Décision n° 2015-459 QPC du 26 mars 2015 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 385787
ECLI : FR : CESSR : 2015 : 385787.20150116
Inédit au recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats
lecture du vendredi 16 janvier 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance n° 1404524 du 17 novembre 2014, enregistrée le 18 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes, avant qu'il soit statué sur la demande de M. C...A..., tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre de la justice du 11 septembre 2014 portant nomination de M. B...D...en qualité de greffier du tribunal de commerce de Rennes, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 91 de la loi sur les finances du 28 avril 1816 ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 octobre 2014 au greffe du tribunal administratif de Rennes, présenté par M. C...A..., demeurant..., en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 janvier 2015, présentée par le garde des sceaux, ministre de la justice ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu la loi du 28 avril 1816, notamment son article 91 ;
Vu la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, notamment son article 29 ;
Vu le code de commerce ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-429 QPC du 21 novembre 2014 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Justine Lieber, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. D...;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'État lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changements de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances que les greffiers des tribunaux de commerce peuvent présenter à l'agrément du garde des sceaux, ministre de la justice, des successeurs « pourvu qu'ils réunissent les qualités exigées par les lois » et que ces successeurs peuvent être des personnes physiques ou des sociétés civiles professionnelles ;
3. Considérant que M. A...a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté du 11 septembre 2014 du garde des sceaux, ministre de la justice, portant nomination d'un greffier associé au sein d'une société civile professionnelle titulaire de l'office de greffier du tribunal de commerce de Rennes ; que les dispositions du premier alinéa de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816, en tant qu'elles portent sur les greffiers des tribunaux de commerce, doivent être regardées comme applicables à ce litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, dès lors que la décision visée ci-dessus du Conseil constitutionnel du 21 novembre 2014 se prononce sur l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 en tant seulement qu'il porte sur les notaires ; que le moyen tiré de ce que les dispositions en cause portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égal accès aux places, dignités et emplois publics protégé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles permettent aux greffiers des tribunaux de commerce de disposer d'un « droit de présentation » de leurs successeurs, alors qu'ils participent directement au service public de la justice commerciale et que les usagers ne sont pas libres du choix du greffier du tribunal de commerce dont ils requièrent les services, soulève une question qui présente un caractère sérieux ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816, en tant qu'elles sont applicables aux greffiers des tribunaux de commerce ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816, en tant qu'elles sont applicables aux greffiers des tribunaux de commerce, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...A..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B...D....
Copie en sera adressée au Premier ministre et au tribunal administratif de Rennes.