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Décision n° 2003-481 DC du 30 juillet 2003 - Observations du gouvernement

Loi relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives
Non conformité partielle

A/ L'article 9 de la loi déférée procède à la validation, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, des actes pris en application des articles L 162-17 et L 162-16-4 du code de la sécurité sociale avant le 1er juillet 2003 en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l'irrégularité des avis émis rendus par la Commission de la transparence, ainsi que des mesures prises sur le fondement de ces actes en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de ces mesures à raison de l'irrégularité des avis de la Commission de la transparence.
Les députés requérants soutiennent que cet article a été adopté dans des conditions contraires aux prescriptions des articles 39, 44 et 45 de la Constitution.
B/ Cette argumentation appelle les observations suivantes.
Il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement peut s'exercer à chaque stade de la procédure législative, sous réserve des dispositions particulières applicables après la réunion de la commission mixte paritaire.
Le Conseil constitutionnel n'impartit plus à l'exercice du droit d'amendement des limites tenant à l'ampleur intrinsèque des adjonctions ou modifications apportées au texte initial (décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 ; décision n°2001-455 DC du 12 janvier 2002). La seule limite opposable à l'exercice du droit d'amendement, avant la réunion de la commission mixte paritaire, tient au fait que les adjonctions et modifications apportées au texte en cours de discussion ne peuvent être dépourvues de tout lien avec le texte soumis au Parlement (décision n°2001-455 DC du 12 janvier 2002 ; décision n°2002-459 DC du 22 août 2002 ; décision n°2003-472 DC du 26 juin 2003).
Au cas présent, on peut relever que le texte en discussion lors de l'adoption de l'amendement qui est à l'origine de l'article 9 de la loi déférée comportait un chapitre IV intitulé « dispositions relatives à la lutte contre le dopage et à la santé », comportant deux articles relatifs à la lutte contre le dopage et modifiant le code de la santé publique. La disposition introduite par l'article 9, qui a trait à des décisions prises au vu des intérêts de la santé publique et des assurés sociaux, est susceptible d'être ainsi regardée comme n'étant pas dépourvue de tout lien avec d'autres dispositions du texte en discussion.
La disposition de validation contestée s'appliquerait, en effet, aux avis de la commission de la transparence au vu desquels, d'une part, le prix de certaines spécialités pharmaceutiques a été abaissé par convention entre le comité économique des produits de santé et les entreprises exploitant ces médicaments, et, d'autre part, la participation de l'assuré prévue à l'article L.322-2 du code de la sécurité sociale a été relevée par arrêté du ministre chargé de la santé et de la sécurité sociale, passant de 35 à 65 %. Sous réserve des décisions rendues par le Conseil d'Etat les 20 juin et 23 juillet 2003, cette disposition de validation s'appliquerait notamment aux arrêtés du 14 septembre 2001, du 19 décembre 2001 et du 18 avril 2003 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables, qui ont abaissé le taux de remboursement de plus rès de 700 950 médicaments dont le service médical rendu n'est pas classé comme majeur ou important au sens de l'article R.322-2 du code de la sécurité sociale.
L'appréciation du service médical rendu à laquelle doivent procéder la commission de la transparence et le ministre repose sur les critères énumérés à l'article R.163-3 du code de la sécurité sociale : l'efficacité et les effets indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique, la gravité de l'affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux et son intérêt pour la santé publique. Les avis de la commission de la transparence et les décisions relatives au taux de remboursement des spécialités pharmaceutiques par l'assurance maladie se fondent ainsi sur des intérêts de santé publique.
Or, la lutte contre le dopage, organisée par le livre VI de la troisième partie du code de la santé publique, qui vise à la protection de la santé des sportifs, constitue elle-même une composante des politiques de santé publique. Reposant, ainsi que le prévoit l'article L.3611-1 du code de la santé publique, sur un effort de prévention, de surveillance médicale et d'éducation qui doit notamment conduire les sportifs et leur encadrement à réguler leur usage des soins en fonction des qualités réelles et des risques des thérapies médicamenteuses disponibles, elle s'inspire des principes qui ont motivé les décisions prises au vu des avis de la commission de la transparence.
D'ailleurs, compte tenu de leurs caractéristiques, certains des médicaments ayant fait l'objet des décisions diminuant leur taux de remboursement par l'assurance maladie sont susceptibles d'être utilisés comme produits dopants : il s'agit de spécialités composées de stimulants tels que la caféine ou l'heptaminol, de narcotiques tels que l'opium ou la pentazocine, d'anabolisants comme la nandrolone, d'anesthésiques locaux comme l'oxétocaïne, de glucocorticostéroïdes, telle la cortisone.
Or l'on sait que les médicaments présentent pour certains des propriétés adaptées au dopage sportif, que leur commerce est licite et que leur usage illicite peut être dissimulé sous l'apparence de leur destination thérapeutique normale. Le dopage repose dans une proportion croissante de cas sur l'usage, détourné de leur fin légitime, de spécialités pharmaceutiques. Les décisions qui réduisent les contributions de l'assurance maladie à la prise en charge de la demande de médicaments dont le service médical rendu n'est pas majeur ou important ou contribuent, par la diminution de leurs prix, à déterminer des conditions économiques moins favorables à leur production, rendent aussi plus difficile leur usage à des fins de dopage. On peut souligner que compte tenu de leurs caractéristiques de nombreux médicaments ayant fait l'objet des arrêtés mentionnés plus haut sont susceptibles d'être utilisés comme produits dopants.
Au surplus, la politique du médicament comporte par elle-même des incidences directes pour de nombreux secteurs économiques et sociaux, notamment celui du sport. Compte tenu de l'urgence qui s'attache à rétablir la sécurité juridique des industriels et des prescripteurs ou consommateurs des médicaments concernés et à éviter que des décisions de la portée des décisions de baisse de taux de remboursement ou de baisse de prix ne risquent, à très brève échéance, pour des motifs de forme qui ne remettent pas en cause leur bien-fondé, de se trouver privées d'effet, le Gouvernement a estimé possible d'insérer des dispositions intéressant notamment la protection de la santé des sportifs dans un projet de loi qui comportait dès son dépôt au Parlement des dispositions relatives à des domaines aussi diversifiés que l'organisation des activités sportives, leur promotion, les droits d'exploitation des manifestations sportives ou la formation.
Dans ces conditions, il paraît possible d'admettre que la disposition de l'article 9 n'est pas dépourvue de tout lien avec des dispositions qui figuraient dans le texte en discussion.

En définitive, le Gouvernement est d'avis que le grief articulé par les parlementaires requérants n'est pas de nature à conduire à la censure des dispositions de l'article 9 de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.