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Décision n° 2014-417 QPC du 19 septembre 2014 - Décision de renvoi CE

Société Red Bull On Premise et autre [Contribution prévue par l'article 1613 bis A du code général des impôts]
Non conformité partielle - effet différé

Conseil d'État

N° 377207
ECLI : FR : CESSR : 2014 : 377207.20140702
Inédit au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Maryline Saleix, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public

lecture du mercredi 2 juillet 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1 °, sous le n° 377207, le mémoire, enregistré le 7 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté pour les sociétés Red Bull On Premise et Red Bull Off Premise, dont les sièges sont tous deux situés 12 rue du mail à Paris (75002), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; les sociétés Red Bull On Premise et Red Bull Off Premise demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de la circulaire du 6 mars 2014 relative aux contributions sur les boissons et préparations liquides pour boissons sucrées et édulcorées, contribution sur les boissons dites énergisantes, publiée au bulletin officiel des douanes n°7015 du 6 mars 2014, en tant qu'elle concerne la contribution sur les boissons dites énergisantes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 1613 bis A du code général des impôts ;

Vu 2 °, sous le n° 379955, le mémoire, enregistré le 12 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté pour les sociétés Red Bull On Premise et Red Bull Off Premise, dont les sièges sont tous deux situés 12, rue du mail à Paris (75002), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; les sociétés Red Bull On Premise et Red Bull Off Premise demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2014 fixant pour 2014 le tarif de la contribution prévue à l'article 1613 bis A du code général des impôts, publié au Journal officiel de la République française le 27 mars 2014, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article 1613 bis A du code général des impôts ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 61, 61-1 et 62 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n°2012-659 DC du 13 décembre 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

1. Considérant que les mémoires visés ci-dessus posent la question de la conformité à la Constitution des mêmes dispositions législatives ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (…) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

3. Considérant que l'article 25 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 avait instauré une contribution sur les « boissons énergisantes » ; que, par sa décision n° 2012-659 DC du 23 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré cet article contraire à la Constitution au motif qu'en taxant des boissons ne contenant pas d'alcool à des fins de lutte contre la consommation alcoolique des jeunes, le législateur avait établi une imposition qui n'était pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi et qu'il avait par suite méconnu les exigences de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que l'article 1613 bis A du code général des impôts, issu de l'article 18 de la loi du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2013, institue à nouveau une contribution sur les boissons énergisantes, dans des termes voisins de ceux de la précédente loi, dans le but de lutter contre la consommation excessive de caféine par les jeunes ;

4. Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que ces dispositions méconnaissent le droit au recours effectif garanti par les dispositions combinées de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 62 de la Constitution, portent atteinte à la liberté d'entreprendre et méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques posé par l'article 13 de la Déclaration de 1789 ;

5. Considérant que les dispositions de l'article 1613 bis A du code général des impôts sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que la question de savoir si elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant les charges publiques, présente un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par les sociétés requérantes ;

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 1613 bis A du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes de la société Red Bull On Premise et de la société Red Bull Off Premise jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Red Bull On Premise et la société Red Bull Off Premise.
Copie en sera adressée, pour information, au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.