Décision n° 2011-141 QPC du 24 juin 2011 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 346459
Inédit au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Guyomar Mattias, rapporteur public
SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE, avocats
lecture du vendredi 15 avril 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance n° 10PA5771 du 2 février 2011, enregistrée le 7 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Paris, avant qu'il soit statué sur l'appel de la SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE, tendant à l'annulation du jugement du 12 octobre 2010 du tribunal administratif de Paris, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, issues de l'article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présenté pour la SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE, dont le siège est au 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008), représentée par son président directeur général en exercice, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu l'article L. 214-4 du code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DE FRANCE,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DE FRANCE,
Considérant que, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution (...) ne peut être relevé d'office ; qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de la même ordonnance que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'État lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que, dans cette hypothèse, le Conseil d'État se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise ; que cette juridiction ne saurait, dans sa décision de transmission, soulever d'office la question de la conformité de la disposition législative concernée à des droits et libertés garantis par la Constitution non invoqués dans le mémoire distinct ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris ne pouvait transmettre au Conseil d'État la question de la conformité du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement au regard du principe d'égalité devant les charges publiques ; que cette question ne peut davantage être présentée par la SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE pour la première fois devant le Conseil d'État, saisi, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'une ordonnance de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance d'autres dispositions ou principes constitutionnels ;
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement : L'autorisation peut être retirée ou modifiée, sans indemnité de la part de l'État exerçant ses pouvoirs de police dans les cas suivants : (...)/ 3 ° En cas de menace majeure pour le milieu aquatique, et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation ; qu'en vertu de l'article R. 214-1 du code de l'environnement, les concessions hydroélectriques valent autorisation au titre des articles L. 214-1 et suivants du même code ; que le II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement est applicable au litige dont est saisie la cour administrative d'appel de Paris ; que cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte, en tant qu'elle s'applique aux concessions hydroélectriques, aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la liberté contractuelle et au droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et au droit de propriété garanti par l'article 2 de la même Déclaration soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
DECIDE :
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE, au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et au Premier ministre.
Copie en sera adressée à la cour administrative d'appel de Paris.