Décision n° 2010-91 QPC du 28 janvier 2011 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 340106
Inédit au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Arrighi de Casanova, président
Mme Christine Grenier, rapporteur
Mme Vialettes Maud, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET, avocats
lecture du mercredi 10 novembre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les deux mémoires, enregistrés le 31 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX, dont le siège est 263 rue de Paris, case 536 à Montreuil (93515), représentée par son secrétaire général, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du décret n° 2010-341 du 31 mars 2010 relatif aux comités d'agence, à la représentation syndicale et aux délégués du personnel dans les agences régionales de santé, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 1432-11 du code de la santé publique, d'une part, dans sa rédaction issue de l'article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 et, d'autre part, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 1432-11, issu de l'article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 et modifié par l'article 27 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, notamment son article 15 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant, en premier lieu, que le décret du 31 mars 2010 relatif aux comités d'agence, à la représentation syndicale et aux délégués du personnel dans les agences régionales de santé, dont la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX a demandé au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir, a été pris pour l'application de l'article L. 1432-11 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l'article 118 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, avant sa modification par l'article 27 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique ; que, par suite, l'article L. 1432-11, dans sa rédaction issue de cette dernière loi, n'est pas applicable au litige ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1432-11 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue de la loi du 5 juillet 2010, porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que ce même article, dans sa rédaction issue de l'article 118 de la loi du 21 juillet 2009, applicable au présent litige, institue dans les conditions prévues à l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat , au sein de chaque agence régionale de santé, un comité d'agence, compétent pour l'ensemble des personnels de l'agence, qu'ils soient agents de droit public ou relèvent du code du travail ; qu'il dispose que les modalités de consultation des personnels prévues à cet article 15 peuvent être adaptées pour permettre la représentation des personnels de droit privé de l'agence ; que ces comités exercent les attributions des comités techniques paritaires et celles des comités d'entreprise prévues aux articles L. 2323-1 à L. 2323-87 du code du travail, sous réserve, pour ces dernières, des adaptations nécessaires ;
Considérant que la fédération requérante soutient que ces dispositions méconnaissent le principe de participation des travailleurs qui résulte du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises , faute de prévoir l'élection des représentants des personnels de droit public et de droit privé par des collèges électoraux différents et la consultation distincte de ces personnels sur les questions qui les concernent directement, qui serait seule à même de garantir l'effectivité du principe de participation ;
Considérant que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'en outre, s'agissant de personnes publiques qui emploient simultanément des agents de droit public et des personnels de droit privé, ce moyen soulève une question nouvelle ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution de l'article L. 1432-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010.
Article 2 : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 1432-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête de la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX, à la ministre de la santé et des sports, au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique et au Premier ministre.