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Décision n° 2013-359 QPC du 13 décembre 2013 - Décision de renvoi CE

Société Sud Radio Services et autre [Mise en demeure par le Conseil supérieur de l'audiovisuel]
Conformité

N° 353724
ECLI : FR : CESJS : 2013 : 353724.20131007
Inédit au recueil Lebon
5ème sous-section jugeant seule
Mme Anissia Morel, rapporteur
SPINOSI, avocat

lecture du lundi 7 octobre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, 1 ° sous le n° 353724, le mémoire, enregistré le 12 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la Société Sud Radio Services, dont le siège est 94 rue du Lac à Labège (31681), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la société Sud Radio Services demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision n° 2011-671 du 31 août 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les stipulations de l'article 2-4 de la convention signée entre elle et le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 11 mai 2011, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Vu, 2 ° sous le n° 353725, le mémoire, enregistré le 12 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la Société Sud Radio +, dont le siège est 7 rue du Colombiers à Orléans (45000), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la Société Sud Radio Services demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision n° 2011-672 du 31 août 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les stipulations de l'article 2-4 de la convention signée entre elle et le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 17 mai 2011, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Vu, 3 ° sous le n° 353726, le mémoire, enregistré le 12 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la Société Sud Radio Services, dont le siège est 94 rue du Lac à Labège (31681), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la Société Sud Radio Services demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision n° 2011-673 du 31 août 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les stipulations de l'article 2-4 de la convention signée entre elle et le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 8 juillet 2008, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, notamment son article 42 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

  • le rapport de Mme Anissia Morel, Auditeur,

  • les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Spinosi, avocat de la Société Sud Radio Services et de la Société Sud Radio + ;

  1. Considérant que les mémoires visés ci-dessus présentent à juger la question de la conformité à la Constitution des mêmes dispositions législatives ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

  2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

  3. Considérant qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication : « Les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1. / Le Conseil supérieur de l'audiovisuel rend publiques ces mises en demeure. (...) » ; que l'article 42-1 de la même loi dispose que, si la personne faisant l'objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, une des sanctions qu'il énumère ; qu'il résulte de ces dispositions que, sans constituer par elle-même une sanction, la mise en demeure a pour effet de rendre possible l'engagement d'une procédure de sanction si l'éditeur de service ne met pas fin au manquement visé ou commet ultérieurement un manquement de même nature ; que les conditions dans lesquelles une sanction peut alors être prononcée est fixée, en ce qui concerne les sanctions mentionnées aux 2 °, 3 ° et 4 ° de l'article 42-1, par l'article 42-7, qui prévoit que le conseil supérieur notifie les griefs à l'éditeur de services concerné, qui est mis en mesure de présenter des observations écrites et orales ;

  4. Considérant, par ailleurs, que l'article 28 de la même loi prévoit que les conventions conclues entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et les titulaires d'autorisation d'usage de la ressource radioélectrique définissent les prérogatives et notamment les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles ; qu'il ressort des pièces du dossier que les conventions conclues entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et les sociétés requérantes prévoient, dans leur article 4-2, que les pénalités contractuelles sont prononcées par le conseil supérieur après mise en demeure et « dans le respect des garanties fixées par les articles 42 et suivants de la loi du 30 septembre 1986 » ;

  5. Considérant qu'à l'appui de leurs demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des mises en demeure que le Conseil supérieur de l'audiovisuel leur a adressées le 31 août 2011, les sociétés requérantes demandent au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 ; que si ces mises en demeure visent l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 et les conventions conclues les 8 juillet 2008, 11 mai et 17 mai 2011 entre les sociétés requérantes et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, elles doivent être regardées comme trouvant également leur base légale dans les dispositions de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 dès lors, d'une part, qu'elles concernent un manquement à une obligation imposée par des dispositions législatives et, d'autre part, que les conventions rendent applicables aux pénalités contractuelles les garanties fixées par les articles 42 et suivants de cette loi ; que l'article 42 doit, par suite, être regardé comme applicable au litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; que les dispositions de cet article n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que, faute d'assurer la séparation au sein du Conseil supérieur de l'audiovisuel entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction des manquements des éditeurs de services à leurs obligations et, d'autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, elles méconnaîtraient les principes d'indépendance et d'impartialité dans l'exercice des pouvoirs de sanction, découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question sérieuse ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par les sociétés requérantes ;

D E C I D E :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société Sud Radio Services, à la Société Sud Radio +, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, au Premier ministre et à la ministre de la culture et de la communication.