Contenu associé

Décision n° 2013-665 DC du 28 février 2013 - Observations du Gouvernement

Loi portant création du contrat de génération
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés d'un recours dirigé contre la loi portant création du contrat de génération.

Les auteurs du recours considèrent que l'article 6 de la loi, issu d'un amendement du Gouvernement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale et voté conforme au Sénat, aurait été adopté selon une procédure contraire aux exigences de l'article 45 de la Constitution.

Le Gouvernement est d'avis que ce grief n'est pas fondé.

Il importe tout d'abord de rappeler que la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 a modifié l'article 45 de la Constitution pour préciser expressément que les amendements sont recevables en première lecture dès lors qu'ils présentent un lien avec le texte déposé, y compris lorsque ce lien est indirect. Par conséquent, des dispositions qui concourent à la réalisation des objectifs de la loi et présentent, dès lors, un lien au moins indirect avec les dispositions qui définissent ces objectifs, peuvent être introduites par voie d'amendement. A cet égard, le fait que ces dispositions répondraient en partie à des préoccupations dépassant le seul objet de la loi est sans incidence, l'article 45 ne posant aucune autre limite au droit d'amendement que l'existence d'un lien avec la loi.

Or les dispositions de l'article 6 permettent d'accompagner et de faciliter la mise en œuvre du dispositif des contrats de génération.

Elles ouvrent à des contrôleurs du travail la possibilité d'accéder au corps de l'inspection du travail par la voie d'un examen professionnel. Ce dispositif constitue une étape d'un plan plus général de requalification des contrôleurs du travail, participant d'une réforme de l'organisation des services. Mais l'article 6 ne procède pas à l'ensemble de cette réforme. Il se borne à permettre la nomination dans le corps des inspecteurs du travail, dans un délai de trois ans, des premiers contingents de contrôleurs du travail - dont la présence sera particulièrement utile pour assurer la réussite du déploiement dans les entreprises des contrats de génération.

L'application de la loi suppose en effet une intervention active des services du ministère chargé du travail pour valider les accords et les plans d'action sur le contrat de génération, puis suivre et accompagner leur application dans les entreprises. L'étude d'impact souligne (point 3.3.1) que l'accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012 s'appuie sur un contrôle de l'autorité administrative compétente, la mobilisation de l'Etat aux côtés des acteurs économiques étant nécessaire. Il est également précisé (point 3.3.2) que l'administration doit vérifier le contenu du contrat, la conformité du texte déposé aux dispositions légales mais aussi engager un dialogue avec l'entreprise.

Cette intervention de l'administration nécessite de mobiliser des compétences renforcées dès lors que les attentes vis-à-vis des services s'élèvent considérablement, en termes d'accompagnement du dialogue social et de qualité du suivi des accords et plans d'action. Le contrôle doit être assuré par des agents alliant une bonne connaissance de l'entreprise et du dialogue social en son sein avec une expertise de la négociation et du contenu des attentes sur le contrat de génération. C'est dans ce but que l'article 6 ouvre la possibilité d'accès de contrôleurs du travail au corps des inspecteurs du travail. Ces derniers ont en effet vocation à assurer les missions qu'implique la mise en œuvre effective des contrats de génération, compte tenu de l'évolution de la nature du contrôle qui devient plus qualitatif et fait appel à un niveau de compétence plus élevé que celui qui était requis pour des contrôles plus formels.

L'article 6 ne constitue donc pas une réforme statutaire d'intégration de tous les contrôleurs dans le corps des inspecteurs : il s'agit d'une réforme d'organisation qui consiste à faire passer une partie des contrôleurs, après examen et formation, dans le corps des inspecteurs. Cette réforme nécessaire est liée à l'évolution du rôle de l'administration du travail, en particulier sur la régulation et l'accompagnement du dialogue social dans l'entreprise : la validation du contenu des accords et plans d'action sur le contrat de génération crée un rôle qualitatif nouveau pour l'administration du travail, alors que traditionnellement les accords d'entreprise étaient seulement enregistrés par les services et que les évolutions récentes (accords seniors, accords pénibilité, accords égalité hommes-femmes) n'impliquaient, au regard des exigences posées par les textes qu'un contrôle formel des services.

Par conséquent, le recrutement d'inspecteurs du travail ouvert par l'article contesté vient garantir la bonne application de la loi. Si ce dispositif n'est pas directement lié à un article du projet de loi initial, il n'en présente pas moins un lien indirect mais certain avec le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Les travaux parlementaires attestent d'ailleurs de l'attachement des parlementaires à la capacité réelle des services d'être à la hauteur des ambitions du texte pour s'assurer de la pertinence des accords et plans d'action et de l'effectivité de leur suivi.

C'est pourquoi le Gouvernement considère que l'article 6 de la loi déférée a été adopté selon une procédure qui n'est pas contraire au premier alinéa de l'article 45 de la Constitution.

Aussi le Gouvernement estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.