Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 - Observations du gouvernement
Paris, le 23 août 2002
OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT SUR LES RECOURS dirigé contre la loi d'orientation et de programmation pour la justice
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de recours dirigés contre la loi d'orientation et de programmation pour la justice, adoptée le 3 août 2002.
Les requérants invoquent, à l'encontre de l'article 3, du titre II, des articles 11, 12, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 22, 23 relevant du titre III, des articles 37, 38, 42 et 49 de la loi, des moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I/ Sur l'article 3
A/ L'article 3 de la loi déférée permet à l'Etat de déroger aux dispositions des articles 7 et 18 de la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée en confiant à une seule personne, ou groupement de personnes, une mission de conception, de construction et d'aménagement d'établissements pénitentiaires. L'exécution de cette mission résultera d'un marché passé selon les procédures du code des marchés publics. Il est en outre précisé que, dans les établissements pénitentiaires, les fonctions autres que celles de direction, de greffe ou de surveillance, peuvent être confiées à des personnes de droit privé dûment habilitées.
Selon les parlementaires requérants, ces dispositions méconnaîtraient le principe de la liberté d'entreprendre et le principe d'égalité qui implique la libre concurrence en matière de commande publique. Ils soutiennent, en outre, que le législateur n'aurait pas épuisé sa compétence en s'abstenant de déterminer les garanties assortissant le recours à ces contrats particuliers.
B/ Cette argumentation ne saurait être accueillie.
1/ Il importe, en premier lieu, de souligner que les dispositions de la loi déférée se bornent à modifier, sur des points limités, des dispositions en vigueur, celles de l'article 2 de la loi n°87-432 du 22 juin 1987 qui permettaient déjà à l'Etat de confier à une personne, ou un groupement de personnes, une mission portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires. Pour l'essentiel, les modifications apportées ont pour objet d'expliciter ce qui résultait déjà de la loi de 1987 - c'est à dire la possibilité de déroger aux dispositions des articles 7 et 18 de la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 - et de soumettre les contrats visés au code des marchés publics, alors que seule une procédure d'appel d'offres avec concours était auparavant prévue.
Elles sont, par ailleurs et pour l'essentiel, analogues aux dispositions du I de l'article 3 de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, adoptée le 31 juillet 2002, qui ont été déclarées conformes à la Constitution par la décision n°2002-460 DC du 22 août 2002.
2/ En deuxième lieu, les dispositions de l'article 3 de la loi ne sauraient être regardées comme contraires au principe d'égalité, à la liberté d'entreprendre, ou à un principe de libre concurrence applicable en matière de commande publique.
D'une part, il faut rappeler que le droit de la commande publique résulte de choix opérés par le législateur et par le pouvoir réglementaire, dans le seul respect du principe constitutionnel d'égalité (décision n°2001-452 DC du 6 décembre 2001) et qu'il est toujours loisible au législateur de modifier ou d'aménager certaines des dispositions régissant la commande publique, s'il estime que de tels aménagements sont appropriés et permettent de mieux concilier les différents intérêts généraux qui s'attachent à cette matière. En particulier, le Gouvernement entend souligner que la libre concurrence invoquée par les requérants ne constitue pas un principe à valeur constitutionnelle qui s'opposerait aux aménagements décidés par le législateur.
Au demeurant, et en l'espèce, on peut souligner que les dispositions contestées se bornent à aménager de façon limitée les règles relatives à la commande publique, en dérogeant à deux articles de la loi du 12 juillet 1985 et à un article du code des marchés publics.
D'autre part, les dispositions contestées n'ont nullement pour objet d'exclure une catégorie d'entreprises de la possibilité de présenter des offres dans le cadre des procédures qui seront organisées. Par elles-mêmes, elles ne portent aucune atteinte au principe d'égalité ou à la liberté d'entreprendre.
En effet, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions en cause n'ont ni pour objet ni pour effet d'empêcher les petites et moyennes entreprises d'accéder aux marchés publics correspondants. Au contraire, on peut relever qu'elles réservent explicitement la possibilité pour des groupements d'entreprises de se voir confier l'exécution des marchés - ce qui permet à des entreprises qui ne pourraient concourir seules de soumissionner - et qu'elles prévoient que l'allotissement est possible, même si le mode de jugement des offres est aménagé. En outre, les petites et moyennes entreprises pourront toujours participer à la réalisation des travaux considérés par la voie de la sous-traitance.
En tout état de cause, on ne peut soutenir qu'une atteinte au principe d'égalité résulterait de ce que l'allotissement ne serait plus obligatoire. En soi, l'allotissement - qui n'est nullement exclu par la loi déférée - ne constitue pas une condition nécessaire au respect du principe d'égalité. Il n'est d'ailleurs, en règle générale, qu'une simple faculté ouverte en vertu de l'article 10 du code des marchés publics. On peut certes y avoir recours, même si ce n'est pas sa seule justification, pour faciliter l'accès des petites et moyennes entreprises à certains marchés. Mais, pour autant, on ne saurait déduire que la suppression d'une obligation d'allotissement est contraire au principe constitutionnel d'égalité. On ne saurait davantage soutenir que l'intervention d'un jugement global, par dérogation aux dispositions de l'article 10 du code des marchés publics, aurait pour effet de remettre en cause le principe même de l'allotissement : il permet simplement d'apprécier la cohérence et la pertinence des offres afin de retenir le meilleur projet.
3/ Il ne saurait, en troisième lieu, être sérieusement soutenu que le législateur serait resté en deçà de sa compétence en s'abstenant de déterminer les garanties assortissant le recours à ces contrats. Les règles destinée à régir la commande publique de l'Etat relèvent, en effet, de la compétence du pouvoir réglementaire et il n'incombe pas au législateur de déterminer, en cette matière, des garanties particulières.
En l'espèce, on peut d'ailleurs relever que le législateur a précisé que les contrats en cause seraient soumis au code des marchés publics et qu'ils ne pouvaient comporter de stipulations relevant de certaines catégories de conventions tels le bail emphytéotique, la location avec option d'achat ou le crédit bail.
Enfin, si la formalité de l'approbation du cahier des charges de chaque contrat par décret en Conseil d'Etat a été supprimée par le législateur, par rapport aux dispositions antérieures de la loi du 22 juin 1987, c'est parce qu'il est apparu, au vu de l'expérience acquise depuis 1987, qu'une telle procédure était inutilement lourde et qu'il suffisait d'appliquer les procédures habituelles du code des marchés publics.
II.- Sur le titre II
A/ Au sein du titre II de la loi déférée, relatif à la justice de proximité, l'article 7, modifiant le code de l'organisation judiciaire, a pour objet d'instituer dans le ressort de chaque cour d'appel des juridictions de première instance dénommées juridictions de proximité et de déterminer leurs compétences ainsi que les règles essentielles de leur fonctionnement. L'article 8 précise leur compétence en matière de conciliation. L'article 10, modifiant le code de procédure pénale, dispose que la juridiction de proximité est compétente pour juger des contraventions de police dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat et pour valider, sur délégation donnée par le président du tribunal de grande instance, des mesures de composition pénale.
A l'encontre de ces dispositions, les députés requérants soutiennent que la création de ce nouvel ordre de juridiction, investi de compétences civiles et pénales, ne pouvait être décidée par la loi ordinaire avant que ne soit intervenue la loi organique dont les dispositions devront déterminer le statut des magistrats non professionnels appelés à y siéger. Les députés et les sénateurs requérants font en outre valoir que la création de cet ordre de juridiction méconnaîtrait les dispositions des articles 64 et 66 de la Constitution ainsi que le droit à un juge garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, parce qu'elle aurait pour effet de confier à des magistrats non professionnels des compétences en matière civile et surtout pénale. Ils soutiennent également que le législateur n'aurait, en violation de l'article 34 de la Constitution, pas épuisé sa compétence en ne déterminant pas lui-même la liste des contraventions relevant de la compétence de la juridiction de proximité, et que la création de ce nouvel ordre de juridiction porterait atteinte au principe d'égalité devant la justice. Les députés requérants ajoutent que la création de la juridiction de proximité porterait atteinte au principe de continuité du service public.
B/ Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1/ En premier lieu, les griefs relatifs à l'exercice des fonctions de juge de proximité par des magistrats non professionnels appellent les observations suivantes.
a) Il sera, tout d'abord, fait observer que l'argumentation des parlementaires requérants s'avère à cet égard inopérante.
En effet, aucune disposition de la loi déférée n'a pour objet ou pour effet de confier l'exercice des fonctions de juge de proximité à telle ou telle catégorie de magistrats. La loi institue un nouvel ordre de juridiction et en détermine les éléments constitutifs, comme il lui appartient de le faire en vertu de l'article 34 de la Constitution. Mais aucune de ses dispositions normatives ne prend parti sur le point de savoir si l'exercice des fonctions de juge de proximité sera confié à des magistrats professionnels ou des magistrats non professionnels.
Saisi de la conformité à la Constitution des dispositions de la loi déférée, le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter l'argumentation dont il est saisi comme étant dépourvue de portée à l'égard des dispositions contestées devant lui.
b) Il est vrai que le Gouvernement prévoit que les juridictions de proximité seront composées de magistrats non professionnels. Cette intention apparaît dans les termes, en eux-mêmes dépourvus de valeur normative, du rapport annexé à la loi déférée. En outre, dans la ligne de cette orientation, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat, le 24 juillet 2002, un projet de loi organique relatif aux juges de proximité, lequel introduit au sein de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, un nouveau chapitre fixant les conditions de recrutement et de nomination des juges de proximité, ainsi que celles qui s'attachent à l'exercice de leurs fonctions.
Cette orientation n'apparaît toutefois pas contraire aux exigences constitutionnelles.
On peut observer, d'abord, que notre organisation juridictionnelle connaît, de façon traditionnelle, des juridictions composées, en tout ou en partie, de juges non professionnels, comme les tribunaux de commerce, les conseils de prud'hommes, ou les tribunaux pour enfants. Au sein de ces juridictions, les juges non professionnels ne sont pas toujours associés, dans l'exercice de la fonction juridictionnelle, à des magistrats de carrière.
Il résulte, sans doute, de l'article 64 de la Constitution, rapproché des articles 65 et 66, que les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire sont normalement exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire. Le Conseil constitutionnel n'en a pas moins admis que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas embrasser la carrière judiciaire (décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 ; décision n°94-355 DC du 10 janvier 1995 ; décision n°98-396 DC du 19 février 1998).
En particulier, le Conseil constitutionnel a admis, par sa décision n°94-355 DC, que des fonctions de juge d'instance ou d'assesseur dans les tribunaux de grande instance, investis de compétences en matière civile et pénale, puissent être exercées par des juges non professionnels, recrutés à titre temporaire, et susceptibles, d'ailleurs, d'exercer conjointement certaines activités professionnelles. Dans tous les cas où un recrutement de magistrats exerçant à titre temporaire a été organisé et jugé conforme à la Constitution - conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire, magistrats exerçant à titre temporaire en qualité de juge d'instance ou d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance ou conseillers de cour d'appel en service extraordinaire , le Conseil constitutionnel a admis que ces magistrats avaient vocation à exercer les mêmes fonctions que les magistrats de carrière et qu'ils pouvaient, en particulier, traiter indifféremment des contentieux civil ou pénal relevant de la compétence de leur juridiction d'affectation.
Il n'existe donc pas d'obstacle de nature constitutionnelle interdisant par principe de confier à des magistrats non professionnels des compétences en matière civile et en matière pénale.
Par ailleurs, quant à la préoccupation qui a conduit le Conseil constitutionnel à juger que le recours à des magistrats non professionnels, recrutés à titre temporaire, n'était possible qu'à la condition qu'ils exercent une part limitée des fonctions normalement exercées par des magistrats de carrière, elle est prise en compte par le fait que ces personnes, du fait de la définition des compétences de l'ordre de juridiction auquel elles pourront être affectées, ne connaîtront, en tout état de cause, que d'affaires dont l'importance apparaît particulièrement modeste par rapport à celles dont peut connaître le juge civil ou le juge pénal de première instance.
A cet égard, le Gouvernement entend souligner que la compétence civile attribuée à la juridiction de proximité est limitée aux actions personnelles et mobilières engagées par une personne physique, pour les besoins de sa vie non professionnelle, jusqu'à la valeur de 1.500 Euros ou d'une valeur indéterminée mais qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 1.500 Euros. La compétence du tribunal d'instance porte, pour sa part, en vertu des dispositions de l'article R 321-1 du code de l'organisation judiciaire, sur les actions personnelles ou immobilières jusqu'à 3.800 euros en dernier ressort, et jusqu'à 7.600 euros à charge d'appel, ainsi que, sans limite pécuniaire, sur les attributions énumérées par les articles R 321-2 à R 321-23 du code de l'organisation judiciaire.
En matière pénale, le juge de proximité n'a reçu compétence que pour certaines contraventions de police et pour la validation de mesures de composition pénale. Sur ce dernier point, il faut noter que le législateur a strictement encadré la compétence dévolue à la juridiction de proximité : elle s'exercera, en effet, dans le cadre exclusif d'une délégation donnée par le président du tribunal de grande instance, ce qui permettra de concilier l'intervention d'un magistrat de la juridiction de proximité et celle du président du tribunal de grande instance. A cette réserve essentielle s'ajoutent les strictes conditions et garanties prévues par les articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale qui supposent notamment l'accord de l'auteur des faits aux mesures proposées.
Enfin, il faut noter que, contrairement à ce qui est soutenu, le recours à des magistrats non professionnels rémunérés sur d'autres bases que des traitements fixés par décret en conseil des ministres ne porte aucune atteinte au principe de continuité du service public. Des modes dérogatoires de rémunération, adaptés aux particularités de la situation de juges non professionnels, ont déjà été admis par le Conseil constitutionnel (décision n°94-355 DC du 10 janvier 1995).
c) Il importe, lorsqu'est envisagé le recours à des magistrats non professionnels, que des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires. A cette fin, les intéressés doivent être soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qui découlent de l'exercice de leurs fonctions à titre temporaire (décision n°92-305 DC du 21 février 1992 ; décision n°94-355 DC du 10 janvier 1995 ; décision n°98-396 DC du 19 février 1998).
Les députés requérants soutiennent certes que les dispositions de la loi déférée ne pouvaient être définitivement adoptées avant l'intervention de la loi organique qui fixera les droits et obligations de ces juges non professionnels.
Le Gouvernement ne partage pas cette analyse. La logique lui apparaissait commander que l'institution, par la loi ordinaire, du nouvel ordre de juridiction et la détermination de ses éléments constitutifs précède la discussion et l'adoption de la loi organique relative aux règles statutaires applicables aux juges non professionnels appelés à composer ces juridictions.
On peut d'ailleurs relever que telle avait été l'approche du Conseil constitutionnel lorsqu'il avait été confronté, de façon analogue, à l'articulation entre une loi ordinaire relative au Médiateur des enfants et à la loi organique le rendant inéligible à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il avait alors été jugé que la procédure parlementaire conduisant à l'adoption préalable de la loi organique était contraire à la Constitution (décision n°99-420DC du 16 décembre 1999), et que l'adoption de la loi ordinaire devait intervenir auparavant ou, à tout le moins, être concomitante.
En tout état de cause, il faut souligner que l'absence à ce jour de dispositions statutaires applicables aux magistrats non professionnels susceptibles d'exercer les fonctions de juge de proximité a pour seul effet d'empêcher de confier ces fonctions à de telles personnes, mais leur absence à ce jour n'affecte, en aucune façon, la conformité à la Constitution des dispositions de la loi déférée.
2/ En deuxième lieu, les dispositions déférées ne méconnaissent pas le principe constitutionnel d'égalité devant la justice.
Les dispositions de la loi déférée déterminent les compétences dévolues à l'ordre de juridiction appelé juridiction de proximité dans des conditions qui respectent pleinement le principe d'égalité.
Ainsi, en matière civile, la répartition des compétences opérée entre la juridiction de proximité et le tribunal d'instance ou le tribunal de grande instance obéit à un critère pécuniaire, usuel en la matière. Des litiges se rapportant aux mêmes matières peuvent certes relever de la compétence de juridictions différentes, comme il en va déjà entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance. Mais le taux de compétence, déterminé par un critère de seuil pécuniaire, traduit une différence objective susceptible de fonder la répartition des compétences en matière civile entre les ordres de juridiction. Aucune atteinte au principe d'égalité ne résulte de ce choix objectif.
En matière pénale, les dispositions de l'article 10 de la loi déférée, modifiant le code de procédure pénale, déterminent pareillement de manière objective les cas de compétence de la juridiction de proximité, sans méconnaître le principe d'égalité.
Les auteurs des recours critiquent plus spécifiquement les dispositions de l'article 7 de la loi déférée introduisant un article L. 331-3 au code de l'organisation judiciaire. Cet article prévoit la possibilité, en matière civile, pour le juge de proximité de renvoyer l'affaire au tribunal d'instance qui statue alors en tant que juridiction de proximité, lorsqu'il se heurte à une difficulté juridique sérieuse portant sur l'application d'une règle de droit ou sur l'interprétation du contrat liant les parties.
Ce mécanisme de renvoi, qui n'a rien à voir avec les hypothèses prévues en cas de suspicion légitime ou de récusation par les articles du nouveau code de procédure civile invoqués par les requérants, a été institué dans un souci de bonne administration de la justice et dans l'intérêt même des parties au litige. Sa mise en oeuvre est conditionnée par le législateur à l'utilisation d'un critère tiré d'une difficulté sérieuse, dont on peut relever qu'il est celui qui préside aux renvois préjudiciels entre les deux ordres de juridiction. Contrairement à ce qui est soutenu, la mise en oeuvre de ce mécanisme de renvoi ne saurait ainsi dépendre d'une « appréciation arbitraire » du juge de proximité.
Au demeurant, on peut rappeler l'existence de mécanismes de renvoi au sein de l'ordre judiciaire qui présentent des similitudes avec le mécanisme institué par la loi déférée. Il en va ainsi, par exemple, entre le juge de l'exécution et la formation collégiale du tribunal de grande instance (voir l'article L. 311-12-2 du code de l'organisation judiciaire) ou entre le juge des affaires familiales et la formation collégiale du tribunal de grande instance (voir l'article L. 312-1 du code de l'organisation judiciaire). De même, le juge unique en matière correctionnelle peut, en vertu de l'article 398-2 du code de procédure pénale, renvoyer le jugement d'une affaire au tribunal correctionnel si la complexité des faits le justifie. On peut encore relever que le juge civil des référés peut renvoyer à une audience pour qu'il soit statué au fond sur la demande.
3/ En troisième lieu, les dispositions relatives à la compétence du juge de proximité pour juger de contraventions de police ne sont pas entachées d'incompétence négative.
Les dispositions de l'article 706-72 inséré au code de procédure pénale par l'article 10 de la loi déférée précisent que la juridiction de proximité est compétente pour juger des contraventions de police dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. La juridiction statue alors selon la procédure applicable devant le tribunal de police. Pour le jugement des contraventions relevant des quatre premières classes, les fonctions du ministère public sont exercées par un officier du ministère public, conformément aux dispositions des articles 45 à 48 du code de procédure pénale.
Contrairement à ce que soutiennent les parlementaires requérants, le législateur pouvait sans incompétence négative, après avoir énoncé que le juge de proximité est compétent pour juger, en matière pénale, de contraventions de police, renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer la liste précise de ces contraventions.
Il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant la détermination des crimes et délits, la procédure pénale, la création des nouveaux ordres de juridiction. A ce dernier titre, il incombe au législateur de déterminer les règles constitutives de nouveaux ordres de juridiction (décision n°61-14L du 18 juillet 1961 ; décision n°64-31L du 21 décembre 1964 ; décision n°65-33L du 9 février 1965). Le pouvoir réglementaire est compétent pour fixer les règles applicables qui ne sont pas au nombre de celles qui déterminent les éléments constitutifs de l'ordre de juridiction. Relèvent ainsi du domaine du pouvoir réglementaire des dispositions relatives à la compétence territoriale, même en matière pénale (décision n°77-99L du 20 juillet 1977), ou la désignation du tribunal d'instance comme juridiction compétente au sein de l'ordre judiciaire en matière civile (décision n°87-149L du 20 février 1987).
Le législateur a ainsi, conformément à ce qu'exige la Constitution, déterminé les règles constitutives de la juridiction de proximité. En matière pénale, il a lui-même posé, comme il lui appartenait de le faire, le principe d'une compétence pénale d'attribution, par dérogation à la compétence du tribunal de police déterminée par l'article 521 du code de procédure pénale. Il a, en outre, déterminé les bornes de cette compétence en précisant que les contraventions, et elles seules, pouvaient relever de la compétence de la juridiction de proximité. En revanche, dès lors qu'il fixait cette compétence maximale, il n'était pas tenu de déterminer lui-même la liste précise des contraventions de police, et pouvait renvoyer sur ce point à un décret en Conseil d'Etat.
On peut ajouter qu'en principe, en vertu de l'article 34 de la Constitution qui réserve à la compétence du législateur la seule détermination des crimes et délits, la matière des contraventions de police ne relève pas du domaine de la loi mais de la compétence du pouvoir réglementaire.
Enfin, on peut relever que le renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour déterminer la liste précise de contraventions existe d'ores et déjà dans le droit positif (voir, par exemple, l'article 529 du code de procédure pénale en matière d'amende forfaitaire ou l'article L 2212-5 du code général des collectivités territoriales pour les attributions des agents de police municipale).
Ainsi, les différents moyens articulés par les auteurs des saisines à l'encontre des dispositions du titre II de la loi déférée ne pourront qu'être écartés.
III/ Sur le titre III de la loi
Le titre III de la loi comporte plusieurs dispositions portant réforme du droit pénal des mineurs. Certaines sont critiquées par les auteurs des recours en invoquant, selon leur expression, les principes essentiels de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui devraient, à leurs yeux, se voir reconnaître la valeur de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Sur ce point, le Gouvernement observe qu'à ce jour le Conseil constitutionnel n'a pas conféré valeur constitutionnelle aux principes gouvernant l'ordonnance du 2 février 1945.
Certes, par au moins deux décisions, il a précisé que les procédures pénales applicables aux mineurs devaient être entourées de garanties particulières. C'est ainsi que si l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen laisse au législateur la faculté d'instituer une procédure permettant la retenue de mineurs, au dessus d'un âge minimum, pour les nécessités d'une enquête, c'est à la condition qu'il ne puisse être recouru à cette procédure que dans des cas exceptionnels et pour des infractions graves. La mise en oeuvre de cette procédure, qui appelle des garanties particulières, doit notamment être subordonnée à la décision et soumise au contrôle d'un magistrat spécialisé dans la protection de l'enfance (décision n°93-326 DC du 11 août 1993 ; décision n°93-334 DC du 20 janvier 1994). Pour autant, ces décisions, qui ont déterminé la portée qu'il convient de reconnaître aux termes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'agissant des mineurs, ne se sont pas fondées sur un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Le Conseil constitutionnel n'est susceptible de reconnaître l'existence d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, au sens donné par le premier alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, qu'à la condition que ce principe ait trouvé sa traduction dans des textes issus de la législation républicaine intervenue avant l'entrée en vigueur de la Constitution du 27 octobre 1946 et qu'aucun texte républicain n'y ait dérogé (décision n°88-244DC du 20 juillet 1988 ; décision n°89-254DC du 4 juillet 1989). Il n'apparaît pas acquis que l'ordonnance du 2 février 1945, adoptée par le Gouvernement provisoire de la République française, satisfasse à ces conditions.
Avant 1945, seules deux lois ont été adoptées, sous la IIIème République, en cette matière. La loi du 12 avril 1906 modifiant les articles 66, 67 du code pénal, 340 du code d'instruction criminelle et fixant la majorité pénale à l'âge de dix huit ans a relevé la majorité pénale de seize à dix huit ans en modifiant le code pénal alors applicable, et décidé de minorer les peines applicables aux mineurs de seize ans.
La loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée, institue des règles particulières de responsabilité pénale pour les mineurs de moins de treize ans et les mineurs de treize à dix huit ans, ainsi que des procédures spéciales pour les juger, incluant une enquête sur la personnalité de l'enfant et sa situation matérielle et familiale et l'intervention de juridictions spécialisées. La loi institue également des mesures de liberté surveillée.
Les orientations communes à ces textes se résument ainsi à la minoration de la responsabilité pénale des mineurs, à l'existence de procédures de jugement particulières, et l'institution de juridictions spécialisées. L'examen des dispositions contestées démontre que ces principes, à supposer qu'ils se voient reconnaître valeur constitutionnelle, ne sont pas remis en cause par la loi déférée.
C'est au bénéfice de ces observations liminaires que le Gouvernement entend apporter, aux griefs précisément dirigés contre les articles 11, 12, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 22 et 23 de la loi, les éléments de réponse suivants.
En ce qui concerne les articles 11, 12 et 13 :
A/ L'article 11, modifiant le code pénal, énonce le principe de la responsabilité pénale des mineurs capables de discernement, dont la mise en oeuvre implique des mesures particulières de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation. Il détermine, en outre, le principe de sanctions éducatives susceptibles d'être prononcées à l'encontre de mineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés des mineurs de treize à dix huit ans. L'article 12, modifiant l'article 2 de l'ordonnance du 2 février 1945, prévoit que le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs pourront prononcer une sanction éducative à l'encontre des mineurs de dix à dix huit ans ou une peine à l'encontre des mineurs de treize à dix huit ans en tenant compte de l'atténuation de leur responsabilité pénale. L'article 13, pour sa part, insérant un nouvel article dans l'ordonnance du 2 février 1945, détermine la liste des sanctions éducatives susceptibles d'être prononcées par le tribunal des enfants.
A l'encontre de ces dispositions, les parlementaires requérants soutiennent que l'institution de sanctions éducatives romprait l'équilibre entre éducation et sanction, qui aurait valeur constitutionnelle et serait consacré par l'ordonnance de 1945. Les députés requérants soutiennent, en outre, que les dispositions de l'article 13 méconnaîtraient le principe de nécessité et de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en particulier s'agissant de la sanction interdisant de rencontrer pendant une durée déterminée la victime de l'infraction.
B/ Ces moyens ne pourront qu'être écartés.
1/ L'article 11 de la loi déférée adopte une nouvelle rédaction de l'article 122-8 du code pénal qui se borne à inscrire dans une disposition textuelle expresse les principes qui gouvernent déjà la responsabilité pénale des mineurs, dans le respect de la jurisprudence de la Cour de cassation et dans la ligne de l'ordonnance du 2 février 1945. L'article 12 a pour seule portée d'ajouter les sanctions éducatives, à l'article 2 de l'ordonnance du 2 février 1945, parmi les mesures susceptibles d'être prononcées par les juridictions de mineurs. Cet article ne remet nullement en cause la possibilité pour les magistrats de prononcer des mesures éducatives, les sanctions éducatives et les peines n'étant d'ailleurs susceptibles d'être prononcées, aux termes de la nouvelle rédaction, que « lorsque les circonstances et la personnalité du mineur l'exigent ».
Ainsi, les articles 11 et 12 de la loi ne font que présenter de façon plus claire le régime de responsabilité pénale des mineurs, sans apporter d'autres modifications à l'état du droit que l'instauration de sanctions éducatives.
2/ Contrairement à ce qui est soutenu par les députés requérants, les sanctions éducatives instituées par l'article 13 de la loi ne sont pas contraires au principe de proportionnalité des peines énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
On peut rappeler, d'une part, que s'agissant des mineurs âgés de plus de treize ans, les sanctions éducatives représentent un seuil intermédiaire entre les mesures éducatives prévues à l'article 15 de l'ordonnance du 2 février 1945 et les peines prévues par le code pénal et susceptibles d'être prononcées en application des articles 2 et 18 de l'ordonnance. Il ne saurait, dès lors, être sérieusement soutenu que les sanctions éducatives seraient entachées d'une disproportion manifeste, alors qu'il s'agit de mesures de moindre gravité que les peines actuellement applicables à ces mineurs et que leur prononcé est encadré par la loi.
D'autre part, s'agissant des mineurs de treize ans, ils peuvent déjà, en l'état du droit applicable, faire l'objet de mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation, prévues aux articles 15 et 17 de l'ordonnance, ainsi que de mesures de réparation prévues à l'article 12-1. Les sanctions éducatives permettent ainsi d'élargir le champ des réponses que les tribunaux pour enfants sont susceptibles d'apporter à la délinquance des mineurs âgés de 10 à 13 ans.
Si ces mesures comportent des interdictions ou des obligations contraignantes, leur application à des mineurs de moins de treize ans n'est ni excessive ni disproportionnée. Ces sanctions présentent un fort contenu éducatif : les interdictions ou les obligations qui peuvent être prononcées présentent un lien direct avec l'infraction commise, ce qui leur donne une signification clairement compréhensible pour le mineur condamné et souligne leur caractère pédagogique. Ainsi la confiscation du couteau qui a servi à blesser la victime, l'interdiction de paraître dans le supermarché où le vol a été commis ou l'interdiction de rencontrer la victime de l'extorsion commise, constituent des sanctions qui s'apparentent naturellement à l'infraction commise. On peut également relever que la loi a soigneusement encadré chacune de ces sanctions éducatives, en limitant notamment, chaque fois qu'il était besoin, la durée de l'interdiction ou de l'obligation.
Enfin, l'argument avancé par la saisine et tiré de ce que la mesure d'interdiction de rencontrer la victime de l'infraction serait susceptible d'emporter des conséquences disproportionnées, impliquant par exemple la déscolarisation du mineur, n'emporte pas la conviction. C'est, en effet, d'abord dans l'intérêt de la victime que ce type de mesure sera susceptible d'être prononcé et il appartiendra à la juridiction d'apprécier les conséquences qu'une telle sanction est susceptible d'avoir en regard de l'effet éducatif attendu. En outre, le prononcé d'une telle sanction n'aura pas les conséquence radicales évoquées par la saisine : pour l'exemple de l'interdiction de se rendre dans l'établissement scolaire où est scolarisé la victime, le mineur ne serait, en tout état de cause, pas conduit à interrompre sa propre scolarité mais simplement à changer d'établissement.
Ainsi, les sanctions éducatives, qu'elles soient applicables aux mineurs de dix à treize ans ou à ceux âgés de plus de treize ans, constituent une réponse adaptée à l'augmentation du nombre et de la gravité des actes de délinquance commis par les mineurs. Elles sont destinées, dans l'intérêt même de ceux-ci, à les préserver du risque de la récidive qu'un sentiment d'impunité ne manque pas de favoriser. Leur conformité à la Constitution n'apparaît pas douteuse.
En ce qui concerne l'article 16 :
A/ L'article 16 modifie les conditions, déterminées par l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945, dans lesquelles un mineur de treize ans peut, à titre exceptionnel, être retenu, pour les nécessités de l'enquête, lorsqu'existent des indices graves ou concordants qu'il a tenté de commettre un crime ou certains délits.
Selon les auteurs des recours, les modifications apportées seraient contraires aux prescriptions de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen telles qu'interprétées, s'agissant du droit pénal des mineurs, par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n°93-326 DC du 11 août 1993 ; décision n°93-334 DC du 20 janvier 1994).
B/ Ce grief devra être écarté.
L'article 16 de la loi se borne à modifier, sur trois points, une procédure qui, dans son principe, a été jugée conforme à la Constitution par la décision n°93-384 DC du 20 janvier 1994. Par cette décision, le Conseil constitutionnel a jugé qu'une procédure de rétention exceptionnelle pour les mineurs de dix à treize ans était admissible, dès lors que les infractions susceptibles de justifier sa mise en oeuvre étaient graves, qu'elle était soumise à l'accord préalable et au contrôle d'un magistrat spécialisé dans la protection de l'enfance, et que sa durée était brève.
Les dispositions de la loi déférée ont pour objet de substituer, dans un souci de cohérence avec les dispositions de l'article 80-1 du code de procédure pénale sur la mise en examen, à la condition antérieure exigeant qu'il existe « des indices graves et concordants » laissant présumer que le mineur a commis ou tenté de commettre un crime ou certains délits une condition exigeant des « indices graves ou concordants ». Elles ont également pour objet d'allonger la durée maximale de la retenue de 10 à 12 heures et d'abaisser le seuil de gravité des infractions justifiant l'utilisation de la procédure.
Ces modifications n'ont pas pour effet de porter atteinte aux exigences constitutionnelles en la matière.
En premier lieu, la durée de la retenue demeure brève. Même allongée de deux heures, elle correspond à la moitié de la durée de garde à vue de droit commun (24 heures), dont il faut rappeler qu'elle est susceptible d'être appliquée aux mineurs âgés d'au moins treize ans.
En deuxième lieu, la mise en oeuvre de cette procédure demeure liée à l'existence d'infractions graves, même si le seuil de gravité a été abaissé. A titre d'exemple, le seuil de cinq ans d'emprisonnement encouru correspond, pour s'en tenir à des infractions couramment commises, au vol aggravé (article 311-4 du code pénal), aux dégradations ayant causé un dommage important commises avec circonstance aggravante (article 322-3 du code pénal) ou aux violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours commises avec circonstance aggravante (article 222-12 du code pénal).
En troisième lieu, la loi a pleinement maintenu les garanties particulières qui s'attachent à cette procédure : la mesure ne peut être mise en oeuvre qu'à titre exceptionnel, elle est décidée par un magistrat spécialisé, la désignation d'un avocat est obligatoire dès le début de la mesure, la prolongation de la mesure ne peut intervenir que de façon exceptionnelle. S'appliquent en outre les garanties prévues pour la garde à vue des mineurs de seize ans : information des parents, et visite médicale dès le début de la mesure.
En ce qui concerne les articles 17 et 22 :
A/ L'article 17 détermine les conditions dans lesquelles les mineurs de treize à dix huit ans peuvent être placés sous contrôle judiciaire ainsi que les obligations susceptibles de leur être imposées dans le cadre de ce contrôle. Pour sa part, l'article 22 a pour objet de créer des centres éducatifs fermés destinés à accueillir des mineurs placés en application d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve. Au sein de ces centres, les mineurs feront l'objet de mesures de surveillance et de contrôle permettant d'assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint peut entraîner le placement en détention provisoire ou l'emprisonnement.
Les auteurs des recours soutiennent que les dispositions de l'article 17 porteraient atteinte aux principes essentiels de l'ordonnance du 2 février 1945 et méconnaîtraient les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce que, d'une part, elles soumettraient les mineurs à un régime de contrôle judiciaire plus rigoureux que celui applicable aux majeurs et que, d'autre part, elles pourraient conduire à un enfermement des mineurs dans des centres éducatifs fermés. Ils ajoutent que la transmission au procureur de la République de rapports relatifs au comportement du mineur serait susceptible de lui permettre d'intervenir dans la procédure dans des conditions contraires à l'article 66 de la Constitution. A l'encontre des dispositions de l'article 22, les parlementaires requérants soutiennent qu'elles seraient entachées d'incompétence négative, en ce que le statut des centres fermés ne serait pas suffisamment précisé par le législateur, et qu'elles porteraient atteinte à la liberté individuelle et la présomption d'innocence garanties par les articles 4 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
B/ Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1/ En ce qui concerne les obligations particulières de contrôle judiciaire applicables aux mineurs, il faut, tout d'abord, rappeler que les magistrats peuvent déjà, en vertu des articles 8 et 11 de l'ordonnance du 2 février 1945, ordonner, en cours de procédure, une mesure de liberté surveillée. Ils peuvent également, en vertu de l'article 10 de l'ordonnance du 2 février 1945, confier le mineur à certaines institutions. Cependant, ces mesures de placement sont indépendantes des obligations de contrôle judiciaire qui peuvent, par ailleurs, être prononcées. Il en résulte que le mineur peut respecter les obligations qui lui sont imparties au titre du contrôle judiciaire sans pour autant se conformer aux obligations qui découlent des mesures de placement, de sorte que la méconnaissance de ces dernières obligations ne peut être sanctionnée dans le cadre du contrôle judiciaire.
Cette situation ne permet pas d'asseoir l'autorité nécessaire au déroulement du placement ou des mesures éducatives, et laisse certains mineurs délinquants se soustraire, sans s'exposer à aucune sanction, à la discipline minimale exigée dans le cadre de ces mesures.
C'est pourquoi la loi a institué deux obligations nouvelles spécifiques aux mineurs, qui peuvent leur être imposées dans le cadre du contrôle judiciaire. Les dispositions en cause ne font que rattacher au contrôle judiciaire des mesures qui pouvaient déjà être prises par ailleurs dans le cadre des mesures de liberté surveillée. Elles garantissent toutefois le respect de ces obligations par l'effet des conséquences qui s'attachent, en cas de violation, à la révocation du contrôle judiciaire.
La cohérence ainsi donnée au dispositif, et le renforcement de son effectivité, ne peuvent être jugés contraires à la Constitution. Les mesures instituées sont nécessaires, justifiées et proportionnées. Leur mise en oeuvre est décidée par un magistrat et encadrée par la loi.
On peut, en outre, relever que, s'agissant des mineurs de treize à seize ans, le contrôle judiciaire ne peut être prononcé en matière correctionnelle qu'à la double condition que la peine encourue soit supérieure ou égale cinq ans d'emprisonnement et que le mineur ait déjà fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives ou d'une condamnation à une sanction éducative ou une peine.
2/ Pour leur part, les centres éducatifs fermés sont, aux termes de l'article 22 de la loi modifiant l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945, des établissements publics ou des établissements privés habilités, dans lesquels des mineurs peuvent être placés dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve. Ces centres permettent de mettre en place, au bénéfice des mineurs, un projet éducatif et pédagogique adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles les mineurs placés sont astreints - c'est à dire le fait d'en sortir en dehors des sorties autorisées - les expose, selon le cas, à être placés en détention provisoire par révocation du contrôle judiciaire ou à être emprisonnés en exécution de la révocation du sursis.
Le caractère « fermé » de ces centres résulte ainsi de l'obligation, intrinsèque à ce type de placement, d'avoir à en respecter les règles de fonctionnement. La liberté au sein de ces centres n'est restreinte que par le fait que cette obligation est assortie de la menace de la révocation du contrôle judiciaire ou du sursis. Autrement dit, la mesure de placement emporte une restriction juridique des droits du mineur ; la méconnaissance des obligations imparties n'est éventuellement sanctionnée qu'a posteriori par le juge, au terme d'une appréciation portant sur l'ensemble des circonstances de l'espèce. La mesure de placement n'emporte pas de privation physique de liberté, comme dans les cas de détention provisoire ou d'emprisonnement, mesures qui imposent le maintien à l'intérieur de locaux déterminés par des mesures de coercition physique.
On peut observer que d'autres mesures, susceptibles d'être déjà imposées aux mineurs au titre du contrôle judiciaire, emportent des restrictions juridiques comparables : par exemple l'interdiction de sortir d'un territoire délimité par le juge, l'interdiction de rencontrer les victimes de l'infraction ou les complices, ou l'obligation de se soumettre à un traitement de désintoxication sous le régime de l'hospitalisation.
Il faut, par ailleurs, relever que la loi assortit de garanties particulières le prononcé d'une mesure de placement dans un centre dans le cadre du contrôle judiciaire : elle ne peut être ordonnée que pour une durée de six mois, qui ne peut être renouvelée qu'une fois pour la même durée par ordonnance motivée ; en outre, le placement des mineurs âgés de treize à seize ans est soumis à des conditions particulières qui limitent l'application de la mesure, outre la matière criminelle, aux mineurs encourant une peine d'emprisonnement supérieure à cinq années, pour lesquels des mesures précédentes ont échoué et n'ont pas empêché la commission d'une nouvelle infraction grave. La décision de placement est prise dans ce cas après un débat contradictoire.
En adoptant les dispositions relatives aux centres éducatifs fermés, le législateur a ainsi suffisamment caractérisé les mesures susceptibles d'être imposées aux mineurs et n'est pas resté en deçà de sa compétence. Dès lors que le placement n'emporte pas de privation physique de liberté, le législateur n'avait pas à expliciter davantage les modalités de fonctionnement des centres destinés à les accueillir ou la nature des mesures de surveillance et de contrôle propres à permettre d'assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé adaptés à la personnalité des mineurs. On peut, d'ailleurs, relever que le législateur n'a pas davantage précisé les modalités d'application d'autres obligations susceptibles d'être imposées au titre du contrôle judiciaire, par exemple l'obligation de se soumettre à un traitement de désintoxication.
Compte tenu des garanties apportées et du champ d'application limitée de cette mesure en ce qui concerne les mineurs âgés de treize à seize ans, le placement en centre fermé ne saurait, enfin, être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle ou à la présomption d'innocence. Il s'agit d'une mesure équilibrée qui offre une alternative à la détention pour les mineurs de seize à dix-huit ans particulièrement délinquants ainsi que, en matière criminelle, pour les mineurs de treize à seize ans. Elle permet aussi, pour ces derniers et en matière correctionnelle, de disposer d'une mesure supplémentaire, rendue nécessaire par l'échec de mesures moins contraignantes que sont les mesures éducatives ou les sanctions éducatives.
3/ Les auteurs de la saisine contestent aussi la disposition du dernier alinéa du II de l'article 10-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 dans sa rédaction résultant de l'article 17 de la loi déférée, qui prévoit la délivrance au ministère public d'une copie des rapports établis sur les manquements commis aux obligations du contrôle judiciaire et adressés par le responsable du service chargé du mineur au juge des enfants ou au juge d'instruction.
Cette simple transmission est destinée à permettre au magistrat du parquet d'être informé de ces manquements afin qu'il puisse, le cas échéant, prendre auprès du juge des enfants ou du juge d'instruction des réquisitions de placement en détention provisoire après révocation du contrôle judiciaire. Cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet de conférer au ministère public, qui est au demeurant partie intégrante de l'autorité judiciaire, des prérogatives nouvelles : elle vise seulement à lui permettre d'exercer les compétences qu'il exerce au cours de l'information judiciaire. L'invocation par les auteurs de la saisine des termes de l'article 66 de la Constitution apparaît ainsi dépourvue de fondement.
En ce qui concerne l'article 18 :
A/ L'article 18 détermine les conditions dans lesquelles des mineurs de treize à dix huit ans mis en examen peuvent être placés en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.
Selon les recours, ces dispositions méconnaîtraient les principes de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elles auraient en outre pour effet, revenant sur les termes de la loi n°87-1062 du 30 décembre 1987, de priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
Le Gouvernement entend rappeler qu'il est toujours loisible au législateur de modifier des textes antérieurs ou d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, sans toutefois que l'exercice de ce pouvoir ait pour effet de priver de garanties légales des exigences constitutionnelles.
En l'espèce, il faut relever que la circonstance que le législateur ait choisi, en adoptant la loi du 30 décembre 1987, de supprimer la détention provisoire en matière correctionnelle pour les mineurs de moins de seize ans, ne saurait avoir pour effet de lui interdire, par principe, de modifier pour l'avenir cette disposition, en considération de l'évolution de la délinquance des mineurs. Il lui appartient, à cet égard, de concilier les exigences de nature constitutionnelle tenant d'une part à la garantie des libertés individuelles et de la présomption d'innocence, mais aussi, d'autre part, à la protection de la sécurité et de l'ordre public. Il peut ainsi être conduit à adapter, en conséquence, la législation en vigueur.
Or, l'évolution de la délinquance des mineurs se caractérise, comme le montre le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, par une augmentation très significative du nombre de mineurs mis en cause - progressant de 79 % entre 1992 et 2001 -, par une augmentation, au sein de l'ensemble des actes de délinquance, de la part des infractions commises par des mineurs, par un rajeunissement de l'âge des mineurs impliqués - les mineurs de moins de seize ans représentent aujourd'hui 49 % des mineurs mis en cause -, et par une aggravation de la nature des infractions commises - le nombre des mineurs mis en cause pour vols avec violence, viols, violences volontaires ou destructions de biens a quadruplé depuis la fin des années soixante-dix -. A titre d'exemple de cette dernière évolution, la part des mineurs mis en cause pour des vols avec violence sur la voie publique contre des particuliers est passée de 33, 1 % en 1992 à 50,1 % en 2001.
Ces évolutions, qui concernent en particulier les mineurs de moins de seize ans, justifient que le législateur autorise à nouveau, dans certaines circonstances exceptionnelles, le recours à la détention provisoire en matière correctionnelle pour des mineurs âgés de treize à seize ans.
Au demeurant, le législateur a assorti ce recours de garanties particulières : la durée de la détention provisoire est limitée à quinze jours ou un mois s'il s'agit d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement ; elle ne peut être renouvelée qu'une seule fois ; la détention doit être exécutée dans un établissement pénitentiaire garantissant, d'une part, un isolement complet avec les détenus majeurs et, d'autre part, la présence en détention d'éducateurs dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat
Au surplus, il faut souligner que le placement en détention provisoire pour les mineurs de treize à seize ans ne peut intervenir que s'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire imposant le placement dans un centre éducatif fermé, conformément au III de l'article 10-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 résultant de l'article 17 de la loi déférée. Or, le placement de ces mineurs dans un centre éducatif fermé ne peut, en matière correctionnelle, être prononcé qu'à l'encontre de ceux qui ont auparavant fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives ou qui a déjà été condamné à une sanction éducative ou à une peine. Le placement en détention provisoire n'est ainsi susceptible d'être ordonné qu'après que le mineur aura méconnu les obligations résultant du placement en centre éducatif fermé, lequel ne pouvait lui-même, en matière correctionnelle, être ordonné que pour des mineurs mis en examen pour des délits graves après l'échec de précédentes interventions judiciaires. Les mineurs de treize à seize ans ne pourront donc faire l'objet d'une mesure de détention provisoire qu'à l'issue de cet enchaînement, après l'échec des autres mesures.
En ce qui concerne l'article 19 :
A/ L'article 19 a pour objet d'instituer une procédure de jugement à délai rapproché, applicable aux mineurs de seize à dix huit ans passibles de peines supérieures ou égales à trois ans d'emprisonnement en cas de flagrance, à cinq ans dans les autres cas, ainsi qu'aux mineurs de treize à seize ans encourant une peine comprise entre cinq et sept années d'emprisonnement.
Cette procédure ne peut être engagée que si des investigations de fait ne sont pas nécessaires et si une enquête sur la personnalité du mineur a été accomplie depuis moins d'un an. L'audience doit avoir lieu dans un délai compris entre dix jours et un mois suivant la notification des faits reprochés par le procureur de la République. Le mineur bénéficie de l'assistance d'un avocat dès cette notification. Il est jugé par le tribunal pour enfants, qui peut renvoyer à une prochaine audience dans un délai qui ne peut être supérieur à un mois et décider un supplément d'information.
A l'encontre de ces dispositions, les parlementaires requérants font valoir que cette procédure de jugement à délai rapproché s'apparenterait à la procédure de comparution immédiate et s'écarterait des principes de l'ordonnance du 2 février 1945. Elle serait, de plus, contraire aux prescriptions des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen parce qu'elle porterait une atteinte disproportionnée aux garanties de procédure dont doivent disposer les mineurs.
B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter cette argumentation.
On ne saurait déduire des exigences constitutionnelles qui imposent des garanties particulières en matière de droit pénal des mineurs, que les dispositions pénales applicables aux mineurs doivent être en tous points distinctes de celles applicables aux majeurs. Autrement dit, la similitude de certaines dispositions applicables aux mineurs avec des dispositions applicables aux majeurs ne peut, par elle-même et à elle seule, être regardée comme contraire à la Constitution.
En l'espèce, on relèvera que la procédure de jugement à délai rapproché instituée par la loi déférée à l'égard de mineurs de plus de treize ans n'est pas identique à la procédure de comparution immédiate applicable aux majeurs et régie par les dispositions des articles 395 à 396-7 du code de procédure pénale. La procédure de jugement à délai rapproché n'emporte pas les mêmes effets et est assortie de garanties particulières adaptées à la situation des mineurs.
Cette procédure ne permet pas de juger le mineur immédiatement ou à la première audience utile, comme il en va dans le cadre de la comparution immédiate, mais l'audience doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur dix jours ni supérieur à un mois. Ce délai garantit notamment que le juge des enfants et ses assesseurs disposeront du temps nécessaire pour l'étude préalable du dossier. L'avocat est mis à même d'assister le mineur dès le début de ce délai de dix jours.
La spécificité traditionnelle du droit pénal des mineurs qui exige que soit prise en considération, de façon particulière, la personnalité du mineur est respectée, le recours à la procédure de jugement à délai rapproché n'étant possible que si des renseignements de personnalité suffisants ont déjà été recueillis et datent de moins d'un an. Ce délai d'un an ne peut être jugé excessif. Il n'est d'ailleurs pas nécessairement supérieur au délai qui peut s'écouler dans une procédure normale entre le moment ou l'enquête de personnalité est réalisée et l'audience de jugement du tribunal pour enfants qui intervient, le plus souvent, dans un délai compris entre six mois et trois ans. En outre, le ministère public doit, en vertu de l'article 12 de l'ordonnance du 2 février 1945 modifié par le 2 ° de l'article 19 de la loi déférée, consulter le service de la protection judiciaire de la jeunesse compétent qui pourra donner un éclairage complémentaire sur la personnalité du mineur avant toute réquisition liée au jugement à délai rapproché. Enfin, le défaut ou l'insuffisance de renseignement de personnalité peut conduire le tribunal saisi à renvoyer l'examen de l'affaire à une date ultérieure en commettant le juge des enfants pour procéder aux investigations nécessaires.
Il faut, en outre, souligner que les mineurs demeurent justiciables de la juridiction spécialisée du tribunal pour enfants. Quant aux mesures de détention provisoire ou de contrôle judiciaire susceptibles d'être prononcées par le juge des enfants jusqu'à la comparution à délai rapproché, elles ne différent pas des mesures qui peuvent être prononcées à l'égard des mineurs dans le cadre d'une procédure d'instruction.
La procédure de jugement à délai rapproché instituée par l'article 19 de la loi déférée ne saurait ainsi être regardée comme une procédure de comparution immédiate de droit commun, méconnaissant les particularités du droit pénal des mineurs. Il s'agit, au contraire, d'une procédure adaptée qui ne renonce nullement aux principes du droit pénal des mineurs, et permet, lorsque les conditions fixées par la loi sont remplies, qu'un jugement puisse intervenir dans un délai bref qui garantit l'exercice des droits de la défense. On peut d'ailleurs souligner que l'intervention d'un jugement à bref délai apparaît particulièrement adaptée à la situation des mineurs, compte tenu de l'évolution rapide de leur personnalité, la sanction judiciaire n'étant véritablement comprise et susceptible d'infléchir leur comportement que si elle est suffisamment proche des faits.
En ce qui concerne l'article 20 :
A/ L'article 20 a pour effet d'attribuer compétence à la juridiction de proximité pour juger, en lieu et place du tribunal de police, les contraventions des quatre premières classes commises par des mineurs.
Selon les recours, ces dispositions méconnaîtraient l'article 66 de la Constitution et le principe constitutionnel imposant une spécificité de la justice des mineurs, parce qu'elles confieraient à des magistrats non professionnels, n'ayant pas reçu de formation professionnelle adaptée, une compétence en matière pénale à l'égard des mineurs.
B/ Le grief ne pourra qu'être écarté.
Il a déjà été répondu aux critiques de principe adressées par les parlementaires requérants à l'institution de la juridiction de proximité.
En ce qui concerne la compétence attribuée au juge de proximité par l'article 20 de la loi déférée pour juger des contraventions des quatre premières classes commises par des mineurs, il sera fait observer que le jugement de ces contraventions est d'ores et déjà attribué, par l'article 21 de l'ordonnance du 2 février 1945, au tribunal de police. Ainsi, en l'état actuel du droit, le jugement de ces infractions, qui sont les moins graves de celles réprimées par le code pénal, est exercé par des juges qui ne sont pas spécialisés dans le traitement des affaires mettant en cause des mineurs.
L'article 20 de la loi déférée a seulement pour objet de transférer du tribunal de police à la juridiction de proximité le jugement des contraventions commises par les mineurs, pour ce qui relève des contraventions relevant par ailleurs de la compétence du juge de proximité. Les prescriptions particulières fixées pour le tribunal de police par l'article 21 de l'ordonnance du 2 février 1945, qui tiennent compte de la situation particulière des mineurs, s'appliqueront au juge de proximité en vertu de la loi.
Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la disposition critiquée soit contraire aux exigences constitutionnelles en la matière.
En ce qui concerne l'article 23 :
A/ L'article 23 a pour effet de suspendre le versement de la part des allocations familiales relative à un mineur lorsqu'il est placé dans un centre éducatif fermé. Le juge des enfants peut toutefois décider de le maintenir lorsque la famille participe à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant ou afin de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer.
Les auteurs des recours invoquent à l'encontre de ces dispositions les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui impliquent que nul n'est punissable que de son propre fait et affirment qu'elles constitueraient une sanction disproportionnée. Les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, soutiennent, en outre, que les dispositions contestées auraient pour effet de modifier la nature juridique des allocations familiales.
B/ Cette argumentation ne peut être suivie.
En effet, la mesure incriminée ne peut être regardée comme une sanction. Elle s'analyse comme une mesure administrative qui tire les conséquences du placement d'un mineur dans un centre éducatif fermé.
L'article L 521-2 du code de la sécurité sociale dispose que les prestations sociales sont versées à la personne qui assume la charge effective et permanente du mineur et prévoit expressément, lorsque le mineur fait l'objet d'une mesure de placement judiciaire, le versement des prestations familiales au service de l'aide sociale à l'enfance ou au trésor public. De même, l'article 40 de l'ordonnance du 2 février 1945 dispose, en cas de placement provisoire ou définitif d'un mineur, que les allocations familiales, majorations et allocations d'assistance auxquelles le mineur ouvre droit sont versées directement par l'organisme débiteur à la personne ou à l'institution qui a la charge du mineur pendant la durée du placement.
En l'espèce, l'article 23 de la loi déférée se borne à énoncer une règle analogue en cas de placement dans un centre éducatif fermé. Il est précisé que la suspension ne peut porter que sur la seule part représentée par le mineur délinquant. La durée de la suspension n'excède pas la durée du placement. Enfin, le législateur a prévu la possibilité pour le juge de maintenir les allocations lorsque la famille participe à la prise en charge du mineur ou pour faciliter le retour de l'enfant dans son foyer. Ce dispositif permet de faire du maintien des allocations familiales un élément incitatif dans le souci que la famille contribue à la réinsertion du mineur et à l'amendement de son comportement.
IV/ Sur l'article 37 de la loi
A/ L'article 37 a pour objet de modifier certaines dispositions du code de procédure pénale relatives au placement en détention provisoire. En particulier, il modifie l'article 137-4 du code de procédure pénale en prévoyant que le juge d'instruction qui estime qu'un placement en détention requis par le procureur de la République n'est pas justifié est tenu de statuer sans délai par une ordonnance motivée. Il modifie, en outre, certaines dispositions du code de procédure pénale relatives à la prolongation de la détention provisoire.
Il est soutenu à l'encontre de ces dispositions que, revenant sur certaines dispositions issues de la loi n°2000-516 du 15 juin 2000, elles auraient pour effet de priver de garanties légales des exigences constitutionnelles découlant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
B/ Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
Les dispositions en cause, qui apportent quelques aménagements aux règles relatives à la détention provisoire, ne portent pas atteinte au principe constitutionnel de la présomption d'innocence, garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ce principe n'exclut pas que des mesures de sûreté nécessaires à la protection des victimes et à la préservation des intérêts de la société soient prises, dès lors qu'elles sont prévues par la loi et proportionnées. Il appartient au législateur d'apporter aux règles applicables toutes les modifications qu'il juge nécessaires à la conciliation des différents intérêts généraux dont il a la charge, dès lors qu'il ne prive pas de garanties légales des exigences à caractère constitutionnel.
Or, dans cette matière, peuvent sans doute être regardées comme des garanties le fait que les mesures de détention provisoire doivent être décidées par un magistrat, au terme d'une procédure contradictoire. En revanche, la détermination des seuils et des conditions de la détention provisoire ne met pas en cause l'existence de ces garanties et peut être modifiée par le législateur.
En l'espèce, la loi déférée se borne, d'ailleurs, à apporter quelques modifications techniques aux dispositions adoptées par la loi du 15 juin 2000. On peut, de plus, relever que les règles relatives à la détention provisoire ont changé à de nombreuses reprises au cours de la période récente, les critères permettant le prononcé d'une telle mesure ayant été modifiés pas moins de cinq fois au cours des dix dernières années (lois des 4 janvier 1993, 24 août 1993, 30 décembre 1996, 15 juin 2000 et 4 mars 2002). Ces modifications successives, qui témoignent de la difficulté pour le législateur d'aboutir à un équilibre durable en la matière, ne peuvent être regardées comme portant atteinte à des principes de valeur constitutionnelle.
Les parlementaires requérants contestent précisément deux des mesures décidées par l'article 37 de la loi déférée.
S'agissant, en premier lieu, des critiques adressées à la nouvelle rédaction de l'article 137-4 du code de procédure pénale, il ne saurait être sérieusement soutenu que l'obligation faite au juge d'instruction de motiver l'ordonnance par laquelle il estime, contrairement aux réquisitions du ministère public, qu'une mise en détention provisoire n'est pas justifiée, reviendrait à priver de garanties légales une exigence constitutionnelle.
La disposition critiquée ne remet nullement en cause le principe énoncé à l'article 137 du code de procédure pénale selon lequel la personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Elle se borne à prévoir la motivation des ordonnances par lesquelles le juge d'instruction estime que la détention provisoire n'est pas justifiée. On observera que l'on applique ainsi la règle de droit commun selon laquelle les décisions juridictionnelles sont motivées.
S'agissant, en second lieu, de l'abaissement des seuils de placement en détention provisoire, la disposition critiquée est celle du 3 ° de l'article 37 qui abroge le quatrième alinéa de l'article 143-1 du code de procédure pénale selon lequel la détention provisoire fondée sur l'un des délits réprimés par le livre III du code pénal, relatif aux atteintes aux biens, ne peut en principe être ordonnée ou prolongée que si cette infraction est punissable d'au moins cinq ans d'emprisonnement.
Il faut observer que cette disposition était d'ores et déjà soumise à certaines exceptions. L'une d'elle avait été apportée par la loi du 15 juin 2000 elle-même, afin de tenir compte du passé pénal de la personne poursuivie. Une autre a été posée par la loi du 4 mars 2002, afin de faciliter la détention provisoire de la personne mise en examen ayant des antécédents. Ces deux exceptions liées à la personnalité de la personne poursuivie ramenaient le seuil de détention possible à celui prévu pour toutes les autres infractions correctionnelles, c'est à dire 3 ans.
En définitive, le législateur a estimé préférable de simplifier les règles de détention provisoire correctionnelle en fixant un seuil unique de 3 ans pour tous les délits. Cette simplification est d'ailleurs gage de cohérence, puisque la distinction qui était faite entre les délits figurant dans le livre III du code pénal et les autres pouvait aboutir à des résultats paradoxaux.
V/ Sur l'article 38 de la loi
A/ L'article 38 institue une procédure de référé-détention permettant au procureur de la République, lorsqu'une ordonnance de mise en liberté d'une personne placée en détention provisoire est rendue contrairement à ses réquisitions par le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction, de saisir le premier président de la cour d'appel, dans un délai de quatre heures, parallèlement à l'appel interjeté devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel. L'ordonnance de mise en liberté ne peut être mise à exécution tant que n'est pas intervenue la décision du premier président de la cour d'appel ou celle de la chambre de l'instruction. Le premier président, ou le magistrat qu'il délègue, statue au plus tard le deuxième jour ouvrable suivant la demande. A défaut, la personne détenue est mise en liberté sauf si elle est détenue pour une autre cause.
Il est fait grief à ces dispositions de méconnaître l'article 66 de la Constitution qui impliquerait qu'il ne peut être fait obstacle à la décision prise par un magistrat du siège de mettre en liberté une personne détenue, même dans l'attente de la décision du juge d'appel, de porter atteinte à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de rompre l'égalité des armes entre les parties au procès pénal.
B/ Ces griefs devront être écartés.
Par la décision n°97-389 DC du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel a certes déduit de l'article 66 de la Constitution qu'en principe, lorsque un magistrat du siège a, dans la plénitude des pouvoirs que lui confère cet article de la Constitution, décidé qu'une personne doit être mise en liberté, il ne peut être fait obstacle à cette décision, fût-ce dans l'attente, le cas échéant, de celle du juge d'appel. Mais il a reconnu que ce principe pouvait connaître certains aménagements et a admis, en l'espèce, la conformité à la Constitution d'une procédure permettant au procureur de la République de demander, sous certaines conditions, au premier président de la cour d'appel de rendre suspensif l'appel interjeté contre une ordonnance refusant la prolongation du maintien en rétention d'un étranger en situation irrégulière.
La procédure de référé-détention instituée par l'article 38 de la loi déférée présente des caractères analogues à ceux de la procédure qui a fait l'objet de la décision précitée du 22 avril 1997. Comme elle, elle ne pourra qu'être déclarée conforme à la Constitution.
Comme la procédure soumise à l'examen du Conseil constitutionnel en 1997, le référé-détention répond à d'impérieuses nécessités que le législateur pouvait légitimement prendre en considération. Il s'agit, en effet, d'éviter que, pendant le temps nécessaire à l'examen de l'appel, l'irréparable s'accomplisse et que ce que la détention provisoire avait précisément pour but d'éviter - disparition de l'intéressé, réitération de l'infraction - ne soit irrémédiablement commis.
Le référé-détention est formé à l'initiative d'un magistrat du parquet qui, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a énoncé dans la décision n°93-323 DC du 5 août 1993 ou dans la décision précitée du 22 avril 1997, appartient, comme les magistrats du siège, à l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle selon les termes de l'article 66 de la Constitution. Partie intégrante de la juridiction pénale, il joue un rôle particulier dans le déroulement des procédures pénales conformément à ce que prévoit la loi, notamment pour ce qui touche au contrôle des enquêtes, à l'exercice des poursuites et à l'exécution des décisions pénales. Dans le procès pénal, il représente la société et l'intérêt général et s'assure du respect de la loi. Il se conçoit, dans ces conditions, que le législateur puisse lui reconnaître l'initiative d'une procédure comme celle du référé-détention.
La loi a, de plus, strictement limité et encadré la mise en oeuvre du référé-détention. Ce recours est, en effet, exercé par un magistrat du parquet ; il doit être formé dans un délai de quatre heures et être accompagné de réquisitions écrites et motivées ; les droits de la défense sont garantis en ce que la personne mise en examen, ou son avocat, peuvent présenter des observations écrites ; le premier président de la cour d'appel, ou le magistrat qui le remplace, dispose de deux jours ouvrables pour suspendre les effets de l'ordonnance de mise en liberté ; à défaut de décision dans ce délai, la personne poursuivie est immédiatement remise en liberté ; si le premier président ordonne la suspension des effets de l'ordonnance de mise en liberté, cette suspension ne produit effet que jusqu'à ce que la chambre de l'instruction se prononce sur l'appel formé par le parquet ; la comparution personnelle de la personne poursuivie devant la chambre de l'instruction est de droit ; la chambre de l'instruction dispose d'un délai de dix jours pour statuer sur l'appel, faute de quoi la personne est mise en liberté d'office si elle n'est pas poursuivie pour une autre cause.
Dans ces conditions, il apparaît que la procédure de référé-détention, qui ne porte par elle-même pas d'atteinte au principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, satisfait aux exigences constitutionnelles.
Au demeurant, il faut noter que le référé-détention ne concerne pas des personnes qu'un juge du siège aurait refusé de placer en détention, mais des personnes à l'égard desquelles existe déjà un titre de détention judiciaire. Le champ d'application de cette nouvelle procédure est en effet restreint aux seuls cas dans lesquels le parquet ferait appel d'une décision de remise en liberté prise pendant la durée de la détention provisoire ou de sa prolongation. Il ne peut être fait usage du référé détention en cas d'appel d'une décision de refus ou de non prolongation de la détention provisoire. Le référé-détention n'est ainsi susceptible de concerner que des personnes qui ont déjà été placées en détention provisoire par décision motivée d'un juge des libertés et de la détention, lui-même saisi à cette fin par ordonnance motivée d'un juge d'instruction, conformément à l'article 145 du code de procédure pénale.
V/ Sur l'article 42 de la loi
A/ L'article 42 introduit au code de procédure pénale des articles 495, 495-1, 495-2, 495-3, 495-4, 495-5 et 495-6 instituant une procédure simplifiée applicable aux délits prévus par le code de la route.
Les auteurs des recours soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la justice.
B/ Cette argumentation ne peut être accueillie par le Conseil constitutionnel.
On ne saurait, en effet, considérer que le principe posé par la décision n°75-56 DC du 23 juillet 1975, qui fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes, impose une uniformité de la procédure pénale, interdisant au législateur d'envisager diverses possibilités de réponse pénale, le cas échéant applicables aux mêmes infractions.
Il convient de souligner à cet égard qu'il incombe au ministère public d'apprécier au cas par cas la suite qu'il entend donner aux infractions portées à sa connaissance. Il peut ainsi choisir de ne pas mettre en mouvement l'action publique, avec ou sans mesure alternative, en vertu des articles 40 et suivants du code de procédure pénale. S'il décide de poursuivre, la loi lui ouvre le choix entre différentes procédures - par exemple saisir, ou non, un juge d'instruction -, et entre diverses modalités de saisine de la juridiction de jugement - citation directe, comparution par procès-verbal, comparution immédiate -. On peut constater, d'ailleurs, que la disposition critiquée est proche, dans ses principes, de la procédure d'ordonnance pénale existant en matière contraventionnelle depuis la loi n°72-5 du 3 janvier 1972, et modifiée à plusieurs reprises (voir notamment les lois n°92-1336 du 16 décembre 1992 et n°93-913 du 19 juillet 1993).
De fait, l'existence de ces procédures différenciées n'a jamais été remise en cause par le Conseil constitutionnel, qui a reconnu, au contraire, qu'il était loisible au législateur de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurés aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense (décision n°86-215 DC du 3 septembre 1986). Le Conseil constitutionnel avait alors admis la conformité à la Constitution de dispositions relatives à la procédure de comparution immédiate, qui est l'une des procédures applicables. On peut aussi relever qu'une procédure de composition pénale a été instituée par la loi n°99-515 du 23 juin 1999, dans le respect des principes arrêtés par la décision n°95-360DC du 2 février 1995.
En l'espèce, l'objectif recherché par le législateur lorsqu'il a adopté le dispositif contesté, dont l'application est limitée à certains délits prévus au code de la route, est d'améliorer le fonctionnement général de la justice en permettant de simplifier le traitement des infractions en cause, lesquelles se caractérisent par leur nombre et, le plus souvent, par une absence de contestation sur les faits. Les procédures habituelles de jugement apparaissent, dans ces conditions, inadaptées à cette partie du contentieux répressif. Leur mise en oeuvre se traduit par des disparités importantes de traitement sur l'ensemble du territoire. Elles sont d'ailleurs souvent incomprises par les prévenus qui, dans la majorité des cas, ne contestent pas les faits commis et souhaitent surtout qu'une décision rapide soit rendue à leur endroit. A cet égard, la procédure instituée permettra un traitement plus simple et plus rapide de ces infractions.
Le législateur a précisément encadré le recours à cette procédure. Elle n'est, en effet, applicable qu'à l'égard d'infractions strictement définies ; les faits doivent être établis par l'enquête ; il doit exister des renseignements de personnalité sur la personne poursuivie ; les faits ne doivent pas avoir donné lieu de la part de la victime à une demande de dommages et intérêts ou en restitution ou à une citation directe du prévenu. La loi a, de même, imposé des garanties particulières : la décision est rendue par un juge du siège qui doit la motiver, les seules peines encourues sont l'amende et une peine complémentaire, le prévenu dispose d'un délai de 45 jours pour faire opposition, auquel cas l'affaire fera l'objet d'un débat contradictoire et public devant le tribunal correctionnel.
Cette procédure ne peut ainsi être jugée contraire au principe constitutionnel d'égalité. Elle repose, de plus, sur la décision d'un magistrat du siège et apparaît respectueuse des droits de la défense. Sa mise en oeuvre est entourée de garanties suffisantes. Sa conformité à la Constitution ne peut, dès lors, être mise en doute.
On peut d'ailleurs relever que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que le mécanisme de sanction que connaît le droit allemand, notamment en matière d'infractions routières, lequel présente des traits analogues au mécanisme adopté par la loi déférée, ne méconnaissait pas les termes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH 21 février 1984, Ozturk c/ Allemagne), dès lors que l'intéressé pouvait saisir un tribunal de toute décision prise à son encontre.
VI/ Sur l'article 49 de la loi
A/ L'article 49 a pour objet de permettre le placement sous surveillance électronique, avec son accord, d'une personne mise en examen dans le cadre d'un contrôle judiciaire. La mise en oeuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance pourra être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Selon les parlementaires requérants, ces dispositions porteraient une atteinte excessive à la liberté individuelle, à la vie privée, à la présomption d'innocence, garanties par les articles 2, 4, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ils soutiennent en outre que l'application de ce dispositif aux mineurs serait susceptible de porter atteinte à la dignité de l'enfant. Ils relèvent, enfin, que la possibilité de confier à une personne privée la mise en oeuvre du dispositif technique constituerait une forme de « privatisation » de la procédure pénale incompatible avec les principes de notre droit.
B/ Ces moyens ne pourront qu'être écartés.
1/ Il faut, en premier lieu, relever que, le code de procédure pénale prévoit qu'une personne mise en examen peut être astreinte, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à des obligations de contrôle judiciaire, et qu'elle peut aussi, à titre exceptionnel, lorsque le contrôle judiciaire se révèle insuffisant, être placée en détention provisoire.
Par nature, ces mesures de contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire ont pour effet de restreindre la liberté individuelle. Ainsi, certaines des mesures qui peuvent aujourd'hui être prononcées dans le cadre du contrôle judiciaire emportent des restrictions à la liberté d'aller et venir : par exemple l'interdiction de sortir d'un territoire déterminé, le cas échéant, de façon très restrictive, celle de s'absenter de son domicile ou de sa résidence, celle de se rendre dans certains lieux (voir les 1 °, 2 ° et 3 ° de l'article 138 du code de procédure pénale). L'atteinte à la liberté individuelle résultant de la mesure de contrôle judiciaire ou de la détention provisoire doit être nécessaire et proportionnée au but recherché. On peut relever que de telles mesures sont dépourvues d'incidence sur la présomption d'innocence dont bénéficient les personnes poursuivies.
Le placement sous surveillance électronique dans le cadre d'un contrôle judiciaire, autorisé par la loi déférée, doit permettre d'éviter, dans certaines circonstances, d'avoir recours aux contraintes supérieures de la détention provisoire. S'il ne se traduit pas par un changement de nature des obligations imposées dans le cadre du contrôle judiciaire, l'emploi des techniques de surveillance particulières qu'il implique permet de mieux s'assurer de leur respect. Dès lors, il peut conduire à ce que les juges compétents estiment suffisantes les garanties apportées par ce mode de contrôle judiciaire, ce qui éviterait d'avoir recours à la détention provisoire, qui emporte, pour sa part, une privation matérielle de liberté.
On rappellera enfin que, compte tenu de la spécificité de ce procédé technique, il ne pourra être mis en oeuvre qu'avec l'accord exprès de la personne poursuivie recueilli en présence de son avocat.
La mesure adoptée par l'article 49 de la loi déférée ne peut ainsi être regardée comme portant une atteinte excessive à la liberté individuelle, à la vie privée et à la présomption d'innocence.
2/ L'applicabilité du dispositif à certains mineurs ne saurait davantage être jugé contraire à la Constitution.
L'applicabilité de principe de ces dispositions aux mineurs de plus de treize ans résulte de l'article 10-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 issu de l'article 17 de la loi déférée. En vertu des dispositions du I de cet article, les mineurs de treize à dix huit ans peuvent être placés sous contrôle judiciaire dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, sous réserve de dispositions particulières.
Au titre de ces dispositions particulières, il faut souligner que les mineurs de treize à seize ans faisant l'objet de poursuites correctionnelles ne peuvent être astreints, au titre du contrôle judiciaire, qu'à respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif fermé (voir le III de l'article 10-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 résultant de l'article 17 de la loi déférée). Il est ainsi exclu que le contrôle judiciaire prenne la forme, en matière correctionnelle, d'un placement sous surveillance électronique pour un mineur de treize à seize ans.
Dans les autres cas - c'est à dire pour les mineurs de plus de seize ans ou les mineurs de treize à seize ans en matière criminelle -, il faut relever que la mise en oeuvre du dispositif techniquement très discret n'emporte pas d'atteinte à la dignité de la personne poursuivie.
3/ En prévoyant, enfin, que la mise en oeuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privée habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, le législateur n'a méconnu aucune règle de valeur constitutionnelle.
La disposition en cause a pour seul objet de permettre, le cas échéant, de déléguer à des entreprises privées des tâches de nature exclusivement technique, qu'elles accompliront sous contrôle de la puissance publique.
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En définitive, le Gouvernement considère qu'aucun des moyens soulevés par les auteurs des recours n'est de nature à justifier la censure des dispositions déférées au Conseil constitutionnel.