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Décision n° 2011-639 DC du 28 juillet 2011 - Saisine par 60 députés

Loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap
Non conformité partielle

Monsieur le Président
Mesdames et Messieurs les membres
du CONSEIL CONSTITUTIONNEL
2, rue Montpensier
75001 PARIS

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap.

Les articles 19 et 20 de la loi présentement déférée remettent en cause le principe général d'accessibilité des immeubles d'habitation pour les personnes en situation de handicap et méconnaissent par conséquent les alinéas 10 et 11 du Préambule de 1946.

En effet, ces deux articles qui visent à « assouplir » les conditions d'application du principe d'accessibilité universelle des immeubles d'habitation pour les personnes en situation de handicap risquent dans la réalité de porter une atteinte excessive à ce principe actuellement garanti par l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation.

Plus précisément l'article 19 permet de déroger aux exigences de mise en accessibilité prévues à l'article L. 111-7 lorsque le maître d'ouvrage apporte la preuve de l'impossibilité technique de les remplir pleinement du fait de l'implantation du bâtiment, de l'activité qui y est exercée ou de sa destination.

S'agissant de l'article 20 qui concerne les logements destinés à l'occupation temporaire ou saisonnière, les exigences résultant du principe d'accessibilité garanti par l'article L. 111-7 sont tout simplement renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

Dans un cas comme dans l'autre, faute d'une définition plus précise, les exceptions risquent ainsi de devenir la règle et d'aboutir in fine à une remise en cause du principe d'accessibilité précité.

Or, ce principe, qualifié durant les débats par la Ministre d' « irréfragable », constitue le soutien nécessaire des exigences constitutionnelles garanties par les alinéas 10 et 11 du Préambule de 1946. Ces alinéas imposent à la Nation d'assurer« à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et de garantir « à tous. . . des moyens convenables d'existence ».

Les articles présentement contestés privent ainsi de garanties légales des exigences constitutionnelles. Vous avez eu l'occasion de rappeler à de nombreuses reprises que « s'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ( . . . ) l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » (votre décision 86-210 DC du 29 juillet 1986, cons. 2)

Vous pourrez constater qu'il appartenait à tout le moins au législateur de définir le champ et la nature des exceptions au principe d'accessibilité prévues par ces deux articles afin d'opérer lui-même la conciliation entre les exigences constitutionnelles tirées du Préambule de 1946 et les autres droits et libertés garantis (votre décision 2007-556 DC du 16 aout 2007, cons. 11).

Pour ces raisons, les députés, auteurs de la saisine, demandent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de censurer les articles 19 et 20 de la loi présentement déférée.