Décision n° 2004-506 DC du 2 décembre 2004 - Observations du gouvernement
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi de simplification du droit, adoptée le 18 novembre 2004.
Les recours critiquent, en particulier, le paragraphe XXII de l'article 78 de la loi qui a procédé à la ratification expresse de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.
Les griefs articulés par les recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I/ Les saisines mettent en cause, à titre liminaire, le recours répété aux ordonnances dans le cadre de l'article 38 de la Constitution ainsi que les modalités de ratification des ordonnances prises par le Gouvernement sur l'habilitation donnée par le Parlement. Mais, sur ces points, le Gouvernement se doit de rappeler que la Constitution ne limite pas la faculté donnée au Parlement par l'article 38 de la Constitution d'habiliter le Gouvernement, pendant un délai limité, à prendre des mesures qui relèvent du domaine de la loi et que les ratifications auxquelles il a été procédé sont intervenues dans un cadre admis par la jurisprudence constitutionnelle.
D'une part, en effet, il faut souligner que le Parlement peut, sur le fondement de l'article 38, habiliter le Gouvernement à intervenir en toute matière qui relève du domaine de la loi (décision n°99-421 DC du 16 décembre 1999), sous les seules réserves du domaine de la loi organique et du domaine exclusif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Dans cette ligne, on peut d'ailleurs noter que, contrairement à ce que soutiennent les saisines dans leurs derniers développements, il a été expressément jugé que l'habilitation pouvait porter sur la matière fiscale (décision n°95-370 DC du 30 décembre 1995). Ainsi, il paraît que l'on ne peut sérieusement soutenir que la circonstance que le Parlement investisse le Gouvernement de plusieurs habilitations couvrant un large domaine serait contraire à la Constitution (V. en ce sens la décision n°2003-473 DC du 26 juin 2003). Au cas présent, les nouvelles habilitations conférées par la loi déférée sont définies de manière suffisamment précise et satisfont ainsi aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle.
D'autre part, on doit relever que les ordonnances prises en vertu de l'article 38 de la Constitution ne présentent le caractère d'actes administratifs que tant qu'elles n'ont pas été ratifiées par le législateur (décision n°72-73 L du 29 février 1972). L'intervention de la ratification a pour effet de leur conférer rétroactivement valeur législative, ce qui justifie, d'ailleurs, que le Conseil constitutionnel puisse exercer un contrôle de constitutionnalité sur les dispositions adoptées par ordonnance à l'occasion d'un recours formé contre la loi qui procède à leur ratification (décision n°83-156 DC du 28 mai 1983 ; décision n°84-170 DC du 4 juin 1984). Il est aussi admis de longue date que la ratification peut résulter, outre le cas du vote du projet de loi de ratification prévu par l'article 38 de la Constitution, du vote d'une autre disposition législative expresse ou bien aussi du vote d'une loi qui, sans avoir la ratification pour objet direct, l'implique nécessairement (décision n°72-73 L du 29 février 1972 ; décision n°86-224 DC du 23 janvier 1987). La ratification peut ainsi présenter un caractère implicite, sans aucunement méconnaître la Constitution. De telles ratifications implicites sont également reconnues tant par la jurisprudence du Conseil d'Etat (V. CE, Sect., 25 janvier 1957, Sté Etablissements Charlionais et Cie, Rec. p.54 ; CE 15 juillet 1960, Etablissements Omer Decugis, Rec. p.478 pour la ratification implicite des décrets pris sur habilitation législative avant l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958 ; CE 7 février 1994, Ghez, Rec. p.55 ou CE 17 décembre 1999, Union hospitalière privée, Rec. table p.587 pour des ordonnances de l'article 38 de la Constitution de 1958) que par celle de la Cour de cassation (V. Cass. Comm. 10 octobre 1992, Bull. n°294).
On ne saurait, par suite, estimer par principe que la loi déférée, en ce qu'elle met en oeuvre le mécanisme de l'article 38 de la Constitution en procédant à diverses habilitations et à plusieurs ratifications d'ordonnance, serait contraire à la Constitution.
II/ S'agissant plus précisément de la ratification de l'ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, qui fait l'objet du paragraphe XXII de l'article 78 seul expressément contesté par les saisines, le Gouvernement entend formuler les observations suivantes.
1/ Il faut observer, en premier lieu, que l'ordonnance du 17 juin 2004 a fait l'objet de recours pour excès de pouvoir sur lesquels le Conseil d'Etat s'est prononcé par une décision rendue le 29 octobre 2004. A cette occasion, le Conseil d'Etat a considéré que certaines des dispositions de l'ordonnance, à savoir ses articles 3, 4, 6, 7, 9, 21, 22, 26, 27 et 28, avaient été implicitement mais nécessairement ratifiées par l'intervention de l'article 153 de la loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Il en a déduit que ces dispositions s'étaient vu rétroactivement conférer valeur législative par cette intervention du Parlement, circonstance qui privait d'objet, dans cette mesure, les recours pour excès de pouvoir formés devant la juridiction administrative. Le Conseil d'Etat a toutefois estimé que la ratification implicite ne portait pas sur l'ensemble des dispositions de l'ordonnance. Il a, par suite, examiné les critiques qui étaient adressées aux autres dispositions de l'ordonnance et a jugé que ces critiques n'étaient pas fondées.
Le paragraphe XXII de l'article 78 de la loi déférée a procédé, pour sa part, à la ratification explicite et globale de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 17 juin 2004. S'agissant des articles 3, 4, 6, 7, 9, 21, 22, 26, 27 et 28 de l'ordonnance, cette ratification explicite se borne à réitérer la ratification déjà acquise du fait de la promulgation de l'article 153 de la loi du 9 août 2004 : elle n'a, dans cette mesure, pas de portée juridique. En revanche, pour les autres articles de l'ordonnance, le paragraphe XXII de l'article 78 a pour objet et pour effet de procéder à leur ratification et à leur conférer, ce faisant, valeur législative.
2/ S'il est vrai que le Conseil constitutionnel peut examiner la constitutionnalité des dispositions adoptées par ordonnance à l'occasion d'un recours dirigé contre la loi qui procède à la ratification de ces dispositions, le Gouvernement estime que les dispositions d'une ordonnance déjà ratifiées par l'intervention d'une loi promulguée ne peuvent plus être discutées dans le cadre d'une saisine dirigée contre une loi qui se borne à réitérer la ratification.
Le Conseil constitutionnel considère, en effet, que les termes d'une loi promulguée ne peuvent être utilement contestés à l'occasion de l'examen de dispositions législatives nouvelles, sauf à ce que ces dispositions modifient le sens ou la portée de la loi promulguée, la complètent ou affectent son domaine (décision n°85-187 DC du 25 janvier 1985 ; décision n°86-211 DC du 26 août 1986 ; décision n°89-256 DC du 25 juillet 1989 ; décision n°99-410 DC du 15 mars 1999 ; décision n°99-414 DC du 8 juillet 1999 ; décision n°2002-464 DC du 27 décembre 2002). Lorsqu'une loi nouvelle se borne à reproduire des dispositions qui étaient déjà en vigueur à la date d'adoption de la loi déférée, le Conseil considère que les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution des dispositions déjà promulguées pourrait être utilement discutée ne sont pas réunies.
Cette conception procède des termes de l'article 61 de la Constitution et de l'économie du contrôle de constitutionnalité tel qu'il a été institué par la Constitution. Elle vaut de façon générale à l'égard de toutes les lois et devrait ainsi s'appliquer aussi au cas des lois procédant à la ratification d'ordonnances. Dans le cas où deux ratifications successives concerneraient la même ordonnance, on doit considérer que les dispositions de l'ordonnance ont reçu valeur législative par l'effet de la première loi : une fois promulguée, cette loi a eu pour effet de conférer valeur législative aux dispositions de l'ordonnance, qui ne peuvent par suite plus faire l'objet d'aucun contrôle ultérieur de constitutionnalité par voie d'action. Il ne pourrait en aller autrement que si une loi ultérieure venait modifier, compléter ou affecter le domaine de l'ordonnance ratifiée. Mais au cas présent, s'agissant des dispositions implicitement ratifiées par la loi du 9 août 2004, la loi déférée n'a ni complété ni affecté le domaine d'intervention de l'ordonnance ; et si elle a procédé à une modification formelle des dispositions déjà ratifiées, afin de réparer une erreur de plume figurant à l'article 9 de l'ordonnance, cette seule modification ne permet pas de considérer que seraient réunies les conditions d'un examen de la conformité à la Constitution de ces dispositions.
3/ Au demeurant, le Gouvernement considère que les critiques que les recours formés à l'occasion de la loi déférée adressent aux dispositions déjà ratifiées de l'ordonnance ne sont, en tout état de cause, pas fondées. Deux articles de l'ordonnance sont ainsi mis en cause.
a) L'article 26 de l'ordonnance a modifié l'article 1382 du code général des impôts afin d'exonérer de la taxe foncière sur les propriétés bâties les immeubles construits dans le cadre d'un contrat de partenariat qui seront ultérieurement incorporés au domaine de la personne publique. Les auteurs des recours soutiennent que ces dispositions auraient excédé le champ de l'habilitation donnée par la loi du 2 juillet 2003, laquelle n'aurait pu valablement porter sur la matière fiscale.
Mais il apparaît qu'une telle contestation ne peut, de toute façon, pas être utilement invoquée devant le Conseil constitutionnel à l'occasion d'un recours portant sur une loi de ratification. Au stade de la ratification, c'est-à-dire quand le législateur décide de conférer rétroactivement valeur législative à l'ordonnance adoptée par le Gouvernement, il s'approprie les termes de cette ordonnance. Dans ces conditions, à supposer que le Gouvernement ait excédé les termes de l'habilitation et se soit aventuré dans le domaine de la loi en dehors du cadre de l'habilitation, la ratification a nécessairement pour effet de couvrir les dispositions considérées de l'ordonnance. La loi de ratification, ce faisant, ne méconnaît aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle. Retenir une autre conception reviendrait à admettre que l'on pourrait, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité exercé sur la loi de ratification, opposer à cette loi les termes de la loi d'habilitation, c'est à dire opposer à la loi non une norme de valeur constitutionnelle mais une simple disposition législative.
b) L'article 28 de l'ordonnance a inséré, après l'article L 313-29 du code monétaire et financier, un article L 313-29-1 qui aménage, pour les contrats de partenariat, le régime de la cession de créances issu de la loi dite Dailly désormais codifiée au code monétaire et financier.
Il est vrai que la disposition de l'article 28 déroge partiellement au régime général des cessions de créance. Mais il est loisible au législateur de déroger à d'autres dispositions législatives, ce qu'il a fait au cas présent en s'appropriant, par la loi de ratification, les dispositions de l'article 28 de l'ordonnance. Les recours n'articulent d'ailleurs aucun grief de constitutionnalité à l'encontre de ces dispositions.
En tout état de cause, il convient préciser que la possibilité de cession de créances n'est ouverte par l'effet de la disposition critiquée que pour une fraction du coût des investissements après que la personne publique a constaté que ces investissements ont bien été réalisés conformément aux stipulations du contrat. Dans ces conditions, et contrairement à ce qui est soutenu, on ne peut dire que le mécanisme de cession de créances pourrait conduire une personne publique à payer une somme qu'elle ne doit pas. On peut aussi relever que plusieurs autres garanties ont été prévues par l'ordonnance : la cession de créances doit avoir été prévue par le contrat, elle ne peut être effectuée qu'après constatation par la personne publique de la réalisation des investissements et le titulaire du contrat reste tenu de se libérer auprès de la personne publique contractante de ses dettes issues de manquements à ses obligations contractuelles.
4/ S'agissant des autres dispositions de l'ordonnance du 17 juin 2004, le Gouvernement relève qu'elles ont été jugées légales par le Conseil d'Etat. Il estime que les critiques formulées devant le Conseil constitutionnel, qui reprennent en substance l'argumentation qui a été soumise au juge de l'excès de pouvoir, devront être écartées.
a) A propos de l'article 2 de l'ordonnance, les auteurs des recours soutiennent que le Parlement, en adoptant la loi de ratification, aurait méconnu la portée des réserves d'interprétation émises par le Conseil constitutionnel à propos de l'article 6 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 (décision n°2003-473 DC du 26 juin 2003).
Une telle argumentation est infondée. Ainsi que le marque l'article 2 de l'ordonnance, il appartient, en effet, à la personne publique de procéder, avant le lancement de la procédure de passation d'un contrat de partenariat, à une évaluation destinée notamment à faire apparaître les motifs tenant à la complexité du projet ou à l'urgence, qui justifient le recours à cette catégorie particulière de contrat. De telles dispositions répondent à la réserve émise par le Conseil constitutionnel, selon laquelle de tels contrats devraient être réservés à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service.
On doit souligner que les termes de l'ordonnance ont pour effet d'imposer une évaluation des projets a priori. Ils ne prévoient pas une simple formalité sans caractère contraignant, mais se traduisent par l'énoncé d'une condition de régularité mise au recours à ce type de contrat. En instituant cette obligation procédurale, l'ordonnance a adopté un dispositif conduisant les collectivités publiques à justifier dans chaque cas, sous le contrôle du juge de la passation des contrats - y compris le juge du référé précontractuel - que le recours au contrat de partenariat demeure dans le cadre tracé par la décision du Conseil constitutionnel. On peut ajouter qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'exigeait, s'agissant des collectivités territoriales, que l'évaluation préalable ne puisse être confiée qu'à un organisme figurant sur une liste établie par décret.
Dans ces conditions, il apparaît que les critiques invoquant, à l'encontre de la loi de ratification, la portée des réserves émises par la décision du 26 juin 2003 ne pourront qu'être écartées. C'est aussi ce que le Conseil d'Etat a jugé, statuant sur la légalité de l'ordonnance (V. notamment les huitième et dixième considérants de sa décision du 29 octobre 2004). Devront, par ailleurs, être écartées les critiques d'ordre général qui mettent en cause le recours à des contrats globaux, dès lors que le Conseil constitutionnel a déjà admis, par la décision du 26 juin 2003, le principe du contrat de partenariat.
b) A propos de l'article 8 de l'ordonnance, qui détermine les critères d'attribution des contrats, les auteurs des recours soutiennent que ces dispositions de l'ordonnance méconnaîtraient le principe d'égalité devant la commande publique, en ne prévoyant pas les conditions d'un accès équitable des architectes, des concepteurs, des petites et moyennes entreprises et des artisans, contrairement à ce qu'aurait prévu l'article 6 de la loi d'habilitation.
A cet égard, on doit souligner d'abord que les requérants ne sauraient se prévaloir du principe constitutionnel d'égalité, qui implique de traiter pareillement les personnes se trouvant dans une semblable situation, pour exiger que soit réservée en toute hypothèse une part des prestations faisant l'objet des contrats de partenariat à des petites ou moyennes entreprises. Il faut relever aussi, comme il a été déjà été dit, que les recours ne peuvent utilement se prévaloir, au stade du contrôle de constitutionnalité de la loi de ratification, de ce que l'ordonnance n'aurait pas respecté les termes de l'article 6 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003. Les critiques formulées par les recours ne pourront, dès lors qu'être écartées.
On peut ajouter, au demeurant, qu'ainsi que le Conseil d'Etat l'a jugé (V. les considérants 18 à 21 de sa décision du 29 octobre 2004) l'ordonnance du 17 juin 2004 a veillé à permettre un accès équitable des petites et moyennes entreprises et des architectes aux contrats de partenariat.
S'agissant des petites et moyennes entreprises, l'ordonnance a prévu que la part d'exécution du contrat que le candidat s'engage à confier à des PME et à des artisans constituerait un critère d'attribution obligatoire, mis en oeuvre dans le cadre de la pondération et de la hiérarchisation des critères d'attribution impliquées par l'article 53 de la directive n°2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. On peut aussi relever qu'alors que l'une des difficultés principales auxquelles se heurtent les petites et moyennes entreprises sont les conditions dans lesquelles est effectivement attribuée la part du contrat sous-traité et celles de leur paiement, l'ordonnance a mis en place un régime nouveau, largement concerté avec les fédérations professionnelles représentant les petites et moyennes entreprises, qui vise à permettre à la personne publique de contrôler « les conditions dans lesquelles le cocontractant fait appel à d'autres entreprises dans le contrat » et notamment la part que le candidat s'était engagé à réserver à ces entreprises. L'ordonnance impose aussi au titulaire du contrat de constituer une caution permettant le paiement effectif de ces entreprises.
S'agissant des architectes, il convient de relever que l'ordonnance ne déroge nullement à la loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, qui confère aux architectes le monopole de l'établissement du projet architectural objet d'une demande de permis de construire et qui demeure applicable dans le cadre des contrats de partenariat. Les dispositions de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'ouvrage privée demeurent aussi applicables si la personne publique a décidé de conserver la maîtrise d'ouvrage ; les dispositions de cette loi ont toutefois été aménagées dans les autres cas : si la maîtrise d'ouvrage n'est conservée qu'en partie par la personne publique, il est alors dérogé aux dispositions relatives à la mission de base contenues au 4ème alinéa de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 ; et si la conception d'ouvrages est confiée au partenaire privé, l'article 12 de l'ordonnance a institué un mécanisme original qui impose que les offres comportent un projet architectural pour les bâtiments et que soit identifiée une équipe de maîtrise d'oeuvre chargée de la conception des ouvrages et du suivi de leur réalisation. On peut ainsi soutenir que le système mis en place par l'ordonnance, dans l'hypothèse où la personne publique choisirait de confier au cocontractant la maîtrise d'ouvrage, se révèle plus protecteur pour l'architecte que celui qui prévaut aujourd'hui en matière de concessions.
c) Les recours critiquent aussi les dispositions des articles 11 et 14 de l'ordonnance, en ce qu'elles prévoient que les contrats de partenariat doivent comporter des clauses relatives aux modalités de prévention et de règlement des litiges ainsi qu'aux conditions dans lesquelles il peut, le cas échéant, être fait recours à l'arbitrage avec application de la loi française. Les dispositions de l'article 11 de l'ordonnance ont été jugées légales par le Conseil d'Etat (V. le considérant 22 de sa décision du 29 octobre 2004).
Sur ce point, le Gouvernement entend souligner que le principe général du droit mis en lumière notamment par l'avis rendu par l'Assemblée générale du Conseil d'Etat le 6 mars 1986, selon lequel les personnes morales de droit public ne peuvent pas se soustraire aux règles qui déterminent la compétence des juridictions nationales en remettant à la décision d'un arbitre la solution des litiges auxquels elles sont parties et qui se rattachent à des rapports relevant de l'ordre juridique interne, présente le caractère d'un principe de valeur législative. Comme tel, et ainsi que l'indique expressément cet avis du Conseil d'Etat, il peut y être valablement dérogé par des dispositions législatives expresses. De fait, plusieurs dispositions législatives sont intervenues récemment pour permettre à des collectivités publiques d'avoir recours à l'arbitrage (V. notamment la liste indiquée par l'article L 311-6 du code de justice administrative).
Il n'apparaît pas que des contraintes d'ordre constitutionnel s'opposeraient à de telles dérogations. En effet, si le principe est anciennement attesté, il y a toutefois été dérogé avant même l'entrée en vigueur de la Constitution du 27 octobre 1946 (V. en particulier l'article 69 de la loi du 17 avril 1906, repris ultérieurement par les différents codes des marchés publics). Et si de telles dérogations aménagent l'exercice des recours juridictionnels, elles n'interdisent pas de saisir les juridictions compétentes, après le prononcé d'une sentence arbitrale, par la voie de l'appel et de la cassation ; elles ne peuvent, par suite, être regardées comme portant atteinte au droit constitutionnel au recours. On ne voit pas en quoi, par ailleurs, elles porteraient atteinte à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Dans ces conditions, il apparaît que la loi déférée pouvait, sans méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, ratifier les dispositions des articles 11 et 14 de l'ordonnance du 17 juin 2004 en ce qu'elles autorisent le recours à l'arbitrage dans le cadre des contrats de partenariat.
d) Les auteurs des recours critiquent, enfin, la loi déférée en ce qu'elle a ratifié l'article 18 de l'ordonnance du 17 juin 2004, lequel avait été jugé légal par le Conseil d'Etat (V. le considérant 23 de sa décision du 29 octobre 2004). Cet article permet l'éligibilité des dépenses d'investissement effectuées dans le cadre de contrats de partenariat au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, de telle sorte que le choix entre les différents procédés contractuels s'avère neutre au plan fiscal.
La loi de ratification n'est toutefois critiquée, en l'espèce, que par le motif que l'ordonnance aurait excédé le champ de l'habilitation donnée par l'article 6 de la loi du 2 juillet 2003. Ainsi qu'il a été dit, un tel grief ne peut être utilement invoqué à l'occasion du contrôle de constitutionnalité exercé contre la loi procédant à la ratification de l'ordonnance.
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Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les parlementaires requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.