Contenu associé

Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 - Observations du gouvernement

Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, adoptée le 11 février 2004.
Les requérants articulent à l'encontre de la loi, notamment ses articles 1er, 14, 48, 63 et 137, différents griefs qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
***
I/ Sur les articles 1er et 14
A/ L'article 1er de la loi déférée introduit au code de procédure pénale un titre XXV relatif à la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées, dont les dispositions régissent la procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement de quinze infractions particulièrement graves. Ces dispositions définissent notamment le cadre juridique applicable à la surveillance de personnes soupçonnées d'avoir commis l'une des infractions considérées, aux opérations d'infiltration, à la garde à vue, aux perquisitions, aux interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications, aux sonorisations et fixations d'images de certains lieux et véhicules.
L'article 14, pour sa part et notamment, modifie les dispositions de l'article 63-4 du code de procédure pénale sur l'entretien avec l'avocat au cours de la garde à vue, encadre l'application de l'article 706-88 du code de procédure pénale sur la garde à vue aux mineurs de plus de seize ans et modifie l'article 76 du code de procédure pénale sur le régime des perquisitions.
Les députés et sénateurs requérants critiquent, en premier lieu, le champ d'application de ces dispositions en soutenant que la notion d'infraction en « bande organisée » retenue par le législateur serait imprécise, qu'elle sera mise en oeuvre par les officiers de police judiciaire et par le parquet et non par des magistrats du siège, qu'il n'y aurait pas de cohérence entre les quinze infractions visées, qu'une utilisation abusive des procédures en cause ne serait pas sanctionnée par des nullités de procédure. Selon eux, les dispositions adoptées par le législateur méconnaîtraient les termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur la légalité et la nécessité des peines.
Les auteurs des saisines contestent, en deuxième lieu, les dispositions relatives à la garde à vue, en soutenant qu'une durée de quatre jours serait excessive au regard de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la protection constitutionnelle de la liberté individuelle, que les conditions de la prolongation de la garde à vue seraient imprécises, que le report de la présence de l'avocat au cours de la garde à vue priverait de garanties légales des exigences constitutionnelles, que les dispositions relatives à la garde à vue des mineurs de plus de seize ans méconnaîtraient le principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif au droit pénal spécial des mineurs.
Les parlementaires saisissants soutiennent, en troisième lieu, que les dispositions relatives aux perquisitions porteraient une atteinte excessive à la liberté individuelle et à l'inviolabilité du domicile, du fait de l'allongement de la durée de l'enquête de flagrance, de la suppression du consentement de la personne dans le cadre de l'enquête préliminaire, de l'élargissement des cas de perquisitions de nuit dans le cadre de l'instruction.
Les deux recours critiquent, en quatrième lieu, les dispositions relatives aux interceptions de correspondance, aux sonorisations et fixations d'images, en soutenant qu'elles seraient contraires aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à l'article 66 de la Constitution et à la protection constitutionnelle du droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile.
Les parlementaires requérants relèvent, enfin, que l'article 706-104 introduit au code de procédure pénale par la loi déférée écarterait toute nullité en cas de pratique abusive et de détournement de procédure, ce qui serait de nature à porter une atteinte grave aux droits et libertés constitutionnellement protégés.
B/ Ces différents griefs appellent, de la part du Gouvernement, les réponses suivantes.
1/ S'agissant, en premier lieu, du champ d'application des dispositions contestées, il est vrai que le législateur ne saurait déterminer des règles spéciales en ce qui concerne la poursuite, l'instruction et le jugement de certaines infractions qu'à la condition que ces infractions soient définies en des termes suffisamment clairs et précis, de manière à satisfaire aux exigences du principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines (décision n°86-213 DC du 3 septembre 1986). Il convient aussi que le choix du législateur, lorsqu'il détermine la liste des infractions soumises à des règles de poursuite et d'instruction plus contraignantes que celles du droit commun, n'apparaisse pas entaché de disproportion manifeste (décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996).
Mais, au cas présent, le Gouvernement estime que le législateur a défini avec une précision suffisante les infractions relevant du titre XXV ajouté au livre IV du code de procédure pénale par la loi déférée et que la liste de ces infractions n'est pas manifestement erronée.
a) Les nouveaux articles 706-73 et 706-74 du code de procédure pénale déterminent le champ des infractions constituant la criminalité organisée en distinguant deux catégories d'infractions : pour la première catégorie caractérisant les formes les plus graves de criminalité et de délinquance organisées, visée à l'article 706-73, la loi d'une part permet de mettre en oeuvre de nouveaux moyens d'investigation et d'autre part prévoit la compétence de juridictions spécialisées en matière de criminalité et de délinquance organisée ; pour la seconde catégorie, visée à l'article 706-74, qui concerne des infractions de moindre gravité, les nouveaux moyens d'investigation ne seront pas applicables mais la loi a prévu que ces infractions pourraient relever de la compétence des juridictions spécialisées, en considération de la complexité des infractions et du traitement judiciaire spécifique devant leur être appliqué.
L'objectif de la loi est ainsi d'appréhender la criminalité organisée en tant que telle en lui donnant un champ d'application clairement défini et en mettant en oeuvre des instruments procéduraux adaptés à la lutte contre cette forme de criminalité. De fait, on sait qu'elle implique souvent une particulière dangerosité des délinquants ou des criminels, qui sont en quelque sorte des « professionnels », et qu'il est plus difficile de parvenir à la manifestation de la vérité en raison de la particulière complexité des faits, des difficultés d'identification des divers protagonistes et d'appréciation de leurs rôles respectifs.
Pour lutter contre ces formes nouvelles de criminalité, qui connaissent une forte augmentation, le législateur a jugé nécessaire de confier, sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire, des pouvoirs d'investigation plus importants aux enquêteurs (garde à vue de quatre jours, infiltration, brèves écoutes téléphoniques ou sonorisations lors de l'enquête, perquisitions en enquête préliminaire et, dans certaines hypothèses, perquisitions de nuit) et de mettre en place des juridictions spécialisées pour connaître de ces infractions commises par des groupes de malfaiteurs extrêmement organisés. On peut relever que le législateur met ainsi en oeuvre des orientations qui ont été décidées au plan international, notamment par la Convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée signée à Palerme le 15 novembre 2000, ou au plan européen, notamment par le Conseil européen de Tampere en 1999.
b) En déterminant la liste des infractions de l'article 706-73 et en utilisant la notion de « bande organisée », le législateur a, contrairement à ce qui est soutenu, défini avec suffisamment de précision le champ d'application des nouveaux pouvoirs d'investigation.
Cette notion de « bande organisée » n'a, en effet, pas été spécialement édictée pour l'occasion. Elle est présente dans le code pénal depuis 1981 et son utilisation n'a d'ailleurs cessé de s'étendre depuis cette date. Signe de l'importance attachée par le législateur à la lutte contre la criminalité organisée, la commission d'une infraction en bande organisée figure en tête des circonstances aggravantes définies par le code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994.
L'article 132-71 du code pénal dispose que « constitue une bande organisée tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ». Comme l'indique la doctrine (V. notamment J. Pradel, Manuel de droit pénal, 14ème éd. 2002-2003, n°460 ; H. Angevin, Jurisclasseur pénal, 2000, n°25 à 36 ; F. Desportes et F. Le Gunehec, Traité de droit pénal, 10ème éd., n° 890), la circonstance aggravante de bande organisée se distingue nettement de la circonstance aggravante de réunion en ce qu'elle implique non seulement que l'infraction ait été commise par plusieurs personnes mais exige encore que ces personnes l'aient ensemble préméditée et matériellement préparée. Il est ainsi requis que les membres de la bande organisée aient pris la résolution d'agir en commun dans le cadre d'une organisation comportant, par exemple, une distribution des rôles ou l'existence de moyens matériels destinés à la commission de l'infraction.
La bande organisée constitue une circonstance aggravante de nature à augmenter la peine encourue par la personne commettant l'infraction aggravée. Le code pénal de 1994 prévoit cette circonstance aggravante pour le trafic de stupéfiants (articles 222-35 et 222-36), le proxénétisme (article 225-8), le vol (article 311-9), l'extorsion (article 312-6), l'escroquerie (article 312-2 5 °), le recel (article 312-2), les destructions (article 322-8), l'enlèvement et la séquestration (article 224-3) et la fausse monnaie (article 442-2). La loi du 13 mai 1996 a introduit à l'article 324-2 du code pénal l'infraction de blanchiment commis en bande organisée. Les lois du 11 mai 1998 et du 18 mars 2003 ont ajouté une répression spécifique, figurant aujourd'hui, depuis la loi du 26 novembre 2003, à l'article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, des délits d'aide directe ou indirecte à l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers lorsqu'ils sont commis en bande organisée.
Ainsi, la notion de « bande organisée » utilisée par la loi déférée n'est pas nouvelle mais correspond, au contraire, à une définition pénale préexistante et précise. Et à cet égard, il importe peu que la notion ait principalement été utilisée à titre de circonstance aggravante et non pour permettre la mise en oeuvre des règles procédurales particulières.
Au demeurant, on doit relever que d'ores et déjà des conséquences procédurales spécifiques s'attachent à la circonstance aggravante de la « bande organisée » et que le Conseil constitutionnel n'a pas jugé qu'un tel usage de cette notion serait contraire à la Constitution (décision n°93-326 DC du 11 août 1993). Ainsi, la notion détermine déjà, dans certains cas, l'application d'un régime de garde à vue plus sévère prévu par l'article 64-3 du code de procédure pénale se référant aux articles 224-3 (enlèvement et séquestration en bande organisée), 225-8 (proxénétisme), 311-9 (vol), 322-8 (dégradation ou détérioration par explosion) du code pénal. Ces articles prévoient aussi que l'entretien avec l'avocat prévu normalement dès le début de la garde à vue ne pourra intervenir, pour ces infractions, qu'à l'issue d'un délai de 36 heures. L'article 145-1 du code de procédure pénale prévoit encore qu'en matière délictuelle, la durée de la détention provisoire est portée à 2 ans lorsque la personne est poursuivie pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine égale à 10 ans d'emprisonnement. L'article 145-2, inséré dans le code de procédure pénale par la loi du 15 juin 2000, dispose pour sa part qu'une personne mise en examen peut être maintenue en détention provisoire pendant un délai de quatre ans lorsqu'elle est poursuivie pour un crime commis en bande organisée.
c) Eu égard à la gravité et la complexité des infractions mentionnées au nouvel article 706-73 du code de procédure pénale, le législateur a pu, sans disproportion manifeste, permettre l'utilisation de pouvoirs d'investigation plus importants, adaptés aux caractéristiques de la criminalité organisée.
Les quinze infractions énumérées par le législateur présentent toutes un caractère de très grande gravité. Il s'agit, lorsqu'ils sont commis en bande organisée, de meurtres, de tortures et d'actes de barbarie, d'enlèvements et de séquestrations, de vols criminels, de destructions, dégradations ou détériorations criminelles de biens, de délits en matière d'armes, de munitions, de poudres, de substances explosives et d'armes biologiques, de délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'étrangers en France. Il s'agit aussi de certains crimes et délits de trafic de stupéfiants, de traite des êtres humains, de proxénétisme, de crimes aggravés d'extorsion, de crimes en matière de fausse monnaie, de crimes et délits de terrorisme, de délits de blanchiment ou d'association de malfaiteurs pour commettre l'une des infractions en cause.
Ces infractions, pour leur plus grande part, ont pour objet de réprimer des atteintes très graves aux personnes. Elles sont toutes punies d'au moins dix années d'emprisonnement. Elles revêtent, pour la plupart, une qualification criminelle. L'inclusion de nombre d'entre elles dans la liste de l'article 706-73 n'apparaît pas sérieusement contestable et n'est d'ailleurs pas contestée. Il importe cependant, pour certaines d'entre elles qui sont mises en cause par les recours, d'apporter les précisions suivantes.
Le vol en bande organisée constitue un crime réprimé à l'article 311-9 du code pénal. Il est puni de 15 ans de réclusion criminelle, 20 ans lorsqu'il est précédé, accompagné ou suivi de violences sur autrui, 30 ans lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme, par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé. Depuis la loi du 2 février 1981, le législateur a toujours compté cette infraction parmi les plus graves en prévoyant en particulier, par la loi du 24 août 1993 déclarée conforme à la Constitution sur ce point (décision n° 93-326 DC du 11 août 1993), que l'intervention de l'avocat en garde à vue est reportée à la 36ème heure pour tous les vols commis en bande organisée. De même, l'article 145-2 du code de procédure pénale, tel qu'issu de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence, porte à quatre ans la durée maximum de la détention provisoire pour tous les crimes commis en bande organisée, y compris celui prévu par le premier alinéa de l'article 311-9.
En pratique, le premier alinéa de l'article 311-9 permet de réprimer deux types d'infraction : d'une part les bandes organisées de malfaiteurs qui, sans nécessairement recourir à la violence, commettent des vols importants d'objets de grande valeur, en particulier des objets d'art, notamment dans des musées, des châteaux ou des lieux de culte ; d'autre part des personnes qui commettent des vols au sein d'une bande organisée dont certains membres usent de violence ou portent des armes, mais qui n'ont pas eux-mêmes commis de violences ou utilisé une arme, et à l'encontre desquels il ne paraît pas possible d'étendre les circonstances aggravantes de port d'arme ou de violence applicables à leurs coauteurs ou complices. Les autres alinéas de l'article 311-9 permettent, dans la pratique judiciaire, le démantèlement des activités criminelles de professionnels du vol à main armée.
L'extorsion en bande organisée est punie par l'article 312-6 du code pénal de 20 ans de réclusion criminelle, 30 ans lorsqu'elle est précédée, accompagnée ou suivie de violences sur autrui, de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'elle est commise soit avec menace ou usage d'une arme soit par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé. Cette circonstance aggravante de l'extorsion a été instaurée par le code pénal de 1994 et il est également prévu en cette matière que l'avocat ne pourra s'entretenir avec son client qu'au bout de la 36ème heure de garde à vue (article 63-4 du code de procédure pénale).
L'article 322-8 du code pénal punit de 20 ans de réclusion criminelle, lorsqu'elle est commise en bande organisée la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes. C'est la loi du 10 juin 1983 qui a étendu la circonstance aggravante de bande organisée jusque là prévue pour le seul vol à ce type d'infractions. La loi du 1er février 1994 a prévu que les gardés à vue dans ces affaires ne pourront s'entretenir avec un avocat qu'au bout de la 36ème heure (article 63-4 du code de procédure pénale). Les dégradations et destructions visées par cet article ne sont pas toutes les infractions de destructions et dégradations mais seulement celles qui présentent un danger pour les personnes, ainsi que l'indique le titre de la section du code pénal dans laquelle l'article est inséré. Le législateur n'a ainsi visé que les destructions et dégradations les plus graves commises dans le cadre d'une organisation criminelle concertée.
L'article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée par la loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003, réprime de 10 ans d'emprisonnement l'infraction d'aide à l'entrée, la circulation, le séjour irrégulier d'un étranger en France lorsqu'elle est commise en bande organisée. Cette infraction, eu égard aux termes qui la définissent, ne vise évidemment pas des associations dont l'objet serait de faciliter l'intégration des étrangers en France mais entend réprimer les actions illicites des réseaux organisés de passeurs. Ce délit d'aide à étranger en situation irrégulière commis avec la circonstance aggravante de bande organisée portant la peine à 10 ans d'emprisonnement a été institué par la loi du 11 mai 1998. On peut relever que l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 a été complété par la loi du 26 novembre 2003 pour préciser que le délit d'aide à étranger en séjour irrégulier ne pouvait être reproché à une personne physique ou morale lorsque l'acte commis était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. Cela souligne que seuls les réseaux de passeurs sont susceptibles d'être visés par les dispositions du nouvel article 706-73 du code de procédure pénale.
En tout état de cause, il appartiendra au magistrat du siège compétent pour autoriser ou refuser, par décision motivée, l'utilisation des moyens d'investigation adaptés aux caractéristiques des infractions visées à l'article 706-73, de vérifier, au-delà de l'adéquation de la qualification juridique, par nature générale, applicable aux faits objet de la procédure, si ces faits présentent effectivement en l'espèce une particulière complexité et une particulière gravité justifiant le recours à de tels moyens, conformément aux principes de nécessité et de proportionnalité rappelés par l'article préliminaire du code de procédure pénale.
2/ S'agissant, en deuxième lieu, de la nullité des procédures, les saisines se fondent sur les dispositions du nouvel article 706-104 du code de procédure pénale pour soutenir que l'utilisation abusive des moyens d'investigation prévus par les dispositions de la loi déférée ne pourrait être sanctionnée par la nullité des actes accomplis.
Telle n'est toutefois pas la portée de cet article 706-104, qui se borne à préciser que le seul fait qu'à l'issue de la procédure la circonstance aggravante de bande organisée ne sera finalement pas retenue par la juridiction n'entraîne pas la nullité des actes régulièrement accomplis au cours de la poursuite ou de l'instruction. Cet article n'a nullement pour objet ou pour effet de faire échec à l'application de la théorie générale des nullités de procédure des articles 171, 385 et 802 du code de procédure pénale.
De fait, les modalités de mise en oeuvre des moyens d'investigation spécifiques définies par la loi déférée répondent à des exigences de forme qui sont prévues par la loi à peine de nullité. S'il s'avère que la qualification initiale, qui détermine le régime juridique applicable, ne peut être maintenue au terme des investigations, il importe alors, conformément aux règles générales, de distinguer deux hypothèses radicalement différentes : ou bien il existait à l'origine des éléments permettant de soupçonner l'existence d'une infraction entrant dans la liste de l'article 706-73, ou bien il a été fait usage des nouvelles dispositions de procédure en l'absence de tout élément permettant d'en justifier l'utilisation. Dans le premier cas, aucune nullité ne sera encourue dans la mesure où, à l'origine, les conditions d'utilisation de ces procédures étaient objectivement réunies. Dans le second cas, en revanche, qui marque l'utilisation abusive des moyens d'investigation et traduit un détournement de procédure, les actes seront annulés en application de la théorie générale des nullités de procédure, sans qu'y fasse obstacle l'article 706-104 introduit au code de procédure pénale.
Cet article 706-104 se borne, en réalité, à faire écho à la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle la régularité d'un acte doit s'apprécier au regard des circonstances existant au moment de sa réalisation. Ainsi une enquête de flagrance - donnant lieu à une perquisition - est-elle possible s'il existe des indices objectifs et apparents que les faits constituent un délit puni d'emprisonnement, même si ces faits sont ensuite poursuivis sous une qualification contraventionnelle (Crim. 9 janvier Bull crim n°16 ; 11 mars 92, Bull crim n°110). De même, le fait que le juge d'instruction renvoie une personne qui avait été mise en examen pour crime devant le tribunal correctionnel n'affecte pas la régularité de la détention provisoire subie pendant l'instruction dont le régime - et la durée - ont été ceux applicables en matière criminelle, dès lors qu'il existait bien des indices graves ou concordants pour reprocher à la personne la commission d'un crime.
Mais la légalité des actes suppose, comme le rappelle expressément l'article 706-104, qu'ils aient été « régulièrement » accomplis, ce qui signifie, notamment, qu'au moment de leur accomplissement la circonstance aggravante de bande organisée paraissait caractérisée ou, pour reprendre les termes utilisés par la Cour de cassation dans des domaines similaires (Crim 2 fév. 1988, Bull crim n° 52) qu'avaient été relevés des indices apparents révélant l'existence de cette circonstance aggravante.
Une telle précision figurait d'ailleurs dans le projet du Gouvernement et elle n'a été supprimée en première lecture par l'Assemblée nationale qu'au motif qu'elle apparaissait juridiquement inutile (V. le rapport de la Commission des lois de l'Assemblée nationale, p.85).
Il en résulte que si des actes prévus par les nouvelles dispositions sont accomplis dans une procédure alors qu'au moment où ils sont effectués il n'existe pas d'éléments laissant présumer que les faits ont été commis en bande organisée, ces actes seront ensuite annulés par application des règles générales de nullité. L'article 706-104 ne fait que clarifier le droit applicable pour éviter d'inutiles contentieux devant les juridictions dans les cas où, dans l'intérêt même de la personne poursuivie et du bon fonctionnement de la justice, des faits objectivement de nature criminelle du fait de leur commission en bande organisée - qui a le plus souvent pour conséquence de qualifier en crime un délit - seraient en fin de compte correctionnalisés et renvoyés devant le tribunal correctionnel plutôt que devant la cour d'assises. En revanche, cet article ne fait pas échec à la sanction des détournements de procédure qui seraient constitués si les nouvelles dispositions étaient appliquées dans des cas où n'existaient pas d'éléments permettant de présumer l'existence d'une bande organisée.
3/ En ce qui concerne, en troisième lieu, la garde à vue, le nouvel article 706-88 du code de procédure pénale prévoit, pour les infractions les plus graves de criminalité et de délinquance organisées limitativement énumérées par l'article 706-73, qu'à l'issue de la garde à vue de droit commun de deux jours (les 24 heures initiales ayant été prolongées par un magistrat pour 24 heures), un magistrat du siège - juge des libertés et de la détention ou juge d'instruction - puisse décider d'autoriser une ou deux nouvelles prolongations de 24 heures ou une nouvelle prolongation de 48 heures.
Ces dispositions ont pour objet d'accroître l'efficacité des investigations judiciaires - au cours de l'enquête ou de l'instruction - en étendant à d'autres infractions « organisées » la possibilité, déjà prévue en matière de trafic de stupéfiants ou de terrorisme, de placer une personne en garde à vue pendant 4 jours. Cet allongement apparaît justifié par la gravité des infractions considérées et par la complexité des investigations concernant des réseaux organisés de malfaiteurs. De fait, la prolongation de la garde à vue au-delà de deux jours est aujourd'hui principalement utilisé dans les cas où les enquêteurs ont arrêté un ou plusieurs auteurs présumés de l'infraction, mais que des coauteurs ou complices sont toujours en fuite ou en cours d'identification et que l'on espère les interpeller dans les deux jours à venir.
a) Eu égard à la gravité des infractions considérées et aux conditions mises par le législateur, la durée maximale de 4 jours n'apparaît pas excessive.
Il faut remarquer, en premier lieu, que les dispositions en vigueur du code de procédure pénale prévoient déjà la possibilité de gardes à vue de 4 jours en matière de trafic de stupéfiants (depuis la loi du 31 décembre 1970) et en matière de terrorisme (depuis la loi du 9 septembre 1986). La loi déférée renforce toutefois les garanties des personnes mises en cause pour ces infractions en énonçant que la prolongation de la garde à vue n'est possible qu'à titre exceptionnel, en prévoyant que la prolongation doit être ordonnée par décision motivée du juge et en limitant en principe à 24 heures la durée de chaque prolongation.
Pour les autres infractions visées à l'article 706-73, il est vrai que les nouvelles dispositions ont pour effet de permettre la prolongation de la garde à vue jusqu'à 4 jours alors que sa durée est actuellement limitée à 2 jours. Mais il s'agit d'une durée maximale qui ne peut être atteinte que par l'effet de décisions successives prononcées par des membres de l'autorité judiciaire. La garde à vue initiale de 24 heures, décidée par un officier de police judiciaire, peut ainsi être prolongée de 24 heures par le procureur de la République ou le juge d'instruction, puis à nouveau pour deux périodes de 24 heures par le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction, exceptionnellement pour une période de 48 heures si la durée prévisible des investigations restant à réaliser le justifie. On peut d'ailleurs indiquer, à ce sujet, que les procédures concernant des faits de trafic de stupéfiants ont fait l'objet de 24 746 gardes à vue en 2003, que seules 12 339 d'entre elles ont été prolongées au-delà de 24 heures et que l'on peut évaluer à moins de 15 % celles qui ont été prolongées au-delà de 48 heures.
On doit relever, en second lieu, les garanties édictées par le législateur pour éviter que la durée de la garde à vue excède ce qui est nécessaire aux besoins de l'enquête ou de l'instruction. Le législateur a expressément marqué que la prolongation de la garde à vue ne peut intervenir qu'à titre exceptionnel, pour les nécessités de l'enquête ou de l'instruction et qu'elle est décidée par des magistrats ; il a notamment prévu l'intervention du juge des libertés et de la détention. S'agissant de l'enquête, on doit noter que la prolongation suppose que les enquêteurs la demandent au procureur de la République et que celui-ci soit convaincu de sa nécessité pour qu'il saisisse le juge des libertés et de la détention : l'accord de deux magistrats du parquet et du siège est ainsi nécessaire. La prolongation doit faire l'objet d'une décision écrite et motivée par rapport aux nécessités de l'enquête ou de l'instruction : en cas de prolongation de 48 heures, la motivation devra donc spécialement préciser les investigations que les enquêteurs ont l'intention d'accomplir pendant ce délai. La décision de prolongation ne peut être prise, sans dérogation possible, qu'après comparution de la personne devant le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction. Enfin, la personne est assurée d'être examinée par un médecin - même si elle ne le demande pas - afin de vérifier son aptitude au maintien en garde à vue, et elle est avisée de son droit de demander un nouvel examen médical.
En outre, même si l'article 706-88 du code de procédure pénale ne l'indique pas expressément - pas davantage d'ailleurs que les actuels articles 63 et suivants pour la garde à vue de droit commun et les actuels articles 706-23 et 706-29 en matière de terrorisme ou stupéfiants - ces garanties sont, de par leur nature, édictées à peine de nullité conformément aux dispositions générales de l'article 802 du code de procédure pénale. Il s'agit en effet de formalités substantielles dont le non-respect porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne poursuivie, qu'il s'agisse par exemple de l'obligation de prolongation par un magistrat à l'issue d'un certain délai (Crim. 15 déc. 1999, Bull crim n°311 ; Crim. 13 février 1996, Bull crim n°74), de la prolongation sans présentation préalable (Crim. 9 mai 2001, Bull crim n°115), ou du droit à l'entretien avec l'avocat (Crim. 10 mai 2001, Bull crim n°118).
b) S'agissant de l'intervention de l'avocat, la loi déférée organise désormais trois régimes différents : le premier prévoit l'intervention de l'avocat à la 1ère heure de garde à vue, puis à la 24ème heure, à la 48ème heure et à la 72ème heure ; le deuxième prévoit deux interventions, à la 48ème heure puis à la 72ème heure ; le troisième ne prévoit, pour les cas de terrorisme et de trafic de stupéfiants, qu'une intervention à la 72ème heure.
On doit souligner que les cas pour lesquels l'intervention de l'avocat était prévue dès la 1ère heure de garde à vue ne sont pas modifiés. En outre, dans certaines hypothèses où l'intervention de l'avocat avait lieu à la 36ème heure, la loi déférée a décidé d'avancer cette intervention à la 1ère heure (pour la destruction, dégradation et détérioration en bande organisée, pour l'association de malfaiteurs en vue de commettre des infractions non visées à l'article 706-73 et l'extorsion de fonds aggravée). Pour les faits de terrorisme ou de trafic de stupéfiants, l'intervention de l'avocat demeure à la 72ème heure sans changement par rapport au droit en vigueur. Ce n'est que pour les infractions d'enlèvement en bande organisée, de proxénétisme aggravé, de vol en bande organisée, d'extorsion en bande organisée ou entraînant la mort ou d'association de malfaiteurs pour des infractions visées à l'article 706-73, que la loi déférée a reporté l'intervention de l'avocat de la 36ème heure à la 48ème heure. En procédant à ces aménagements limités pour des raisons tenant à la cohérence des procédures, le législateur n'a pas privé de garanties légales des exigences constitutionnelles.
Il faut relever, aussi, que la personne a, en tout état de cause, le droit de demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation exceptionnelle de la garde à vue après 48 heures et qu'elle pourra s'entretenir à nouveau avec un avocat à la 72ème heure. Ces droits lui sont expressément notifiés après la prolongation. Ce n'est ainsi qu'en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants que, comme c'est le cas depuis la loi du 1er février 1994, déclarée sur ce point conforme à la Constitution (décision n°93-334 DC du 20 janvier 1994), l'entretien avec l'avocat aura lieu à la 72ème heure.
c) Enfin, la garde à vue des mineurs de seize à dix-huit ans fait l'objet de dispositions particulières introduites à l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 par le VI de l'article 14 de la loi déférée. Contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions particulières limitent le champ de la garde à vue pour les mineurs et mettent en oeuvre, à cet égard, le principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à la justice des mineurs (décision n°2002-461 DC du 29 août 2002).
Il faut rappeler que, de manière générale, les dispositions du code de procédure pénale sont applicables aux mineurs comme aux majeurs, sauf si l'ordonnance du 2 février 1945 en dispose autrement soit pour écarter l'application de telle disposition, soit pour en aménager les conditions d'application à l'égard des mineurs. En matière de garde à vue, les dispositions spéciales figurant à l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 précisent ainsi que les mineurs de moins de treize ans ne peuvent être placés en garde à vue, que les mineurs d'au moins treize ans peuvent faire l'objet d'une garde à vue mais qu'ils ont droit à un avocat dès le début de la garde à vue, que la prolongation de la garde à vue exige la présentation devant le magistrat compétent, que les auditions doivent être enregistrées. En l'état du droit en vigueur, les mineurs de plus de treize ans ne peuvent ainsi faire l'objet d'une garde à vue susceptible d'être prolongée pendant quatre jours, sauf en matière de trafic de stupéfiants.
Le VI de l'article 14 de la loi déférée complète l'article 4 de l'ordonnance de 1945. Son paragraphe VII prévoit certes qu'une garde à vue de quatre jours pourra être appliquée à des mineurs, au-delà du seul cas de trafic de stupéfiants, pour les infractions de criminalité et de délinquance organisées les plus graves. L'avocat interviendra dès le début de garde à vue, puis toutes les 24 heures. Mais la loi précise que cette garde à vue de quatre jours ne pourra concerner que les mineurs de plus de seize ans, sous la condition qu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou plusieurs personnes majeures ont participé comme auteurs ou complices à la commission de l'infraction. Si aucune précision n'avait été apportée par la loi, les dispositions de l'article 706-88 du code de procédure pénale auraient été applicables aux mineurs de plus de treize ans sans restrictions : elles auraient concerné les mineurs de treize à seize ans ainsi que les mineurs entendus dans les affaires ne mettant pas en cause des majeurs. En tout état de cause, on doit souligner que la possibilité de garder à vue pendant quatre jours un mineur de plus de 16 ans, décidée par le juge compétent, ne sera utilisée que de façon tout à fait exceptionnelle, dans les cas où le justifient la particulière dangerosité du mineur ou l'absolue nécessité de continuer l'enquête pendant encore un ou deux jours.
Il faut, enfin, relever que la condition liée à la participation de majeurs à la commission de l'infraction ne traduit pas une violation du principe d'égalité devant la loi. La circonstance que des majeurs sont impliqués dans des comportements criminels ou délictueux conduit, en effet, à des agissements d'une plus grande gravité et d'une dangerosité supérieure. On constate, de fait, une augmentation sensible des affaires de terrorisme ou de trafic de stupéfiants dans lesquelles des bandes de malfaiteurs dirigées par des majeurs utilisent des mineurs pour préparer la commission des infractions. Ces agissements ne sont objectivement pas de même nature que des comportements ne mettant en cause que des mineurs. Cette différence objective de situation justifie la différence de traitement instituée par le législateur.
On peut ajouter, d'une part, que l'intérêt général qui s'attache au bon déroulement des enquêtes ainsi qu'à la protection des mineurs de représailles susceptibles d'émaner de majeurs impliqués peut plaider pour des prolongations exceptionnelles de garde à vue permettant l'interpellation des coauteurs ou complices. D'autre part, il peut être souligné que la procédure pénale connaît déjà des hypothèses dans lesquelles le fait que soient impliqués des majeurs et des mineurs ou uniquement des mineurs emporte des conséquences juridiques différenciées. Ainsi, s'il s'agit d'une affaire nécessitant, après l'enquête, la poursuite des investigations sous le contrôle d'un magistrat du siège, cela conduira à saisir un magistrat instructeur, alors que si les faits n'avaient été commis que par des mineurs l'information pouvait être confiée au juge des enfants.
4/ En ce qui concerne, en quatrième lieu, les perquisitions, la loi déférée a entendu renforcer la cohérence des règles actuelles qui, à la suite des nombreuses réformes intervenues ces dernières années, étaient devenues particulièrement complexes, sans toujours concilier au mieux l'exercice des libertés constitutionnellement garanties avec l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions.
Les nouvelles dispositions modifient, d'une part, les règles générales applicables aux perquisitions de jour dans le cadre des procédures de droit commun d'enquête de flagrance et d'enquête préliminaire. D'autre part, et surtout, elles ont pour objet d'unifier le régime des perquisitions de nuit en matière d'infractions de criminalité et de délinquance organisées visées à l'article 706-73 du code de procédure pénale, en étendant à l'ensemble de ces infractions les règles prévalant aujourd'hui en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants et d'infractions à la législation sur les armes. Ces modifications sont apportées par les articles 1er, 14 et 77 de la loi déférée ; elles ont permis l'abrogation, par l'article 14 de la loi, de tout ou partie des actuels articles 76-1, 706-24, 706-24-1 et 706-28 du code de procédure pénale.
a) Les modifications de portée générale - c'est à dire qui ne sont pas limitées aux infractions de criminalité ou de délinquance organisées de l'article 706-73 - apportées aux règles relatives aux perquisitions de jour pouvant intervenir sans l'assentiment de la personne découlent de la modification de l'article 76 du code de procédure pénale sur l'enquête préliminaire et de la modification de l'article 53 du même code relatif à l'enquête de flagrance, modifications qui résultent des articles 14 et 77 de la loi déférée.
Contrairement à ce qui est soutenu, ces modifications ne portent pas d'atteinte excessive aux droits constitutionnellement garantis.
En premier lieu, il faut relever que l'exécution d'une perquisition sans le consentement de la personne intéressée est subordonnée à une décision motivée du juge des libertés et de la détention et est soumise à des conditions définies strictement par la loi. Ainsi, l'article 76 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi déférée précise qu'il appartient au juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur de la République, d'autoriser qu'une perquisition soit effectuée sans l'assentiment de la personne intéressée, à la condition que soit en cause un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement - ce qui traduit d'ailleurs une exigence supplémentaire par rapport à la condition actuellement mise par l'article 76-1 du code de procédure pénale en matière d'infractions sur les armes dont certaines ne sont punies que de trois ans d'emprisonnement -. Les conditions de fond et de forme mises à cette autorisation à peine de nullité de la procédure sont les mêmes que celles prévues par les articles 706-92 et 706-93 pour les perquisitions de nuit.
On peut observer que cette modification a pour objectif d'éviter l'ouverture d'une information dans le seul but de procéder sur commission rogatoire à une perquisition chez une personne qui refuse de donner son assentiment à une telle opération et qu'elle offre des garanties plus importantes que celles qui prévalent dans le cadre de l'information. En effet, si dans les deux cas la perquisition ne peut se faire qu'avec l'autorisation d'un magistrat du siège, celle prévue par le dernier alinéa de l'article 76 exige une autorisation motivée en fait et en droit et concernant un lieu déterminé alors que les commissions rogatoires ne sont pas motivées et n'ont pas à préciser chacun des lieux dans lesquels les enquêteurs seront autorisés à perquisitionner.
En second lieu, on doit souligner que la possibilité de prolonger la durée de l'enquête de flagrance ne constitue pas une rupture dans l'évolution récente de la procédure pénale. Jusqu'à la loi du 23 juin 1999, la durée maximale de l'enquête de flagrance n'était pas limitée par la loi et l'on estimait, en l'absence de jurisprudence, qu'une enquête de flagrance pouvait durer d'une à deux semaines selon la gravité des faits. La loi du 23 juin 1999 a fixé la durée maximale de l'enquête de flagrance à huit jours. La loi déférée permet aujourd'hui au procureur de la République de décider une prolongation de l'enquête de flagrance pendant 8 jours - soit 16 jours au total -, mais sous les conditions qu'il s'agisse d'un crime ou d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et que les investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne puissent être différées. Ces conditions sont prescrites à peine de nullité de la procédure.
Au vu de ces précisions, les modifications apportées par le législateur sur le régime des perquisitions de jour ne méconnaissent aucune disposition constitutionnelle et ne portent pas, eu égard aux limites imparties et aux règles fixées, d'atteinte excessive aux droits constitutionnellement protégés.
b) Les règles spéciales applicables aux perquisitions de nuit en matière d'infractions de criminalité et de délinquance organisées sont, pour leur part, fixées par les nouveaux articles 706-89 à 706-93 du code de procédure pénale. Les articles 706-89, 706-90 et 706-91 traitent successivement des hypothèses de l'enquête de flagrance, de l'enquête préliminaire et de l'instruction, en limitant de façon différente les possibilités de perquisitions selon le cadre procédural concerné, de façon à respecter strictement les exigences constitutionnelles (V. notamment la décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996). Les articles 706-92 et 706-93 prévoient en outre des garanties communes applicables dans les trois hypothèses. Compte tenu des garanties apportées par le législateur, les nouvelles dispositions seront jugées conformes à la Constitution.
Dans tous les cas, les perquisitions de nuit ne sont possibles que « si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent », c'est à dire s'il n'est pas possible d'attendre le lendemain matin à 6 heures pour procéder à l'opération - par exemple parce que des éléments d'information laissent présumer que des événements doivent intervenir au cours de la nuit -. A cette exigence spécialement rappelée par les articles 706-89 à 706-91 s'ajoutent d'ailleurs les prescriptions générales de l'article préliminaire du code de procédure pénale, selon lequel les mesures de contrainte dont peut faire l'objet une personne suspectée doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction.
L'article 706-89, applicable à l'enquête de flagrance, permet les perquisitions de nuit sur autorisation du juge des libertés et de la détention, saisi sur requête du procureur de la République. Il s'agit de l'extension aux infractions visées à l'article 706-73 des dispositions du 2ème alinéa de l'article 706-24 issues de la loi du 22 juillet 1996 et alors déclarées conformes à la Constitution par la décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996.
L'article 706-90, applicable à l'enquête préliminaire, permet les perquisitions de nuit sur autorisation du juge des libertés et de la détention, saisi sur requête du procureur de la République, uniquement lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation. Il s'agit de l'extension des dispositions du 2ème alinéa de l'article 76-1 et de l'article 706-24, issues de la loi du 15 novembre 2001, qui permettent des perquisitions de nuit dans des lieux tels que des caves ou des locaux professionnels, mais maintiennent de façon absolue l'interdiction de perquisitionner un domicile.
L'article 706-91, applicable à l'instruction, permet au juge d'instruction d'autoriser des perquisitions de nuit à condition que ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation. Les perquisitions ne peuvent concerner ces locaux que s'il y a urgence et que l'une des trois conditions suivantes est remplie : crime ou délit flagrant, risque immédiat de disparition des preuves ou d'indices matériels, existence d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu sont en train de commettre des crimes ou des délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73. Ces conditions sont l'exacte reprise de celles actuellement prévues par l'article 706-24-1 en matière de terrorisme et respectent les exigences rappelées par le Conseil constitutionnel dans la décision du 16 juillet 1996.
On doit souligner, de plus, que sont applicables aux autorisations délivrées par le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction les règles de forme énoncées aux actuels articles 706-24 et 706-24-1. Ces autorisations doivent ainsi être données pour des perquisitions déterminées et faire l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites. L'ordonnance doit être motivée et justifier de la nécessité des opérations. Les règles procédurales sont prescrites à peine de nullité et l'on peut rappeler que les nullités en matière de perquisition présentent, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, un caractère d'ordre public. L'article 706-92 précise enfin que ces opérations doivent être faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, lequel peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.
Il résulte des précisions apportées par le législateur que les garanties entourant les perquisitions de nuit, fixées par la loi déférée, sont identiques ou supérieures à celles qui prévalent actuellement pour les régimes en vigueur. Elles permettent ainsi d'assurer pleinement le respect des principes de nécessité et de proportionnalité des peines et sont de nature à prévenir toute atteinte injustifiée à l'inviolabilité du domicile.
5/ S'agissant des correspondances émises par la voie des télécommunications, l'article 706-95 du code de procédure pénale issu de l'article 1er de la loi déférée permet, pour les infractions relevant de l'article 706-73, leur interception, leur enregistrement et leur transcription dans le cadre de l'enquête.
En l'état du droit, de telles interceptions ne sont possibles que dans le cadre d'une instruction judiciaire. Les nouvelles dispositions visent à éviter l'ouverture d'informations judiciaires qui s'avèreraient inutiles et à vérifier la pertinence d'une telle ouverture au vu des premiers éléments d'enquête communiqués au procureur de la République.
On doit indiquer, en premier lieu, que les dispositions du nouvel article 706-95 ne peuvent être jugées contraires à l'article 66 de la Constitution. Il résulte, en effet, des dispositions mêmes adoptées par le législateur que l'interception ne peut être décidée que par le juge des libertés et de la détention ; pour autoriser la mise en place de la mesure et son éventuel renouvellement, ce dernier ne peut, de plus, être saisi que par le procureur de la République.
On doit relever, en second lieu, que la durée des interceptions est limitée à une période de 15 jours renouvelable une seule fois. S'appliquent par ailleurs les dispositions des articles 100 alinéa 2, 100-1, 100-3 à 100-7 du code de procédure pénale résultant de la loi du 10 juillet 1991. Ainsi la décision d'interception doit-elle être écrite et comporter tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter, l'infraction qui motive le recours à l'interception ainsi que la durée de celle-ci ; le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire commis par lui ne peut requérir que des agents qualifiés qui participent au service public des télécommunications pour l'installation du dispositif d'interception ; seules les correspondances utiles à la manifestation de la vérité font l'objet d'une transcription par procès-verbal qui est versée au dossier de la procédure ; les enregistrements sont détruits à la diligence du procureur de la République ou du procureur général à l'issue du délai de prescription de l'action publique ; les modalités spécifiques d'interception de la ligne de certaines personnes, notamment les avocats, sont applicables. Compte tenu de ces garanties, les dispositions législatives nouvelles ne portent pas d'atteinte excessive au respect de la vie privée.
6/ Les articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale résultant de la loi déférée prévoient et organisent la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement des paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel dans les lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé.
De telles mesures d'investigation s'avèrent indispensables au démantèlement des groupes criminels organisés en ce que les enregistrements obtenus dans les conditions prévues par les articles 706-96 à 706-102 pourront être utilisés pour administrer la preuve des infractions, ce qui n'est aujourd'hui pas possible à défaut de dispositions légales. On peut noter que la législation de la grande majorité des pays européens prévoit le recours à de tels dispositifs. Régulièrement sollicitées dans le cadre de l'entraide pénale internationale, en particulier par la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie, les autorités judiciaires françaises ne peuvent, faute de cadre légal, répondre favorablement à ces demandes qui concernent le plus fréquemment des sonorisations de véhicules utilisés par des trafiquants de stupéfiants ou par des membres de réseaux de traite des êtres humains.
Compte tenu des garanties de procédure et de fond précisées par le législateur, le grief tiré d'une atteinte excessive au respect de la vie privée ne pourra qu'être écarté.
Les sonorisations et fixations d'images ne pourront, en effet, être ordonnées que pour les infractions visées à l'article 706-73 et à la condition que les nécessités de l'information le justifient. La décision doit être prise par le juge d'instruction, après avis du procureur de la République, pour toute sonorisation et fixation d'image nécessitant l'introduction, y compris hors des heures prévues à l'article 59, dans un véhicule ou lieu privé et par le juge des libertés et de la détention saisi par le juge d'instruction pour toute sonorisation et fixation d'image nécessitant l'introduction, dans un lieu d'habitation et hors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale. La décision est prise par ordonnance motivée et doit comporter tous les éléments d'identification des véhicules ou lieux privés ou publics, l'infraction qui motive le recours à la mesure ainsi que la durée de la mesure. Un procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du dispositif technique et des opérations de captation, fixation et enregistrement sonore ou audiovisuel est dressé et les enregistrements sont placés sous scellés fermés. Seules les images ou conversations enregistrées utiles à la manifestation de la vérité sont décrites ou transcrites. Les enregistrements sonores ou audiovisuels sont détruits à la diligence du procureur de la République ou du procureur général à l'issue du délai de prescription de l'action publique.
En outre, le législateur a précisé que les lieux visés aux articles 56-1 (cabinet d'avocat), 56-2 (locaux d'une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle) et 56-3 (cabinet d'un médecin, d'un notaire, d'un avoué, ou d'un huissier) du code de procédure pénale ne peuvent faire l'objet d'un dispositif de sonorisation ou de fixation d'images. Le véhicule, le bureau et le domicile des personnes visées à l'article 100-7 du code de procédure pénale, notamment les avocats, ne peuvent davantage faire l'objet d'un tel dispositif.
Enfin, on doit relever que la durée de la mesure est fixée à 4 mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée, c'est à dire par décision motivée du magistrat compétent s'il estime que les nécessités de l'information le justifient toujours. On peut d'ailleurs noter que l'exigence de motivation constitue une garantie supplémentaire par rapport aux interceptions de correspondances émises par voie de télécommunication à l'initiative du juge d'instruction (articles 100 et suivants du code de procédure pénale, issus de la loi du 10 juillet 1991) qui connaît une procédure analogue de renouvellement, autant de fois qu'il est nécessaire à la poursuite de l'information (article 100-2 du code de procédure pénale).

II/ Sur l'article 48
A/ L'article 48 de la loi déférée insère un chapitre au code de procédure pénale relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, application automatisée d'informations nominatives tenue par le service du casier judiciaire et destinée à prévenir le renouvellement d'infractions sexuelles et à faciliter l'identification de leurs auteurs.
Selon les auteurs des recours, ces dispositions méconnaîtraient les termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, porteraient une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et seraient contraires au principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif au droit pénal spécial des mineurs.
B/ Ces critiques ne sont pas fondées.
1/ Il convient, en premier lieu, de rappeler les constats qui sont à l'origine de la création par le législateur, à titre de mesure de sûreté, de ce fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.
On constate, d'abord, un taux notable de récidive des auteurs d'infractions sexuelles (6 % de récidive dans les 5 ans suivants la condamnation). La nature et la gravité des infractions sexuelles justifient que les pouvoirs publics mettent en oeuvre des moyens appropriés pour prévenir cette récidive, d'autant qu'il n'est pas rare que la récidive se traduise par des infractions de plus en plus graves. Cette spécificité des infractions sexuelles a d'ailleurs déjà conduit le législateur à intervenir pour créer des mesures de suivi socio-judiciaire et pour instituer le fichier national automatisé des empreintes génétiques qui, à l'origine, ne concernait que les infractions sexuelles.
Or on doit admettre que les dispositifs actuels pour prévenir la récidive demeurent insuffisants. En particulier, il n'est aujourd'hui pas possible de connaître, au-delà d'un certain délai après la condamnation de l'auteur d'une infraction sexuelle et de l'exécution de sa peine, le passé pénal de l'intéressé ou de connaître son adresse. Ces informations ne sont pas davantage disponibles lorsque la personne a été condamnée mais a exercé une voie de recours, plusieurs années pouvant s'écouler avant que la condamnation ne devienne définitive. Il en est de même si la personne fait simplement l'objet d'une instruction. De telles informations ne sont pas disponibles parce que ni le casier judiciaire ni les fichiers de police judiciaire n'ont pour objet de les conserver ou de permettre leur exploitation opérationnelle.
Pourtant, ces informations peuvent se révéler particulièrement utiles, pour permettre à l'autorité judiciaire et à la police judiciaire de procéder à l'élucidation rapide de nouvelles agressions, grâce notamment à la connaissance de l'adresse régulièrement actualisée des personnes considérées, ou à l'autorité préfectorale de savoir si une personne qui a présenté une demande d'agrément pour exercer une activité la mettant en contact de mineurs présente des antécédents d'infractions à caractère sexuel. On doit souligner, en particulier, qu'il importe dans les affaires d'enlèvement et de séquestration de pouvoir procéder le plus rapidement possible à toutes les recherches utiles pour espérer retrouver vivante la victime.
2/ Eu égard à l'objet du fichier, le grief articulé par les saisines et tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur la nécessité des peines est inopérant.
En effet, l'inscription au fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ne présente nullement le caractère d'une sanction. Le fichier répond à un objectif de sûreté et s'inscrit dans le cadre de mesures de police. Il vise à permettre l'élucidation d'affaires nouvelles et à éviter que certains agréments administratifs soient délivrés alors que l'autorité administrative n'aurait pas disposé des informations appropriées.
3/ La constitution du fichier ainsi que ses modalités de gestion ne portent pas d'atteinte excessive au respect de la vie privée, compte tenu des garanties édictées par le législateur.
En premier lieu, le fichier constitue, comme le casier judiciaire, un fichier « judiciaire » dans la mesure où les informations qui y figurent résultent de décisions prises par l'autorité judiciaire et ayant considéré que la personne avait effectivement commis un crime ou un délit de nature sexuelle, à la différence des fichiers de police judiciaire qui comportent mention d'actes accomplis par les enquêteurs. La mise en oeuvre du fichier est, de surcroît, confiée à un magistrat, le chef du service du casier judiciaire.
En deuxième lieu, seuls sont concernés les auteurs d'infractions sexuelles graves mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, c'est à dire les crimes de nature sexuelle ou commis contre les mineurs (punis d'au moins 15 ans de réclusion criminelle), les agressions sexuelles ou atteintes sexuelles (punies d'au moins 5 ans d'emprisonnement), ou les actes de pédopornographie (punis d'au moins 3 ans d'emprisonnement) ; en revanche, le délit d'exhibition sexuelle n'est pas visé, dès lors qu'il ne figure plus à l'article 706-47. En outre, l'enregistrement dans le fichier n'est automatique que pour les infractions les plus graves ; pour celles qui sont punies d'une peine inférieure ou égale à cinq ans, le dernier alinéa de l'article 706-53-2 prévoit que l'inscription dans le fichier ne peut résulter que d'une décision expresse de la juridiction ou du procureur de la République. De même, l'inscription d'une personne mise en examen et placée sous contrôle judiciaire ne peut être décidée que par le juge d'instruction. Par ailleurs, la durée maximale de conservation des informations fixée par l'article 706-53-4 dépend de la gravité des infractions concernées : 30 ans pour les crimes et les délits punis de dix ans d'emprisonnement, 20 ans dans les autres cas ; ces délais peuvent être comparés au délai de 40 ans prévu pour le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
En troisième lieu, l'enregistrement effectif dans le fichier implique que l'identité de la personne ait été vérifiée auprès du répertoire national d'identification afin d'éviter des confusions d'identité. Les informations concernant des décisions non définitives sont aussitôt supprimées si la personne bénéficie d'une levée du contrôle judiciaire, d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Conformément à l'article 706-53-10, les personnes peuvent demander à l'autorité judiciaire l'effacement du fichier des informations les concernant dès que ces mentions ne figurent plus à leur casier judiciaire, c'est à dire en pratique dès que ces personnes ont bénéficié d'une réhabilitation légale ou judiciaire (V. l'article 133-13 du code pénal et l'article 786 du code de procédure pénale). La demande d'effacement peut être successivement faite devant trois autorités différentes, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention et le président de la chambre de l'instruction ; ces magistrats doivent ordonner l'effacement si la conservation des données n'est plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier, eu égard à la nature de l'infraction, à l'âge de la personne lors de sa commission, au temps écoulé depuis lors et à la personnalité actuelle de l'intéressé.
Enfin, on doit souligner que les obligations pesant sur les personnes figurant au fichier, dépendent de la gravité des infractions commises : ce n'est qu'en cas de crime ou en cas de délit puni de dix ans d'emprisonnement (agressions ou atteintes sexuelles aggravées commises sur un mineur) que la personne est tenue de se présenter tous les six mois devant un service de police ou de gendarmerie ; dans les autres cas, la personne est seulement tenue à la justification annuelle de son domicile et à l'indication de ses changements de domicile, qui peuvent se faire par courrier. Lorsque la personne est tenue à une obligation de présentation tous les six mois, celle-ci doit s'exécuter auprès d'un service départemental, et non devant le service le plus proche de son domicile, afin d'éviter qu'elle risque d'être localement désignée comme l'auteur d'une infraction sexuelle.
4/ Eu égard à l'objet du fichier qui, comme il a été dit, ne présente pas un caractère répressif, l'invocation par les recours du principe fondamental reconnu par les lois de la République sur la justice des mineurs apparaît inopérante. Mais, en tout état de cause, on peut observer que les modalités spécifiques prévues par le législateur à l'endroit des mineurs tiennent compte de leur situation particulière.
Il est vrai que le nouveau fichier concerne les mineurs condamnés pour une des infractions sexuelles visées par l'article 706-47, y compris s'il a été prononcé à leur encontre une mesure ou une sanction éducative. On doit toutefois observer que pour les mineurs de 16 ans, bénéficiant de plein droit de l'excuse de minorité prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, les condamnations concernant des délits punis de dix ans d'emprisonnement pour les majeurs, et donc de cinq ans pour ces mineurs, ne seront inscrites, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 706-53-2, que sur décision expresse de la juridiction. Il en ira de même pour les mineurs de moins de 13 ans, qui ne peuvent encourir aucune peine d'emprisonnement et dont les condamnations ne seront inscrites au fichier que si le tribunal pour enfants le décide de façon expresse.
Il faut relever, en outre, qu'en vertu du 7 ° de l'article 769 du code de procédure pénale résultant de l'article 201 de la loi déférée, les condamnations seront supprimées du casier judiciaire du mineur trois ans après leur prononcé, sauf cas de nouvelles condamnations. A l'issue de ce délai, le mineur pourra donc demander au procureur de la République, puis, en cas de refus, au juge des libertés et de la détention et au président de la chambre de l'instruction, son effacement du fichier des auteurs d'infractions sexuelles. L'article 706-53-10 dispose par ailleurs expressément que l'âge de la personne au moment des faits, et donc son éventuelle minorité, doit être pris en compte en cas de demande d'effacement pour apprécier si le maintien des mentions au fichier est nécessaire à la finalité de celui-ci.

III/ Sur l'article 63
A/ L'article 63 de la loi déférée traduit, en insérant au code de procédure pénale un chapitre Ier bis, les attributions du Garde des Sceaux, ministre de la justice. Il énonce, en particulier, que le Garde des Sceaux adresse au ministère public des instructions générales d'action publique et réitère qu'il peut enjoindre aux procureurs généraux d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir les juridictions de réquisitions écrites, par des instructions écrites et versées au dossier de la procédure.
Les députés et sénateurs requérants critiquent ces dispositions en soutenant qu'elles porteraient atteinte à la séparation des pouvoirs, aux articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à l'article 66 de la Constitution et au principe d'égalité.
B/ Le Gouvernement considère que ces griefs ne peuvent être accueillis.
1/ En premier lieu, il importe de souligner que les dispositions critiquées par les saisines, c'est à dire celles relatives aux instructions individuelles susceptibles d'être adressées par le Garde des Sceaux, se bornent à reproduire des dispositions en vigueur, sans aucunement les modifier.
Ces dispositions ne font, en effet, que reprendre les termes de l'actuel article 36 du code de procédure pénale, modifié en dernier lieu par la loi du 24 août 1993. Elles datent, de fait, de 1958 et ont été modifiées à deux reprises par la loi du 4 janvier 1993, pour prévoir que les instructions individuelles devaient être écrites, puis par la loi du 24 août 1993, pour prévoir leur versement au dossier de la procédure. La loi déférée les a conservées à l'identique mais les a transférées au dernier alinéa du nouvel article 30 du code de procédure pénale, dans un souci formel de cohérence dans la présentation des textes, l'article 36 étant pour sa part réécrit afin de ne faire référence qu'aux instructions individuelles adressées par les procureurs généraux aux procureurs de la République.
La seule modification apportée par la loi déférée aux dispositions réécrites au nouvel article 30 du code de procédure pénale concerne le rôle du Garde des Sceaux en matière de conduite et de coordination de l'action publique et les instructions générales d'action publique qu'il peut adresser dans ce cadre aux magistrats du ministère public. Mais ces dispositions ne sont pas critiquées par les saisines, qui ne contestent que la réitération du pouvoir d'adresser des instructions individuelles écrites et versées au dossier.
Dès lors que les recours ne mettent en cause que des dispositions qui se bornent à reproduire celles qui étaient en vigueur à la date d'adoption de la loi, les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions pourrait être utilement discutée ne sont pas réunies en l'espèce (décision n°2002-464 DC du 27 décembre 2002 ; décision n°2003-475 DC du 24 juillet 2003).
2/ En second lieu, et en tout état de cause, les critiques adressées au pouvoir du Garde des Sceaux d'adresser des instructions individuelles ne sont pas fondées.
Les dispositions en cause ne méconnaissent, en effet, aucune disposition constitutionnelle, et notamment pas l'article 66 de la Constitution. Elles ne portent pas davantage atteinte à la séparation des pouvoirs, mais traduisent simplement le caractère hiérarchisé du ministère public dont les magistrats sont placés sous l'autorité du ministre de la justice, ainsi que l'indique l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et qu'en témoigne l'article 65 de la Constitution.
Au demeurant, cette autorité exercée par le Garde des Sceaux à l'égard des magistrats du parquet présente un caractère très particulier, qui est sans rapport avec le pouvoir hiérarchique exercé, dans la ligne de l'article 20 de la Constitution, par les autres ministres sur leur administration. Les magistrats du parquet conservent en toute hypothèse leur liberté de parole ; ils disposent de pouvoirs propres que le ministre ne peut exercer par substitution ; ils ne peuvent recevoir d'instructions négatives comme ordonner le classement sans suite d'une procédure ; les instructions qui leur sont adressées doivent être écrites et sont versées au dossier de la procédure. Par ailleurs, ils bénéficient en matière d'avancement ou de sanction disciplinaire de la garantie tirée de l'intervention du Conseil supérieur de la magistrature.
Dans ces conditions, la conformité à la Constitution des termes du nouvel article 30 du code de procédure pénale n'apparaît pas douteuse ; elle n'avait d'ailleurs pas été mise en cause par le Conseil constitutionnel lorsqu'il a statué sur la loi du 24 août 1993 (décision n°93-326 DC du 11 août 1993).

IV/ Sur l'article 137
A/ L'article 137 de la loi déférée insère une section au code de procédure pénale relative à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Les parlementaires auteurs des recours contestent ces nouvelles dispositions de procédure pénale au motif qu'elles seraient contraires aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 66 de la Constitution et qu'elles porteraient atteinte au principe constitutionnel des droits de la défense. Ils estiment que la nouvelle procédure ne présenterait pas un caractère juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties dans le procès et mettent en cause la procédure d'homologation, notamment l'absence de caractère public de l'audience. Ils soutiennent, en outre, que les dispositions adoptées par le législateur porteraient atteinte à la présomption d'innocence et au principe d'égalité.
B/ Ces différents griefs ne pourront être retenus par le Conseil constitutionnel.
1/ Les dispositions introduites au code de procédure pénale par l'article 137 de la loi déférée permettent au procureur de la République, pour des délits punis jusqu'à 5 ans d'emprisonnement, de proposer à l'auteur des faits qui reconnaît sa culpabilité une peine pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement d'une durée maximale égale à la moitié de la peine encourue sans pouvoir dépasser un an. En cas d'accord de l'auteur des faits, la peine doit faire l'objet d'une homologation par le président du tribunal de grande instance ou un magistrat par lui délégué. Si l'homologation est prononcée, la peine est alors exécutoire comme en cas de jugement.
Cette nouvelle procédure vise, de même que la procédure de composition pénale, à améliorer le fonctionnement des juridictions correctionnelles, à diminuer les délais de jugement et à conduire au prononcé de peines mieux adaptées et plus efficaces car acceptées par l'auteur du délit. Elle permettra d'augmenter la capacité de réponse pénale face à l'accroissement des contentieux délictuels et de conduire à soumettre à des magistrats du siège des affaires qui ne faisaient jusqu'alors l'objet que d'un traitement par le seul ministère public. Elle a vocation à être mise en oeuvre dans les cas de faits simples et reconnus, pour lesquels le prévenu est prêt à assumer une peine dès lors qu'elle intervient rapidement. Elle ne peut être mise en oeuvre si les faits ont été commis par un mineur, si le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par le juge d'instruction ou encore s'il s'agit de délits de presse, d'homicides involontaires, de délits qualifiés de politiques (par exemple la trahison ou l'espionnage) ou de délits dont la poursuite est prévue par une loi spéciale.
2/ Cette procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité n'est pas contraire à l'article 66 de la Constitution et elle ne méconnaît pas la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.
Il importe de souligner à cet égard que la décision finale revient à un magistrat du siège. Selon l'article 459-9 du code de procédure pénale, si l'intéressé accepte la proposition de peine formulée par le procureur de la République, il est présenté au président du tribunal de grande instance ou au magistrat délégué par lui aux fins d'homologuer la proposition. Le magistrat du siège entend l'intéressé assisté de son avocat. Il lui appartient de vérifier la réalité des faits ainsi que leur qualification juridique. Il statue sur la demande d'homologation par une ordonnance motivée, laquelle est lue publiquement en cas d'homologation.
Il va de soi que si le magistrat du siège, après avoir vérifié les faits, n'était pas convaincu de la culpabilité de l'intéressé, il ne saurait homologuer la proposition du procureur de la République. Il ne saurait davantage le faire s'il estime que la qualification juridique des faits ne correspond pas à la réalité des faits commis - qu'il s'agisse par exemple d'un délit puni de plus de cinq ans d'emprisonnement ou d'un délit exclu du champ d'application de la procédure -. Selon l'article 495-11, son ordonnance doit être motivée par la constatation que la personne, en présence de son avocat, reconnaît les faits qui lui sont reprochés ; il appartient ainsi au juge de vérifier la sincérité de cette reconnaissance de culpabilité et de constater l'acceptation de la ou des peines proposées. Il incombe encore au juge, selon l'article 495-11, de constater que cette ou ces peines sont justifiées au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; si le juge estime la peine trop sévère ou au contraire insuffisante, il ne l'homologuera pas. Il peut encore refuser l'homologation s'il estime que la nature des faits ou la personnalité de l'intéressé ou les intérêts de la victime sont de nature à justifier un procès public et contradictoire. Un refus d'homologation peut encore intervenir parce qu'il n'aurait pas été procédé à l'information et la convocation de la victime ou parce que celle-ci ne serait pas présente. On peut ajouter qu'aucun recours n'est ouvert au parquet en cas de refus d'homologation.
Une telle intervention d'un magistrat du siège satisfait pleinement aux exigences constitutionnelles qui avaient été rappelées à propos de la procédure d'injonction pénale (décision n°95-360 DC du 2 février 1995).
3/ La procédure ne porte pas davantage atteinte à la présomption d'innocence garantie par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou au principe constitutionnel des droits de la défense.
La mise en oeuvre de cette procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité implique nécessairement que l'intéressé ait commis l'infraction pour laquelle il est poursuivi. Le législateur a veillé à ce que l'intervention du magistrat du siège le conduise, avant de procéder à l'homologation, à vérifier la réalité des faits ainsi que leur qualification juridique. Le magistrat du siège qui ne serait pas convaincu de la culpabilité de l'intéressé devra refuser l'homologation de la ou des peines proposées par le procureur de la République.
Le législateur a, en outre, institué de nombreuses garanties destinées à s'assurer que la reconnaissance de culpabilité par l'intéressé procède d'un choix libre, éclairé et non équivoque. On doit relever que la procédure, en particulier, ne peut être mise en oeuvre à l'égard d'un mineur.
Ainsi, la personne à qui est proposée une peine doit obligatoirement être assistée par un avocat lorsqu'elle déclare reconnaître devant le procureur de la République les faits reprochés, qu'elle reçoit la proposition de peine faite par le procureur de la République, et qu'elle déclare ou non donner son accord. Elle ne peut renoncer à l'assistance de cet avocat, qui peut librement communiquer avec son client et consulter immédiatement le dossier. On peut relever, à cet égard, la différence avec la procédure de composition pénale pour laquelle l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire.
L'intéressé peut, en outre, demander à bénéficier d'un délai de dix jours avant de donner ou de refuser son accord. Il doit être averti de ce droit. Cet accord doit être réitéré par l'intéressé en présence de son avocat devant le juge chargé d'homologuer ou non la proposition de peine, qui les entend en chambre du conseil, hors la présence du procureur de la République. On peut relever, là aussi, que la procédure de composition pénale ne prévoit pas la présentation obligatoire devant le juge chargé de valider la proposition.
En cas d'homologation, l'intéressé dispose d'un délai de dix jours pour faire appel, comme il en aurait le droit s'il avait été condamné par le tribunal correctionnel selon la procédure de droit commun. S'il estime ainsi, après réflexion, avoir accepté une peine trop sévère ou s'il entend revenir sur sa reconnaissance de culpabilité, il peut donc bénéficier d'un procès public et contradictoire devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel. L'appel dans les dix jours peut naturellement être exercé même si l'intéressé a bénéficié du délai de dix jours avant de donner son accord.
En cas de refus d'homologation, l'article 495-14 du code de procédure pénale prévoit que le procès-verbal de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et que ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure. Le parquet ne dispose d'aucun recours pour contester un refus d'homologation.
4/ L'institution de la procédure prévue par l'article 137 de la loi déférée ne porte pas davantage atteinte au principe d'égalité.
Le principe d'égalité devant la justice ne conduit en effet pas une uniformité de la procédure pénale. Il n'interdit pas au législateur d'envisager diverses formes de réponse pénale, le cas échéant applicables aux mêmes infractions. A cet égard, on doit relever qu'il appartient au ministère public d'apprécier, au vu des circonstances propres à chaque affaire, la suite qu'il entend donner aux infractions portées à sa connaissance. Il peut choisir de ne pas mettre en mouvement l'action publique, avec ou sans mesure alternative, en vertu des articles 40 et suivants du code de procédure pénale. S'il décide de poursuivre, la loi lui ouvre le choix entre différentes procédures et entre diverses modalités de saisine de la juridiction de jugement.
Le Conseil constitutionnel n'a pas jugé contraire à la Constitution l'institution récente de nouvelles procédures pénales. Il a admis qu'il est loisible au législateur de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense (décision n°86-215 DC du 3 septembre 1986 ; décision n°2002-461 DC du 29 août 2002). De fait, ont été créées la procédure d'ordonnance pénale existant en matière contraventionnelle depuis la loi n°72-5 du 3 janvier 1972 et modifiée à plusieurs reprises (voir notamment les lois n°92-1336 du 16 décembre 1992 et n°93-913 du 19 juillet 1993), la procédure de composition pénale instituée par la loi n°99-515 du 23 juin 1999, dans le respect des principes énoncés par la décision n°95-360 DC du 2 février 1995, la procédure d'ordonnance pénale délictuelle applicable aux délits prévus par le code de la route résultant de la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 (V. la décision n°2002-461 DC du 29 août 2002).
Au cas d'espèce, les différences de procédure ne procèdent pas de discriminations injustifiées et les garanties apportées par le législateur assurent le respect d'un procès juste et équitable, respectueux du principe des droits de la défense.
5/ Les modalités fixées par le législateur pour cette procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, s'agissant du caractère public des audiences ou de la place des victimes, ne méconnaissent aucune règle ni aucun principe à valeur constitutionnelle.
a) Le législateur a prévu que l'audience d'homologation se tiendrait en chambre du conseil en séance non publique. L'ordonnance d'homologation, en revanche, fera l'objet d'une lecture publique. Ce choix est principalement motivé par des considérations tenant aux droits du prévenu. En effet, en cas de refus d'homologation, il serait difficile, si l'audience était publique, d'interdire à quiconque de faire état devant le tribunal correctionnel, alors saisi selon la procédure de droit commun, des déclarations faites par le prévenu à l'audience. C'est pour garantir le respect des droits de la défense que le législateur a prévu que le procès-verbal de la procédure ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement et a interdit au ministère public et aux parties de faire état devant cette juridiction des déclarations du prévenu ou des documents remis au cours de la procédure. Le caractère non public de l'audience d'homologation est le corollaire de cette interdiction ; il participe du respect des droits de la défense.
On doit en outre relever, à ce propos, qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose la tenue d'une audience publique avant le prononcé de chaque décision de justice. Au surplus, et d'ailleurs, le dispositif prévu par le législateur n'apparaît pas méconnaître les termes de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme qui garantit le droit de toute personne poursuivie de bénéficier d'un procès public, mais sans obliger cette personne à être jugée publiquement. Au cas présent, le droit de l'intéressé à bénéficier d'un procès public n'est pas remis en cause, dans la mesure où il sait que l'audience d'homologation a lieu en chambre du conseil et qu'il peut toujours, utilement conseillé sur ce point par son avocat, refuser la procédure pour être alors jugé publiquement dans le cadre de la procédure de droit commun.
On peut, au surplus, rappeler que le magistrat du siège pourra refuser l'homologation de la ou des peines proposées s'il estime que les circonstances de l'affaire justifient un procès public et contradictoire devant le tribunal correctionnel.
On peut, enfin, relever que la procédure de composition pénale et celle de l'ordonnance pénale applicable en matière correctionnelle ne prévoient pas la tenue d'audiences publiques.
b) S'agissant de la situation des victimes, on doit relever que l'article 495-13 du code de procédure pénale résultant de la loi déférée apporte les garanties suivantes.
En premier lieu, lorsque la victime de l'infraction est identifiée, elle doit être informée sans délai et par tout moyen de la procédure. Elle est invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits, accompagnée le cas échéant de son avocat, devant le magistrat du siège pour se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice. Le magistrat du siège statue sur cette demande, même dans le cas où la partie civile n'a pas comparu à l'audience, mais a présenté une demande d'indemnisation au cours de l'enquête. La partie civile peut faire appel de l'ordonnance. En principe donc, de la même manière que la victime est avisée de la date de l'audience de comparution immédiate pour être présente au jugement, elle sera avisée de la comparution de la personne devant le juge saisi pour homologuer la peine proposée. L'absence de la victime lors de la comparution de l'auteur des faits devant le magistrat du siège peut le conduire à refuser l'homologation, s'il estime que les droits de cette dernière n'ont pas été respectés. Par ailleurs, les propos de la victime lors de l'audience d'homologation, si elle y est présente, pourront conduire le juge à refuser l'homologation, en considérant soit que la peine proposée par le procureur de la République et acceptée par l'auteur des faits n'est pas assez sévère, soit que les circonstances de l'affaire justifient un procès public et contradictoire devant le tribunal correctionnel.
En second lieu, si la victime n'a pu exercer ses droits devant le magistrat du siège, soit qu'elle n'ait pas été prévenue à temps, soit qu'elle n'ait pu se déplacer, le procureur de la République doit l'informer de son droit de lui demander de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel, dont elle sera avisée de la date, pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal statuera alors sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat.
A cet égard, la situation de la victime apparaît plus favorable dans cette procédure que dans celle de la composition pénale et l'est également par rapport au jugement devant le tribunal correctionnel, saisi en comparution immédiate ou selon un autre mode : dans le cas de la composition pénale, il appartient en effet à la victime de citer elle-même l'auteur de l'infraction devant la juridiction et dans le cas du jugement devant le tribunal correctionnel, si la victime est absente et n'a pu faire valoir ses droits lors du procès pénal, elle ne peut alors qu'engager une procédure devant les juridictions civiles.
En tout état de cause, on peut indiquer qu'en pratique, comme cela a d'ailleurs été le cas en matière de composition pénale et comme le préconisera le Garde des Sceaux par circulaire, la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure concernera le plus souvent des affaires pour lesquelles il n'y a pas de victime, ou bien des affaires où le préjudice de la victime a été réparé au cours de l'enquête, ou bien des affaires où la victime n'est pas identifiée ni identifiable, ou bien encore des cas où la victime a fait connaître lors de l'enquête qu'elle ne souhaitait pas comparaître devant une juridiction mais qu'elle demandait réparation en application de l'article 420-1 du code de procédure pénale - demande sur laquelle le juge chargé de l'homologation pourra statuer en son absence comme l'aurait fait le tribunal s'il avait été saisi -.

***
Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les parlementaires requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.

loi déférée a décidé d'avancer cette intervention à la 1ère heure (pour la destruction, dégradation et détérioration en bande organisée, pour l'association de malfaiteurs en vue de commettre des infractions non visées à l'article 706-73 et l'extorsion de fonds aggravée). Pour les faits de terrorisme ou de trafic de stupéfiants, l'intervention de l'avocat demeure à la 72ème heure sans changement par rapport au droit en vigueur. Ce n'est que pour les infractions d'enlèvement en bande organisée, de proxénétisme aggravé, de vol en bande organisée, d'extorsion en bande organisée ou entraînant la mort ou d'association de malfaiteurs pour des infractions visées à l'article 706-73, que la loi déférée a reporté l'intervention de l'avocat de la 36ème heure à la 48ème heure. En procédant à ces aménagements limités pour des raisons tenant à la cohérence des procédures, le législateur n'a pas privé de garanties légales des exigences constitutionnelles.
Il faut relever, aussi, que la personne a, en tout état de cause, le droit de demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation exceptionnelle de la garde à vue après 48 heures et qu'elle pourra s'entretenir à nouveau avec un avocat à la 72ème heure. Ces droits lui sont expressément notifiés après la prolongation. Ce n'est ainsi qu'en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants que, comme c'est le cas depuis la loi du 1er février 1994, déclarée sur ce point conforme à la Constitution (décision n°93-334 DC du 20 janvier 1994), l'entretien avec l'avocat aura lieu à la 72ème heure.
c) Enfin, la garde à vue des mineurs de seize à dix-huit ans fait l'objet de dispositions particulières introduites à l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 par le VI de l'article 14 de la loi déférée. Contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions particulières limitent le champ de la garde à vue pour les mineurs et mettent en oeuvre, à cet égard, le principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à la justice des mineurs (décision n°2002-461 DC du 29 août 2002).
Il faut rappeler que, de manière générale, les dispositions du code de procédure pénale sont applicables aux mineurs comme aux majeurs, sauf si l'ordonnance du 2 février 1945 en dispose autrement soit pour écarter l'application de telle disposition, soit pour en aménager les conditions d'application à l'égard des mineurs. En matière de garde à vue, les dispositions spéciales figurant à l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 précisent ainsi que les mineurs de moins de treize ans ne peuvent être placés en garde à vue, que les mineurs d'au moins treize ans peuvent faire l'objet d'une garde à vue mais qu'ils ont droit à un avocat dès le début de la garde à vue, que la prolongation de la garde à vue exige la présentation devant le magistrat compétent, que les auditions doivent être enregistrées. En l'état du droit en vigueur, les mineurs de plus de treize ans ne peuvent ainsi faire l'objet d'une garde à vue susceptible d'être prolongée pendant quatre jours, sauf en matière de trafic de stupéfiants.
Le VI de l'article 14 de la loi déférée complète l'article 4 de l'ordonnance de 1945. Son paragraphe VII prévoit certes qu'une garde à vue de quatre jours pourra être appliquée à des mineurs, au-delà du seul cas de trafic de stupéfiants, pour les infractions de criminalité et de délinquance organisées les plus graves. L'avocat interviendra dès le début de garde à vue, puis toutes les 24 heures. Mais la loi précise que cette garde à vue de quatre jours ne pourra concerner que les mineurs de plus de seize ans, sous la condition qu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou plusieurs personnes majeures ont participé comme auteurs ou complices à la commission de l'infraction. Si aucune précision n'avait été apportée par la loi, les dispositions de l'article 706-88 du code de procédure pénale auraient été applicables aux mineurs de plus de treize ans sans restrictions : elles auraient concerné les mineurs de treize à seize ans ainsi que les mineurs entendus dans les affaires ne mettant pas en cause des majeurs. En tout état de cause, on doit souligner que la possibilité de garder à vue pendant quatre jours un mineur de plus de 16 ans, décidée par le juge compétent, ne sera utilisée que de façon tout à fait exceptionnelle, dans les cas où le justifient la particulière dangerosité du mineur ou l'absolue nécessité de continuer l'enquête pendant encore un ou deux jours.
Il faut, enfin, relever que la condition liée à la participation de majeurs à la commission de l'infraction ne traduit pas une violation du principe d'égalité devant la loi. La circonstance que des majeurs sont impliqués dans des comportements criminels ou délictueux conduit, en effet, à des agissements d'une plus grande gravité et d'une dangerosité supérieure. On constate, de fait, une augmentation sensible des affaires de terrorisme ou de trafic de stupéfiants dans lesquelles des bandes de malfaiteurs dirigées par des majeurs utilisent des mineurs pour préparer la commission des infractions. Ces agissements ne sont objectivement pas de même nature que des comportements ne mettant en cause que des mineurs. Cette différence objective de situation justifie la différence de traitement instituée par le législateur.
On peut ajouter, d'une part, que l'intérêt général qui s'attache au bon déroulement des enquêtes ainsi qu'à la protection des mineurs de représailles susceptibles d'émaner de majeurs impliqués peut plaider pour des prolongations exceptionnelles de garde à vue permettant l'interpellation des coauteurs ou complices. D'autre part, il peut être souligné que la procédure pénale connaît déjà des hypothèses dans lesquelles le fait que soient impliqués des majeurs et des mineurs ou uniquement des mineurs emporte des conséquences juridiques différenciées. Ainsi, s'il s'agit d'une affaire nécessitant, après l'enquête, la poursuite des investigations sous le contrôle d'un magistrat du siège, cela conduira à saisir un magistrat instructeur, alors que si les faits n'avaient été commis que par des mineurs l'information pouvait être confiée au juge des enfants.
4/ En ce qui concerne, en quatrième lieu, les perquisitions, la loi déférée a entendu renforcer la cohérence des règles actuelles qui, à la suite des nombreuses réformes intervenues ces dernières années, étaient devenues particulièrement complexes, sans toujours concilier au mieux l'exercice des libertés constitutionnellement garanties avec l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions.
Les nouvelles dispositions modifient, d'une part, les règles générales applicables aux perquisitions de jour dans le cadre des procédures de droit commun d'enquête de flagrance et d'enquête préliminaire. D'autre part, et surtout, elles ont pour objet d'unifier le régime des perquisitions de nuit en matière d'infractions de criminalité et de délinquance organisées visées à l'article 706-73 du code de procédure pénale, en étendant à l'ensemble de ces infractions les règles prévalant aujourd'hui en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants et d'infractions à la législation sur les armes. Ces modifications sont apportées par les articles 1er, 14 et 77 de la loi déférée ; elles ont permis l'abrogation, par l'article 14 de la loi, de tout ou partie des actuels articles 76-1, 706-24, 706-24-1 et 706-28 du code de procédure pénale.
a) Les modifications de portée générale - c'est à dire qui ne sont pas limitées aux infractions de criminalité ou de délinquance organisées de l'article 706-73 - apportées aux règles relatives aux perquisitions de jour pouvant intervenir sans l'assentiment de la personne découlent de la modification de l'article 76 du code de procédure pénale sur l'enquête préliminaire et de la modification de l'article 53 du même code relatif à l'enquête de flagrance, modifications qui résultent des articles 14 et 77 de la loi déférée.
Contrairement à ce qui est soutenu, ces modifications ne portent pas d'atteinte excessive aux droits constitutionnellement garantis.
En premier lieu, il faut relever que l'exécution d'une perquisition sans le consentement de la personne intéressée est subordonnée à une décision motivée du juge des libertés et de la détention et est soumise à des conditions définies strictement par la loi. Ainsi, l'article 76 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi déférée précise qu'il appartient au juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur de la République, d'autoriser qu'une perquisition soit effectuée sans l'assentiment de la personne intéressée, à la condition que soit en cause un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement - ce qui traduit d'ailleurs une exigence supplémentaire par rapport à la condition actuellement mise par l'article 76-1 du code de procédure pénale en matière d'infractions sur les armes dont certaines ne sont punies que de trois ans d'emprisonnement -. Les conditions de fond et de forme mises à cette autorisation à peine de nullité de la procédure sont les mêmes que celles prévues par les articles 706-92 et 706-93 pour les perquisitions de nuit.
On peut observer que cette modification a pour objectif d'éviter l'ouverture d'une information dans le seul but de procéder sur commission rogatoire à une perquisition chez une personne qui refuse de donner son assentiment à une telle opération et qu'elle offre des garanties plus importantes que celles qui prévalent dans le cadre de l'information. En effet, si dans les deux cas la perquisition ne peut se faire qu'avec l'autorisation d'un magistrat du siège, celle prévue par le dernier alinéa de l'article 76 exige une autorisation motivée en fait et en droit et concernant un lieu déterminé alors que les commissions rogatoires ne sont pas motivées et n'ont pas à préciser chacun des lieux dans lesquels les enquêteurs seront autorisés à perquisitionner.
En second lieu, on doit souligner que la possibilité de prolonger la durée de l'enquête de flagrance ne constitue pas une rupture dans l'évolution récente de la procédure pénale. Jusqu'à la loi du 23 juin 1999, la durée maximale de l'enquête de flagrance n'était pas limitée par la loi et l'on estimait, en l'absence de jurisprudence, qu'une enquête de flagrance pouvait durer d'une à deux semaines selon la gravité des faits. La loi du 23 juin 1999 a fixé la durée maximale de l'enquête de flagrance à huit jours. La loi déférée permet aujourd'hui au procureur de la République de décider une prolongation de l'enquête de flagrance pendant 8 jours - soit 16 jours au total -, mais sous les conditions qu'il s'agisse d'un crime ou d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et que les investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne puissent être différées. Ces conditions sont prescrites à peine de nullité de la procédure.
Au vu de ces précisions, les modifications apportées par le législateur sur le régime des perquisitions de jour ne méconnaissent aucune disposition constitutionnelle et ne portent pas, eu égard aux limites imparties et aux règles fixées, d'atteinte excessive aux droits constitutionnellement protégés.
b) Les règles spéciales applicables aux perquisitions de nuit en matière d'infractions de criminalité et de délinquance organisées sont, pour leur part, fixées par les nouveaux articles 706-89 à 706-93 du code de procédure pénale. Les articles 706-89, 706-90 et 706-91 traitent successivement des hypothèses de l'enquête de flagrance, de l'enquête préliminaire et de l'instruction, en limitant de façon différente les possibilités de perquisitions selon le cadre procédural concerné, de façon à respecter strictement les exigences constitutionnelles (V. notamment la décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996). Les articles 706-92 et 706-93 prévoient en outre des garanties communes applicables dans les trois hypothèses. Compte tenu des garanties apportées par le législateur, les nouvelles dispositions seront jugées conformes à la Constitution.
Dans tous les cas, les perquisitions de nuit ne sont possibles que « si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent », c'est à dire s'il n'est pas possible d'attendre le lendemain matin à 6 heures pour procéder à l'opération - par exemple parce que des éléments d'information laissent présumer que des événements doivent intervenir au cours de la nuit -. A cette exigence spécialement rappelée par les articles 706-89 à 706-91 s'ajoutent d'ailleurs les prescriptions générales de l'article préliminaire du code de procédure pénale, selon lequel les mesures de contrainte dont peut faire l'objet une personne suspectée doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction.
L'article 706-89, applicable à l'enquête de flagrance, permet les perquisitions de nuit sur autorisation du juge des libertés et de la détention, saisi sur requête du procureur de la République. Il s'agit de l'extension aux infractions visées à l'article 706-73 des dispositions du 2ème alinéa de l'article 706-24 issues de la loi du 22 juillet 1996 et alors déclarées conformes à la Constitution par la décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996.
L'article 706-90, applicable à l'enquête préliminaire, permet les perquisitions de nuit sur autorisation du juge des libertés et de la détention, saisi sur requête du procureur de la République, uniquement lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation. Il s'agit de l'extension des dispositions du 2ème alinéa de l'article 76-1 et de l'article 706-24, issues de la loi du 15 novembre 2001, qui permettent des perquisitions de nuit dans des lieux tels que des caves ou des locaux professionnels, mais maintiennent de façon absolue l'interdiction de perquisitionner un domicile.
L'article 706-91, applicable à l'instruction, permet au juge d'instruction d'autoriser des perquisitions de nuit à condition que ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation. Les perquisitions ne peuvent concerner ces locaux que s'il y a urgence et que l'une des trois conditions suivantes est remplie : crime ou délit flagrant, risque immédiat de disparition des preuves ou d'indices matériels, existence d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu sont en train de commettre des crimes ou des délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73. Ces conditions sont l'exacte reprise de celles actuellement prévues par l'article 706-24-1 en matière de terrorisme et respectent les exigences rappelées par le Conseil constitutionnel dans la décision du 16 juillet 1996.
On doit souligner, de plus, que sont applicables aux autorisations délivrées par le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction les règles de forme énoncées aux actuels articles 706-24 et 706-24-1. Ces autorisations doivent ainsi être données pour des perquisitions déterminées et faire l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites. L'ordonnance doit être motivée et justifier de la nécessité des opérations. Les règles procédurales sont prescrites à peine de nullité et l'on peut rappeler que les nullités en matière de perquisition présentent, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, un caractère d'ordre public. L'article 706-92 précise enfin que ces opérations doivent être faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, lequel peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.
Il résulte des précisions apportées par le législateur que les garanties entourant les perquisitions de nuit, fixées par la loi déférée, sont identiques ou supérieures à celles qui prévalent actuellement pour les régimes en vigueur. Elles permettent ainsi d'assurer pleinement le respect des principes de nécessité et de proportionnalité des peines et sont de nature à prévenir toute atteinte injustifiée à l'inviolabilité du domicile.
5/ S'agissant des correspondances émises par la voie des télécommunications, l'article 706-95 du code de procédure pénale issu de l'article 1er de la loi déférée permet, pour les infractions relevant de l'article 706-73, leur interception, leur enregistrement et leur transcription dans le cadre de l'enquête.
En l'état du droit, de telles interceptions ne sont possibles que dans le cadre d'une instruction judiciaire. Les nouvelles dispositions visent à éviter l'ouverture d'informations judiciaires qui s'avèreraient inutiles et à vérifier la pertinence d'une telle ouverture au vu des premiers éléments d'enquête communiqués au procureur de la République.
On doit indiquer, en premier lieu, que les dispositions du nouvel article 706-95 ne peuvent être jugées contraires à l'article 66 de la Constitution. Il résulte, en effet, des dispositions mêmes adoptées par le législateur que l'interception ne peut être décidée que par le juge des libertés et de la détention ; pour autoriser la mise en place de la mesure et son éventuel renouvellement, ce dernier ne peut, de plus, être saisi que par le procureur de la République.
On doit relever, en second lieu, que la durée des interceptions est limitée à une période de 15 jours renouvelable une seule fois. S'appliquent par ailleurs les dispositions des articles 100 alinéa 2, 100-1, 100-3 à 100-7 du code de procédure pénale résultant de la loi du 10 juillet 1991. Ainsi la décision d'interception doit-elle être écrite et comporter tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter, l'infraction qui motive le recours à l'interception ainsi que la durée de celle-ci ; le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire commis par lui ne peut requérir que des agents qualifiés qui participent au service public des télécommunications pour l'installation du dispositif d'interception ; seules les correspondances utiles à la manifestation de la vérité font l'objet d'une transcription par procès-verbal qui est versée au dossier de la procédure ; les enregistrements sont détruits à la diligence du procureur de la République ou du procureur général à l'issue du délai de prescription de l'action publique ; les modalités spécifiques d'interception de la ligne de certaines personnes, notamment les avocats, sont applicables. Compte tenu de ces garanties, les dispositions législatives nouvelles ne portent pas d'atteinte excessive au respect de la vie privée.
6/ Les articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale résultant de la loi déférée prévoient et organisent la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement des paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel dans les lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé.
De telles mesures d'investigation s'avèrent indispensables au démantèlement des groupes criminels organisés en ce que les enregistrements obtenus dans les conditions prévues par les articles 706-96 à 706-102 pourront être utilisés pour administrer la preuve des infractions, ce qui n'est aujourd'hui pas possible à défaut de dispositions légales. On peut noter que la législation de la grande majorité des pays européens prévoit le recours à de tels dispositifs. Régulièrement sollicitées dans le cadre de l'entraide pénale internationale, en particulier par la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie, les autorités judiciaires françaises ne peuvent, faute de cadre légal, répondre favorablement à ces demandes qui concernent le plus fréquemment des sonorisations de véhicules utilisés par des trafiquants de stupéfiants ou par des membres de réseaux de traite des êtres humains.
Compte tenu des garanties de procédure et de fond précisées par le législateur, le grief tiré d'une atteinte excessive au respect de la vie privée ne pourra qu'être écarté.
Les sonorisations et fixations d'images ne pourront, en effet, être ordonnées que pour les infractions visées à l'article 706-73 et à la condition que les nécessités de l'information le justifient. La décision doit être prise par le juge d'instruction, après avis du procureur de la République, pour toute sonorisation et fixation d'image nécessitant l'introduction, y compris hors des heures prévues à l'article 59, dans un véhicule ou lieu privé et par le juge des libertés et de la détention saisi par le juge d'instruction pour toute sonorisation et fixation d'image nécessitant l'introduction, dans un lieu d'habitation et hors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale. La décision est prise par ordonnance motivée et doit comporter tous les éléments d'identification des véhicules ou lieux privés ou publics, l'infraction qui motive le recours à la mesure ainsi que la durée de la mesure. Un procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du dispositif technique et des opérations de captation, fixation et enregistrement sonore ou audiovisuel est dressé et les enregistrements sont placés sous scellés fermés. Seules les images ou conversations enregistrées utiles à la manifestation de la vérité sont décrites ou transcrites. Les enregistrements sonores ou audiovisuels sont détruits à la diligence du procureur de la République ou du procureur général à l'issue du délai de prescription de l'action publique.
En outre, le législateur a précisé que les lieux visés aux articles 56-1 (cabinet d'avocat), 56-2 (locaux d'une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle) et 56-3 (cabinet d'un médecin, d'un notaire, d'un avoué, ou d'un huissier) du code de procédure pénale ne peuvent faire l'objet d'un dispositif de sonorisation ou de fixation d'images. Le véhicule, le bureau et le domicile des personnes visées à l'article 100-7 du code de procédure pénale, notamment les avocats, ne peuvent davantage faire l'objet d'un tel dispositif.
Enfin, on doit relever que la durée de la mesure est fixée à 4 mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée, c'est à dire par décision motivée du magistrat compétent s'il estime que les nécessités de l'information le justifient toujours. On peut d'ailleurs noter que l'exigence de motivation constitue une garantie supplémentaire par rapport aux interceptions de correspondances émises par voie de télécommunication à l'initiative du juge d'instruction (articles 100 et suivants du code de procédure pénale, issus de la loi du 10 juillet 1991) qui connaît une procédure analogue de renouvellement, autant de fois qu'il est nécessaire à la poursuite de l'information (article 100-2 du code de procédure pénale).

II/ Sur l'article 48
A/ L'article 48 de la loi déférée insère un chapitre au code de procédure pénale relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, application automatisée d'informations nominatives tenue par le service du casier judiciaire et destinée à prévenir le renouvellement d'infractions sexuelles et à faciliter l'identification de leurs auteurs.
Selon les auteurs des recours, ces dispositions méconnaîtraient les termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, porteraient une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et seraient contraires au principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif au droit pénal spécial des mineurs.
B/ Ces critiques ne sont pas fondées.
1/ Il convient, en premier lieu, de rappeler les constats qui sont à l'origine de la création par le législateur, à titre de mesure de sûreté, de ce fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.
On constate, d'abord, un taux notable de récidive des auteurs d'infractions sexuelles (6 % de récidive dans les 5 ans suivants la condamnation). La nature et la gravité des infractions sexuelles justifient que les pouvoirs publics mettent en oeuvre des moyens appropriés pour prévenir cette récidive, d'autant qu'il n'est pas rare que la récidive se traduise par des infractions de plus en plus graves. Cette spécificité des infractions sexuelles a d'ailleurs déjà conduit le législateur à intervenir pour créer des mesures de suivi socio-judiciaire et pour instituer le fichier national automatisé des empreintes génétiques qui, à l'origine, ne concernait que les infractions sexuelles.
Or on doit admettre que les dispositifs actuels pour prévenir la récidive demeurent insuffisants. En particulier, il n'est aujourd'hui pas possible de connaître, au-delà d'un certain délai après la condamnation de l'auteur d'une infraction sexuelle et de l'exécution de sa peine, le passé pénal de l'intéressé ou de connaître son adresse. Ces informations ne sont pas davantage disponibles lorsque la personne a été condamnée mais a exercé une voie de recours, plusieurs années pouvant s'écouler avant que la condamnation ne devienne définitive. Il en est de même si la personne fait simplement l'objet d'une instruction. De telles informations ne sont pas disponibles parce que ni le casier judiciaire ni les fichiers de police judiciaire n'ont pour objet de les conserver ou de permettre leur exploitation opérationnelle.
Pourtant, ces informations peuvent se révéler particulièrement utiles, pour permettre à l'autorité judiciaire et à la police judiciaire de procéder à l'élucidation rapide de nouvelles agressions, grâce notamment à la connaissance de l'adresse régulièrement actualisée des personnes considérées, ou à l'autorité préfectorale de savoir si une personne qui a présenté une demande d'agrément pour exercer une activité la mettant en contact de mineurs présente des antécédents d'infractions à caractère sexuel. On doit souligner, en particulier, qu'il importe dans les affaires d'enlèvement et de séquestration de pouvoir procéder le plus rapidement possible à toutes les recherches utiles pour espérer retrouver vivante la victime.
2/ Eu égard à l'objet du fichier, le grief articulé par les saisines et tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur la nécessité des peines est inopérant.
En effet, l'inscription au fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ne présente nullement le caractère d'une sanction. Le fichier répond à un objectif de sûreté et s'inscrit dans le cadre de mesures de police. Il vise à permettre l'élucidation d'affaires nouvelles et à éviter que certains agréments administratifs soient délivrés alors que l'autorité administrative n'aurait pas disposé des informations appropriées.
3/ La constitution du fichier ainsi que ses modalités de gestion ne portent pas d'atteinte excessive au respect de la vie privée, compte tenu des garanties édictées par le législateur.
En premier lieu, le fichier constitue, comme le casier judiciaire, un fichier « judiciaire » dans la mesure où les informations qui y figurent résultent de décisions prises par l'autorité judiciaire et ayant considéré que la personne avait effectivement commis un crime ou un délit de nature sexuelle, à la différence des fichiers de police judiciaire qui comportent mention d'actes accomplis par les enquêteurs. La mise en oeuvre du fichier est, de surcroît, confiée à un magistrat, le chef du service du casier judiciaire.
En deuxième lieu, seuls sont concernés les auteurs d'infractions sexuelles graves mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, c'est à dire les crimes de nature sexuelle ou commis contre les mineurs (punis d'au moins 15 ans de réclusion criminelle), les agressions sexuelles ou atteintes sexuelles (punies d'au moins 5 ans d'emprisonnement), ou les actes de pédopornographie (punis d'au moins 3 ans d'emprisonnement) ; en revanche, le délit d'exhibition sexuelle n'est pas visé, dès lors qu'il ne figure plus à l'article 706-47. En outre, l'enregistrement dans le fichier n'est automatique que pour les infractions les plus graves ; pour celles qui sont punies d'une peine inférieure ou égale à cinq ans, le dernier alinéa de l'article 706-53-2 prévoit que l'inscription dans le fichier ne peut résulter que d'une décision expresse de la juridiction ou du procureur de la République. De même, l'inscription d'une personne mise en examen et placée sous contrôle judiciaire ne peut être décidée que par le juge d'instruction. Par ailleurs, la durée maximale de conservation des informations fixée par l'article 706-53-4 dépend de la gravité des infractions concernées : 30 ans pour les crimes et les délits punis de dix ans d'emprisonnement, 20 ans dans les autres cas ; ces délais peuvent être comparés au délai de 40 ans prévu pour le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
En troisième lieu, l'enregistrement effectif dans le fichier implique que l'identité de la personne ait été vérifiée auprès du répertoire national d'identification afin d'éviter des confusions d'identité. Les informations concernant des décisions non définitives sont aussitôt supprimées si la personne bénéficie d'une levée du contrôle judiciaire, d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Conformément à l'article 706-53-10, les personnes peuvent demander à l'autorité judiciaire l'effacement du fichier des informations les concernant dès que ces mentions ne figurent plus à leur casier judiciaire, c'est à dire en pratique dès que ces personnes ont bénéficié d'une réhabilitation légale ou judiciaire (V. l'article 133-13 du code pénal et l'article 786 du code de procédure pénale). La demande d'effacement peut être successivement faite devant trois autorités différentes, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention et le président de la chambre de l'instruction ; ces magistrats doivent ordonner l'effacement si la conservation des données n'est plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier, eu égard à la nature de l'infraction, à l'âge de la personne lors de sa commission, au temps écoulé depuis lors et à la personnalité actuelle de l'intéressé.
Enfin, on doit souligner que les obligations pesant sur les personnes figurant au fichier, dépendent de la gravité des infractions commises : ce n'est qu'en cas de crime ou en cas de délit puni de dix ans d'emprisonnement (agressions ou atteintes sexuelles aggravées commises sur un mineur) que la personne est tenue de se présenter tous les six mois devant un service de police ou de gendarmerie ; dans les autres cas, la personne est seulement tenue à la justification annuelle de son domicile et à l'indication de ses changements de domicile, qui peuvent se faire par courrier. Lorsque la personne est tenue à une obligation de présentation tous les six mois, celle-ci doit s'exécuter auprès d'un service départemental, et non devant le service le plus proche de son domicile, afin d'éviter qu'elle risque d'être localement désignée comme l'auteur d'une infraction sexuelle.
4/ Eu égard à l'objet du fichier qui, comme il a été dit, ne présente pas un caractère répressif, l'invocation par les recours du principe fondamental reconnu par les lois de la République sur la justice des mineurs apparaît inopérante. Mais, en tout état de cause, on peut observer que les modalités spécifiques prévues par le législateur à l'endroit des mineurs tiennent compte de leur situation particulière.
Il est vrai que le nouveau fichier concerne les mineurs condamnés pour une des infractions sexuelles visées par l'article 706-47, y compris s'il a été prononcé à leur encontre une mesure ou une sanction éducative. On doit toutefois observer que pour les mineurs de 16 ans, bénéficiant de plein droit de l'excuse de minorité prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, les condamnations concernant des délits punis de dix ans d'emprisonnement pour les majeurs, et donc de cinq ans pour ces mineurs, ne seront inscrites, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 706-53-2, que sur décision expresse de la juridiction. Il en ira de même pour les mineurs de moins de 13 ans, qui ne peuvent encourir aucune peine d'emprisonnement et dont les condamnations ne seront inscrites au fichier que si le tribunal pour enfants le décide de façon expresse.
Il faut relever, en outre, qu'en vertu du 7 ° de l'article 769 du code de procédure pénale résultant de l'article 201 de la loi déférée, les condamnations seront supprimées du casier judiciaire du mineur trois ans après leur prononcé, sauf cas de nouvelles condamnations. A l