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Décision n° 2010-24 QPC du 6 août 2010 - Décision de renvoi CE

Association nationale des sociétés d'exercice libéral et autres [Cotisations sociales des sociétés d'exercice libéral]
Conformité

Conseil d'État

N° 328937
Inédit au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Arrighi de Casanova, président
M. Alexandre Lallet, rapporteur

lecture du lundi 14 juin 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1 °), sous le n° 328937, le mémoire, enregistré le 12 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par l'ASSOCIATION NATIONALE DES SOCIETES D'EXERCICE LIBERAL (ANSEL), dont le siège est 78, boulevard de Longchamp à Marseille (13001), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; l'ANSEL demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son intervention présentée au soutien de la requête du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX tendant à l'annulation du décret n° 2009-423 du 16 avril 2009 relatif à la détermination du capital social et des sommes versées en compte courant d'associé des sociétés d'exercice libéral pour l'application de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du troisième alinéa de cet article L. 131-6 ;

Vu 2 °), sous le n° 328938, le mémoire, enregistré le 12 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par l'ANSEL, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; l'ANSEL demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son intervention présentée au soutien de la requête de l'ASSOCIATION DES AVOCATS CONSEILS D'ENTREPRISES tendant à l'annulation du même décret du 16 avril 2009, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du troisième alinéa de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 et son Préambule ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment le troisième alinéa de son article L. 131-6, issu de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ;

Considérant que les mémoires visés ci-dessus, présentés en application de ces dispositions, se rapportent à la même question prioritaire de constitutionnalité ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'une seule décision ;

Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu'aux termes de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX est chargé de représenter la profession d'avocat notamment auprès des pouvoirs publics ; qu'eu égard aux incidences du décret n° 2009-423 du 16 avril 2009 sur la profession d'avocat et, en particulier, sur les modes d'exercice de celle-ci, le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX doit être regardé, en l'état du dossier, comme justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation ; qu'il en va de même de la requête de l'ASSOCIATION DES AVOCATS CONSEILS D'ENTREPRISES dirigée contre ce même décret ;

Considérant que, si la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale a été invoquée dans un mémoire présenté par l'ASSOCIATION NATIONALE DES SOCIETES D'EXERCICE LIBERAL (ANSEL), intervenante au soutien des requêtes du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et de l'ASSOCIATION DES AVOCATS CONSEILS D'ENTREPRISES, ces derniers ont ensuite déclaré, par mémoires distincts et motivés, s'associer à la question soulevée par l'ANSEL ; qu'ils doivent ainsi être regardés comme demandant eux-mêmes au Conseil d'Etat de se prononcer sur le renvoi de cette question au Conseil constitutionnel ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à l'ANSEL par le Premier ministre et le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, le Conseil d'Etat est, en tout état de cause, régulièrement saisi de cette question de constitutionnalité ;

Sur le renvoi au Conseil constitutionnel :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que le troisième alinéa de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 22 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, pour l'application duquel a été pris le décret attaqué, est applicable au présent litige ; que si, par sa décision n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008, le Conseil constitutionnel, saisi de cette loi, a déclaré conformes à la Constitution ses articles 37 et 90 et a estimé, dans les motifs de cette décision, qu'il n'y avait pas lieu pour lui de soulever d'office une autre question de conformité à la Constitution, il n'a déclaré les dispositions de l'article 22 de la loi conformes à la Constitution ni dans le dispositif de cette décision ni dans celui d'une décision postérieure ; que le moyen tiré de ce que le troisième alinéa de l'article L. 131-6 du code de sécurité sociale, qui assujettit aux cotisations de sécurité sociale prévues au premier alinéa de cet article une fraction des revenus distribués et produits de compte courant versés par les seules sociétés d'exercice libéral, porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

DECIDE :

Article 1er : La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et de l'ASSOCIATION DES AVOCATS CONSEILS D'ENTREPRISES jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION NATIONALE DES SOCIETES D'EXERCICE LIBERAL, au CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, à l'ASSOCIATION DES AVOCATS CONSEILS D'ENTREPRISES, au Premier ministre et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat