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Décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014 - Décision de renvoi Cass. 2

M. Maurice L. et autre [Prolongation exceptionnelle de la garde à vue pour des faits d'escroquerie en bande organisée]
Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire - non lieu à statuer

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 16 juillet 2014
N° de pourvoi : 14-90022
Arrêt n° 4429
Non publié au bulletin Qpc seule - renvoi au cc

M. Louvel (président), président
Me Foussard, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 7ème section, en date du 15 mai 2014, dans l'information suivie du chef d'escroquerie en bande organisée contre :
- M. Bernard X...,
reçu le 19 mai 2014 à la Cour de cassation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 juillet 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Salvat ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;

Sur le rapport de M. le conseiller MAZIAU, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD ET TRICHET, de la société civile LYON-CAEN et THIRIEZ, de Me FOUSSARD et de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALVAT, les conseils des parties ayant eu la parole en dernier ;
Vu les observations produites en demande et en défense ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 706-88 du code de procédure pénale qui prévoit que, pour l'application de l'article 154 du code de procédure pénale, si les nécessités de l'instruction relative au délit d'escroquerie en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l'article 313-2 du code pénal et visé au huitièmement bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale l'exigent, la garde à vue de la personne mise en cause peut à titre exceptionnel faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune soit encore, par dérogation, d'une seule prolongation supplémentaire de quarante-huit heures, méconnait-il l'interdiction posée par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 de toute rigueur non nécessaire dans les mesures d'instruction et ne porte-t-il pas une atteinte excessive à la liberté individuelle et aux droits de la défense garantis par I'article 66 de la Constitution et par les articles 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen précitée ? » ;
Attendu que la disposition contestée, dans sa version applicable au moment des faits, est applicable au litige ou à la procédure ;
Attendu qu'en tant qu'elle entre dans le champ d'application des dispositions de l'article 706-73 8 ° bis du code de procédure pénale, elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Attendu que la question posée présente un caractère sérieux en ce que l'article 706-88 du code de procédure pénale, alinéas 1 à 5, dans sa version applicable au moment des faits, qui prévoit, pour les nécessités de l'enquête relative au délit d'escroquerie commis en bande organisée, lequel ne porte pas, en lui même, atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, la possibilité d'un placement en garde à vue d'un mis en cause au delà du délai de droit commun et dans la limite de quatre-vingt seize heures, est susceptible de porter à la liberté individuelle proclamée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et aux droits de la défense garantis par le même texte, une atteinte disproportionnée au but de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions poursuivi par le législateur ;
D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
Par ces motifs :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par M. Pers, conseiller, pour le président empêché le seize juillet deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;