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Décision n° 2015-521/528 QPC du 19 février 2016 - Décision de renvoi CE

Commune d'Éguilles et autre [Répartition des sièges de conseillers communautaires entre les communes membres de la métropole d'Aix-Marseille-Provence]
Conformité

Conseil d'État
N° 394218
ECLI : FR : CESJS : 2015 : 394218.20151218
Inédit au recueil Lebon
3ème SSJS
Mme Célia Verot, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public

Lecture du vendredi 18 décembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire distinct, enregistrés les 23 octobre et 23 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Pertuis demande au Conseil d'Etat :

1 °) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er septembre 2015 des préfets des Bouches-du-Rhône, du Var et de Vaucluse constatant le nombre et la répartition des sièges du conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ;

2 °) de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 4 ° bis du IV et des mots : « à l'exception de la métropole d'Aix-Marseille-Provence » figurant au premier alinéa du VI de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales ;

3 °) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- le décret n° 2015-1085 du 28 août 2015 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Célia Verot, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, le I de l'article 42 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a créé les articles L. 5218-1 à L. 5218-11 du code général des collectivités territoriale relatifs à la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Aux termes de l'article L. 5218-1 de ce code : « I. - Par dérogation au deuxième alinéa de l'article L. 5217-1, la métropole d'Aix-Marseille-Provence regroupe l'ensemble des communes membres de la communauté urbaine Marseille Provence métropole, de la communauté d'agglomération du Pays d'Aix-en-Provence, de la communauté d'agglomération Salon Etang de Berre Durance, de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence et de la communauté d'agglomération du Pays de Martigues. / Le siège de la métropole d'Aix-Marseille-Provence est fixé à Marseille. / II. - La métropole d'Aix-Marseille-Provence est soumise aux dispositions du chapitre VII du présent titre, sous réserve des dispositions du présent chapitre ». Le II de l'article 42 de la loi du 27 janvier 2014 dispose que la métropole d'Aix-Marseille-Provence est créée au 1er janvier 2016.

2. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales : « Les métropoles (...) sont administrées par un organe délibérant composé de délégués des communes membres élus dans le cadre de l'élection municipale au suffrage universel direct pour toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste, dans les conditions fixées par la loi ». Il résulte du I de l'article L. 5211-6-1 du même code que le nombre et la répartition des sièges de conseiller communautaire sont établis, en ce qui concerne les métropoles, selon les modalités prévues aux II à IV de cet article. Le II de cet article prévoit que, dans les métropoles, la composition de l'organe délibérant est établie par les III à VI selon les principes suivants : « 1 ° L'attribution des sièges à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne aux communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale, en fonction du tableau fixé au III, garantit une représentation essentiellement démographique ; / 2 ° L'attribution d'un siège à chaque commune membre de l'établissement public de coopération intercommunale assure la représentation de l'ensemble des communes ». Le III du même article fixe à 130 le nombre des conseillers communautaires de l'organe délibérant de tout établissement de coopération intercommunale dont la population municipale excède un million d'habitants et prévoit que ce nombre peut être modifié dans les conditions prévues aux 2 °, 4 ° ou 5 ° du IV. Aux termes du IV du même article : « La répartition des sièges est établie selon les modalités suivantes : / 1 ° Les sièges à pourvoir prévus au tableau du III sont répartis entre les communes à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sur la base de leur population municipale authentifiée par le plus récent décret publié en application de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ; / 2 ° Les communes n'ayant pu bénéficier de la répartition de sièges prévue au 1 ° du présent IV se voient attribuer un siège, au-delà de l'effectif fixé par le tableau du III ; / (...) 4 ° Si, par application des modalités prévues aux 1 ° à 3 ° du présent IV, le nombre de sièges attribués à une commune est supérieur à celui de ses conseillers municipaux, le nombre total de sièges au sein de l'organe délibérant est réduit à due concurrence du nombre de sièges nécessaire pour que, à l'issue d'une nouvelle application des 1 ° à 3 ° du présent IV, cette commune dispose d'un nombre total de sièges inférieur ou égal à celui de ses conseillers municipaux ; / 4 ° bis Dans la métropole d'Aix-Marseille-Provence, sont attribués en supplément, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, aux communes ayant bénéficié de la répartition des sièges prévue au 1 ° du présent IV, 20 % de la totalité des sièges, répartis en application des 1 ° et 2 ° du même IV ; / 5 ° En cas d'égalité de la plus forte moyenne entre des communes lors de l'attribution du dernier siège, chacune de ces communes se voit attribuer un siège ». Enfin, le premier alinéa du VI du même article prévoit que dans les métropoles, à l'exception de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, les communes peuvent créer et répartir un nombre de sièges supplémentaires inférieur ou égal à 10 % du nombre total de sièges issu de l'application des III et IV.

3. A l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté conjoint du 1er septembre 2015 des préfets des Bouches-du-Rhône, du Var et de Vaucluse constatant le nombre et la répartition des sièges du conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, la commune de Pertuis demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 4 ° bis du IV et des mots : « à l'exception de la métropole d'Aix-Marseille-Provence » figurant au premier alinéa du VI de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

5. Les dispositions du 4 ° bis du IV et les mots : « à l'exception de la métropole d'Aix-Marseille-Provence » figurant au premier alinéa du VI de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales sont applicables au litige dont est saisi le Conseil d'Etat. Ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux principes d'égalité devant le suffrage et d'égalité devant la loi, soulève une question présentant un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Pertuis.

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du 4 ° bis du IV et des mots : « à l'exception de la métropole d'Aix-Marseille-Provence » figurant au premier alinéa du VI de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la commune de Pertuis jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité mentionnée à l'article 1er.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Pertuis, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.