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Décision n° 2009-600 DC du 29 décembre 2009 - Saisine par 60 députés

Loi de finances rectificative pour 2009
Non conformité partielle

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs

Nous avons l'honneur de vous déférer conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution la loi de finances rectificative pour 2009, et notamment ses articles 28 bis B, 24, et 27 sexies.

Il appartiendra au Conseil constitutionnel de se prononcer également sur la conformité à la Constitution, et notamment au principe d'égalité, des dispositions de l'article 30 instaurant une compensation partielle de contribution carbone au bénéfice des biocarburants, compte tenu du dispositif instaurant une contribution carbone voté en loi de finances initiale pour 2010.

I. Sur l'article 28 bis B et les modalités de calcul du droit à restitution des impositions excédant le seuil de 50 % défini à l'article 1 du Code général des impôts

L'article 28 bis B de la loi de finances rectificative pour 2009 doit être analysée comme méconnaissant le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant l'impôt.

Cet article, adopté dans une rédaction issue de la commission mixte paritaire, revient partiellement sur les dispositions adoptées à l'article 101 de la loi de finances pour 2010.

Ce dernier article avait été adopté à l'initiative du rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale. Celui-ci indiquait qu'il « s'agit de corriger deux problèmes techniques liés au calcul du bouclier, le premier concernant les dividendes, le second les reports de déficit ou de moins-value ».

Conformément aux observations faites par le Président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, et par le Rapporteur général du budget dans son rapport sur l'application de la loi fiscale, il apparaît en effet que tel qu'il est défini par l'article 1649-0-A du code général des impôts, le droit à restitution des impositions dont le montant excède le seuil de 50 % du revenu mentionné à l'article 1er du Code général des impôts conduisait avant l'adoption de cet amendement à une rupture d'égalité entre les contribuables selon la nature de leurs revenus et les choix du mode d'imposition de ceux-ci.

S'agissant des revenus visés au a du 4 de l'article 1649-0-A, la rédaction antérieure à la loi de finances pour 2010 disposait que ces revenus étaient minorés des abattements mentionnés à l'article 150-0 D bis et aux 2 ° et 5 ° du 3 de l'article 158.

Cet abattement prévu du 2 ° du 3 de l'article 158 porte sur les dividendes perçus par un contribuable. Le montant de ces dividendes est de 40 % pour l'imposition au titre de l'impôt sur le revenu dès lors qu'elle s'effectue au barème. Parallèlement, depuis 2008, le contribuable peut opter pour un assujettissement à l'impôt sur le revenu dans le cadre d'un prélèvement forfaitaire libératoire au taux de 18 %. Il ne bénéficie pas dans ce cadre de l'abattement visé au 2 ° du 3 de l'article 158.

L'extension de l'application de cet abattement pour la détermination des revenus pris en compte pour le calcul du droit à restitution ne s'impose évidemment pas. Elle est au contraire constitutive d'une atteinte au principe d'égalité entre les contribuables à un double titre.

- D'une part parce qu'aucun abattement similaire n'est offert pour des revenus provenant d'autres revenus, et notamment les revenus du travail.

Ces revenus sont pris en compte dans leur totalité. L'existence d'un abattement de 10 % sur les revenus du travail est représentative de frais, et correspond aux frais de garde qui sont de manière similaire déduits des revenus du capital.

- D'autre part car le choix pour le contribuable d'être imposé sur ces revenus au titre du prélèvement forfaitaire libératoire entraîne, pour l'application du bouclier fiscal, la prise en compte de la totalité des mêmes revenus, sans application de cet abattement de 40 %.

Ces différences de traitement, qui, compte tenu sans doute de la complexité du dispositif prévu à l'article 1649-0-A semblent avoir échappé aux rédacteurs initiaux du dispositif, ne sont justifiées par aucun motif d'intérêt général.

L'article 101 de la loi de finances pour 2010 met fin à cette inégalité de traitement en retenant, pour le calcul du droit à restitution, le revenu « brut » de l'abattement particulier aux revenus issus de dividendes. Le rapporteur général de l'Assemblée indiquait lors des débats parlementaires qu'il s'agissait d'une correction « indispensable à un traitement équilibré quelle que soit l'option choisie par le contribuable ». Le gouvernement s'était déclaré favorable à l'adoption de l'amendement en reconnaissant qu'« Effectivement, il faut corriger une imperfection technique qui fait qu'à un moment donné, un contribuable peut bénéficier d'un bouclier inférieur au taux de 50 %, simplement parce que l'abattement de 40 % sur les dividendes peut conduire à intégrer des revenus très faibles par rapport aux revenus touchés ».

L'article 28 bis B du PLFR pour 2009 revient sur cette rédaction pour « atténuer l'effet brutal de la modification introduite en loi de finances pour 2010 s'agissant de la prise en compte des dividendes » et, à cette fin, propose de ne pas prendre en compte la totalité des dividendes mais d'opérer « un abattement de 30 % pour les revenus perçus en 2009, ce qui équivaut à une majoration de 15 % du numérateur », puis à diminuer progressivement cet abattement pour parvenir à une prise en compte de 100 % des dividendes en 2012.

La motivation avancée d'éviter une application « brutale » d'une disposition qui, en l'occurrence, conduit à faire bénéficier des contribuables aux facultés contributives souvent particulièrement importantes d'une restitution des impositions dont elles sont théoriquement redevables n'est évidemment pas un motif d'intérêt général justifiant les ruptures d'égalité reconnues aussi bien par le rapporteur général, que par le gouvernement, et par le législateur qui a introduit les corrections prévues à l'article 101 de la loi de finances pour 2010.

Le Conseil constitutionnel ne pourra ainsi que censurer l'article 28 bis B de la loi de finances rectificative pour rupture d'égalité entre les contribuables.

II. Sur l'article 24 et l'ouverture du bénéfice d'incitations fiscales au titre des dons à des associations ou fondations situées hors du territoire national

L'article de la loi de finances rectificative vise à ouvrir le bénéfice de dispositifs d'encouragement fiscal aux dons en faveur de bénéficiaires situés en dehors du territoire national.

La justification donnée à cet article, qui serait la déclinaison du principe de « libre circulation des capitaux » n'est pas recevable. Il s'agit en effet non d'encourager des investissements ou le placement de capitaux mais d'ouvrir le bénéfice du régime du mécénat à des contribuables effectuant de dons à des associations et fondations situées hors de France, dans l'Union européenne ou l'Espace économique européen (EEE).

Ces dispositifs représentent un enjeu financier non négligeable, de l'ordre de 1,3 milliard d'euros pour l'année 2009. Le taux des réductions en cause est de 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable au titre de l'impôt sur le revenu dans le cas général. Il peut atteindre 75 % pour les dons de moins de 495 euros effectués à des organismes procédant à la fourniture de repas ou soins à titre gratuit ou favorisent le logement des personnes en difficulté. Au titre de l'ISF, le taux de la déduction atteint 75 % dans la limite de 50000 euros.

Mettre en oeuvre cette disposition pourrait ainsi conduire à autoriser à déduire au titre de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les bénéfices des sociétés et de l'ISF, les dons à des associations ou fondations « dès lors que ces organismes poursuivent des objectifs et présentent des caractéristiques similaires aux organismes situés en France répondant aux conditions fixées par ces articles », ainsi que l'indique l'exposé des motifs.

L'exposé des motifs est peu disert sur les éléments qui entreront en compte pour la procédure d'agrément prévue dans cet article. Dès lors, le fait pour l'article qui vous est déféré de ne pas préciser les conditions permettant l'attribution par le pouvoir exécutif de cet agrément ouvrant droit à des avantages fiscaux conséquents au bénéfice de certains contribuables constitue donc un cas d'incompétence négative du législateur qu'il appartient au Conseil de censurer.

De plus, motivé uniquement par une interprétation des décisions de la Cour de justice des Communautés Européennes, qui ne peut constituer un motif d'intérêt général, l'extension abusive de ces avantages fiscaux au bénéfice de certains contribuables ne pourra être jugée conforme à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel ne pourra donc que censurer cette rupture d'égalité compte tenu du caractère disproportionné des avantages fiscaux consentis au regard de l'objectif poursuivi par le législateur.

III. Sur l'article 27 sexies et la remise en cause du principe général d'accessibilité des personnes handicapées aux établissements recevant du public et des logements neufs.

Le Conseil constitutionnel ne pourra d'abord que constater que cette disposition qui n'a pas de lien direct avec la taxe locale d'équipement, contrairement à ce qu'à pu prétendre le gouvernement à l'appui de son dépôt, ne relève pas du domaine des lois de finances et constitue à cet égard un « cavalier budgétaire ».

Il apparaît également que cette disposition, qui n'a été précédée d'aucune étude d'impact, n'a d'autre objectif que de constituer une validation législative d'une disposition réglementaire jugée précédemment illégale par le juge administratif.

Celui-ci en effet avait jugé, dans son arrêt de juillet 2009, des dispositions identiques, qui introduisaient des dérogations au bénéfice des constructions neuves, contraires aux principes fixés par la loi n °2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.