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Décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007 - Observations du gouvernement

Loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat
Non conformité partielle

Paris, le 9 août 2007
OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT SUR LE RECOURS DIRIGE CONTRE LA LOI EN FAVEUR DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DU POUVOIR D'ACHAT
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, adoptée le 1er août 2007.
Le recours fait, d'une part, grief aux dispositions de la loi qui affectent les recettes fiscales de méconnaître les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances et les modalités d'utilisation des surplus du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat. Il critique, d'autre part, les articles 1er, 11 et 16 de la loi en formulant différentes critiques.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
***
I/ SUR LES REGLES RELATIVES AUX MODALITES D'UTILISATION DES SURPLUS DE RECETTES FISCALES
A/ Les auteurs du recours soutiennent que, compte tenu de l'impact de la loi déférée sur les recettes fiscales de l'année 2007, les mesures qu'elle institue auraient dû faire l'objet d'une loi de finances rectificative. Ils font valoir que les dispositions de l'article 52 de la loi de finances pour 2007, selon lesquelles les éventuels surplus de recettes fiscales constatés en 2007 par rapport aux prévisions initiales seront affectés en totalité à la réduction du déficit, auraient dû, à tout le moins, être modifiées. Ils estiment, enfin, qu'une interprétation extensive des articles 34 et 35 de la loi organique relative aux lois de finances pourrait conduire à prohiber l'intervention de mesures fiscales nouvelles en cours d'année dès lors que l'utilisation à cette fin d'éventuels surplus de recettes fiscales n'aurait pas été inscrite dans la loi de finances.
B/ Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
En premier lieu, il ne fait pas de doute que, conformément à l'article 34 de la Constitution, une loi ordinaire peut comporter des dispositions relatives à l'assiette, au taux ou aux modalités de recouvrement d'impositions à caractère fiscal, alors même qu'elles affecteraient l'équilibre défini par la dernière loi de finances. La fiscalité relève en effet du domaine facultatif et partagé des lois de finances et non de leur domaine exclusif (V. en particulier la décision n°2001-448 DC du 25 juillet 2001), sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les dispositions en cause affectent ou non l'exécution du budget de l'exercice en cours (V. par exemple la décision n°91-298 DC du 24 juillet 1991).
En deuxième lieu, s'il a été jugé qu'une loi de finances rectificative doit être présentée par le Gouvernement dans le cas où il apparaît que les grandes lignes de l'équilibre économique et financier définies par la loi de finances initiale de l'année se trouveraient, en cours d'exercice, bouleversées (V. la décision n°91-298 DC du 24 juillet 1991), on doit observer au cas présent que le coût des mesures nouvelles instituées par la loi déférée pour l'année 2007 peut être évalué à environ 1,6 milliards d'euros. Ce montant ne traduit pas un bouleversement des grands lignes de l'équilibre économique et financier tel qu'il résulte de la loi de finances pour 2007 qui aurait imposé au Gouvernement de déposer un projet de loi de finances rectificative avant l'adoption des dispositions déférées.
En troisième lieu, on doit remarquer, en tout état de cause, que le législateur n'était nullement tenu de modifier les dispositions de l'article 52 de la loi de finances pour 2007 qui ont énoncé les modalités d'utilisation des surplus du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat, dans la mesure où cet article a expressément réservé l'hypothèse des modifications susceptibles d'être apportées à la législation fiscale en cours d'année et hors loi de finances.
Dans ces conditions, l'argumentation des auteurs du recours se prévalant des règles résultant de la loi organique relative aux lois de finances ne pourra qu'être écartée.
II/ SUR L'ARTICLE 1er
A/ L'article 1er de la loi déférée prévoit une exonération d'impôt sur le revenu de la rémunération versée au titre des heures supplémentaires. Cette exonération d'impôt sur le revenu bénéficie à l'ensemble des salariés du secteur privé, y compris à ceux du secteur agricole, ainsi qu'aux agents publics, titulaires ou non. Elle concerne les salaires versés au titre de l'ensemble des heures supplémentaires, c'est-à-dire de toutes les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail telle que déterminée par la législation relative au travail. Ainsi, quelle que soit l'organisation de la durée du travail collective, les heures considérées par la législation du travail comme des heures supplémentaires ouvrent droit au bénéfice du dispositif. L'article 1er de la loi déférée comprend également dans son champ les salaires versés au titre des heures complémentaires c'est-à-dire les heures effectuées par les salariés à temps partiel au-delà de la durée contractuelle du travail. L'exonération fiscale est accordée sous conditions et dans certaines limites. L'article 1er de la loi déférée comporte aussi plusieurs dispositions destinées à prévenir les risques d'optimisation ou de fraude.
L'article 1er dispose, en outre, que, pour l'ensemble des salariés concernés par le dispositif, toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu'elle entre dans le champ de l'exonération fiscale, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées pour l'exonération fiscale, à une réduction des cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à la rémunération dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction. L'article 1er instaure, enfin, une déduction forfaitaire des cotisations patronales sur les salaires perçus à raison des heures supplémentaires de travail incluses dans le champ de l'exonération fiscale et accomplies par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale à hauteur d'un montant fixé par décret.
Les députés auteurs du recours soutiennent, en premier lieu, que l'article 1er de la loi déférée, en favorisant le recours aux heures supplémentaires au détriment de l'embauche de salariés, porterait atteinte au droit à l'emploi. Ils font valoir, en deuxième lieu, que le dispositif organisé par le législateur méconnaîtrait le principe constitutionnel d'égalité. Ils dénoncent, en troisième lieu, l'exonération indirecte de la contribution sociale généralisée qui serait contenue dans les dispositions critiquées en ce qu'elle serait contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
B/ Le Gouvernement estime que les différentes critiques adressées à l'article 1er de la loi déférée ne sont pas fondées.
1/ En premier lieu, il considère que les dispositions critiquées ne peuvent être jugées contraires au droit d'obtenir un emploi mentionné au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Le Conseil constitutionnel reconnaît qu'il revient au législateur de poser les règles propres à assurer, au mieux, le « droit pour chacun d'obtenir un emploi, tout en ouvrant le bénéfice de ce droit au plus grand nombre d'intéressés » (décision n°83-156 DC du 28 mai 1983 ; décision n°98-401 DC du 10 juin 1998). Le législateur dispose, à cet égard, d'un large pouvoir d'appréciation pour adopter, dans l'exercice de sa compétence, les mesures qui lui paraissent le plus appropriées.
Au cas présent, l'article 1er de la loi déférée vise à permettre aux employeurs d'avoir davantage recours à des ressources en main d'œuvre immédiatement disponibles, en réduisant l'obstacle que peut constituer le coût des heures supplémentaires. En soi, cette mesure ne peut être jugée manifestement contraire au droit d'obtenir un emploi.
En premier lieu, elle n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de dissuader les employeurs d'embaucher s'ils étaient disposés à le faire. Le recours aux heures supplémentaires permet de faire appel à une main d'œuvre immédiatement opérationnelle et apte à répondre tout de suite aux besoins de l'entreprise ; l'embauche de salariés supplémentaires s'inscrit dans une perspective différente.
On peut remarquer que la loi déférée ne modifie nullement les règles du droit du travail qui encadrent le recours aux heures supplémentaires. Le recours à ces heures relève du pouvoir de direction de l'employeur et les garanties destinées à protéger les salariés continuent pleinement de s'appliquer. Si l'article 1er de la loi déférée entend inciter au recours aux heures supplémentaires, il ne remet pas en cause les règles applicables. Il prévoit aussi différents mécanismes pour prévenir les risques de fraude ou les effets d'optimisation. Le dispositif adopté par le législateur ne peut ainsi être regardé comme conduisant les employeurs à recourir aux heures supplémentaires au détriment de recrutements.
En second lieu, et on y reviendra, il faut souligner que l'objectif poursuivi par le législateur vise à augmenter la croissance par l'élévation du nombre d'heures travaillées, en jouant à la fois sur les capacités de production et sur le revenu des consommateurs. Cet objectif vise à favoriser la création d'emplois dans l'ensemble de l'économie française. En effet, les études internationales montrent qu'il existe une corrélation entre, d'une part, un volume total d'heures travaillées et une durée moyenne de travail par actif élevés et, d'autre part, un faible taux de chômage. Le législateur, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, a ainsi considéré que la mesure critiquée, loin de restreindre le droit pour chacun d'obtenir un emploi et le nombre de personnes qui bénéficient de ce droit, tend au contraire à stimuler la création d'emplois.
Dans ces conditions, le grief adressé à l'article 1er de la loi déférée sur le terrain du cinquième alinéa du Préambule de 1946 ne saurait être accueilli.
2/ En ce qui concerne, en deuxième lieu, l'atteinte qui serait portée par l'article 1er au principe d'égalité, le Gouvernement considère que les différences de traitement qui résultent du dispositif institué sont justifiées par des considérations d'intérêt général qui tiennent à la nécessité d'augmenter le nombre d'heures travaillées en France en vue de contribuer à faire naître un cercle vertueux destiné à augmenter la croissance et à créer des emplois.
Le mécanisme organisé par le législateur repose sur un critère de différenciation pertinent, celui du dépassement de la durée légale du travail, qui caractérise les heures supplémentaires, identiquement appliqué à l'ensemble des salariés concernés.
La mesure instituée par le législateur sur le fondement de ce critère est, enfin, proportionnée au but d'intérêt général poursuivi.
a/ Les avantages accordés aux employeurs et aux salariés par l'article 1er lorsque sont accomplies des heures supplémentaires ou des heures complémentaires sont justifiés par l'intérêt général qui s'attache à l'augmentation du nombre d'heures travaillées dans l'économie française.
Le législateur a, sans doute, accordé des avantages à ceux des employeurs et des salariés qui contribueront à augmenter la durée moyenne du travail en France.
Toutefois, selon une jurisprudence bien établie, le principe constitutionnel d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur octroie, dans le cadre de la compétence que lui reconnaît l'article 34 de la Constitution, des avantages fiscaux ou sociaux à des fins d'incitation économique, dès lors qu'ils répondent à des motifs d'intérêt général suffisants (V. par exemple les décisions n°2002-464 DC du 27 décembre 2002 et n°2004-511 DC du 29 décembre 2004).
Au cas présent, il faut souligner que la faiblesse relative durée de travail moyenne par actif est un facteur qui limite le dynamisme de l'économie française. La France est l'une des économies avancées où cette durée est la plus faible. Selon une étude de la DARES, elle est passée de 1742 heures en 1998 à 1616 heures en 2004. Au sein de l'OCDE, en 2005, la durée moyenne annuelle de travail des actifs occupés n'était inférieure à celle constatée en France que dans quatre autres Etats membres (Belgique, Allemagne, Pays-Bas et Norvège). La durée moyenne de travail constatée en France s'est progressivement écartée de celle de la plupart de ses principaux partenaires économiques. Ainsi, en 1981, les durées moyennes annuelles de travail d'un actif français et d'un actif américain étaient identiques et un actif français travaillait, en moyenne, 301 heures de plus, par an, qu'un actif suédois. En 2005, un actif américain travaille, chaque année, 269 heures de plus qu'un actif français, soit près de 18 %, et un actif suédois 59 heures de plus. Ce différentiel est plus important encore si on compare la durée moyenne de travail par habitant compte tenu de la structure démographique de la France, dont la part de la population en âge de travailler est légèrement inférieure à la part de la moyenne de l'OCDE, de son taux d'activité et de son taux de chômage.
Cette faiblesse du nombre d'heures travaillées constitue un handicap pour l'économie française. L'insuffisante utilisation des ressources en main d'œuvre explique largement l'écart de revenu par habitant constaté avec les principaux partenaires de la France. Ainsi, le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2006 rappelait que le PIB brut par habitant était, en France, inférieur d'environ 25 %, à parité de pouvoir d'achat, à celui des Etats-Unis. Il soulignait que cette différence de niveau de vie s'explique moins - pour seulement 15 % - par une différence d'efficacité productive que - pour 85 % - par une différence dans la quantité de travail fournie, c'est-à-dire le nombre d'heures travaillées (Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2006 p. 125). L'explication principale de l'écart de richesse entre la France et les Etats-Unis est ainsi la sous-utilisation des ressources de main d'œuvre, en particulier en raison de l'écart du nombre d'heures travaillées.
L'article 1er de la loi déférée vise à corriger cette situation et à augmenter la durée moyenne de travail en France.
Compte tenu du coût que représentent, pour les employeurs, les heures supplémentaires, le législateur a ainsi décidé d'instaurer une déduction forfaitaire des cotisations patronales de sécurité sociale sur les salaires perçus à raison des heures supplémentaires de travail. Cet allègement du coût des heures supplémentaires est destiné à inciter les employeurs à augmenter le temps de travail de leurs salariés.
Pour que les salariés, auxquels la décision d'accomplir des heures supplémentaires n'appartient pas, adhèrent à ce processus, la loi accorde des avantages à ceux qui, par les heures supplémentaires qu'ils réalisent, augmenteront le nombre d'heures travaillées dans l'ensemble de l'économie. Les rémunérations perçues au titre de ces heures supplémentaires sont ainsi exonérées d'impôt sur le revenu. Les intéressés bénéficient en outre d'une réduction des cotisations salariales de sécurité sociale dues au titre de ces rémunérations.
Ce dispositif est ainsi conçu pour agir à la fois du côté de l'offre, en permettant aux employeurs d'augmenter leur capacité productive par un recours accru aux ressources en main d'œuvre, et de la demande, l'augmentation des heures travaillées conduisant à un accroissement du revenu des intéressés, renforcé par l'exonération fiscale et la réduction des cotisations salariales de sécurité sociale.
La mesure décidée par le législateur doit, par suite, contribuer à faire naître un cercle vertueux ayant pour résultat une hausse de la croissance et de l'emploi, par la combinaison des effets des mécanismes qui viennent d'être décrits.
Le Gouvernement considère ainsi que le motif d'intérêt général tenant à la hausse de la croissance et de l'emploi par l'augmentation du nombre d'heures travaillées en France justifie les avantages fiscaux et sociaux réservés par le législateur aux employeurs et aux salariés qui entrent dans les prévisions de l'article 1er de la loi déférée.
b/ Le critère de différenciation retenu par le législateur est en rapport avec ce motif d'intérêt général s'applique identiquement à l'ensemble des salariés visés par les dispositions de l'article 1er de la loi déférée.
Les dispositions critiquées accordent les avantages qu'elles créent en fonction du dépassement des seuils prévus par la législation relative au travail pour définir les heures supplémentaires. Le législateur a déterminé le critère de différenciation par renvoi à cette législation selon les différentes modalités d'organisation de la durée du travail.
Il en résulte, en premier lieu, que le critère général de différenciation - le seuil légal de déclenchement des heures supplémentaires - est pertinent eu égard à l'objectif, poursuivi par le législateur, d'augmenter en France le nombre d'heures travaillées en vue d'augmenter la croissance.
On doit observer, en second lieu, que l'ensemble des salariés sont ainsi identiquement traités par l'article 1er de la loi déférée. Le critère posé par le législateur pour l'octroi des avantages fiscaux et sociaux est, en toute hypothèse, le franchissement de la durée légale du travail. Dans le cas général, il s'agit des heures supplémentaires définies à l'article L. 212-5 du code du travail et à l'article L. 713-6 du code rural, c'est-à-dire dans les établissements et professions assujettis à la réglementation de la durée du travail, des heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire légale du travail, ou de la durée considérée comme équivalente. Les heures choisies sont également visées par le dispositif.
Lorsque la législation relative au travail assimile certaines heures à des heures supplémentaires, les avantages sont également octroyés. Tel est le cas, par exemple, pour les entreprises ou établissements dans lesquels la durée du travail est organisée sous forme de cycles, où les heures supplémentaires sont déterminées sur la base de la totalité du cycle (art. L. 212-7-1 du code du travail). Il en est de même des entreprises ou établissements couverts par une convention ou un accord collectif de modulation du temps de travail, relevant de l'article L. 212-8 du code du travail, où les heures ouvrant droit aux avantages seront, d'une part, les heures effectuées hebdomadairement au-delà de la limite prévue par la convention ou par l'accord et, d'autre part, en fin de période de modulation, les heures effectuées au-delà d'une durée annuelle de travail de 1607 heures. S'agissant, par ailleurs, des entreprises qui ont opté pour la réduction de la durée du travail sous forme de jours de repos par l'octroi de « jours RTT » en application des I et II de l'article L. 212-9 du code du travail (prise de jours de repos sur quatre semaines ou sur l'année), les heures bénéficiant des effets de la loi critiquée sont soit celles effectuées de manière hebdomadaire au-delà de 39 h, soit celles accomplies au-delà de 1607 heures.
Les renvois aux règles du code du travail auxquels le législateur a procédé dans l'article 1er sont destinés à assurer l'application d'une règle identique de déclenchement des avantages qu'il a prévus, avec la prise en compte d'une assiette identique. Le franchissement de la durée légale telle que fixée par la législation relative au travail pour caractériser des heures supplémentaires est, dans tous les cas, le fait générateur des exonérations et réductions instituées.
C'est pourquoi les reproches ponctuels adressés sur ce point par les députés requérants à l'article 1er de la loi sont infondés. Ainsi, quels que soient les régimes conventionnels auxquels sont soumis des cadres qui n'ont pas tous le même forfait annuel, seul le franchissement des seuils légaux fixés par le code du travail est de nature à déclencher l'application des mécanismes d'exonération fiscale et de réduction de cotisations organisés par la loi. De même, si les heures effectuées entre la durée conventionnelle de travail et la durée légale de 35 heures lorsqu'elle lui est supérieure n'ouvrent droit à aucun avantage, c'est parce que ces heures ne sont pas des heures supplémentaires au sens du droit du travail (cf. Cass. soc. 15 février 1995 Mahé et associés c/ Scop Rochebrune et associés, pourvoi n°91-43966).
Par ailleurs, pour ce qui concerne les salariés à temps partiel employés par des particuliers, on doit relever que les « heures complémentaires » effectuées par ceux-ci ne peuvent être incluses dans le champ de la mesure. En effet, d'une part, les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail (Cass. soc. 13 juillet 2004 Pourvoi n°02-43026, Bull. 2004 V N° 221 p. 203) pas plus que celles relatives au travail à temps partiel (Cass. soc. 30 juin 1988 Le Devedec c/ Abenot 85-44372) ne s'appliquent aux salariés employés par des particuliers. D'autre part, ils sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 qui ne prévoit aucun régime d'heures complémentaires. Les salariés en cause n'effectuent, par suite, aucune « heure complémentaire » au sens du code du travail et la loi réserve donc logiquement les avantages qu'elle institue aux seules heures supplémentaires qu'ils effectuent.
Ainsi, loin de méconnaître le principe constitutionnel d'égalité en excluant certaines catégories de salariés ou en appliquant un traitement différent à des personnes se trouvant dans des situations semblables au regard de son objet, la loi déférée tend à assurer le respect de ce principe en appliquant une règle identique à l'ensemble des salariés placés, compte tenu du but poursuivi, dans des situations équivalentes : quelle que soit la durée du travail collective, le dispositif institué ne joue que pour les heures supplémentaires ainsi qualifiées par le code du travail, c'est-à-dire celles accomplies au-delà de la durée légale.
c/ La mesure décidée par le législateur est, enfin, proportionnée au regard de l'objectif qu'il poursuit.
Si le législateur a organisé un dispositif incitatif, il a pris soin d'encadrer son application et de prévoir des mécanismes destinés à éviter qu'il soit détourné aux fins de rechercher le bénéfice d'une application du texte contraire aux objectifs poursuivis par ses auteurs.
En ce qui concerne, d'une part, les conditions et limites de l'exonération fiscale prévues par la loi déférée, l'article 1er a précisé, pour les salariés du secteur privé, que l'exonération applicable à la majoration salariale correspondant aux heures supplémentaires est limitée par les taux fixés par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable. A défaut d'une telle convention ou d'un tel accord, l'exonération est limitée, pour les heures supplémentaires, aux taux prévus par la loi : 25 % pour les huit premières heures supplémentaires et 50 % pour les heures suivantes, pour les heures complémentaires, au taux de 25 % et, pour les forfaits annuels, à 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre a rémunération annuelle et le nombre d'heures prévus dans le forfait. De même le montant de la réduction de cotisations salariales de sécurité sociale est plafonné. Le législateur a renvoyé à un décret le soin de fixer le taux de la réduction des cotisations proportionnelle à la rémunération tout en limitant son montant aux cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi et dont le salarié est redevable au titre de l'heure supplémentaire accomplie.
La loi déférée comporte également des mécanismes destinés à prévenir les risques d'abus et les effets d'optimisation.
En premier lieu, l'octroi des avantages conçus par le législateur est subordonné au respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
En deuxième lieu, afin d'écarter les risques liés à la transformation d'éléments de rémunération tels que les primes en heures supplémentaires ou complémentaires, il est prévu que l'exonération ne soit pas applicable dans le cas où la rémunération des heures supplémentaires ou complémentaires se substituerait à d'autres éléments de rémunération, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement de rémunération au titre des heures supplémentaires ou complémentaires ouvrant droit à l'exonération.
En troisième lieu, le législateur a entendu faire obstacle à l'artifice consistant à limiter ou à réduire la durée du travail pour faire apparaître fictivement des heures supplémentaires ou des heures complémentaires. Les avantages ne peuvent être accordés lorsque pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines, l'horaire moyen réellement effectué par le salarié dépasserait de deux heures au moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel de cette durée, l'horaire prévu au contrat, sauf si les heures ainsi accomplies aboutissent, pendant une durée minimale prévue par décret, à une augmentation à due concurrence de l'horaire contractuel de travail. De même, l'exonération ne serait pas applicable au supplément d'heures supplémentaires résultant du seul abaissement après le 20 juin 2007 des durées hebdomadaires fixées dans un accord de modulation ou d'un accord de réduction de la durée du travail sous forme de journées ou demi-journées de repos.
Eu égard à ces limitations et conditions, les avantages résultant de l'article 1er de la loi déférée ne peuvent être regardés comme disproportionnés au regard du motif éminent d'intérêt général qui les justifie.
Le grief tiré du principe constitutionnel d'égalité sera, par suite, écarté.
3/ La critique adressée, en troisième lieu, à la réduction des cotisations salariales de sécurité sociale qui serait constitutive d'une exonération de contribution sociale généralisée (CSG) et dont les modalités seraient contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ne saurait davantage être accueillie.
a/ Le Gouvernement considère que loi déférée ne procède pas à une exonération de CSG.
Il ressort des termes mêmes de la loi déférée que si, créant un article 81 quater dans le code général des impôts, son article 1er a prévu que sont « exonérés de l'impôt sur le revenu » les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail, il a seulement disposé, insérant un nouvel article L. 241-17 dans le code de la sécurité sociale, que toute heure entrant dans le champ d'application de l'article 81 quater « ouvre droit » à une « réduction de cotisations salariales de sécurité sociale ».
Il résulte de ces dispositions que si les rémunérations versées aux salariés qui accomplissent des heures supplémentaires sont exonérées d'impôt sur le revenu, ces mêmes rémunérations ne sont pas exonérées de cotisations salariales de sécurité sociale. Pour faciliter les conditions du recours aux heures supplémentaires, le législateur a décidé d'accorder aux salariés qui les accomplissent une réduction de ces cotisations.
Contrairement à ce que soutiennent les auteurs du recours, l'article 1er de la loi n'octroie pas, ce faisant, une exonération de CSG.
La réduction prévue par le législateur ne porte en effet que sur les cotisations salariales de sécurité sociale, ce qui limite son champ aux cotisations dues au titre des risques maladie et vieillesse. Les taux des autres cotisations et contributions d'origine légale et conventionnelle dont le salarié est redevable au titre d'une heure supplémentaire n'interviennent que pour la détermination du plafond de la réduction.
Le montant de la réduction est, en effet, défini dans la limite de la cotisation salariale d'assurance maladie, la cotisation salariale d'assurance vieillesse, des cotisations salariales au régime de retraite complémentaire, des cotisations salariales d'assurance chômage, de la CSG, de la CRDS.
Concrètement, et en conséquence, seules les cotisations de sécurité sociale, maladie et vieillesse, qui alimentent les caisses, font l'objet d'une réduction, calculée au taux fixé par le décret et dans la limite ainsi déterminée. Les contributions de sécurité sociale, dont la CSG, restent dues, et sont versées, pour un montant inchangé, aux URSSAF.
b/ En tout état de cause, on doit observer que rien ne se serait opposé à ce que le législateur institue une exonération de CSG équivalente à la mesure qui vient d'être décrite, pourvu qu'elle demeure de portée limitée et proportionnée au but d'intérêt général poursuivi. Ce mécanisme n'aurait pu être jugé contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789 et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (V. la décision n°2000-437 DC du 19 décembre 2000).
La portée d'une exonération ainsi ciblée serait, en effet, sans comparaison avec la mesure d'allègement dégressif de la CSG appliquée aux salaires inférieurs à 1,4 fois le SMIC qui avait été censurée par la décision du Conseil constitutionnel du 19 décembre 2000. Cette mesure visait à rendre progressive une imposition de toute nature, prise dans sa globalité, qui avait été caractérisée, depuis son origine, par sa proportionnalité. La décision du 19 décembre 2000 a censuré cette modification profonde de la contribution au motif qu'une telle réforme implique la prise en considération de l'ensemble des facultés contributives des contribuables concernés.
Une exonération limitée de la CSG, portant non sur l'ensemble de la rémunération, mais sur une fraction très réduite, celle versée au titre des heures supplémentaires ou complémentaires accomplies, en vue de compenser la contrainte qui peut résulter, pour les salariés, du surcroît d'activité professionnelle décidé par l'employeur et lié à l'accomplissement de ces heures, ne serait, au contraire, pas critiquable. Très ciblée et circonscrite, elle ne s'appliquerait qu'à une partie marginale du revenu et ne serait pas contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789.
Une telle mesure pourrait être comparée à des exonérations réelles, récentes et ponctuelles de CSG, telles que celle qui bénéficie aux arbitres et juges sportifs depuis la création de l'article L. 241-16 du code de la sécurité sociale par l'article 3 de la loi du 23 octobre 2006 portant diverses dispositions relatives aux arbitres, ou encore celle qui s'applique aux bénéficiaires de l'allocation de reclassement personnalisé en vertu de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, par renvoi au deuxième alinéa de l'article L. 961-1 du code du travail tel que modifié par l'article 74 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.
On doit ajouter qu'une exonération de CSG ne saurait être regardée, par principe, comme exclue par les dispositions de l'article 13 de la Déclaration de 1789 faute pour elle de prendre en considération l'ensemble des facultés des contribuables intéressés. Par exemple, il a ainsi été jugé qu'en exonérant de la CRDS les allocations de chômage et d'invalidité, ainsi que les pensions de retraite, des personnes non imposables au titre de l'impôt sur le revenu, le législateur n'avait pas méconnu les exigences de cet article 13 (V. la décision n°2000-442 DC du 28 décembre 2000).
Le Conseil constitutionnel écartera, par suite, le grief.
III/ SUR L'ARTICLE 11
A/ L'article 11 de la loi déférée modifie sur deux points principaux les dispositions des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts issues de l'article 74 de la loi de finances pour 2006 qui instaurent au profit de chaque contribuable un droit à restitution de la part de certains impôts directs (impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune, taxes foncières et d'habitation afférentes à l'habitation principale) qui excède une proportion déterminée de ses revenus de l'année précédant celle du paiement des impositions. Le premier aménagement consiste à réduire à 50 % la fraction au-delà de laquelle le droit à restitution s'applique. Le second intègre dans le calcul du plafonnement des impôts directs les prélèvements sociaux à caractère fiscal (CSG, CRDS, prélèvement social de 2 % et contribution additionnelle) qui pèsent sur les revenus du patrimoine, les revenus d'activité et de remplacement et sur les produits de placement.
Les auteurs du recours font valoir que ces dispositions remettraient en cause l'imposition du patrimoine et, ce faisant, seraient contraires au principe d'égalité ainsi qu'aux exigences constitutionnelles qui découlent de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra accueillir cette argumentation.
Le plafonnement de la part des revenus d'un foyer fiscal affectée au paiement d'impôts direct, communément appelé « bouclier fiscal », constitue un dispositif nouveau en droit fiscal français, introduit par la loi de finances pour 2006. Son principe a été admis par le Conseil constitutionnel (V. la décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005).
Ce droit à restitution prévu par les dispositions des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts repose sur trois éléments : les revenus entrant dans le calcul, les impôts pris en considération et le coefficient qui détermine le seuil des revenus au-delà duquel le droit à restitution est ouvert.
Ce mécanisme permet d'éviter que la somme des différents impôts directs devant être acquittés par les contribuables au titre d'une année déterminée excède leurs capacités contributives. Il permet de limiter la charge fiscale globale qui pèse sur eux. Il ne peut, en revanche, être regardé, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, comme visant un prélèvement particulier.
Ni la réduction du coefficient de 60 % à 50 %, ni la prise en compte des prélèvements sociaux parmi les impôts directs retenus pour le calcul du plafonnement ne conduisent à la prétendue « exonération systématique » des impositions touchant le patrimoine dénoncée par les députés saisissants. Le droit à restitution se traduira seulement par le reversement de la fraction des impositions qui excède 50 % du revenu du contribuable, toujours effectué de façon globale, sans venir en diminution d'un impôt plutôt qu'un autre.
On doit relever que la thèse des requérants selon laquelle l'élimination des impositions portant sur le patrimoine résulte de ce que la somme du taux marginal maximum du barème de l'impôt sur le revenu et des taux des prélèvements sociaux est voisine du coefficient retenu pour la détermination du plafonnement est sans portée. Elle revient, en effet, à confondre taux marginal et taux moyen d'imposition.
En ce qui concerne l'atteinte qui serait portée au principe d'égalité, il a été jugé, comme il a été dit, que l'exigence posée à l'article 13 de la Déclaration de 1789 « ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives » (V. la décision n°2005-530 DC du 29 décembre 2005). Le Conseil constitutionnel a considéré, à cette occasion, que les dispositions de la loi de finances pour 2006 instaurant le droit à restitution, loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tendaient à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. S'agissant des modalités adoptées par la loi de finances pour 2006 pour la mise en oeuvre du principe issu de l'article 13 de la Déclaration de 1789, ni la fixation de la part des revenus au-delà de laquelle le paiement d'impôts directs ouvre droit à restitution, ni la définition des revenus entrant dans le calcul, ni la détermination des impôts directs pris en compte, ni les mesures retenues pour opérer la restitution n'ont été jugées inappropriées à la réalisation de l'objectif que s'est fixé le législateur.
En procédant aux aménagements décrits plus haut, les dispositions critiquées de la loi déférée n'ont pas substantiellement modifié le dispositif.
Le législateur a estimé qu'eu égard, d'une part, aux caractéristiques des assiettes et au niveau des taux des impôts retenus pour la détermination du plafonnement et, d'autre part, aux revenus qui entrent dans le calcul du droit à restitution, qui traduisent les facultés contributives des contribuables, le seuil au-delà duquel l'impôt revêt un caractère confiscatoire ou fait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives se situe à 50 % de ces revenus.
Le Gouvernement considère qu'en prévoyant que le fait générateur du droit à restitution correspond pour chaque contribuable au versement de contributions fiscales, y compris les prélèvements sociaux, pour un montant global supérieur à 50 % de leur revenu, l'article 11 de la loi déférée n'a pas modifié le dispositif dans des conditions telles qu'il serait désormais contraire à la Constitution. Il estime que la mesure critiquée demeure appropriée à la réalisation de l'objectif que s'est fixé le législateur.
Ce dernier n'a, par suite, pas méconnu le principe d'égalité ni les exigences constitutionnelles résultant de l'article 13 de la Déclaration de 1789. Le grief sera écarté.
IV/ SUR L'ARTICLE 16
A/ Le II de l'article 16 de la loi déférée crée un nouvel article 885-0 V bis dans le code général des impôts qui institue une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune égale à 75 % des versements effectués au titre des souscriptions directes ou indirectes au capital des petites et moyennes entreprises (PME) telles que définies par la réglementation européenne. L'avantage fiscal annuel retiré par le contribuable est plafonné à 50 000 euros. Si le redevable souscrit en numéraire aux parts de fonds d'investissement de proximité (FIP) dont la valeur des parts est constituée au moins à hauteur de 20 % de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de PME éligibles, il peut imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune 50 % du montant d'une fraction des versements effectués. L'avantage fiscal ne peut, alors, être supérieur à 10 000 euros.
Les auteurs du recours critiquent ces dispositions au motif qu'elles introduiraient une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques entre redevables de l'impôt sur la fortune. Ils font en particulier valoir que l'avantage fiscal accordé est disproportionné au regard du risque pris par le redevable qui investit, et que cette disproportion est accentuée en cas de souscription de parts de FIP.
B/ Cette argumentation ne peut être suivie.
1/ En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur décide d'instituer des avantages fiscaux spécifiques pour des raisons d'intérêt général.
Au cas présent, les dispositions critiquées ont pour objet d'inciter les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, qui disposent d'une grande capacité d'investissement, à apporter des ressources aux PME. Les personnes assujetties à cet impôt se voient ainsi offrir le choix entre, d'une part, orienter leurs investissements dans le sens souhaité par le législateur, participant ainsi directement à la poursuite du but d'intérêt général qu'il a fixé ou, d'autre part, acquitter l'impôt.
Les réductions consenties par l'article 16 de la loi déférée aux redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune répondent à des considérations d'intérêt général qui tiennent au rôle essentiel que jouent les petites et moyennes entreprises dans la vie économique nationale. On doit rappeler, à cet égard, que l'investissement productif dans les PME a déjà été reconnu comme objectif d'intérêt général, compte tenu du rôle joué par ce type d'entreprises dans la création d'emplois (V. la décision n°2003-477 DC du 31 juillet 2003).
De fait, les entreprises de 10 à 250 salariés représentent en France 46 % des emplois du secteur privé, soit 7,5 millions d'emplois, et 34 % de la valeur ajoutée. Or la France souffre d'un manque d'entreprises de taille petite et intermédiaire dont le rôle est décisif en matière de créations d'emploi et d'innovation. Les difficultés d'accès au crédit bancaire comme les obstacles au financement en fonds propres auxquels les PME se heurtent appellent de la part du législateur l'institution de dispositifs fiscaux très incitatifs propres à favoriser l'investissement direct dans ces entreprises, en vue d'appuyer leur création et de soutenir leur développement.
Le législateur a entendu répondre, par un dispositif approprié, à cette situation préoccupante en créant une incitation puissante à mobiliser des capitaux afin d'investir dans le capital des PME, en permettant aux redevables qui le souhaitent d'affecter tout ou partie de leur impôt de solidarité sur la fortune à cet objectif d'intérêt général.
2/ Le législateur a toutefois encadré le bénéfice des avantages fiscaux qu'il a institués, de sorte qu'ils ne peuvent être regardés comme disproportionnés.
Qu'il s'agisse de souscriptions au capital de PME ou de souscriptions de parts d'un FIP, les réductions décidées par l'article critiqué sont ciblées. Elles ne sont ouvertes que pour les versements effectués au profit des petites et moyennes entreprises telles qu'elles sont définies au plan communautaire. La loi exige, en outre, le respect de différentes conditions : ainsi l'activité des sociétés concernées doit être industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier ; le lieu de leur siège de direction effective doit se situer dans un Etat membre de la communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. Ce faisant le législateur a circonscrit son dispositif de manière comparable à d'autres mécanismes existants et dont la constitutionnalité a été admise (V. en particulier l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune des titres prévue à l'article 885 I ter du code général des impôts et la décision n°2003-477 DC du 31 juillet 2003).
S'agissant de l'avantage consenti au titre de souscriptions directes ou indirectes au capital de PME, on doit souligner que le législateur a fixé des conditions propres à assurer que l'avantage fiscal soit mesuré à l'investissement productif effectué par le redevable. Ainsi, les titres des sociétés concernées ne doivent pas être admis aux négociations sur un marché réglementé, ce qui est une exigence renforcée au regard des conditions prévues pour l'application, par exemple, de l'exonération instituée à l'article 885 I ter du code général des impôts. A la différence, encore, de cette exonération, le bénéfice de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune est subordonné à la conservation des titres reçus en contrepartie de la souscription au capital jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription. Le législateur a ainsi requis, pour ouvrir droit à la réduction d'impôt qu'il institue, des conditions plus rigoureuses que celles qu'il a prévues s'agissant des exonérations existantes. En permettant, par ailleurs, l'imputation sur l'impôt de solidarité sur la fortune de 75 % des versements effectués, l'article 16 de la loi déférée impose une prise de risque à hauteur de 25 % des capitaux investis. L'avantage fiscal est, enfin, plafonné à 50 000 euros.
Les investissements dans les PME ciblées par le dispositif présentent un profil de risque élevé. Eu égard au fort taux de défaillance de ces entreprises dans les cinq premières années et au manque de liquidités des titres concernés, il est loisible au législateur, compte tenu du risque affectant ces placements qu'il entend encourager par la création d'un effet de levier puissant et adapté au but d'intérêt général qu'il poursuit, de fixer le taux de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune consenti à hauteur de 75 %, dans la limite de 50 000 euros.
Le législateur a, par ailleurs, étendu ce régime aux indivisions pour permettre à des redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune de se regrouper, par exemple au sein de cercles d'investisseurs ou de clubs d'investissements, en vue d'investir directement dans le capital de PME éligibles au dispositif. L'avantage fiscal prévu par l'article 16 s'applique également aux versements, retenus pour une fraction de leur montant, effectués au profit de sociétés holdings répondant à la définition de la PME communautaire ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités définies plus haut. Ce faisant, le législateur a assimilé la situation d'un redevable qui investit, seul et directement, dans une PME, et le passage par de tels regroupements, dès lors que ces derniers ne dénaturent pas le dispositif institué. En effet, le lien avec l'entreprise dans laquelle le redevable investit est préservé.
En ce qui concerne les souscriptions en numéraire aux parts de FIP, le législateur a tenu compte du risque inférieur pris par l'investisseur qui a recours à cette technique de financement intermédié.
On doit rappeler que, créés par l'article 26 de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003, les FIP sont destinés à favoriser l'investissement dans des petites entreprises. Ces fonds doivent investir au moins 60 % des sommes collectées dans des entreprises à caractère régional, dont au moins 10 % dans de jeunes entreprises.
Dans le cas de souscriptions de parts de ces fonds, la loi déférée pose des exigences supplémentaires par rapport à celles qui régissent l'avantage ouvert par l'investissement direct, ou assimilé, et cible des entreprises pour lesquels l'investissement est soumis à des risques particuliers.
Ainsi, le montant de la réduction d'impôt est réduit en pareil cas, à 50 % des versements effectués au titre de souscriptions en numéraire aux parts de FIP. L'avantage fiscal est, en outre, plafonné à 10 000 euros. Le législateur a, par ailleurs, concentré la portée de cette mesure en exigeant que l'actif des fonds serve à financer des PME pour lesquelles le risque est accru. L'article 16 exige, en effet, que la valeur des parts des FIP soit constituée à hauteur de 20 % de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés exerçant leur activité ou juridiquement constituées depuis moins de cinq ans. Ce faisant, la loi restreint le champ de l'avantage à la fraction du montant de l'investissement qui correspond à la souscription de parts de PME en croissance. On doit enfin indiquer que le fonds concerné doit respecter le pourcentage initialement fixé de son actif investi en titres reçus en contrepartie au capital de PME et que les versements servant de base au calcul de l'avantage sont retenus dans la limite de ce pourcentage.
La définition précise du champ des avantages fiscaux institués par l'article 16 de la loi déférée ne souffre, dans ces conditions, pas de critique au regard du principe constitutionnel d'égalité.
3/ Deux critiques ponctuelles adressées par les députés requérants à l'article 16 de la loi déférée ne peuvent, en dernier lieu, qu'être écartées.
D'une part, contrairement à ce qui est soutenu, le montant de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune instituée par la loi critiquée n'entre pas dans la détermination des impôts pris en considération pour le calcul du mécanisme de plafonnement de la part des revenus d'un foyer fiscal affectée au paiement d'impôts directs examiné plus haut. Cela résulte des termes mêmes de l'article 1er du code général des impôts qui, dans sa rédaction issue de la loi examinée, prévoit que « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus », et de ceux du 2 de l'article 1649-0 A du même code qui, fixant la liste des impositions prises en compte, précise que celles-ci doivent avoir été payées. Le montant de l'impôt de solidarité sur la fortune dont il est tenu compte est ainsi le montant effectivement payé après application, le cas échéant de la réduction instituée au nouvel article 885-0 V bis.
D'autre part, la circonstance que la mesure critiquée octroie un avantage fiscal qui bénéficie également aux personnes qui investissent dans des PME d'Etats membres de la Communauté ne saurait, à l'évidence, réduire l'intérêt général qui s'attache à l'objectif poursuivi par le législateur, alors, en outre, que celui-ci s'est, sur ce point, borné à respecter les exigences qui résultent du droit communautaire.
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Pour ces raisons, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs du recours ne sont pas de nature à justifier la censure de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. C'est pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.