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Décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003 - Observations du gouvernement

Loi de finances pour 2004
Non conformité partielle

La loi de finances pour 2004, adoptée le 18 décembre 2003, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de 60 députés. A l'encontre de ce texte, les auteurs des recours invoquent différents moyens dirigés, en particulier, contre ses articles 3, 45, 59, 73, 82, 117 et 140.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I / Sur la sincérité de la loi de finances
A/ Les auteurs du recours mettent en cause la sincérité de la loi de finances. Ils font valoir que le Gouvernement aurait manqué à l'obligation de sincérité à l'occasion de la préparation de la loi de finances rectificative de l'été 2002 et de celle de la loi de finances initiale pour 2003. Ils relèvent également que la France a pris des engagements auprès des instances européennes relatifs à des mesures budgétaires devant être prises en 2004 sans que le Parlement n'en soit informé et en méconnaissance de ses prérogatives. Ils soutiennent aussi que les objectifs de dépenses arrêtés par la loi de finances ne seraient pas sincères. Ils relèvent encore que les hypothèses économiques retenues par le Gouvernement ne seraient pas cohérentes avec l'hypothèse de réduction des déficits publics. Ils font enfin valoir que le Gouvernement n'aurait pas tenu compte de réserves émises par le Conseil constitutionnel à propos de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 et de la loi de finances pour 2003.
B/ Ces différentes critiques ne sont pas fondées.
1/ En premier lieu, le Gouvernement ne peut que rappeler, ainsi qu'il a déjà été dit les années antérieures en réponse à des critiques analogues, qu'il importe de distinguer ce qui relève du débat politique de ce qui serait susceptible de mettre en cause la conformité à la Constitution de la loi de finances au regard du principe de sincérité. La fiabilité des prévisions sur lesquelles repose la loi de finances peut, sans doute, donner lieu à des débats d'experts ainsi qu'à des appréciations politiques variées. Mais d'éventuelles divergences d'appréciation politique n'emportent pas de conséquences juridiques : elles relèvent des débats du Parlement et de l'appréciation du législateur financier ; elles ne mettent pas en cause la conformité à la Constitution de la loi de la loi de finances.
En termes juridiques, seule une surévaluation manifeste et volontaire des prévisions de recettes ou une sous-estimation des dépenses pourrait donner prise à un contrôle de constitutionnalité. Ce ne serait que dans la mesure où les termes du débat parlementaire auraient été faussés par des prévisions manifestement et sciemment inexactes, dénaturant la signification du contrôle parlementaire, que la conformité à la Constitution de la loi de finances pourrait être mise en cause. C'est pourquoi le Conseil constitutionnel s'en tient en la matière à un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, prenant en considération les aléas inhérents à l'évaluation des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses (décision n°99-424 DC du 29 décembre 1999 ; décision n°2000-442 DC du 28 décembre 2000 ; décision n°2001-456 DC du 27 décembre 2001 ; décision n°2002-464 DC du 27 décembre 2002).
Au cas présent, il faut souligner que les hypothèses sur lesquelles ont été établies les prévisions de recettes et de dépenses pour l'établissement de la loi de finances pour 2004 ne peuvent être regardées comme entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Les auteurs du recours ne mettent d'ailleurs pas véritablement en cause ces évaluations, pas davantage que le cadre macro-économique qui sous-tend la construction de la loi de finances pour 2004.
Les hypothèses macro-économiques retenues dans le projet de loi de finances tablent sur une croissance française de 0,5 % en 2003 et 1,7 % en 2004. Ces prévisions rejoignent celles des instituts de conjoncture publics et privés qui prévalaient fin septembre (0,4 % en 2003 et 1,7 % en 2004 pour la moyenne des prévisions du Consensus Forecasts de septembre comme pour la moyenne des prévisions du groupe technique de la Commission Économique de la Nation réuni le 26 septembre). La publication des derniers résultats des comptes trimestriels par l'INSEE le 20 novembre 2003 et celle des résultats provisoires de l'enquête trimestrielle sur l'activité et les conditions d'emploi de la main d'oeuvre (ACEMO) du ministère du travail de novembre 2003 ne remettent pas en question les évolutions prévues, y compris celles de la masse salariale pour 2003 dont l'acquis de croissance est estimé à ce stade à 2,1 % pour cette année. Par ailleurs, les dernières informations disponibles ne remettent pas en cause les prévisions de croissance pour 2004. Les dernières enquêtes conjoncturelles conduiraient plutôt à une accélération de l'activité au quatrième trimestre en raison de l'amélioration de l'environnement international : le regain d'activité mondiale, tiré par les Etats-Unis et l'Asie, profite également à la zone euro (+0,4 % de croissance au troisième trimestre) ; les conditions d'une reprise de la demande des entreprises sont aujourd'hui réunies (capacités de production stables, amélioration des conditions financières, réduction du sur-endettement des grands groupes, niveau plutôt bas des stocks).
Le scénario macroéonomique pour 2004 retenu dans le projet de loi de finances, qui reste très proche de la moyenne des prévisions du dernier Consensus Forecasts publié en novembre (1.6 % en 2004), n'apparaît pas contestable. Il n'est, en tout cas, pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
2/ En deuxième lieu, le Gouvernement doit souligner que les critiques qui ne s'adressent pas directement à la loi déférée mais entendent, en réalité, contester l'élaboration et le contenu de lois de finances déjà promulguées sont inopérantes.
De telles critiques sont, en effet, insusceptibles d'avoir une portée à l'égard des dispositions adoptées dans le cadre de la loi de finances déférée portant sur l'exercice 2004, qu'il s'agisse des lois de finances se rapportant à l'exercice 2002 - pour lequel au demeurant le Parlement a adopté la loi de règlement - ou celles se rapportant à l'exercice 2003.
On doit, en tout état de cause, préciser, contrairement à ce qui est soutenu s'agissant de la loi de finances rectificative de l'été 2002 et de la loi de finances initiale pour 2003, qu'il n'existe aucune règle budgétaire fixant la manière de construire la norme de progression des dépenses publiques. Dans ce domaine, il est logique de prendre en compte, pour fixer le niveau des dépenses de l'année suivante, toutes les dépenses pérennes qui, en plus de celles de la loi de finances initiale, ont été autorisées par des lois de finances rectificatives en cours d'année. En ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2003, le principe de sincérité conduisait ainsi à le construire sur la base des dernières informations connues, à savoir les chiffres du collectif de l'été 2002.
Les observations présentées par le Gouvernement en réponse au recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 2003, adoptée le 18 décembre 2003, exposent en outre les raisons pour lesquelles le Gouvernement estime que l'évolution de la situation au cours de l'année 2003 n'imposait pas de déposer devant le Parlement, avant l'automne, un projet de loi de finances rectificative.
3/ En ce qui concerne, en troisième lieu, la sincérité de l'évaluation des charges, on doit apporter les remarques suivantes.
Il faut d'abord rappeler que les autorisations de dépenses votées par le Parlement constituent des plafonds de dépenses. Il s'ensuit que le fait que les dépenses effectives, sur un chapitre donné, n'atteignent pas le niveau maximal autorisé ne peut être considéré comme traduisant en soi l'insincérité de la loi de finances. Il en va de même pour une éventuelle mise en réserve d'une partie des crédits autorisés.
On doit souligner que la régulation budgétaire mise en place par le Gouvernement a pour objet d'assurer la maîtrise globale des dépenses et, partant, le respect en exécution du plafond de dépenses voté par le Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale. Elle repose sur les dispositions de l'article 14 de la loi organique du 1er août 2001 et permet, au sein de la masse globale des crédits votés, de faire face à des besoins nouveaux apparaissant en cours d'année. En effet, l'exécution des dépenses peut être affectée par divers mouvements susceptibles de l'éloigner du montant de crédits votés par le Parlement en loi de finances initiale : l'ouverture de crédits de reports, les dépenses exécutées au titre des rattachements de fonds de concours et l'apparition de dépenses imprévues sont autant d'hypothèses auxquelles le Gouvernement peut avoir à faire face en cours de gestion. Loin de mettre en cause la sincérité de la loi de finances, la régulation vise alors à respecter le plafond de dépenses fixé par le Parlement ; elle manifeste au contraire un souci de lisibilité et de transparence.
Ainsi, on doit relever, contrairement à ce qui est soutenu, que le fait de ménager des marges de manoeuvre budgétaire, afin de garantir la correcte exécution de la loi de finances, ne revient pas à remettre en cause les grandes lignes de l'équilibre budgétaire voté par le Parlement en changeant la nature et l'ampleur de la dépense publique, ni à effectuer des économies qui n'auraient pas été annoncées au Parlement. De telles mesures de régulation présentent un caractère prudentiel, portent la marque d'une bonne gestion et n'affectent pas la sincérité des prévisions de charges arrêtées par la loi de finances.
Dans ces conditions, il n'apparaît pas que les griefs de la saisine soient de nature à mettre en cause la sincérité des prévisions de recettes et de dépenses arrêtées, pour l'année 2004, par la loi de finances déférée.
4/ Il faut encore indiquer, contrairement à ce qu'indiquent les saisissants, que les discussions qui se sont tenues au cours de l'automne 2003 avec les institutions communautaires dans le cadre de la procédure des déficits publics excessifs n'ont pas affecté l'exercice par le Parlement, qui n'aurait pas été suffisamment informé, de ses prérogatives budgétaires.
Le 25 novembre 2003, le Conseil des ministres de l'économie et des finances a suspendu la procédure de déficits publics excessifs à l'encontre de la France en prenant note de ses engagements, et a recommandé une amélioration de 0,8 point de PIB du déficit structurel en 2004, soit 0,1 point de plus qu'annoncé à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour autant, aucune des mesures que justifie cet engagement supplémentaire ne peut être regardée comme affectant la sincérité de la loi de finances. Il s'agit en effet d'une part de la prise en compte d'amendements au projet de loi de finances pour 2004 qui ont été votés par le Parlement et de l'effet en 2004 de mesures de la loi de finances rectificative pour 2003, d'autre part des effets du plan dépendance. Toutefois ce dernier plan, défini et annoncé après le dépôt du projet de loi de finances, ne recevra de traduction législative qu'au cours du premier semestre 2004. En tout état de cause, les incidences financières de ce plan relèveront principalement du champ de la loi de financement de la sécurité sociale.
Il apparaît ainsi qu'aucune des mesures qui sont appelées à mettre en oeuvre les engagements supplémentaires pris par la France devant ses partenaires européens au titre de 2004 n'affecte la sincérité de la loi de finances pour 2004.

II/ Sur l'article 3
A/ L'article 3 de la loi de finances déférée modifie le régime de la prime pour l'emploi. Il prévoit, notamment, le versement d'un acompte forfaitaire de 250 euros aux bénéficiaires qui ont repris une activité professionnelle depuis six mois et qui, pendant les six mois précédents, ont été sans activité et inscrits comme demandeurs d'emploi ou bénéficiaires de certaines allocations. La loi précise que les demandes formulées sur la base de renseignements inexacts en vue d'obtenir le paiement de cet acompte donnent lieu à l'application d'une amende de 100 euros si la mauvaise foi est établie.
Selon les députés requérants, les dernières dispositions relatives à l'amende seraient contraires aux articles 8 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que la sanction serait disproportionnée.
B/ Cette argumentation ne pourra qu'être écartée.
Les dispositions critiquées introduites par l'article 3 de la loi déférée ont pour objet, s'agissant du versement d'un acompte forfaitaire de 250 euros de la prime pour l'emploi effectué sur simple demande des bénéficiaires au vu des informations qu'ils fournissent, de sanctionner les demandeurs qui ont fourni des renseignements inexacts et dont la mauvaise foi est établie. Le montant de l'amende, fixé à 100 euros, correspond à 40 % du montant de l'acompte forfaitaire.
Le législateur a décidé d'instituer ces dispositions afin d'éviter que le mise en place du mécanisme d'acompte ne se traduise par des abus. Ce faisant, il a assuré une exacte conciliation entre les impératifs constitutionnels et la lutte contre la fraude fiscale, sans porter d'atteinte excessive aux principes résultant de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
A cet égard, on doit relever que le montant de l'amende ne présente pas un caractère excessif ou disproportionné. Des pénalités analogues résultent du droit positif : on peut citer, par exemple, le 1 de l'article 1729 du code général des impôts qui précise qu'en cas de déclaration d'éléments inexacts ou incomplets, le montant des droits est assorti d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi est établie ou de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou l'article 1787 du même code qui prévoit une amende fiscale de 40 % en cas de mauvaise foi et de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses s'agissant de remboursement de crédit de TVA.
On doit aussi souligner que l'institution d'une telle sanction apparaît comme la contrepartie nécessaire du système déclaratif, assorti de formalités souples, mis en place pour le versement de l'acompte forfaitaire de la prime pour l'emploi.
Il faut enfin relever que la disposition critiquée respecte le principe des droits de la défense. La prime pour l'emploi constitue, en effet, une composante de l'impôt sur le revenu ; en conséquence, les règles de contrôle et de procédure en matière d'impôt sur le revenu lui sont applicables, notamment l'article L 80 D relatif à la motivation des sanctions ainsi qu'aux délais applicables et l'article L 195 A relatif à la charge de la preuve de la mauvaise foi qui incombe à l'administration. Le droit de contrôle de l'administration (contrôle sur pièces ou sur place, procédure de redressement contradictoire), le respect du secret professionnel, les délais de prescription sont prévus au Titre II de la 1ère partie législative du livre des procédures fiscales. Le contentieux de l'assiette de l'impôt et de sanctions est défini au titre III, le recouvrement et le contentieux du recouvrement au Titre IV de ce même livre.

III/ Sur les articles 45 et 73
A/ L'article 45 de la loi déférée modifie l'article 51 de la loi de finances pour 1999 relatif à la taxe d'aviation civile et décide des quotités du produit de cette taxe affectées à compter du 1er janvier 2004 au budget annexe de l'aviation civile et au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien. L'article 73, pour sa part, ajoute à la liste des emplois de ce Fonds les dotations versées aux collectivités locales d'outre-mer au titre de la continuité territoriale.
Selon les auteurs du recours, ces dispositions méconnaîtraient les termes de l'article 21 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter cette argumentation comme inopérante, dès lors que l'article 21 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances n'est pas encore entré en vigueur, selon les termes mêmes de ses articles 65 et 67. On doit relever, en outre, que les dispositions critiquées des articles 45 et 73 ne sont contraires à aucun principe constitutionnel ni à aucune disposition de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
Au demeurant, et en tout état de cause, les précisions suivantes peuvent être apportées. La loi de programme pour l'outre-mer a prévu le versement par l'Etat aux collectivités locales d'outre-mer d'une dotation de continuité territoriale destinée à faciliter la mobilité des résidents de ces collectivités vers la métropole. Cette mesure, dont le montant est fixé à 30 M d'euros en 2004, sera prise en charge par le compte d'affectation spéciale « Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien » (FIATA).
Ce mode de financement est conforme à la mission du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, qui subventionne déjà les lignes aériennes déficitaires dans l'intérêt de l'aménagement du territoire et assure une péréquation des dépenses de sûreté au bénéfice des gestionnaires d'aéroports. Le Gouvernement considère que les recettes particulières affectées à ce compte sont en relation directe avec les dépenses concernées, y compris celles relatives à la continuité territoriale, au sens où l'a entendu l'article 21 de la loi organique du 1er août 2001. Les dépenses en cause sont en effet toujours exposées en matière de transport aérien, conformément à l'objet même du fonds. Si le législateur organique a souhaité limiter, par l'article 21, les possibilités de dérogation à la règle de non affectation des recettes au sein du budget de l'Etat, il n'a pas entendu faire obstacle aux exigences de bonne gestion des ressources publiques (décision n°2001-448 DC du 25 juillet 2001). Il apparaît conforme à la bonne gestion des ressources publiques que de permettre d'affecter, via un compte d'affectation spéciale, des ressources fiscales tirées de l'activité du transport aérien pour couvrir des dépenses relatives à cette activité et en procédant, par ce biais, à une péréquation entre les différentes liaisons aériennes, quand bien même cette péréquation conduit à ce qu'il n'y ait pas une identité exacte du champ géographique des recettes et des dépenses.

IV/ Sur l'article 59
A/ L'article 59 définit les modalités d'attribution aux départements de ressources constituées d'une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers afin de compenser le transfert aux départements de la compétence en matière de revenu minimum d'insertion, conformément à ce qu'a prévu l'article 4 de la loi n°2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.
Les saisissants soutiennent que cet article ne respecterait pas le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et qu'il serait contraire aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article 72-2 de la Constitution. Ils font valoir, à cet égard, que la ressource transférée ne pourrait être assimilée à une ressource propre et soutiennent que ce transfert se traduirait par une baisse de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Ils estiment, enfin, que le montant des ressources transférées ne respecte pas l'exigence constitutionnelle d'équivalence avec les charges transférées.
B/ Une telle argumentation ne peut être suivie.
1/ En premier lieu, la discussion relative à la notion de « ressources propres » au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, tel qu'il résulte de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, apparaît inopérante.
Les nouvelles dispositions constitutionnelles du troisième alinéa de l'article 72-2 prévoient, en effet, que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources » et renvoient à une loi organique le soin de fixer « les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre ». Or, à ce jour, la loi organique à laquelle renvoient ces dispositions n'a pas encore été adoptée par le Parlement. Il s'ensuit que les dispositions constitutionnelles nouvelles relatives à la part déterminante des ressources propres ne peuvent encore être invoquées à l'appui d'un recours formé devant le Conseil constitutionnel en vertu de l'article 61 de la Constitution.
On doit relever en ce sens tant la lettre de l'article 72-2 de la Constitution que les travaux parlementaires préalables à la révision constitutionnelle, qui montrent que l'intervention du législateur organique est indispensable à la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles. Le troisième alinéa de l'article 72-2 a expressément prévu l'intervention du législateur organique et conféré à ce dernier une habilitation large pour fixer les conditions de mise en oeuvre de cet alinéa ; un tel mode de rédaction invite à considérer que seule la loi organique permettra de traduire en termes concrets et opposables le principe défini en termes généraux par le texte constitutionnel. Les travaux parlementaires soulignent, en outre, que l'intention du pouvoir constituant était bien de remettre l'application de la disposition nouvelle à l'intervention de la loi organique. Dans ces conditions, l'invocation par la saisine de la notion de « ressources propres » à l'appui du recours formé contre la loi de finances pour 2004, adoptée par le Parlement le 18 décembre 2003, ne pourra qu'être écartée.
Le Gouvernement entend, en tout état de cause, souligner qu'il résulte des termes mêmes de l'article 72-2 de la Constitution, tel qu'adopté par le pouvoir constituant, que l'ensemble des recettes fiscales affectées à ces collectivités relèvent de la catégorie de ressources devant représenter une part déterminante du total des ressources. La Constitution ne fait en effet pas de sort particulier aux recettes fiscales pour lesquelles le législateur pourrait autoriser les collectivités à fixer l'assiette et le taux ; il résulte au contraire des dispositions combinées des deuxième et troisième alinéas de l'article 72-2 que toutes les recettes fiscales sont incluses dans les ressources qui doivent constituer la part déterminante des ressources visée au troisième alinéa. L'attribution aux départements d'une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers se traduit sans conteste par l'affectation à ces collectivités de recettes fiscales ; quand bien même le législateur n'aurait pas habilité les départements à en fixer le taux, elles devront être regardées, pour l'application du troisième alinéa de l'article 72-2, comme entrant dans la catégorie des ressources qui doivent constituer la part déterminante de l'ensemble des ressources des départements.
2/ En deuxième lieu, le Gouvernement estime que l'attribution aux départements d'une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers ne peut être jugée contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Il est vrai que le Conseil constitutionnel a déjà considéré que le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités locales, avant même la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, interdit au législateur de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration (décision n°90-277 DC du 25 juillet 1990 ; décision n°91-291 DC du 6 mai 1991 ; décision n°98-402 DC du 25 juin 1998 ; décision n°98-405 DC du 29 décembre 1998 ; décision n°2000-432 DC du 12 juillet 2000 ; décision n°2000-442 DC du 28 décembre 2000 ; décision n°2001-456 DC du 27 décembre 2001 ; décision n°2002-464 DC du 27 décembre 2002). Le Conseil n'a, pour autant, pas estimé que les dispositions qui lui étaient alors déférées auraient restreint les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration, alors même que ces dispositions pouvaient procéder à la suppression de recettes fiscales.
Au cas présent, on doit relever que l'article 59 de la loi de finances déférée ne procède pas à la suppression d'impôts dont le produit était antérieurement affecté aux départements. Au contraire, il se traduit par l'affectation de recettes fiscales supplémentaires constituées par une fraction de tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers appliquée aux quantités de carburant mis à la consommation sur l'ensemble du territoire national. La mesure considérée ne peut, par suite, être regardée comme restreignant les ressources fiscales des départements.
3/ En troisième lieu, le Gouvernement considère, ainsi qu'il l'a déjà indiqué à l'occasion de l'examen par le Conseil constitutionnel de la loi n°2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, que l'attribution aux départements de la fraction considérée de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers satisfait aux exigences constitutionnelles résultant du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.
Cet alinéa prévoit que tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales doit s'accompagner de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient auparavant consacrées à leur exercice. Il prévoit aussi que toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi. Cet alinéa énonce ainsi explicitement, s'agissant des transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales, que la détermination du montant des ressources attribuées se fait au vu des ressources qui « étaient consacrées à leur exercice », c'est-à-dire celles qui étaient effectivement consacrées par l'Etat à l'exercice de ces compétences avant le transfert. S'il est sans doute loisible au législateur de déterminer, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, des dispositions plus favorables au bénéfice des collectivités territoriales ou de prévoir des règles relatives à l'évolution dans le temps de ces ressources, la Constitution n'impose pas d'autre obligation que celle d'attribuer des ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées par l'Etat à la date du transfert de compétences. Aucune règle constitutionnelle n'impose de prévoir l'actualisation du montant de ces ressources.
S'agissant des compétences nouvelles créées ou étendues par la loi, la Constitution n'impose l'obligation d'attribuer des ressources que dans la mesure où ces création ou extension de compétences ont pour effet d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales ; elle laisse au législateur un large pouvoir d'appréciation quant au type et à l'évaluation des ressources publiques considérées ; cette obligation n'est d'ailleurs opposable, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a déjà jugé (décision n°2003-474 DC du 17 juillet 2003 ; décision n°2003-480 DC du 31 juillet 2003), qu'à la création de compétences obligatoires et non à des dispositions qui se rapportent à l'exercice, par les collectivités, de compétences facultatives.
Au cas présent, l'article 59 de la loi de finances pour 2004 prévoit l'affectation aux départements d'une fraction de tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. De manière provisoire, la fraction de tarif de la TIPP sera déterminée, pour l'ensemble des départements, à partir des volumes de carburants mis à la consommation en 2003 et de la dépense de l'Etat en 2003 au titre de l'allocation du revenu minimum d'insertion. La détermination de cette fraction est fondée sur les prévisions de recettes et de dépenses de l'année 2003. Chaque département recevra un pourcentage du produit affecté globalement aux départements, correspondant à la part des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation du revenu minimum d'insertion rapportée au montant total de ces dépenses dans l'ensemble des départements. Cette attribution satisfait aux exigences constitutionnelles résultant du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, dans la mesure où le produit de la fraction de la taxe affectée aux départements équivaut au moins aux dépenses exposées par l'Etat au titre du revenu minimum d'insertion en 2003.
Si le législateur, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, a prévu que la régularisation définitive de la fraction de tarifs affectée aux départements s'effectuera sur la base des dépenses de revenu minimum d'insertion et du produit de la taxe effectifs en 2003 et devrait faire l'objet d'une disposition en loi de finances rectificative pour 2004 et s'il a, au surplus, prévu un ajustement définitif au vu des comptes administratifs des départements pour 2004, on doit souligner que l'adoption de tels mécanismes n'était nullement impliquée par les exigences constitutionnelles résultant du quatrième alinéa de l'article 72-2.
On doit, enfin, mentionner que la taxe intérieure sur les produits pétroliers a été retenue en raison de sa stabilité et du caractère peu volatile de ses bases.

V/ Sur l'article 82
A/ L'article 82 de la loi de finances pour 2004 fixe les plafonds sous lesquels les cotisations versées au titre de l'épargne retraite, notamment dans le cadre des plans d'épargne individuelle pour la retraite créés par la loi n°2003-775 du 21 août 2003, sont déductibles du revenu net global ainsi que les limites de déduction des revenus professionnels des cotisations de retraite et de prévoyance.
Les députés requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe constitutionnel d'égalité en ce qu'elles traitent différemment les citoyens selon qu'ils sont ou non imposés à l'impôt sur le revenu et qu'elles porteraient atteinte au onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
B/ De telles critiques apparaissent dépourvues de fondement.
1/ Il faut, à titre liminaire, rappeler que les dispositions contestées de l'article 82 de la loi de finances pour 2004 s'inscrivent dans le prolongement des dispositions promulguées de la loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. C'est en effet l'article 108 de cette loi qui a institué le plan d'épargne individuelle pour la retraite et son article 111 qui a modifié le régime des cotisations de retraite au regard de l'impôt sur le revenu.
Ces dispositions de la loi portant réforme des retraites visent à offrir la possibilité de constituer un complément de retraite par capitalisation dans des conditions fiscales favorables, prenant la forme d'une déduction du revenu global et dans la limite d'un plafond exprimé en proportion des revenus d'activité. La déduction porte sur les cotisations au plan d'épargne retraite populaire (« PERP ») créé par l'article 108 de la loi portant réforme des retraites et sur les cotisations aux régimes PREFON et assimilés. Pour accorder des possibilités de déduction plus élevées aux titulaires des rémunérations les plus faibles et couvrir les inactifs, un « plancher » de déduction a été prévu. En outre, l'encouragement de l'épargne retraite s'est accompagnée d'une simplification et d'une clarification des règles de déduction des cotisations de retraite et de prévoyance par la déduction sans limite des cotisations versées aux régimes obligatoires de retraite complémentaire (ARRCO et AGIRC), afin d'assurer un traitement fiscal homogène des régimes légaux de retraite par répartition. Corrélativement, un plafond spécifique a été créé pour les régimes obligatoires d'entreprise de retraite supplémentaire.
La loi portant réforme des retraites a ainsi mis en place un régime de déduction fiscale au niveau du revenu global (art. 163 quatervicies nouveau du code général des impôts) et au niveau des revenus catégoriels (traitements et salaires, BIC, BNC, BA). Mais l'article 111 de la loi du 21 août 2003 n'a pas fixé les limites applicables à la déduction des cotisations de retraite, au niveau global comme au niveau des revenus catégoriels. Ce sont les dispositions de l'article 82 de la loi de finances pour 2004 qui fixent ces limites.
Ainsi, les cotisations de retraite versées dans le cadre de régimes obligatoires d'entreprise pour les salariés ou de régimes facultatifs pour les non-salariés seront déductibles dans la limite d'un plafond spécifique égal, pour les salariés, à 8 % de la rémunération annuelle brute retenue dans la limite de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale (233.472 euros en 2003). Pour les non-salariés, la déduction est plafonnée à 10 % du bénéfice imposable dans la limite de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale. Les cotisations de prévoyance (maladie, maternité, invalidité, décès) versées dans le cadre de régimes obligatoires d'entreprise pour les salariés ou de régimes facultatifs pour les non-salariés seront déductibles dans une limite annuelle égale à 7 % du plafond de la sécurité sociale (environ 2 040 euros en 2003) majorée respectivement de 3 % de la rémunération annuelle brute pour les salariés et de 3,75 % du bénéfice imposable pour les non salariés, sans que cette limite annuelle ne puisse excéder un plafond global égal à 3 % de 8 fois le plafond de la sécurité sociale (7004 euros en 2003). Les cotisations versées au PERP et, le cas échéant, aux régimes de retraite complémentaire ouverts aux fonctionnaires de type PREFON, seront déductibles pour chaque membre du foyer fiscal dans la limite la plus élevée de 10 % des revenus d'activité professionnelle de l'intéressé ou de 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale (environ 2 920 euros en 2003). Afin de ne pas accorder un avantage fiscal excessif aux titulaires des rémunérations les plus élevées et de conserver la logique d'un revenu différé, les revenus d'activité professionnelle ne seront toutefois retenus que dans la limite de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale (233.472 euros en 2003) ; cette limite correspond à la rémunération maximale sur laquelle les salariés cotisent au régime obligatoire de retraite complémentaire des cadres (AGIRC).
2/ En précisant les limites du régime de déduction fiscale institué par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, l'article 82 de la loi de finances déférée ne peut être regardé comme contraire au principe d'égalité, voire comme mettant en cause le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
On doit observer que le mécanisme de déduction fiscale résultant de la loi du 21 août 2003 est parfaitement cohérent avec les dispositions fiscales relatives aux revenus différés : les cotisations et primes sont déductibles du revenu lorsqu'elles sont versées et, corrélativement, les pensions sont imposables dans les conditions de droit commun lorsqu'elles sont servies. Ainsi, le régime fiscal applicable au PERP est équivalent à celui des autres régimes de retraite, à l'étranger comme en France notamment pour les régimes obligatoires de base, dont la logique repose également sur celle du revenu différé. Le Conseil constitutionnel a déjà admis le principe de mécanismes fiscaux incitant à la constitution d'une épargne en vue de la retraite, reposant sur la déductibilité des cotisations et l'assujetissement à l'impôt du revenu différé (décision n°97-388 DC du 20 mars 1997).
Il faut aussi souligner que ce régime fiscal a vocation à s'appliquer à tous les contribuables et que le législateur a décidé de l'assortir d'un plafond de déduction. Dans ces conditions, il apparaît qu'en fixant, par les dispositions déférées de l'article 82 de la loi de finances pour 2004, les limites du mécanisme de déduction fiscale, le législateur a pris les mesures appropriées pour prévenir des ruptures caractérisées de l'égalité entre les contribuables.
Enfin, et en tout état de cause, on doit souligner qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'imposait au législateur de recourir à une technique fiscale plutôt qu'à une autre. Il n'était dès lors nullement tenu de mettre en place un mécanisme de crédit d'impôt de préférence à un dispositif de déduction du revenu. Le principe d'égalité, en particulier, n'a pas pour effet de contraindre le législateur à octroyer, par la voie d'un mécanisme inspiré du crédit d'impôt, une aide directe aux contribuables non imposables.

VI/ Sur l'article 117
A/ L'article 117 prévoit un dispositif d'information de l'Etat par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, selon des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, préalablement aux mouvements de fonds qui affectent le compte du Trésor.
Les auteurs du recours soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient les articles 34 et 72-2 de la Constitution.
B/ Ces critiques ne sont pas fondées.
On doit relever, de façon liminaire, que l'obligation faite aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de déposer leurs disponibilités auprès de l'Etat résulte d'une disposition de valeur organique. En effet, l'article 26 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances impose cette obligation sous réserve de dérogations résultant de dispositions expresses de loi de finances, au nombre desquelles figurent d'ailleurs les dispositions de l'article 116 de la loi de finances pour 2004. On doit aussi mentionner que l'article 117 de la loi déférée vise à garantir le respect d'engagements internationaux de la France résultant de l'article 101 du Traité instituant la Communauté Européenne, selon lequel la banque centrale ne peut consentir d'avances aux différents organismes publics : en pratique, ces stipulations reviennent à interdire tout solde débiteur à la Banque de France sur le compte du Trésor qui consolide toutes les opérations de l'Etat mais aussi celles des collectivités locales et de leurs établissements publics.
Au regard de l'exigence organique résultant de l'article 26 de la loi organique relative aux lois de finances, la disposition critiquée de l'article 117 de la loi déférée ne peut être regardée comme portant atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Il ne s'agit, en effet, que de l'institution d'un simple mécanisme d'information préalable par les collectivités locales de certains des mouvements financiers qu'elles entendent effectuer. Comme il importe de veiller à ce que les mouvements financiers qui affectent chaque jour le compte du Trésor évitent toute situation négative, il est nécessaire de procéder à des prévisions fines : l'information préalable établie par l'article 117 vise à rendre possibles ces prévisions et à permettre, par ailleurs, une gestion de trésorerie mieux ajustée et économe des deniers publics. On peut d'ailleurs observer que le mécanisme institué par l'article 117 généralise un dispositif qui avait été mis en pratique vis-à-vis de grandes collectivités territoriales.
Les collectivités conservent naturellement la liberté de disposer de leurs ressources dans le cadre législatif et réglementaire en vigueur. L'article 117 n'a ainsi d'incidence que sur les modalités d'exécution des décisions financières des collectivités territoriales ; il ne concerne qu'une partie limitée de ces opérations, à savoir celles portant sur des montants supérieurs ou égaux à un million d'euros. On doit souligner, en outre, que l'éventuel manquement à cette obligation d'information n'expose pas les collectivités à une sanction, mais à un simple report technique de l'opération de quelques heures dans l'hypothèse - à ce jour jamais constatée - où le compte du Trésor serait en déficit.
Dans ces conditions la disposition critiquée ne peut être regardée comme portant atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. En définissant précisément sa teneur et sa portée - simple obligation d'information pour les mouvements financiers affectant le compte du Trésor - le législateur a épuisé sa compétence et pouvait renvoyer à un décret le soin de fixer les seuils quantitatifs de déclenchement de cette information ainsi que les conséquences d'ordre technique qui résulteraient d'un défaut d'information.

VII/ Sur l'article 140
A/ L'article 140, modifiant les articles L 862-2 et L 862-4 du code de la sécurité sociale, prévoit le versement aux caisses primaires de sécurité sociale qui gèrent la couverture complémentaire de la couverture maladie universelle du risque maladie du même forfait que celui dont bénéficient les organismes complémentaires. Il relève, en outre, ce forfait à hauteur de 300 euros par bénéficiaire et par an.
Les auteurs du recours estiment que les dispositions en cause, en unifiant la participation financière des caisses primaires d'assurance maladie et des organismes complémentaires, reviennent sur les dispositions antérieures qui les traitaient différemment, lesquelles avaient été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Ils soutiennent en outre que cette unification bouleverserait l'équilibre financier résultant de la loi du 27 juillet 1999 et entrainerait une charge nouvelle pour les caisses d'assurance maladie.
B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation.
On doit observer que la disposition critiquée se borne à modifier les conditions de financement des gestionnaires de la couverture maladie universelle complémentaire, sans modifier les droits des bénéficiaires de la couverture complémentaire. Il s'agit seulement d'unifier les relations financières entre le fonds de la couverture maladie universelle et les organismes gestionnaires de cette couverture complémentaire, à savoir les caisses primaires d'assurance maladie et les organismes complémentaires. Cette unification est accompagnée d'un net relèvement du forfait de 282 euros à 300 euros par personne et par an, soit une augmentation de 6,3 % après celle de 24 % à laquelle il a été procédé en 2003.
Il est vrai que lors de la création de la couverture maladie universelle complémentaire le législateur avait choisi de traiter différemment les organismes complémentaires et les caisses primaires d'assurance maladie, s'agissant des conditions de remboursement par l'Etat des dépenses exposées par ces organismes : les caisses primaires étaient remboursées en fonction des dépenses exposées, alors que les organismes complémentaires faisaient l'objet d'une prise en charge forfaitaire. Le Conseil constitutionnel a admis que cette différence de traitement ne portait pas atteinte au principe d'égalité, en raison des différences de situation séparant ces deux catégories d'organismes au regard de l'objet de la loi (décision n°99-416 DC du 23 juillet 1999).
Pour autant, on doit souligner que le principe constitutionnel d'égalité, s'il ne s'oppose pas à ce que le législateur traite différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes, n'implique nullement que le législateur ne puisse traiter de façon identique des personnes dont on pourrait soutenir qu'elles sont dans une situation différente. En décidant d'unifier le régime de prise en charge de la couverture maladie universelle complémentaire, le législateur n'a, dès lors, pas méconnu l'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel ni méconnu le principe constitutionnel d'égalité. Il lui était au surplus loisible de modifier les dispositions législatives antérieurement adoptées. Au demeurant, on doit remarquer que si les organismes complémentaires ne sont pas tenus de participer au dispositif de la couverture complémentaire à la différence des caisses primaires d'assurance maladie, ils n'ont, pas plus que les caisses primaires, le droit de sélectionner les risques et de refuser la prise en charge de personnes demandant à bénéficier de la couverture complémentaire, dès lors qu'ils décident de participer au dispositif.
On doit enfin indiquer que, contrairement à ce qui est soutenu, une provision fondée sur l'hypothèse de comportements inchangés a été prise en compte dans l'équilibre financier déterminé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Pour ces raisons, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs du recours ne sont pas de nature à justifier la censure de la loi déférée. C'est pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.