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Décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015 - Saisine par 60 sénateurs

Loi de finances pour 2016
Non conformité partielle

Les Sénateurs soussignés ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de finances pour 2016 définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 17 décembre 2015. A l'appui de cette saisine, ils développent les griefs suivants :

I.Sur l'insincérité de la loi de finances pour 2016

Le Conseil constitutionnel a régulièrement indiqué que le principe de sincérité s'analysait comme l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances. Or, il apparaît que le gouvernement a méconnu ce principe en retenant des hypothèses économiques fragiles.

Si la loi de finances a été construite sur une base plutôt réaliste quant à son hypothèse de croissance (1,0 % en 2015 et 1,5 % en 2016, en conformité avec la moyenne des estimations des économistes), l'hypothèse d'inflation retenue (soit 1,0 %) apparaît, elle, nettement surévaluée. Tandis que l'année 2015 s'achève avec un taux de croissance des prix quasi-nul (0,1 %), le gouvernement se contente, en effet, dans un contexte international pourtant instable et volatil, de retenir sans la moindre explication une hypothèse de 1,0 %.

S'agissant de la baisse de la dépense publique, l'objectif d'une hausse contenue à 0,3 % en volume en 2016 (contre 0,9 % en 2015) affiché par le gouvernement est, de l'aveu du Haut Conseil des Finances publiques, jugé « particulièrement ambitieux ». Le Haut Conseil des Finances publiques a, au surplus, dénoncé l'absence d'économies documentées accompagnant l'annonce de nombreuses dépenses nouvelles.

Les estimations de recettes fiscales revêtent, elles aussi, un caractère particulièrement aléatoire. Tout d'abord, dans un contexte où l'élasticité moyenne des recettes à la croissance est négative (-0,6 entre 2012 et 2014, alors qu'elle était, depuis 2005, toujours supérieure à 1), une hausse de la croissance est susceptible de provoquer une variation à la baisse des recettes. En 2016, la France s'expose ainsi à un dangereux effet ciseaux : une croissance moins élevée par rapport aux estimations et une croissance des recettes fiscales inférieure au taux de croissance du produit intérieur brut. Par ailleurs, le gouvernement ne tient pas compte de l'impact économique réel, nécessairement négatif, de l'hyper-concentration de l'impôt sur les classes supérieures, ni de l'annihilation de la baisse de la fiscalité nationale par la hausse de la fiscalité locale qui, par ricochet, rendent erronées les prévisions de recettes fiscales.

En outre, il apparaît que le gouvernement a méconnu le principe de sincérité en introduisant dans la loi de finances rectificative pour 2015 la création d'un nouveau compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » et d'un nouveau programme de la mission « Écologie, développement et mobilité durable », entrant en vigueur à partir du 1er janvier 2016 et ne figurant pas dans la loi de finances pour 2016.

Le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » et le nouveau programme de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » ont été rendus publics lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2015 au conseil des ministres du 13 novembre 2015, alors que les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » avaient été votés le 10 novembre 2015 par l'Assemblée nationale et examinés le 4 novembre 2015 en commission des finances du Sénat.

C'est dans ce compte d'affectation spéciale et ce programme que sont inscrites les charges financées par la contribution au service public de l'électricité, qui représentaient 6,2 milliards d'euros en 2015.

On peut, au total, considérer que la représentation nationale n'a pas bénéficié d'une présentation intelligible et sincère de l'état des finances publiques lui permettant de se prononcer de façon rigoureuse sur le respect, par la France, de ses engagements européens. Il appartient en conséquence à votre Conseil de reconnaître le caractère insincère de la loi de finances pour 2016.

II.Sur l'article 8 quater élargissant le champ de la taxe sur les transactions financières (TTF) aux transactions intra-journalières (ou « intraday »)

Cet article élargit le champ de la TTF aux opérations intra-journalières à compter du 31 décembre 2016. Prétendant dégager des recettes supplémentaires et limiter les transactions déstabilisatrices qui accentuent la volatilité du marché, l'assujettissement des transactions intra-journalières à la TTF risquerait, tout au contraire, de pénaliser le financement des entreprises françaises par les marchés, les rendant par ailleurs tributaires des banques anglo-saxonnes.

Instituée par l'article 5 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, la TTF a été bâtie sur la notion de « transfert de propriété », les titres achetés donnant lieu à une inscription au compte-titres de l'acheteur le jour de la transaction, le transfert de propriété n'étant, lui, constaté qu'au moment de la livraison (soit en J+2).

Rappelons, au préalable, que le champ d'application de la TTF résulte de la combinaison de cinq conditions devant être cumulativement remplies : il doit s'agir (i) d'une acquisition à titre onéreux (ii) donnant lieu à transfert de propriété (iii) de titres de capital ou de titres assimilés (iv) admis sur un marché réglementé, (v) qui sont émis par une société française de plus d'un milliard d'euros de capitalisation. Le transfert de propriété constitue ainsi l'un des cinq éléments déclencheurs de la TTF, quel que soit le lieu d'établissement ou de résidence des parties et quel que soit le lieu de conclusion du contrat opérant le transfert de propriété.

Les transactions intra-journalières ne sont, par conséquent, nullement visées par la TTF.

Or, comme l'a notamment montré le rapport n° 259 de la commission des affaires européennes du Sénat relatif à la mise en œuvre de la TTF, publié le 21 décembre 2012, le fondement juridique qui naît du transfert de propriété constitue un élément indispensable à l'application de la TTF en France. En effet, la seule constatation qu'un achat de titres soumis à la TTF a été opéré ne saurait suffire à rendre exigible la taxe. Il importe, au surplus, que cet achat soit matérialisé par une inscription en compte.

Le transfert de propriété permet, en outre, à l'administration fiscale française d'appliquer une taxe sur les transactions à des intermédiaires étrangers. En tant qu'elle est assise sur le transfert de propriété, la TTF demeure effectivement contrôlable par les dépositaires. A l'inverse, la suppression de la référence au « transfert de propriété », ainsi que l'a proposée le législateur, contribuerait à accroître le risque de contestation de la base légale par les intermédiaires financiers étrangers. De fait, la suppression de cette référence risquerait de nuire à sa collecte en ouvrant de nombreuses incertitudes sur son fait générateur, tant vis-à-vis des redevables français que des redevables étrangers.

En supprimant la notion de transfert de propriété du dispositif de la TTF, le législateur méconnaît ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi découlant des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Votre Conseil pourrait, au surplus, censurer le dispositif pour incompétence négative du législateur, celui-ci n'ayant pas déterminé avec une précision suffisante les modalités de recouvrement de la TTF. Sur le plan procédural, notons enfin que l'article 8 quater a été inséré dans la première partie du projet de loi de finances pour 2016, alors même que la mesure, effective à compter du 31 décembre 2016, n'aura aucun effet sur l'exercice budgétaire de l'année 2016.

Pour ces raisons, il appartient à votre Conseil de censurer l'article 8 quater de la loi de finances pour 2016.

III.Sur l'article 10 portant diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF)

Selon les dispositions de l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales, en son alinéa premier, « le montant de la dotation globale de fonctionnement est fixé chaque année par la loi de finances ».

Tandis que le montant de la DGF était respectivement fixé à 41 505 415 000 euros en 2013, à 40 121 044 000 euros en 2014 et à 36 607 053 000 euros en 2015, soit une baisse cumulée de 6 282 733 000 euros en deux ans, l'article 10 de la loi de finances pour 2016 dispose que « ce montant est égal à 33 108 514 000 euros », soit une nouvelle baisse de 3 498 539 000 euros par rapport à 2015.

Le Gouvernement a décidé, ainsi qu'il résulte de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, de faire participer les collectivités territoriales, sur la période 2015-2017, à hauteur de 11,5 milliards d'euros au plan de 50 milliards d'économies prévu pour l'ensemble des administrations publiques. Cet effort se traduit, pour l'année 2016, par une réduction de 3,50 milliards d'euros du montant de la DGF, après une réduction de 3,67 milliards en 2015 et 1,5 milliard en 2014.

L'article 34 de la Constitution indique que « La loi fixe les règles concernant […] la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ».

L'article 72-2 alinéa 4 de la Constitution dispose que « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

En ce sens, si votre Conseil rappelle que la loi peut supprimer ou réduire des ressources aux collectivités territoriales en vertu de l'article 34 de la Constitution, ce n'est qu'à la condition de les remplacer par une autre ressource de nature fiscale ou par une dotation, dans le respect de l'article 72-2 susvisé. La loi du 6 janvier 1966, qui supprime la taxe locale sur le chiffre d'affaires jusqu'alors perçue par les communes et assise sur les transactions commerciales réalisées sur le territoire communal, prévoit en compensation d'affecter aux communes 85 % du produit du « versement forfaitaire sur les salaires » perçu par l'Etat. La loi du 29 novembre 1968, qui supprime la taxe sur les salaires, prévoit en compensation des recettes supprimées pour les collectivités locales l'institution du versement représentatif destiné à leur assurer un niveau de ressources égal à celui dont elles disposaient antérieurement, le versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS).

La loi n° 79-15 du 3 janvier 1979, qui supprime le VRTS, institue en compensation une DGF versée par l'Etat aux collectivités locales et à certains de leurs groupements. Enfin, l'ensemble du corpus législatif relatif aux exonérations et abattements de fiscalité locale décidés par l'Etat prévoit aussi la compensation des recettes supprimées. En ce sens, la DGF est instituée par le législateur afin de répondre à l'obligation constitutionnelle de compensation des ressources supprimées.

La loi de finances pour 2014 qui instaure la baisse de DGF prévoit une compensation pérenne de cette baisse pour les régions et pour les départements.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel confirme l'obligation de compensation. Dans sa décision 2000-432 DC du 12 juillet 2000 concernant la suppression de la taxe d'habitation des régions, votre Conseil ne censure pas la suppression de cet impôt au motif que la compensation attribuée aux régions « est égale au produit des rôles généraux de taxe d'habitation ou de taxe spéciale d'équipement additionnelle à la taxe d'habitation émis au profit de chaque région et de la collectivité territoriale de Corse en 2000 revalorisé en fonction du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement » et que, « à compter de 2002, le montant de cette compensation évolue chaque année comme la dotation globale de fonctionnement ». Dans sa décision 2000-442 DC du 28 décembre 2000 sur la suppression de la vignette automobile, le Conseil constitutionnel ne censure pas davantage la suppression de la vignette automobile, au motif qu' « en contrepartie des pertes de recettes des départements et de la collectivité territoriale de Corse résultant des nouvelles exonérations de taxe, l'article 6 prévoit, à la charge de l'Etat, une compensation indexée à partir de 2002 sur la dotation globale de fonctionnement ».

Il ressort des articles susvisés de la Constitution, de l'ensemble des décisions du Conseil constitutionnel, comme de la législation en vigueur, que la compensation est définie :
- d'une part, par l'allocation d'un montant de recettes comparable (ce montant n'est pas nécessairement identique, la perte pouvant ainsi être supérieure à la compensation) ;
- d'autre part, par l'allocation de recettes de même nature.

La suppression d'une recette de fonctionnement est ainsi compensée par l'allocation d'une nouvelle recette de fonctionnement. L'augmentation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ne peut, s'agissant d'une recette d'investissement, être considérée comme une compensation. De même, la dotation de soutien à l'investissement attribuée au bloc communal constitue une recette d'investissement et ne peut, en tant que telle, compenser une baisse des recettes de fonctionnement. Enfin, l'élargissement de l'assiette du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux dépenses d'entretien des bâtiments et de la voirie n'interviendra qu'à compter de 2016, soit, pour l'essentiel, des versements au titre du FCTVA à compter de 2017 et 2018. Les montants des versements attendus abondent la section de fonctionnement (pour un montant toutefois sans commune mesure avec la baisse de DGF du bloc communal, soit 2 milliards d'euros cumulés par an). L'impact de la mesure concernant les bâtiments est ainsi évalué par l'Etat à 12 millions d'euros pour 2016, à 109 millions d'euros pour 2017, et à 143 millions d'euros à compter de 2018. L'Etat évalue l'impact de la mesure concernant la voirie à 15 millions d'euros en 2016, étiage porté à 300 millions d'euros en année pleine.

Le prélèvement de 3,50 milliards d'euros du montant de la DGF pour 2016 ne permettant pas de répondre au principe de compensation, il appartient à votre Conseil de censurer l'article 10 de la loi de finances pour 2016.

Par ailleurs, en entraînant plus de 1 500 collectivités du bloc communal sur la voie du déficit structurel et en réduisant de 87 % l'autofinancement des collectivités à l'horizon 2017, le montant du prélèvement sur la DGF décidé par le législateur porte manifestement atteinte aux principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales, inscrits aux articles 72 et 72-2 de la Constitution.

Certes, l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. De même, si les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », elles le font « dans les conditions prévues par la loi », conformément aux articles 72 et 72-2 de la Constitution (décision n° 2014-707 DC du 29 décembre 2014).

Les moyens financiers des collectivités territoriales ne sauraient pour autant être restreints au point d'entraver la libre administration des collectivités.

Or, il ressort de la baisse de la DGF de 3,50 milliards d'euros prévue pour 2016 comme de la baisse cumulée de 6,3 milliards d'euros depuis 2013 l'impossibilité pour le législateur de garantir l'effectivité du principe de libre administration au bénéfice des collectivités territoriales.

En conséquence, il appartient à votre Conseil de censurer l'article 10 de la loi de finances pour 2016.

IV.Sur l'article 34 bis imputant à compter du 1er janvier 2017 une fraction de la prime d'activité sur la contribution sociale généralisée (CSG)

Cet article remplace une partie de la prime d'activité par une réduction automatique et dégressive de la CSG pour les salariés gagnant jusqu'à 1,34 fois le salaire minimum de croissance (SMIC).

Un tel dispositif méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques, en instituant des différences de traitement manifestement contraires à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

A titre liminaire, rappelons que, si elle est certes une « imposition de toute nature » dont le produit a pour finalité la « mise en œuvre du principe de solidarité générale » (décision n° 90-285 DC du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1990), la CSG demeure entièrement affectée au financement de la sécurité sociale. Or, la prime d'activité, en ce qu'elle ne constitue pas une prestation sociale, a vocation non pas à alimenter le budget de la sécurité sociale mais le budget de l'Etat. En imputant sur la CSG, dans le cas des revenus d'activité et de remplacement, une aide sociale qui relève non pas de la sécurité sociale mais de l'Etat, le présent article dénature l'objet même de la CSG, et complexifie inutilement les relations financières entre l'Etat et les différentes branches de la sécurité sociale.

La rupture du principe d'égalité devant les charges publiques résulte d'abord d'une différence de traitement entre les redevables.

En imputant la prime d'activité sur les revenus d'activité et de remplacement pour le calcul de la CSG supportée par les salariés et fonctionnaires jusqu'à 1,34 fois le SMIC, le législateur crée une rupture d'égalité à raison des capacités contributives des non-salariés, actifs ou inactifs (indépendants, professions libérales, artisans et commerçants, chômeurs, retraités).

En introduisant un mécanisme de « dégressivité » de la CSG par rapport à son taux normal, qui ne tient compte « ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d'une activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci », ne prend pas en considération « l'ensemble des facultés contributives », et « crée, entre les contribuables concernés, une disparité manifeste contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789 » (décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000), l'article 34 bis de la loi de finances pour 2016 méconnaît manifestement le principe d'égalité devant les charges publiques.

Dans sa décision n° 2000-437 précitée, votre Conseil a déjà censuré une précédente tentative - finalement analogue à celle du présent dispositif - de réduction de la CSG pour les salaires allant jusqu'à 1,4 fois le SMIC. Il avait en effet estimé que l'introduction d'une dose de progressivité dans un impôt strictement proportionnel impliquait que l'on raisonnât comme en matière d'impôt sur le revenu, c'est-à-dire par foyer fiscal. A l'évidence, tel n'est pas le cas avec l'article 34 bis de la loi de finances pour 2016.

La rupture du principe d'égalité devant les charges publiques résulte ensuite de la composition même de la « base ressources » de la prime d'activité.

La « base ressources » de la prime d'activité énumère la liste des ressources prises en compte dans le calcul de la prestation. La différence avec la « base ressources » du RSA « socle » tient au fait que la prime d'activité est versée aux travailleurs justifiant de revenus tirés de leur activité professionnelle. Pour le RSA « socle », il s'agit de déterminer les ressources du foyer afin de fixer, dans le cadre d'un minimum social, le montant permettant d'atteindre un revenu garanti.

En application de l'article L. 842-4 du code de la sécurité sociale, tel que modifié par la loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, entrent dans le champ des ressources de la prime d'activité, outre les revenus d'activité, les revenus de remplacement des revenus professionnels, l'avantage en nature que constitue la disposition d'un logement à titre gratuit, les prestations et aides sociales (à l'exception de certaines d'entre elles en raison de leur finalité sociale particulière), ainsi que les autres revenus soumis à l'impôt sur le revenu (pensions alimentaires, revenus fonciers ou encore revenus imposables des capitaux).

Or, parmi les différentes prestations et aides sociales comprises dans la composition de la « base ressources » de la prime d'activité, figurent les allocations familiales et aides au logement (complément familial majoré, allocation de soutien familial, allocation de logement familial, allocation de logement sociale, aide personnalisée au logement, etc.). Ces dispositifs, s'ils sont assujettis à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), ne le sont pas à la CSG. Il résulte de ce qui précède que deux contribuables dans une situation identique (bénéficiant par là d'un montant identique de prime d'activité) pourraient avoir à acquitter un montant différent de CSG, à raison seulement de la composition de la « base ressources » de la prime d'activité.

Il s'agit là encore d'une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques, qui ne saurait en aucun cas être fondée sur des critères objectifs et rationnels tenant aux buts assignés au dispositif (cf. en ce sens la décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013).

Au surplus, l'imputation prévue ne sera accordée qu'à la condition de respecter des critères de ressources et charges évalués a posteriori, c'est-à-dire lors du calcul de l'impôt sur le revenu, qui n'intervient qu'en fin d'exercice budgétaire. La régularisation de la situation des bénéficiaires de l'imputation automatique pourrait ainsi aboutir à ce que l'administration ait à récupérer les trop-perçus. Selon les premières estimations des services du ministère des Finances, rappelées en séance publique par le ministre des finances, Michel Sapin, 10 à 20 % des bénéficiaires seraient concernés sur 4 millions de foyers fiscaux.

Pour ces raisons, il appartient à votre Conseil de censurer cet article.