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Décision n° 2010-602 DC du 18 février 2010 - Réplique du gouvernement

Loi ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 février 2010 d'un mémoire en réplique aux observations présentées par le Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant redécoupage des circonscriptions électorales pour l'élection des députés.

L'argumentation contenue dans ce mémoire n'appelle pas de développement complémentaire s'agissant de la procédure parlementaire et du choix de la méthode de découpage.

Les présentes observations se limiteront ainsi à expliciter les raisons qui justifiaient de ne pas saisir à nouveau la commission de l'article 25 après l'examen du texte par le Conseil d'Etat. Les arguments relatifs au découpage de certaines circonscriptions n'appellent que quelques compléments, sans remettre en cause les explications développées dans les premières observations du Gouvernement.

I/ SUR LE RESPECT DE L'ARTICLE 25 DE LA CONSTITUTION.

A/ Les auteurs de la saisine affirment que l'ordonnance aurait dû à nouveau être soumise à l'avis de la commission de l'article 25 après son examen par le Conseil d'Etat.

B/ Cette argumentation ne saurait être suivie, dès lors que le projet adopté en Conseil des ministres et ratifié par la loi déférée ne soulevait aucune question qui n'aurait pas été soumise à l'avis de la commission lors de ses premiers examens du texte.

Il suffit pour le démontrer de comparer les versions initiales du projet d'ordonnance et la version finale adoptée en Conseil des ministres (les observations qui suivent sont présentées, pour des raisons de commodité de lecture, dans l'ordre des critiques émises par les auteurs de la saisine dans leur mémoire initial).

S'agissant du Loir-et-Cher, la commission a proposé de transférer le canton d'Herbault de la 1ère circonscription, centrée autour de Blois (laquelle présentait un excédent de population de +18,41 % dans le projet initial) à la 3ème circonscription, centrée autour de Vendôme (-15,01 % dans le projet initial). Le découpage retenu dans l'ordonnance du 29 juillet 2009 est conforme à cette proposition.

S'agissant de Paris, la commission a rendu un premier avis le 23 juin 2009, en proposant « de réduire les écarts démographiques les plus importants, sans porter atteinte à la cohérence territoriale traditionnelle du découpage électoral parisien, fondée sur la distinction entre les deux rives de la Seine, et sur une approche respectant autant que faire se peut la division par arrondissements de la capitale ». Le Gouvernement l'a alors saisie d'un projet alternatif, qui suivait sa proposition s'agissant de la rive gauche et s'en inspirait étroitement s'agissant de la rive droite. Dans son second avis rendu le 30 juin 2009, qui portait sur la totalité du nouveau projet qui lui était soumis, la commission a relevé que le découpage proposé pour la rive droite ne s'écartait de sa proposition initiale que pour procéder à « quelques ajustements mineurs qui s'expliquent essentiellement par l'actualisation des dernières données démographiques fournies par l'Insee » et constaté, en en prenant acte expressément, qu'un découpage différent était désormais proposé pour la 3ème circonscription, sans que cela appelle de reproche de sa part. Au terme de sa consultation, qui a porté sur l'ensemble du nouveau projet, la commission a émis « un avis favorable, sous la réserve expresse que le quartier Europe soit intégralement maintenu dans la 1ère circonscription ». Le découpage retenu dans l'ordonnance ratifiée par la loi déférée s'est conformé à cette réserve expresse.

S'agissant du Val d'Oise, la commission a proposé le « transfert du canton de Viarmes de la 7ème à la 2ème circonscription ». Le découpage retenu dans l'ordonnance publiée s'est conformé à cette proposition.

S'agissant des Hautes-Alpes, la commission a proposé « de transférer le canton de Chorges de la 1ère à la 2ème circonscription ». Le découpage retenu s'est conformé à cette proposition.

Dans l'Aube, la commission a proposé le transfert du canton de Méry-sur-Seine de la 3ème à la 1ère circonscription. Le découpage retenu s'est conformé à cette proposition.

Dans le Calvados, la commission a proposé deux transferts pour « résorber l'excédent de la 5ème circonscription » : le déplacement du canton de Ouistreham de la 5ème à la 4ème circonscription et le transfert du canton de Cambremer de la 4ème à la 3ème circonscription. Le découpage retenu s'est conformé à cette proposition.

S'agissant de l'Indre-et-Loire : la commission a proposé « le transfert, au profit de la 1ère circonscription, du canton de Tours nord-est, lequel figure aujourd'hui dans la 2ème circonscription ». Le découpage retenu s'est conformé à cette proposition.

Dans les Landes, la commission a suggéré, « afin de rétablir un équilibre démographique plus satisfaisant dans le département, de transférer le canton de Peyrehorade de la 2ème à la 3ème circonscription ». Le découpage retenu s'est conformé à cette suggestion.

En Mayenne, la commission a suggéré, pour remédier aux « écarts démographiques [qui subsistaient], affectant les 1ère et 2ème circonscriptions », les transferts des cantons de Laval nord-ouest et de Saint-Berthevin de la 1ère à la 2ème circonscription, du canton de Loiron de la 2ème à la 3ème circonscription et du canton de Laval nord-est de la 3ème à la 1ère circonscription. Le découpage retenu s'est conformé à cette suggestion.

Dans le Morbihan : la commission a proposé « de transférer le canton de la Roche-Bernard de la 1ère à la 4ème circonscription ». Le découpage retenu s'est conformé à cette proposition.

S'agissant de l'Essonne : la commission a proposé « un rééquilibrage entre les 3ème (excédent de 17,33 %) et 5ème (déficit de 15,93 %) circonscriptions, non limitrophes, par le transfert d'une fraction du canton d'Arpajon de la 3ème vers la 4ème circonscription » (sans plus de précision) et « par le déplacement du canton de Villebonsur- Yvette de la 4ème circonscription vers la 5ème circonscription ». L'ordonnance adoptée en Conseil des ministres s'est conformée à la première de ces deux propositions en explicitant que celle-ci concernerait les communes de Bruyères-le-Châtel et d'Ollainville, ce qui a ramené, conformément à l'avis de la commission, l'excédent de population de la 3ème circonscription à +10,93 %.

Dans les Hauts-de-Seine, enfin, la commission a proposé « le transfert, au profit de la 6ème circonscription (-11,60 %), d'une fraction, en provenance de la 3ème circonscription (+17,43 %), du canton de Courbevoie sud, et d'une fraction, en provenance de la 4ème circonscription (+12,15 %), du canton de Suresnes », sans plus de précision pour ces deux transferts. L'ordonnance a suivi la première de ces deux propositions en retenant dans son projet le transfert de 14 614 habitants du canton de Courbevoie sud. Le découpage retenu après cet avis s'est ainsi conformé partiellement à l'avis de la commission, ce qui a eu pour effet de réduire l'excédent de population de la 3ème circonscription à +5,06 % et de placer la population de la 6ème circonscription au niveau de la moyenne départementale (à 0,77 % près).

Le découpage retenu par l'ordonnance ratifiée par la loi déférée ne soulève ainsi aucune question nouvelle qui n'aurait pas été soumise à la commission de l'article 25. Le grief des auteurs de la saisine pourra être écarté sans difficulté.

II/ SUR LE DECOUPAGE DE CERTAINES CIRCONSCRIPTIONS.

A/ Les auteurs de la saisine soumettent au Conseil constitutionnel quelques éléments additionnels concernant une partie des circonscriptions critiquées dans la saisine initiale.

B/ L'analyse de ces écritures permet d'observer que le découpage de quatre départements ne fait l'objet d'aucune argumentation supplémentaire (la Mayenne, la Nièvre, le Rhône et le Vaucluse).

S'agissant du découpage des autres départements le Gouvernement renvoie à ses précédentes observations en défense, complétées en tant que de besoin par les fiches annexées aux présentes observations. Aucun des arguments développés dans le mémoire en réplique n'est en effet de nature à remettre en cause la constitutionnalité de la loi déférée.

Pour ces raisons et celles développées dans ses premières observations, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine et dans le mémoire en réplique ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.

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Fiche complémentaire n° 1 - Calvados

Les auteurs de la saisine ont désormais recours à un argument tiré de l'importance des territoires pour contester la nécessité de la réduction des écarts de population. Mais ce critère, qui figure au nombre des motifs d'intérêt général susceptibles d'être admis pour tempérer le critère démographique, demeure toutefois second par rapport à ce dernier.

En l'espèce, le transfert du canton de Ouistreham a été effectué conformément à la proposition de la commission de l'article 25, afin de réduire, au premier chef, les écarts démographiques substantiels qui affectaient ce département. Il convient de relever en outre que, dans le découpage de 1986, ce canton ne se trouvait aucunement dans l'orbite de la « grande agglomération caennaise », puisque il était à l'époque placé dans la 5ème circonscription centrée autour de Bayeux. Il convient de souligner enfin que ce canton est relié au canton voisin de Cabourg par au moins deux points de franchissement : la route départementale 514 au niveau de Bénouville et la route départementale 226 au niveau de Blainville-sur-Orne.

L'argumentation du mémoire en réplique ne remet pas en cause la constitutionnalité de la loi déférée.

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Fiche complémentaire n° 2 - Hérault

Les auteurs de la saisine font désormais grief supplémentaire à la 4ème circonscription de manquer de cohérence territoriale, motif pris de ce qu'elle s'étendrait de l'étang de Thau jusqu'au plateau du Larzac.

Mais il convient d'observer que dans le découpage actuel, celle-ci s'étend du Caylar jusqu'au canton de Pignan. Or la permutation de ce dernier canton avec le canton voisin de Mèze était nécessaire pour assurer la continuité de la nouvelle 9ème circonscription. Respectueux de la démographie et des autres exigences constitutionnelles, le découpage retenu dans l'ordonnance revêt ainsi autant de cohérence géographique que celui qui n'avait, sur ce point, fait l'objet d'aucun reproche en 1986.

L'argumentation du mémoire en réplique ne remet pas en cause la constitutionnalité de la loi déférée.

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Fiche complémentaire n° 3 - Meurthe et Moselle

Le mémoire en réplique appelle une précision complémentaire car, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, les déplacements respectifs des cantons de Tomblaine et de Bayon n'obéissent pas à des impératifs de même nature.

Le rattachement du canton de Tomblaine à la 4ème circonscription, retenu par le Gouvernement à la suite d'une proposition émise par la commission de l'article 25, s'imposait, à titre autonome, pour combler l'écart initial de la 2ème circonscription (+ 18,51 %, soit plus d'un point de plus que l'écart le plus élevé des circonscriptions délimitées par l'ordonnance). Le transfert du canton de Bayon à la 5ème circonscription n'a en revanche été proposé par la commission que « pour atténuer partiellement les effets de ce transfert », qui portait l'écart de la circonscription de rattachement à + 7,15 %, et non pour compenser le déficit démographique de la 5ème circonscription, qu'elle n'évoque aucunement.

L'argumentation du mémoire en réplique ne remet donc pas en cause la constitutionnalité de la loi déférée.

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Fiche complémentaire n° 4 - Moselle

Le mémoire en réplique appelle trois observations complémentaires sur le découpage retenu par l'ordonnance pour les circonscriptions de Metz.

Il faut signaler en premier lieu que la voix ferrée de Nancy à Thionville constitue une limite identifiée de très longue date au sein de la ville de Metz et ne saurait ainsi dissocier « des blocs d'immeubles », contrairement à ce qu'affirment les auteurs de la saisine dans leur mémoire en réplique.

Il convient d'observer, en deuxième lieu, qu'en conservant la délimitation actuelle des 1ère et 3ème circonscriptions de Metz, l'écart de leur population serait de 19,75 % par rapport à la moyenne départementale (126 820 et 104 069 habitants), contre 10,17 % dans le découpage retenu par l'ordonnance (121 298 et 109 591 habitants) : l'écart actuel ne serait réduit qu'à 19,65 % avec les chiffres du recensement de 2007 (127 267 et 104 586 habitants), ce qui représente bien un réajustement de 0,1 % en moyenne départementale et non de 0,3 % comme il est soutenu dans le mémoire en réplique.

Le Gouvernement souhaite réaffirmer enfin que, contrairement à ce qui est soutenu dans ce mémoire, il ne disposait pas « dès le départ », et notamment pas à la date à laquelle il a saisi la commission de l'article 25 de son projet, des chiffres de population de la partie du canton de Metz 3 transférée dans la 3ème circonscription, calculés selon le recensement de 1990 et de 1999, tout simplement parce qu'il s'agit là d'une population infracommunale pour laquelle aucune précision n'était alors disponible. Si le Gouvernement a effectivement demandé à l'INSEE, par un courrier du 19 mai 2009 joint à la fiche annexée aux observations en défense, d'opérer ce calcul pour le recensement au 1er janvier 2006, aucune demande d'une telle nature n'a été faite s'agissant des recensements opérés en 1990 et 1999. Or le Gouvernement ne pouvait disposer de ce type d'information sans les avoir préalablement demandées. Il est ainsi impossible de mesurer ni la portée, ni de vérifier l'exactitude, des éléments avancés dans le mémoire en réplique des auteurs de la saisine.

L'argumentation du mémoire en réplique ne remet donc pas en cause la constitutionnalité de la loi déférée.

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Fiche complémentaire n° 5 - Pas-de-Calais

Contrairement à ce que soutiennent les auteurs du mémoire en réplique, le Gouvernement ne s'est pas référé à « des supputations tout à fait hypothétiques, nullement démontrées », en évoquant dans la fiche annexée à ses observations en défense une évolution démographique plus favorable à la 9ème qu'à la 10ème circonscription du Pas-de-Calais, ce qui annonçait un resserrement de l'écart affectant la 9ème circonscription.

Il s'est tout au contraire fondé sur des éléments factuels très précis, d'ores et déjà constatés pour la plupart, fournis par les services préfectoraux.

C'est ainsi que trois des cinq cantons de la future 9ème circonscription font partie du pôle urbain de Béthune, tandis que celui de Laventie est inscrit dans la sphère d'attraction de la couronne périurbaine lilloise (Source : DRE, Atlas du territoire 2009).

D'ores et déjà, sur les années 1998-2008, ces cantons ont connu une évolution du nombre de logements supérieure à 15 %, alors que la moyenne de l'accroissement départemental se situait, pour la même période, à 7,5 %.

Parallèlement, le nombre de résidences principales a cru, sur la même décennie, de plus de 17 %, alors que l'évolution de la moyenne départementale s'est, pour sa part, limitée à 7 %. Le territoire dessiné par le triangle Saint-Venant (canton de Lillers) / Laventie / Béthune, placé dans l'orbite directe de la métropole lilloise, se trouve en outre de plus en plus soumis à sa force d'attraction et dispose avec elle de liaisons sans cesse plus fréquentes et plus rapides : la faiblesse des distances à parcourir (25 à 40 kms) se conjugue en effet à une amélioration régulière de la desserte ferroviaire entre Béthune et Lille.

La création, à l'horizon 2014, d'une ligne de tramway, qui rattachera plusieurs communes de la circonscription à la gare SNCF desservant Lille, contribuera encore à cette réduction des temps de transport et à l'augmentation de l'attractivité de la zone, pour une population lilloise en extension permanente et à la recherche constante de possibilités de logement sur un secteur présentant le triple avantage de la proximité, de la qualité de vie et de la modération des coûts du foncier.

Cette évolution se trouve corroborée par des faits tangibles : sur l'est et le nord du bassin béthunois, selon les données recueillies auprès de la direction départementale de l'équipement, les trois prochaines années verront la livraison de plus d'une vingtaine de programmes de logement sociaux importants : 413 logements sociaux, hors de ceux prévus sous l'égide de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, ont été livrés en 2008/2009, auxquels s'ajouteront, selon la programmation des bailleurs sociaux, 380 logements supplémentaires en 2010 et 2011.

Doit être ajoutée à ces programmations de logements sociaux, sur l'ensemble de la zone de Laventie et notamment les communautés de communes de Monts de Flandres et de Flandres Lys, une série de programmes privés de construction, dont l'achèvement sur les années 2010- 2012 devrait se solder par l'apport complémentaire d'un volume de 450 à 550 résidences principales, qui conduira à un surcroît de population de près de 2 000 personnes.

Au total, en raison de la dynamique propre du bassin béthunois et de l'attractivité de la métropole lilloise sur le canton de Laventie, la croissance démographique de la 9ème circonscription, sur les années 2008- 2012, peut être estimée entre 5 000 et 6 000 personnes.

L'argumentation du mémoire en réplique ne remet donc pas en cause la constitutionnalité de la loi déférée.