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Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 - Observations du Gouvernement

Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs
Non conformité partielle - effet différé - réserve

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I- SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX CITOYENS ASSESSEURS

A- Les auteurs des saisines reprochent à la loi déférée, en ce qu'elle prévoit que le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels, d'une part, et le tribunal de l'application des peines et la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, d'autre part, seront complétés dans certains cas par deux citoyens assesseurs, de méconnaître les exigences d'indépendance et de capacité qui découlent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'exercice de fonctions juridictionnelles par des personnes autres que des magistrats de carrière, et d'être contraire aux objectifs de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de bon usage des deniers publics.

Ils soutiennent également qu'en tant qu'elle prévoit que cette réforme fera l'objet d'une expérimentation dans certaines cours d'appel, la loi déférée est entachée d'incompétence négative faute d'encadrer suffisamment le choix des cours d'appel concernées, et méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant la justice ainsi que les exigences, résultant de l'article 37-1 de la Constitution, que l'expérimentation ait un objet limité et revête un caractère réversible.

B- Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue.

1- Les auteurs des saisines rappellent certes à juste titre que le Conseil constitutionnel a déduit des dispositions de l'article 64 de la Constitution que « les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire », c'est-à-dire à des magistrats de carrière (décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, cons. 64).

Ce principe ne fait toutefois pas obstacle à ce que, « pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire » (ibid.). À cet égard, il convient de tenir compte en outre de l'article 66 de la Constitution, dont les dispositions « s'opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels » (décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005, cons. 16). Il en résulte notamment que, s'agissant des « formations correctionnelles de droit commun », la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire (ibid., cons. 17).

Enfin, en toute hypothèse, il est nécessaire que des « garanties appropriées » permettent de « satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires » (décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, cons. 64), ainsi qu'aux « exigences qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 », s'agissant de la capacité des personnes concernées à exercer des fonctions juridictionnelles (décision n° 98-396 DC du 19 février 1998, cons. 17).

a) Il n'est pas contestable, d'abord, que l'exigence que les fonctions juridictionnelles de l'ordre judiciaire ne soient exercées que pour une « part limitée » par des personnes autres que des magistrats de carrière est satisfaite par les dispositions de la loi déférée.

En effet, conformément à la règle dégagée par la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2005 précitée, les deux citoyens assesseurs demeureront minoritaires au sein des formations citoyennes tant du tribunal correctionnel que de la chambre des appels correctionnels. Et, s'agissant du tribunal correctionnel, l'article 399-1 nouveau du code de procédure pénale précise que, lorsqu'il siégera dans sa formation citoyenne, celui-ci ne pourra comprendre aucun autre juge non professionnel. Quant aux formations citoyennes du tribunal de l'application des peines et de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel - en admettant que la règle dégagée par la décision du 20 janvier 2005 pour les formations correctionnelles y soit transposable -, les citoyens assesseurs n'en représenteront, de même, qu'une part minoritaire.

Au surplus, les formations citoyennes ne connaîtront que d'une part limitée des affaires jugées par les formations correctionnelles de droit commun et par les juridictions de l'application des peines.

Ainsi, les délits qui seront jugés par le tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne et, en appel, par la formation citoyenne de la chambre des appels correctionnels sont limitativement énumérés par l'article 399-2 inséré dans le code de procédure pénale par la loi déférée. L'article 399-3 nouveau du même code limite, quant à lui, le champ des délits dont ces formations pourront connaître au titre de la connexité. Au total, le nombre des condamnations prononcées par les formations citoyennes devrait, dans ces conditions, être de l'ordre de 30 à 40 000 par an, sur un total, en 2009, de près de 360 000 (hors jugement des mineurs, comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité, ordonnances pénales et compositions pénales), soit 9 à 11 % de ce total.

Quant aux juridictions de l'application des peines, il convient de souligner que les citoyens assesseurs seront seulement appelés à compléter les formations collégiales que sont le tribunal de l'application des peines et la chambre de l'application des peines de la cour d'appel. Au surplus, ils ne siégeront dans le tribunal de l'application des peines qu'en matière de libération conditionnelle (en ce qui concerne les condamnés à une peine privative de liberté de plus de cinq ans avec un reliquat supérieur à deux ans) et de relèvement de la période de sûreté (articles 720-4-1 et 730-1 nouveaux du code de procédure pénale), et, s'agissant de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, que lorsque celle-ci statuera sur les appels des jugements du tribunal de l'application des peines (article 712-13-1 nouveau du code de procédure pénale). Ils ne feront du reste, dans ce dernier cas, que remplacer deux non-magistrats (un responsable d'une association de réinsertion des condamnés et un responsable d'une association d'aide aux victimes).

b) Ensuite, l'indépendance et l'impartialité des citoyens assesseurs sont assurées à la fois par les incompatibilités prévues à l'article 257 du code de procédure pénale (rendu applicable à l'établissement de la liste des citoyens assesseurs par le 3 ° de l'article 10-3 nouveau du même code), par l'obligation faite à la commission chargée de dresser la liste annuelle des citoyens assesseurs d'en exclure les personnes qui ne paraissent manifestement pas en mesure d'exercer ces fonctions, notamment parce qu'il existe des raisons de contester leur impartialité (3 ° de l'article 10-5 nouveau), et enfin par la possibilité offerte au ministère public et aux parties de récuser les citoyens assesseurs pour le même motif (article 10-12 nouveau).

c) En ce qui concerne enfin l'exigence de capacité, le Gouvernement entend souligner d'emblée qu'elle ne saurait s'interpréter de la même manière selon qu'il s'agit, comme c'était l'objet des dispositions législatives à propos desquelles ont été rendues les décisions du Conseil constitutionnel rappelées plus haut, de permettre l'exercice de fonctions juridictionnelles par des magistrats non professionnels, ou, comme en l'espèce, d'organiser une participation ponctuelle et directe du peuple souverain, au nom duquel la justice est rendue, à la fonction de juger.

La nouvelle forme de participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale que prévoit la loi déférée repose en effet, comme l'institution du jury en matière criminelle, sur l'idée selon laquelle une part de la fonction de juger est directement accessible à tous. Cette idée, sans laquelle l'existence de la cour d'assises ne pourrait se justifier, se manifeste notamment par le recours au tirage au sort comme mode de désignation des citoyens assesseurs, à l'instar des jurés d'assises.

Le Gouvernement estime que, dans ce contexte, l'exigence de capacité doit être regardée comme satisfaite dès lors qu'il existe, dans la loi, des garanties appropriées que ne soient soumises aux citoyens appelés à participer au fonctionnement de la justice pénale que des questions, de fait ou de droit, sur lesquelles, même en l'absence de qualification particulière, ils sont mis en mesure de se prononcer de façon éclairée.

Or tel est bien le cas en l'espèce.

(i) En ce qui concerne les formations citoyennes du tribunal correctionnel et de la chambre des appels correctionnels, leur compétence est en effet restreinte, ainsi qu'il a été dit, au jugement de certains délits limitativement énumérés (article 399-2 nouveau du code de procédure pénale). Or, bien que ce principe directeur souffre des exceptions, ces délits sont, pour la plupart, des infractions qui, dans certaines circonstances, seraient constitutives de crimes passibles de la cour d'assises : il en va ainsi, par exemple, des délits de violences aggravées, d'agression ou d'atteinte sexuelle, d'extorsion ou de vol aggravé, ou encore de destruction par incendie n'ayant pas causé de victime, qui trouvent leur prolongement, respectivement, dans les crimes de violences ayant entrainé la mort, de viol, de vol ou d'extorsion commis avec usage d'une arme et de destruction par incendie ayant entraîné la mort.

Il s'agit donc d'infractions qui, quoique d'une gravité moindre que les crimes correspondants, ne sont pas, comme le démontre du reste le phénomène dit de la « correctionnalisation », d'une nature fondamentalement différente : le législateur a pu estimer, dans ces conditions, que, s'il était admis que les auteurs en puissent être jugés par des jurés majoritaires au sein de la cour d'assises, il devait a fortiori être admis qu'ils soient justiciables de formations correctionnelles comportant une minorité de citoyens assesseurs.

Par ailleurs, le législateur a veillé à exclure de la liste des délits connexes dont pourront connaître les formations citoyennes (article 399-3 nouveau du code de procédure pénale) ceux présentant le caractère technique le plus marqué, comme, par exemple, les délits prévus par le code monétaire et financier ou par le code de l'urbanisme. Il importe de souligner à cet égard que, lorsque l'un de ces délits à caractère technique sera en cause, c'est la formation de droit commun du tribunal correctionnel qui sera seule compétente pour le tout.

Enfin, en vertu des dispositions expresses du nouvel article 399-4 du code de procédure pénale, les citoyens assesseurs, que ce soit en première instance ou en appel, ne pourront se prononcer, comme les jurés d'assises, que sur la qualification des faits, la culpabilité du prévenu et la peine, toutes les autres questions étant tranchées par les seuls magistrats. Les citoyens assesseurs seront mis à même de se prononcer en toute connaissance de cause sur les questions qui leur seront ainsi soumises, où les appréciations de fait dominent, par des règles de procédure telles que l'obligation faite au président de la formation de jugement, lors de l'audience, d'exposer les faits reprochés au prévenu et les éléments à charge ou à décharge figurant dans le dossier (article 461-2 nouveau du code de procédure pénale) et de donner lecture des déclarations des témoins qui n'ont pas été convoqués ou n'ont pas comparu (article 461-3 nouveau), ou encore par l'obligation qui lui est faite de rappeler les éléments constitutifs de l'infraction puis les peines encourues, respectivement, avant de délibérer sur la culpabilité du prévenu et sur la peine (articles 486-3 et 486-4 nouveaux). Les citoyens assesseurs ne se prononceront pas, en revanche, sur les questions faisant davantage appel à la technique juridique, notamment les questions de procédure qui, le cas échéant, devront être tranchées par la juridiction, en particulier lorsque celle-ci statuera en appel.

Il importe également de souligner que l'ensemble des garanties qui viennent d'être rappelées seront applicables devant le tribunal correctionnel pour mineurs institué par l'article 49 de la loi déférée lorsque celui-ci statuera dans sa formation citoyenne, conformément au nouvel article 24-4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

En effet, ce tribunal est, comme l'indique l'article L. 251-7 du code de l'organisation judiciaire issu de l'article 51 de la loi déférée, une formation spécialisée du tribunal correctionnel. Les règles applicables devant le tribunal correctionnel pour majeurs, que ce soit dans sa formation de droit commun ou dans sa formation citoyenne, lui seront donc applicables dans toute la mesure où il n'y est pas dérogé par l'ordonnance du 2 février 1945, comme elles le sont d'ailleurs déjà, sous la même réserve, au tribunal pour enfants.

(ii) En ce qui concerne les formations citoyennes du tribunal de l'application des peines et de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, il convient de souligner que celles-ci n'auront jamais à se prononcer que sur trois catégories de mesures : la libération conditionnelle, le relèvement de la période de sûreté et les suspensions de peine.

Or, à l'égard de chacune de ces mesures d'aménagement de peine, la mission des juridictions de l'application des peines est clairement définie par le code de procédure pénale, et son bon accomplissement nécessite essentiellement des appréciations de fait. En ce qui concerne la libération conditionnelle, il s'agit ainsi de déterminer d'abord, pour apprécier le bien-fondé de l'octroi de cette mesure, si la personne a manifesté des efforts sérieux de réadaptation sociale, si elle justifie de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage, d'une participation essentielle à la vie de sa famille, de la nécessité de suivre un traitement médical, de son effort d'indemnisation des victimes, ou encore de son implication dans un projet de réinsertion (article 729 du code de procédure pénale), puis, le cas échéant, de fixer la nature et la durée des mesures d'assistance et de contrôle dont la libération conditionnelle doit être assortie. En ce qui concerne le relèvement de la période de sûreté, il s'agit d'apprécier l'existence de gages sérieux de réadaptation sociale (article 720-4 du code de procédure pénale). En ce qui concerne, enfin, les suspensions de peine, il s'agit de déterminer s'il est établi que le condamné est atteint d'une pathologie engageant son pronostic vital ou si son état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention (article 720-1-1 du code de procédure pénale).

En pratique, il est rare que des questions de technique juridique se posent, dans ces trois matières, devant les formations collégiales des juridictions de l'application des peines. En particulier, les nullités de procédure n'ont pas lieu d'occuper devant ces juridictions la place qu'elles occupent devant les juridictions chargées de prononcer les peines. Quant aux demandes irrecevables, notamment parce que le condamné ne justifie pas des délais d'exécution de sa peine prévus par la loi pour être admissible au bénéfice de la mesure demandée, elles sont en règle générale traitées par ordonnance du juge de l'application des peines ou du président du tribunal de l'application des peines, et ne parviennent pas, dès lors, devant les formations collégiales.

Si toutefois des questions autres que celles touchant à l'appréciation du bien-fondé, au regard des intérêts en cause, de la demande de mesure d'aménagement de peine ou aux modalités de cette mesure devaient être soumises aux formations citoyennes des juridictions de l'application des peines, le Gouvernement estime que la loi déférée devrait être interprétée comme réservant le soin d'en connaître aux seuls magistrats de carrière, à l'exclusion des citoyens assesseurs. Comme en témoignent notamment les dispositions prévoyant la lecture, par le président du tribunal de l'application des peines ou de la chambre de l'application des peines, avant toute délibération, des 2e et 3e alinéas de l'article 707 du code de procédure pénale, l'intention du législateur a seulement été, en effet, que les citoyens assesseurs se prononcent, avec les magistrats de carrière, sur la question de l'équilibre entre, d'une part, les nécessités de l'individualisation des peines et de la réinsertion, qui peuvent conduire à la libération anticipée d'un condamné, et, d'autre part, les intérêts de la société et de la victime au regard des risques de récidive, qui peuvent conduire à refuser, retarder ou encadrer cette libération.

Les dispositions de la loi déférée relatives aux citoyens assesseurs n'apparaissent donc en rien contraires aux exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et les requérants ne sauraient se prévaloir des objectifs de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de bon usage des deniers publics pour remettre en cause la liberté que le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur d'adopter à tout moment, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, sous la seule réserve que l'exercice de ce pouvoir n'aboutisse pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel (v. par ex. la décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999).

2- Par ailleurs, le législateur a pu, sans davantage méconnaître aucune exigence de caractère constitutionnel, décider que les dispositions de la loi déférée relatives aux citoyens assesseurs seraient appliquées à titre expérimental entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2014.

a) En ce qui concerne d'abord le principe même du recours à l'expérimentation dans le domaine de la procédure pénale, il résulte sans aucune ambiguïté des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 que l'article 37-1 a été introduit dans la Constitution précisément « pour autoriser des expérimentations dans des domaines ayant trait aux libertés publiques, tels que celui de la justice, où le Conseil constitutionnel veille au strict respect du principe d'égalité » (rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat par M. René Garrec, n° 27, p. 90). En particulier, l'intérêt du recours à l'expérimentation en matière d'échevinage dans les juridictions civiles et pénales a été évoqué à plusieurs reprises lors de l'examen au Parlement du projet de loi constitutionnelle (v., outre le rapport précité, l'intervention de M. Dominique Perben, garde des sceaux, lors de la séance du 30 octobre 2002 au Sénat).

C'est donc en vain que les auteurs des saisines suggèrent que l'article 37-1 de la Constitution serait sans application dans le domaine de la justice pénale. Et, s'il n'est pas contestable que l'expérimentation de la réforme issue de la loi déférée dans le ressort de certaines cours d'appel conduira temporairement à ce que des personnes se trouvant dans des situations similaires soient jugées par des juridictions différemment composées, cette dérogation au principe d'égalité est inhérente au principe même de l'expérimentation et ne peut donc, en elle-même, passer pour contraire à la Constitution.

b) Or cette dérogation satisfait aux conditions posées par l'article 37-1 de la Constitution.

Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que, si cet article permet au Parlement d'autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentation dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité devant la loi, le législateur doit en définir de façon suffisamment précise l'objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle (décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004, cons. 9).

Au cas d'espèce, l'objet de l'expérimentation est très précisément circonscrit par l'article 54 de la loi déférée, qui renvoie aux seules dispositions relatives aux citoyens assesseurs, c'est-à-dire aux dispositions modifiant la composition des formations de jugement en cause et adaptant en conséquence la procédure applicable devant les juridictions concernées, sans que soit affecté le fond du droit applicable. Or les formations de jugement citoyennes ne connaîtront, ainsi qu'il a été dit plus haut, que d'une part limitée des affaires jugées par les formations correctionnelles de droit commun et par les juridictions de l'application des peines.

Enfin, le législateur, qui a précisément défini la durée de l'expérimentation, n'a pas davantage méconnu l'étendue de sa compétence en confiant à un arrêté du garde des sceaux le soin de déterminer les cours d'appels concernées par cette expérimentation, dès lors qu'il a prévu que le nombre de cours concernées devrait être compris entre deux et dix.

Dans ces conditions, et eu égard notamment à l'objet limité de l'expérimentation organisée par la loi déférée, les auteurs des saisines ne sont pas fondés à soutenir que celle-ci ne revêtirait pas un caractère réversible.

II- SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA COUR D'ASSISES

A- Les députés et sénateurs requérants soutiennent qu'en portant de neuf à six le nombre des jurés lorsque la cour d'assises statue en premier ressort tout en ramenant à six la majorité à laquelle se forme toute décision défavorable à l'accusé, la loi déférée a méconnu le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel les décisions défavorables à l'accusé ne peuvent être acquises qu'avec l'accord d'une majorité absolue des membres du jury, ainsi que, et en tout état de cause, les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Ils soutiennent en outre qu'en permettant la rédaction de la feuille de motivation jusqu'à l'expiration d'un délai de trois jours à compter du prononcé de la décision, le législateur a privé de garanties légales l'exigence constitutionnelle prohibant l'arbitraire dans le prononcé des peines.

B- Ces griefs ne pourront être accueillis par le Conseil constitutionnel.

1- En ce qui concerne d'abord les conditions de formation des décisions défavorables à l'accusé au sein de la cour d'assises, l'article 359 du code de procédure pénale dispose, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi déférée, que : « Toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de six voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel. »

Il résulte de ces dispositions, compte tenu de la réduction concomitante du nombre de jurés de neuf à six, que, en première instance, les décisions défavorables à l'accusé pourront désormais être prises, le cas échéant, par la réunion des voix des trois magistrats et de trois jurés, soit la moitié de ces derniers.

a) Le Gouvernement estime que l'état du droit actuellement en vigueur, selon lequel les décisions défavorables à l'accusé ne peuvent être acquises qu'avec le concours d'une majorité absolue des membres du jury, ne peut être regardé, contrairement à ce que suggèrent les requérants, comme l'expression d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du préambule de la Constitution de 1946.

Il convient en effet de souligner que, ainsi qu'en conviennent d'ailleurs les auteurs des saisines, l'ordonnance du 20 avril 1945 sur les cours d'assises, tout en validant, dans ses grandes lignes, l'acte dit loi du 25 novembre 1941, avait porté à sept le nombre des jurés, sans toutefois prévoir aucune majorité qualifiée. Dès lors, la cour d'assises, composée de dix personnes, pouvait condamner l'accusé avec une majorité de six voix, qui pouvaient être celles des trois magistrats et de trois seulement des six jurés.

Cette seule circonstance, antérieure à la Constitution du 27 octobre 1946, suffit, de l'avis du Gouvernement, à exclure de voir un principe fondamental reconnu par les lois de la République dans la règle selon laquelle les décisions défavorables à l'accusé ne peuvent être acquises qu'avec l'accord d'une majorité absolue des membres du jury.

b) Les nouvelles règles de formation des décisions au sein de la cour d'assises statuant en premier ressort ne peuvent pas davantage être regardées comme contraires à l'exigence, qui résulte des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon laquelle il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, de fixer des règles de droit pénal et de procédure pénale de nature à exclure l'arbitraire dans la recherche des auteurs d'infractions, le jugement des personnes poursuivies ainsi que le prononcé et l'exécution des peines.

Certes, ainsi que le relèvent les auteurs des saisines, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011, relevé, au nombre des garanties de nature à justifier l'absence de motivation en la forme des arrêts des cours d'assises, la circonstance que l'article 359 du code de procédure pénale, dans sa rédaction actuellement en vigueur, a pour effet d'imposer que toute décision de la cour d'assises défavorable à l'accusé soit adoptée par au moins la majorité absolue des jurés.

Mais, d'une part, la loi déférée institue précisément, à l'article 365-1 nouveau du code de procédure pénale, l'obligation de motiver les arrêts des cours d'assises : or, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 1er avril 2011, l'obligation de motiver les jugements et arrêts de condamnation constitue une garantie légale de l'exigence constitutionnelle prohibant l'arbitraire, notamment, dans le jugement des personnes poursuivies et le prononcé des peines.

D'autre part, et en tout état de cause, les conditions de formation des décisions au sein de la cour d'assises n'ont manifestement constitué qu'un élément parmi l'ensemble de ceux qui ont conduit le Conseil constitutionnel à admettre la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'absence de motivation en la forme, à l'époque, des arrêts des cours d'assises. Il ne peut être sérieusement soutenu, dès lors, que la modification de ces conditions par la loi déférée ouvrirait, par elle-même, la voie à l'arbitraire.

2- En ce qui concerne la motivation des arrêts des cours d'assises, l'article 365-1 inséré dans le code de procédure pénale par l'article 12 de la loi déférée prévoit que celle-ci est rédigée par le président ou l'un des magistrats assesseurs, et qu'elle figure sur un document annexé à la feuille des questions appelé feuille de motivation, laquelle est signée, conformément à l'article 364, par le président et par le premier juré désigné par le sort.

Le dernier alinéa de l'article 365-1 dispose toutefois que, « lorsqu'en raison de la particulière complexité de l'affaire, liée au nombre des accusés ou des crimes qui leur sont reprochés, il n'est pas possible de rédiger immédiatement la feuille de motivation, celle-ci doit alors être rédigée, versée au dossier et déposée au greffe de la cour d'assises au plus tard dans un délai de trois jours à compter du prononcé de la décision ».

Contrairement à ce qu'affirment les requérants, ces dispositions n'auront nullement comme effet, lorsqu'elles seront mises en œuvre, de « faire perdre au jury tout contrôle sur la motivation de l'arrêt ». En effet, qu'elle soit rédigée immédiatement ou dans les trois jours, la feuille de motivation devra, en cas de condamnation, refléter les principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises, et qui ont été exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury. Dans tous les cas également, la feuille de motivation devra être signée par le président et par le premier juré désigné par le sort, ce qui garantira que son contenu est fidèle à la réalité.

La possibilité offerte, dans des cas exceptionnels, de différer la rédaction de la feuille de motivation n'apparaît donc en rien contraire aux exigences découlant des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

III- SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AU JUGEMENT DES MINEURS

A- Les députés et sénateurs requérants soutiennent que la possibilité de placer un mineur sous assignation à résidence avec surveillance électronique, ouverte par l'article 38 de la loi déférée, méconnaît tant l'exigence d'adaptation des mesures prises à l'encontre des mineurs que le principe selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire.

Ils estiment en outre que la possibilité de recourir à la procédure de convocation par officier de police judiciaire en vue de la comparution d'un mineur devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs alors même qu'il n'existe pas dans le dossier d'éléments suffisants sur sa personnalité pour permettre au tribunal de se prononcer, prévue par l'article 50 de la loi déférée, relatif à la césure du procès pénal des mineurs, est contraire tant au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs qu'à la prohibition de l'arbitraire dans la poursuite et le prononcé des peines.

Ils soutiennent enfin que le tribunal correctionnel pour mineurs créé par l'article 49 de la loi déférée ne satisfait pas à l'exigence, résultant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que les mineurs soient jugés par une juridiction spécialisée.

B- Aucun de ces griefs ne pourra être accueilli par le Conseil constitutionnel.

1- Loin de méconnaître les principes invoqués par les auteurs des saisines, l'article 38 de la loi déférée a pour objet de corriger une incohérence du régime actuel de l'assignation à résidence avec surveillance électronique en tant qu'il s'applique aux mineurs, en restreignant, en ce qui concerne les plus jeunes d'entre eux, les possibilités de recourir à cette mesure.

Celle-ci est en effet conçue, par l'article 137 du code de procédure pénale, comme intermédiaire, par sa rigueur, entre le contrôle judiciaire et la détention provisoire. Il n'est d'ailleurs permis d'y recourir que si la personne mise en examen encourt au moins deux ans d'emprisonnement, alors que le contrôle judiciaire est possible dès qu'une peine d'emprisonnement est encourue, tandis que la détention provisoire suppose, quant à elle, que soit encourue une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement.

Faute, à l'heure actuelle, que l'ordonnance du 2 février 1945 en dispose autrement, ces dispositions s'appliquent telles quelles aux mineurs. Cette situation est certes sans conséquence pour les mineurs de plus de seize ans, dont les conditions de placement sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire sont identiques à celles prévues pour les majeurs.

En revanche, pour les mineurs de moins de seize ans, l'absence de dispositions spécifiques dans l'ordonnance du 2 février 1945 a pour conséquence paradoxale que les conditions de placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique sont plus souples que celles prévues pour le placement sous contrôle judiciaire : en effet, les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés sous contrôle judiciaire, en l'état actuel du droit, que s'ils encourent une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ont déjà des antécédents (v. l'article 10-2, III, de l'ordonnance du 2 février 1945).

C'est pour remédier à cette incohérence que l'article 38 de la loi déférée insère dans l'ordonnance du 2 février 1945 un article 10-3 qui prévoit notamment que les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés sous assignation à résidence avec surveillance électronique que dans les cas, restrictifs, où ils peuvent être placés sous contrôle judiciaire.

Or l'état du droit résultant de cette modification ne peut être regardé comme contraire aux principes invoqués par les requérants.

D'une part, en effet, il ne peut sérieusement être allégué que l'assignation à résidence avec surveillance électronique serait, par nature, une mesure inadaptée en ce qui concerne les mineurs de plus de treize ans. Par sa décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 (cons. 86), le Conseil constitutionnel a en effet d'ores et déjà expressément admis le placement sous surveillance électronique des mineurs mis en examen pour crime, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, dès l'âge de treize ans révolus.

D'autre part, le recours à cette mesure demeurera subordonné au respect des conditions prévues par les articles 142-5 à 142-13 du code de procédure pénale, dont il résulte en particulier que l'assignation à résidence sous surveillance électronique ne peut être décidée qu'avec l'accord ou sur demande de l'intéressé. Ainsi, lorsque les conditions du placement en détention provisoire ne sont pas, par ailleurs, remplies, l'intéressé est parfaitement libre de refuser une telle mesure, ce refus ne l'exposant pas à un placement en détention. Lorsque, en revanche, ces conditions sont remplies, notamment parce que l'intéressé s'est soustrait aux obligations de son contrôle judiciaire (article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945), l'assignation à résidence sous surveillance électronique peut représenter une alternative, moins rigoureuse, à la détention provisoire.

Dans ces conditions, l'article 38 de la loi déférée ne peut passer pour contraire au principe selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire.

2- En ce qui concerne la procédure de convocation par officier de police judiciaire prévue par l'article 8-3 rétabli dans l'ordonnance du 2 février 1945 par le III de l'article 33 de la loi déférée, le législateur a, ainsi que le reconnaissent les requérants, tiré toutes les conséquences de la décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel avait censuré des dispositions rendant applicables aux mineurs la procédure prévue par l'article 390-1 du code de procédure pénale, au motif que ces dispositions étaient « applicables à tout mineur quels que soient son âge, l'état de son casier judiciaire et la gravité des infractions poursuivies » et qu'elles ne « garantiss(aient) pas que le tribunal disposera(it) d'informations récentes sur la personnalité du mineur lui permettant de rechercher son relèvement éducatif et moral » (cons. 34).

a) Dans la rédaction que lui donne la loi déférée, l'article 8-3 de l'ordonnance du 2 février 1945 subordonne en effet le recours à la procédure prévue par l'article 390-1 du code de procédure pénale à deux ensembles de conditions propres à satisfaire aux exigences ainsi énoncées.

D'une part, en effet, il ne peut y être recouru, à l'égard d'un mineur âgé d'au moins treize ans, que s'il lui est reproché d'avoir commis un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement, et, à l'égard d'un mineur âgé d'au moins seize ans, que s'il lui est reproché d'avoir commis un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement. Dans les deux cas, il faut en outre que le mineur fasse l'objet ou ait déjà fait l'objet d'une ou plusieurs procédures en application de l'ordonnance du 2 février 1945, ce qui exclut les primo-délinquants.

D'autre part, la convocation en justice ne peut être délivrée qu'à la double condition que des investigations sur les faits ne soient pas nécessaires et que des investigations sur la personnalité du mineur aient été accomplies au cours des douze mois précédents sur le fondement de l'article 8 de l'ordonnance du 2 février 1945, à moins qu'il n'ait pas été possible d'obtenir des éléments d'information approfondis sur la personnalité du mineur en raison de son absence à ces mesures d'investigation, auquel cas la convocation peut être délivrée à la seule condition que la procédure comporte un recueil de renseignements socio-éducatifs.

b) Or, contrairement à ce que suggèrent les requérants, les dispositions de l'article 50 de la loi déférée, relatives à la césure du procès pénal des mineurs, n'affaiblissent en rien la portée des garanties ainsi apportées par le législateur.

Certes, le nouvel article 24-7 de l'ordonnance du 2 février 1945 prévoit que le procureur de la République pourra, notamment, faire application de la procédure de convocation par officier de police judiciaire à l'encontre d'un mineur pour lequel aucune investigation n'aura été ordonnée en application de l'article 8 de cette ordonnance et alors même qu'il n'existera pas dans le dossier d'éléments suffisants sur sa personnalité pour permettre au tribunal de se prononcer : mais ce sera à la condition qu'il requière, dans la saisine du tribunal, qu'il soit fait application des dispositions relatives à la césure du procès pénal des mineurs.

Le tribunal saisi, après s'être prononcé sur la culpabilité du mineur et, le cas échéant, sur l'action civile, sera alors tenu d'ajourner le prononcé de la mesure éducative, de la sanction éducative ou de la peine et de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure. Dans l'intervalle, devront être ordonnées, en application du 2e alinéa de l'article 24-6 de l'ordonnance du 2 février 1945, les mesures d'investigation sur la personnalité du mineur nécessaires pour déterminer la réponse pénale à apporter à son comportement.

Il n'est pas nécessaire, en revanche, de disposer du résultat de ces investigations dès le stade de la déclaration de culpabilité, où la personnalité du mineur ne joue aucun rôle : seule la réponse pénale doit en tenir compte, afin de rechercher, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le « relèvement éducatif et moral des enfants délinquants ». La dérogation à l'article 8-3 de l'ordonnance du 2 février 1945 que prévoit l'article 24-7 de la même ordonnance pour tirer les conséquences de l'élargissement des possibilités de césure du procès pénal des mineurs et donner toute son efficacité à ce dispositif très attendu des praticiens ne peut donc être regardée comme méconnaissant les exigences de cette jurisprudence.

3- Enfin, ainsi que le rappellent les auteurs des saisines, le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs comporte, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » (décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, cons. 27).

Il ne résulte toutefois de cette jurisprudence, ni que le degré de spécialisation de la juridiction concernée et le degré de spécificité de la procédure applicable devant celle-ci ne puissent varier selon l'âge du mineur et la nature des faits qui lui sont reprochés, ni que, dans chaque cas, il ne puisse être satisfait aux exigences constitutionnelles par la recherche d'un équilibre entre degré de spécialisation de la juridiction et degré de spécificité de la procédure.

Ainsi, dès la loi n° 51-687 du 24 mai 1951 créant la cour d'assises des mineurs pour juger les mineurs de plus de seize ans accusés d'un crime, qui relevaient jusqu'alors du tribunal pour enfants, le législateur a manifesté sa conviction que, au-delà d'un certain âge, il était possible de faire juger les mineurs par une formation spécialisée d'une juridiction de droit commun, dès lors qu'étaient préservées certaines spécificités de procédure propres à assurer la prise en compte de la nécessité de « rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants ».

La création du tribunal correctionnel pour mineurs s'inscrit dans la même logique, à l'égard des mineurs de plus de seize ans qui, sans être accusés d'un crime, sont poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale (article 24-1 nouveau de l'ordonnance du 2 février 1945).

Le tribunal correctionnel pour mineurs constitue en effet, d'après l'article L. 251-7 inséré dans le code de l'organisation judiciaire par l'article 51 de la loi déférée, « une formation spécialisée du tribunal correctionnel ». Cette spécialisation, qu'à dessein le législateur a voulue atténuée par rapport à celle du tribunal pour enfants, se manifeste par la présidence obligatoire de cette formation par un juge des enfants - lequel, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011, ne pourra être le même qui, le cas échéant, a connu de l'affaire lors de la phase d'instruction.

En revanche, la procédure applicable devant ce tribunal sera en tout point, en vertu des dispositions expresses du 3e alinéa de l'article 24-1 nouveau de l'ordonnance du 2 février 1945, celle applicable devant le tribunal pour enfants : trouveront ainsi à s'appliquer les dispositions particulières de cette ordonnance relatives à l'audition du mineur (article 13), à la publicité des débats (article 14), à la procédure de présentation immédiate (article 14-2), à la diminution légale de peine (article 20-2), aux peines exclues pour les mineurs (articles 20-4 et 20-6), à l'adaptation aux mineurs de certaines peines (articles 20-4-1, 20-5 et 20-10) et à l'exécution provisoire (article 22).

Le tribunal correctionnel pour mineurs sera, en outre, saisi dans les mêmes conditions que le tribunal pour enfants, à savoir par ordonnance de renvoi du juge des enfants ou du juge d'instruction en application des articles 8 et 9 de l'ordonnance du 2 février 1945, selon la procédure de convocation par officier de police judiciaire spécifique aux mineurs prévue par l'article 8-3 nouveau de cette ordonnance, ou encore selon la procédure de présentation immédiate régie par l'article 14-2 de la même ordonnance.

Enfin, il pourra, comme le tribunal pour enfants, prononcer des mesures éducatives, sanctions éducatives ou peines.

Dans ces conditions, le Gouvernement estime que, compte tenu de l'âge des mineurs susceptibles d'être jugés par lui et de la nature des faits qui leur sont reprochés, qui justifient une atténuation de sa spécialisation, le tribunal correctionnel pour mineurs répond, par sa composition et par la procédure applicable devant lui, aux exigences du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

IV- SUR L'ARTICLE 19

A- Les députés et sénateurs requérants soutiennent que l'article 19 de la loi déférée, qui abroge l'article 131-36-11 du code pénal, a été adopté selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution, en l'absence de tout lien, même indirect, avec le texte du projet de loi.

B- Le Conseil constitutionnel pourra également écarter ce grief.

L'article 131-36-11 du code pénal détermine les modalités selon lesquelles un placement sous surveillance électronique mobile, à titre de mesure de sûreté, dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, peut être prononcé par un tribunal correctionnel ou une cour d'assises. Il prévoit ainsi que, lorsqu'il est ordonné par le tribunal correctionnel, le placement sous surveillance électronique mobile doit faire l'objet d'une décision spécialement motivée, et que, lorsqu'il est ordonné par la cour d'assises, il doit être décidé dans les conditions de majorité prévues par l'article 362 du code de procédure pénale pour le prononcé du maximum de la peine.

L'article 19 de la loi déférée abroge l'article 131-36-11 du code pénal. Cet article étant issu d'un amendement en première lecture à l'Assemblée nationale, ses dispositions doivent être regardées comme ayant leur place dans la loi déférée dès lors que, en vertu de l'article 45 de la Constitution, elles présentent un lien, même indirect, avec le texte du projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.

Or ce projet de loi comportait des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique dans le cadre de l'application des peines (III de l'article 9) et des dispositions relatives à l'assignation à résidence des mineurs sous surveillance électronique dans le cadre du contrôle judiciaire (art. 22 et 26).

Le Gouvernement estime, dans ces conditions, que les dispositions de l'amendement dont est issu l'article 19 de la loi déférée présentaient un lien au moins indirect avec le projet de loi.

Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.