7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. (...) » ; qu'il définit, à son 1 ter, l'abattement pour durée de détention de droit commun et, à son 1 quater, l'abattement pour durée de détention renforcé applicable à certaines situations ; que le III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013 ; que, à l'appui de leur demande d'annulation du paragraphe 370 de l'instruction BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10 publiée au bulletin officiel des finances publiques le 2 juillet 2015 en tant qu'il précise que les abattements prévus par les dispositions précitées ne s'appliquent pas aux plus-values réalisées avant le 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition pour lesquelles le report expire à compter de cette même date, M. et Mme B...soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité sur les dispositions des 1, 1ter et 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 17 de la loi de finances pour 2014 ;

3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées du 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 relative à la loi de finances pour 2013 ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions des 1 ter et 1 quater du même article, que, compte tenu des modalités d'entrée en vigueur définies par le III de l'article 17 de la loi de finances pour 2014, les abattements pour durée de détention qu'elles prévoient ne sont pas applicables aux plus-values réalisées et placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013 et dont le report expire postérieurement à cette date ; que les requérants font valoir que, compte tenu du caractère particulier des revenus en cause, ils pouvaient légitimement attendre que ces plus-values en report soient imposées dans les mêmes conditions que des plus-values réalisées à la date de l'expiration du report ;

5. Considérant que les dispositions des 1 ter et 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 17 de la loi de finances pour 2014, qui sont applicables au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à la garantie des droits qui résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce que les abattements pour durée de détention qu'elles prévoient ne sont pas applicables aux plus-values réalisées et placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013 et dont le report expire postérieurement à cette date soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des 1 ter et 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts en ce que les abattements pour durée de détention qu'ils prévoient ne sont pas applicables aux plus-values réalisées et placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013 et dont le report expire postérieurement à cette date est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité relative au 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 17 de la loi de finances pour 2014, soulevée par M. et MmeB....

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Premier ministre.