Contenu associé

Décision n° 2014-709 DC du 15 janvier 2015 - Observations du Gouvernement

Loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I / Sur la procédure d'adoption de la loi

A/ Les députés et les sénateurs auteurs des saisines estiment que la loi déférée a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir procédé à une consultation préalable des conseils généraux et conseils régionaux. Les sénateurs requérants soutiennent également que la loi a été adoptée en méconnaissance des dispositions du quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution, faute pour l'Assemblée nationale d'avoir examiné, en lecture définitive, les amendements adoptés par la commission spéciale du Sénat en nouvelle lecture, et que l'article 11 n'a pas sa place dans la loi déférée.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

1/ Sur la régularité de la procédure parlementaire lors de la lecture définitive.

Les sénateurs auteurs du recours soutiennent que l'interprétation des dispositions du quatrième alinéa de l'article 45 retenue par l'Assemblée nationale aurait méconnu les articles 44 et 45 de la Constitution et reviendrait à priver d'effet le droit d'amendement des sénateurs.

Le Gouvernement estime que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le désaccord entre les deux assemblées sur l'interprétation du quatrième alinéa de l'article 45 n'a en tout état de cause entaché d'aucun vice substantiel la procédure d'adoption de la loi.

a) Le quatrième alinéa de l'article 45 prévoit que, lorsque le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, « l'Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat ».

Les auteurs du recours estiment que les amendements adoptés en nouvelle lecture par la commission spéciale et intégrés au texte adopté par cette commission en vue de son examen en séance par le Sénat devaient être regardés comme « des amendements adoptés par le Sénat » au même titre que les amendements adoptés par le Sénat à l'occasion de l'examen du projet en séance.

L'Assemblée nationale considère de son côté que seuls les amendements adoptés en séance peuvent être regardés comme des amendements adoptés par le Sénat au sens des dispositions du quatrième alinéa de l'article 45. Elle souligne que la nouvelle lecture à laquelle procède le Sénat est d'une nature spécifique, au même titre que la lecture définitive qu'elle précède immédiatement. L'Assemblée nationale estime par ailleurs que l'absence de modification du quatrième alinéa de l'article 45 à l'occasion de la révision constitutionnelle de 2008 doit être interprétée comme confirmant la pratique antérieure, dans laquelle les amendements ne pouvaient être adoptés qu'en séance. Elle souligne enfin que cette interprétation de la Constitution contribue à la clarté des débats en facilitant l'identification des amendements adoptés par le Sénat. C'est sur la base de cette interprétation de l'article 45 de la Constitution que les services de l'Assemblée nationale vérifient la recevabilité des amendements qui sont déposés en dernière lecture et préparent les documents soumis à l'examen des députés.

L'application de cette interprétation à l'occasion de l'examen en lecture définitive de la loi déférée a conduit à ce que soient déclarés irrecevables deux amendements déposés devant la commission des lois et un amendement déposé en séance qui reprenaient le texte d'amendements adoptés par la commission spéciale du Sénat.

Le grief soulève ainsi la question de savoir si cette interprétation a méconnu le droit d'amendement, non pas des sénateurs, mais des députés auxquels ont été opposées ces irrecevabilités.

La question est nouvelle et inédite dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle ne se pose en effet que depuis que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a prévu qu'en principe, les assemblées sont appelées à délibérer sur le texte de la commission saisie en application de l'article 43 de la Constitution.

Son caractère inédit résulte également de ce que le Sénat avait, dans un premier temps, tenu compte de l'interprétation de l'Assemblée nationale en s'abstenant, à l'occasion de l'examen de précédentes lois, d'adopter en commission une version modifiée du projet susceptible d'être présentée en séance (voir, notamment, les débats en commission à l'occasion de l'examen en nouvelle lecture par le Sénat de la proposition de loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes). Dans tous les cas où la commission chargée de l'examen du texte en nouvelle lecture au Sénat s'abstient d'adopter une version modifiée, la divergence d'interprétation entre les deux assemblées n'a pas d'incidence sur les conditions d'examen des amendements en lecture définitive.

C'est donc le décalage entre l'interprétation de l'Assemblée nationale et la pratique suivie en l'espèce par le Sénat qui a conduit à la situation dans laquelle certains amendements ont été déclarés irrecevables.

b) Il n'en est pas résulté, pour autant, d'atteinte substantielle au droit d'amendement.

i/ Il ressort en effet de la jurisprudence que, lorsqu'il est soutenu que des amendements ont été déclarés irrecevables à tort, le Conseil constitutionnel apprécie si « cette circonstance, à la supposer établie », a revêtu « un caractère substantiel entachant de nullité la procédure législative eu égard au contenu des amendements ou des sous-amendements concernés et aux conditions générales du débat » (décision n° 2006-535 DC, cons. 10 ; décision n° 93-329 DC, cons. 22).

Si ces précédents concernent des cas d'obstruction parlementaire, ils montrent, au-delà du cas de figure à l'occasion duquel ils ont été jugés, que la jurisprudence ne tire pas de conséquence mécanique d'une éventuelle méconnaissance du droit d'amendement mais s'attache à vérifier si l'atteinte alléguée a revêtu un caractère substantiel.

Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs déjà jugé que des pratiques limitant les possibilités d'exercice du droit d'amendement, admises dans des cas d'obstruction parlementaire, pouvaient également être mises en œuvre, dans certaines circonstances, au cours des dernières phases du débat parlementaire, après l'échec de la commission mixte paritaire, à un stade où l'exercice du droit d'amendement fait davantage écho au désaccord consommé entre les deux chambres qu'il ne vise à obtenir la modification du texte.

A l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2013, le Conseil constitutionnel a ainsi admis (dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012) qu'en l'absence même d'obstruction parlementaire, la majorité sénatoriale avait pu adopter une question préalable dont l'objet principal était d'accélérer l'examen de la loi au stade de la nouvelle lecture. Il a écarté le grief tiré de la violation du droit d'amendement garanti par l'article 44 de la Constitution. Le même raisonnement n'aurait assurément pas pu être tenu, en l'absence d'obstruction, dans les lectures précédant la commission mixte paritaire.

Ce précédent confirme qu'il y a lieu de tenir compte, dans les étapes suivant l'échec de la commission mixte paritaire, de l'intensité des désaccords exprimés, pour apprécier la gravité de l'atteinte qui a pu être portée au droit d'amendement.

ii/ Compte tenu des circonstances particulières du cas d'espèce, le Conseil constitutionnel pourra constater que l'atteinte au droit d'amendement des députés, à la supposer établie, ne peut être regardée comme ayant revêtu un caractère substantiel.

L'irrecevabilité a été opposée en lecture définitive, à un stade des travaux parlementaires où la position respective des deux assemblées était entièrement cristallisée et alors que les amendements adoptés par la commission spéciale du Sénat avaient pour objet de revenir au texte adopté par celui-ci en deuxième lecture, c'est-à-dire au texte que l'Assemblée nationale avait refusé en deuxième lecture, avec lequel aucun compromis n'avait été possible en commission mixte paritaire et qu'elle avait à nouveau refusé en nouvelle lecture.

Dans ce contexte particulier, à supposer même que l'irrecevabilité ait été opposée à tort, l'impossibilité dans laquelle se sont trouvés les députés de proposer au vote de l'Assemblée nationale quelques amendements proposant de revenir au texte adopté par le Sénat en deuxième lecture ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte substantielle au droit d'amendement.

Cette conclusion s'impose d'autant plus que l'irrecevabilité contestée par le recours n'a été opposée qu'à trois amendements qui proposaient tous les trois de revenir à des rédactions expressément écartées par l'Assemblée nationale, qui avait successivement voté les amendements supprimant ces rédactions (en commission des lois en deuxième lecture) et rejeté les amendements déposés pour les réintroduire (en séance en deuxième lecture ou en nouvelle lecture).

iii/ Il convient au surplus de noter que deux de ces amendements ont été déposés seulement devant la commission des lois et n'ont pas été déposés pour l'examen en séance alors même qu'en lecture définitive devant l'Assemblée nationale, seuls des amendements déposés en séance peuvent être adoptés.

Il convient également de souligner que, si l'un des auteurs des amendements déposés en commission, M. Molac, a regretté que la divergence d'interprétation entre l'Assemblée nationale et le Sénat ait pour effet d'empêcher les députés de déposer certains amendements adoptés par la commission spéciale du Sénat, il n'a formellement contesté cette irrecevabilité ni devant la commission des lois ni en séance. Dans son intervention en séance, M. Molac, sans contester la doctrine de l'Assemblée nationale, a surtout regretté que le Sénat n'en ait pas tenu compte en décidant d'adopter l'essentiel de ses amendements en commission spéciale.

Quant au seul amendement (amendement n° 2, dont le caractère normatif et, partant, la constitutionnalité, étaient pour le moins incertains) déposé en séance et déclaré irrecevable au motif qu'il reprenait une disposition adoptée par la commission spéciale du Sénat, aucun de ses auteurs ni aucun autre député n'a pris la parole pour contester l'irrecevabilité qui lui avait été opposée.

Or, compte tenu de la spécificité de l'examen en lecture définitive, le Gouvernement estime en tout état de cause que la méconnaissance du droit d'amendement ne peut être utilement invoquée devant le Conseil constitutionnel si l'irrecevabilité n'a pas été contestée en séance. A ce stade des débats en effet, l'objectif de la procédure, tel qu'il se déduit de l'article 45 de la Constitution, n'est pas de poursuivre le travail d'élaboration du texte mais de mettre un terme au désaccord entre les deux assemblées en donnant le dernier mot à l'Assemblée nationale.

Dès lors que le texte adopté répond à l'exigence du quatrième alinéa de l'article 45 et qu'il correspond bien, soit au texte élaboré par la commission mixte paritaire, soit au dernier texte voté par l'Assemblée nationale, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat, la régularité du vote sur l'ensemble, qui marque l'adoption définitive de l'un des textes - en nombre limité - dont l'adoption est possible en lecture définitive, ne peut être remise en cause si aucun député n'a contesté en séance l'irrecevabilité opposée à un amendement.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement estime qu'à supposer même que l'appréciation portée par l'Assemblée nationale sur la recevabilité des amendements déposés en lecture définitive ait méconnu le sens et la portée de l'article 45 de la Constitution, il n'en est résulté, en l'espèce, aucune atteinte substantielle au droit d'amendement des députés.

Dans ces conditions, le grief tiré de ce que la méconnaissance des dispositions du quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution, lors de la lecture définitive du projet de loi à l'Assemblée nationale, devrait entraîner l'annulation de certains articles de la loi déférée ne peut qu'être écarté.

2/ Sur la consultation préalable des conseils généraux et des conseils régionaux.

Aucune disposition de la Constitution n'impose au législateur de consulter les assemblées locales avant de fixer les limites des collectivités territoriales.

L'article 72-1 de la Constitution prévoit que la modification des limites des collectivités territoriales peut donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. La seule règle prévue par la Constitution en la matière l'est ainsi sous la forme d'une faculté qui peut être exercée dans les conditions prévues par la loi. La Constitution n'édicte en revanche aucune règle imposant la consultation des conseils élus préalablement à l'adoption d'une loi modifiant les limites des collectivités territoriales.

L'article 72-3 de la Constitution prévoit que les collectivités s'administrent librement par des conseils élus mais précise que cette libre administration s'exerce « dans les conditions prévues par la loi ». Le législateur est donc bien compétent pour fixer l'organisation des collectivités territoriales et notamment pour définir le territoire des collectivités territoriales.

La seule condition de procédure imposée au législateur par la Constitution est celle de l'article 39 de la Constitution qui prévoit que les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.

Si les députés requérants invoquent des textes antérieurs à 1946 qui prévoyaient que les décisions administratives relatives aux modifications territoriales des communes nécessitent l'avis des collectivités intéressées, ces textes ne sauraient, en tout état de cause, être regardés comme fondant un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui s'imposerait à la procédure législative en l'absence de toute disposition en ce sens dans la Constitution.

De même, le grief tiré de ce que la loi déférée méconnaîtrait les stipulations de l'article 5 de la Charte européenne de l'autonomie locale ne pourra qu'être écarté. Le Conseil constitutionnel juge, en effet, depuis sa décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975 qu'il ne lui appartient pas d'examiner la compatibilité d'une loi avec les engagements internationaux de la France.

Le grief tiré de ce que la loi déférée aurait dû être précédée d'une consultation des collectivités territoriales concernées ne pourra donc qu'être écarté.

3/ L'article 11 de la loi déférée, qui modifie le calendrier d'achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France, a toute sa place dans la loi déférée.

L'article 11 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a prévu l'élaboration d'un schéma régional de coopération intercommunale portant sur les départements de l'Essonne, de la Seine-et-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines. La loi a prévu que la commission régionale de la coopération intercommunale avait un délai de trois mois pour se prononcer sur ce projet de schéma régional et éventuellement le modifier à la majorité des deux tiers de ses membres. Cette commission régionale de la coopération intercommunale est composée des membres des commissions départementales de la coopération intercommunale des quatre départements concernés.

L'organisation des travaux de la commission et en particulier la détermination du délai dont elle dispose pour se prononcer est très étroitement liée, compte tenu de la composition de cette commission, au calendrier des élections départementales.

Lorsque l'amendement a été adopté en première lecture, il tenait compte du report des élections tel qu'il était prévu par le projet de loi, pour détendre le calendrier de travail de la commission régionale qui avait été défini, dans la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, pour s'achever avant le renouvellement des conseils généraux et leur transformation en conseils départementaux. Il présentait donc un lien direct avec les dispositions du projet de loi prévoyant le report des élections.

Ce grief ne pourra donc qu'être écarté.

II/ Sur l'article 6

A/ L'article 6 de la loi déférée vise à garantir que les conseils régionaux comptent au moins deux conseillers régionaux issus des départements dont la population est inférieure à 100 000 habitants et quatre conseillers régionaux issus des départements dont la population est égale ou supérieure à 100 000 habitants.

Les sénateurs auteurs de la saisine considèrent que cet article méconnaît le principe d'égalité en ne garantissant la présence au sein du conseil régional que de deux conseillers régionaux issus des départements dont la population est inférieure à 100 000 habitants.

B/ Il convient de rappeler que, depuis la loi du 19 janvier 1999, les conseillers régionaux ne sont plus élus dans le cadre de circonscriptions départementales. L'article L. 338 du code électoral prévoit que les conseillers régionaux sont élus dans chaque région au scrutin de liste.

L'article L. 388 du code électoral prévoit que le scrutin s'exerce au niveau régional. Le nombre d'élus d'une liste donnée au sein du conseil régional dépend donc uniquement du nombre total des voix obtenues par cette liste dans la circonscription que constitue l'ensemble de la région.

La loi du 12 avril 2003 a néanmoins entendu maintenir l'existence d'un lien entre les conseillers régionaux et les départements.

Par un système de sections départementales, prévu à l'article L. 388-1 du code électoral, le législateur a prévu que la répartition des sièges entre les différents candidats présentés par une même liste se fasse en fonction des résultats obtenus par cette liste dans chaque département. Pour ce faire, chaque liste doit présenter un nombre déterminé de candidats dans des sections départementales.

Le Conseil constitutionnel a jugé que ce mode de scrutin était conforme à la Constitution en relevant que sa complexité trouvait son origine dans la conciliation que le législateur a voulu opérer entre la représentation proportionnelle dans le cadre d'un vote régional, la constitution d'une majorité politique au sein du conseil régional et la restauration d'un lien entre conseillers régionaux et départements (décision n°2003-468 DC, cons. 17).

Dans le cadre de l'élargissement des régions, le législateur a souhaité garantir que les conseils régionaux comprennent des membres issus de chaque département de la région. En effet, compte tenu des caractéristiques du système actuel, le risque était grand qu'aucun conseiller issu d'un département faiblement peuplé ne siège au sein du conseil régional. L'objectif d'intérêt général consistant, d'une part, à maintenir un lien entre les conseillers régionaux et les départements et, d'autre part, à assurer que la composition de l'assemblée régionale permette de refléter la diversité des territoires de la région, aurait pu s'en trouver méconnu.

C'est la raison pour laquelle la loi déférée prévoit que si, après la répartition des sièges entre les sections départementales au sein de chaque liste, un département ne compte pas au moins quatre conseillers régionaux (si sa population est égale à 100 000 habitants), ou au moins deux conseillers régionaux (si sa population est inférieure à 100 000 habitants), un ou plusieurs sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional soient réattribués à la section du département concerné. Ainsi, chaque conseil régional comptera au moins quatre conseillers régionaux issus des départements ayant au moins 100 000 habitants ou au moins deux conseillers régionaux issus des départements ayant moins de 100 000 habitants.

Dans les faits, seul le département de la Lozère compte moins de 100 000 habitants.

Les sénateurs auteurs de la saisine soutiennent que le législateur a méconnu le principe d'égalité devant le suffrage en ne garantissant la présence au sein du conseil régional que de deux conseillers régionaux venant de ce département alors que tous les autres départements seront représentés par au moins quatre conseillers régionaux.

Il convient, en premier lieu, de souligner que les modalités de répartition des sièges à l'intérieur d'une même liste ne peuvent être assimilées à une opération de découpage électoral. Ainsi qu'il a été dit, l'élection est régionale et le nombre de sièges obtenus par la liste dépend uniquement du nombre de suffrages obtenus au niveau régional. La répartition des sièges entre les candidats des différentes sections départementales tient compte du résultat de la liste régionale dans le département mais chaque élu est un élu de la région et le nombre total d'élus en provenance d'un département donné dépend d'abord du nombre d'élus obtenu par la liste au niveau régional.

Le mode de répartition des sièges entre les sections départementales respecte le principe d'égalité devant la loi dès lors qu'il tient compte du nombre des voix recueillies par la liste au sein de chaque département. Ce critère, qui est directement lié à l'objectif d'intérêt général consistant à assurer l'existence d'un lien entre conseillers régionaux et départements est pertinent pour répartir les sièges entre les différents candidats de la liste.

L'objectif de garantir la présence, au sein du conseil régional, d'élus représentant la diversité des territoires de la région, et de renforcer ainsi le lien entre le conseil régional et les départements, justifie les nouvelles dispositions qui garantissent l'existence d'un nombre minimal d'élus en provenance de chacun des départements de la région. Le choix retenu par le législateur, de prévoir que ces sièges seront attribués en cas de besoin aux candidats présentés, au titre des sections départementales concernées, par la liste qui bénéficie de la prime majoritaire permet de concilier cet objectif avec le principe d'une répartition des sièges en fonction du nombre des voix obtenues par la liste dans chaque département.

Le fait que ces sièges puissent revenir le cas échéant à des candidats présentés au titre de sections départementales dans des départements dans lesquels la liste régionale aurait recueilli un très faible nombre de voix ne peut être regardé comme portant atteinte à l'égalité devant le suffrage dès lors que les élus qui seront ainsi désignés font partie de la même liste et qu'ils devront leur élection au score obtenu par la liste sur l'ensemble de la région et à la place qui leur aura été attribuée sur cette liste, à l'intérieur des différentes sections départementales.

Par ailleurs, la différence de traitement entre les départements de moins de 100 000 habitants et les départements de plus de 100 000 habitants ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi. L'objectif d'assurer une représentation, au sein du conseil régional, de la diversité des territoires composant la région, n'interdit pas de tenir compte, dans la mise en œuvre de cet objectif, de l'importance de la population de chaque département.

La Lozère compte une population de 77 156 habitants, ce qui représente 1,27 % de la population de la nouvelle région Languedoc-Roussillon. Si le législateur avait prévu que quatre conseillers régionaux au moins devaient être issus de ce département, ils auraient représenté 2,53 % des conseillers régionaux. Cette sur-représentation aurait pu paraître disproportionnée au regard de l'objectif d'assurer une représentation de la diversité des territoires de la région. En tout état de cause, le principe d'égalité devant la loi n'imposait pas au législateur de prévoir la présence d'autant de conseillers régionaux issus du département de la Lozère que de conseillers régionaux issus du département de l'Ariège, du Lot ou du Gers, départements qui comprennent entre 150 000 et 175 000 habitants.

Le législateur n'a donc pas méconnu le principe d'égalité.

*
* *

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.