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Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 - Saisine par 60 députés

Loi de modernisation sociale
Non conformité partielle

Conformément à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de modernisation sociale.
Les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer la loi précédemment citée non conforme à la Constitution, notamment pour les motifs suivants développés ci-dessous.

SUR L'INCONSTITUTIONNALITÉ DU TITRE II DE LA LOI DE MODERNISATION SOCIALE
I- EN CE QUI CONCERNE LES GRIEFS TIRES DU NON RESPECT DE LA PROCEDURE LEGISLATIVE
Le gouvernement a introduit, par voie d'amendements déposés en séance lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, un grand nombre d'articles additionnels dont plus de quatorze concernent les licenciements. Ces derniers articles modifient des dispositions essentielles du code du travail et constituent « une véritable réforme du doit du licenciement » (rapport du Sénat, M. Gournac, n° 424). Comme l'a souligné le rapporteur du Sénat, alors même que ces articles ont des conséquences considérables sur la gestion des entreprises et donc sur l'emploi, aucune étude n'a été réalisée au préalable pour établir un bilan du droit du licenciement. Un tel sujet aurait par ailleurs pu se prêter à un avis du Conseil économique et social.
Ces articles additionnels auraient du faire l'objet d'un projet de loi distinct. Mais le recours à des amendements plutôt qu'au dépôt d'un texte spécifique a dispensé d'avoir à soumettre ces articles à l'avis du Conseil d'Etat.
Les conditions de préparation de ces mesures ne peuvent donc être considérées comme satisfaisantes.
L'article 39 de la Constitution précise que « les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat ». En conséquence, de nombreux articles du titre II de la présente loi n'ont pas été présentés au Conseil d'Etat, ce qui est contraire à l'article 39 de la Constitution.
Par ailleurs, on peut ajouter que ces amendements n'ont pas fait l'objet d'un examen dans le rapport écrit de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, ce qui est contraire aux droits du parlement.
Vous avez d'ailleurs jugé que les amendements gouvernementaux, de même que ceux émanant des parlementaires, sont constitutionnels sous réserve qu'ils ne soient pas sans lien avec le projet débattu, ni excèdent « par leur objet et leur portée les limites inhérentes au droit d'amendement » (décisions n° 86-221 DC du 29 décembre 1986 ; n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 ; n° 93-316 DC du 20 janvier 1993 ; décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990). Vous aviez déjà eu l'occasion de censurer une loi au motif que les dispositions ajoutées par amendement excédaient les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement, du fait de leur ampleur et de leur importance (décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987). Les amendements gouvernementaux, présentés en deuxième lecture modifient de façon conséquente le projet de loi, créant ex nihilo un nouveau régime juridique pour le droit du licenciement. Force est de constater que la phase administrative de la procédure législative n'a pas été respectée.
Pour toutes ces raisons, le titre II de la présente loi doit être déclaré non conforme à la Constitution.

II - EN CE QUI CONCERNE LES GRIEFS TIRÉS DE LA MECONNAISSANCE DES REGLES DE COMPETENCE ET DU DEFAUT DE CLARTÉ ET D'INTELLIGIBILITÉ DE LA LOI
a) Quant à la méconnaissance de l'article 34 de la Constitution
Selon l'article 34 bis F. II de la présente loi, les entreprises occupant plus de mille salariés qui procèdent à une fermeture partielle ou totale d'un établissement, d'un atelier ou d'une ligne de produits doivent prendre des mesures de nature à permettre la réactivation du bassin d'emploi concerné. La participation de l'entreprise ne pourra être inférieure à deux fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé sans être supérieure à quatre fois la valeur mensuelle de ce même SMIC. C'est le préfet qui fixera le montant de cette participation financière en fonction de divers paramètres. Enfin, au cas où l'entreprise ne signerait pas avec l'Etat la convention dans laquelle doivent être définies et précisées ces mesures, la loi prévoit qu'elle devra s'acquitter du montant maximum par emploi supprimé auprès du Trésor public.
Le montant de la participation financière de l'entreprise est fixé unilatéralement par le préfet et en cas d'absence de convention de mise en oeuvre de ces actions de conversion, elle est due au Trésor public, non pas au titre d'une sanction, mais comme substitut à l'absence d'accord entre l'Etat et l'entreprise. De ce fait, cette contribution, en toute hypothèse obligatoire à la charge des entreprises occupant plus de mille salariés et procédant à la fermeture partielle ou totale de sites, présente le caractère d'une imposition de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution.
Or, selon une jurisprudence constante relative aux « impositions de toutes natures », vous avez tout d'abord décidé qu'il appartient au législateur, lorsqu'il institue une imposition, d'en déterminer librement l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement, sous réserve des principes et règles de valeur constitutionnelle et compte tenu des caractéristiques de l'imposition en cause.
Ainsi, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose (2000-437 DC du 19 décembre 2000). De même, s'il appartient au législateur d'apprécier les facultés contributives des contribuables, cette appréciation ne doit pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques et mettre à la charge d'un contribuable un impôt disproportionné par rapport à ses facultés contributives.
Par ailleurs, vous avez décidé que si l'article 34 de la Constitution réserve à la loi la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, il ne s'ensuit pas que le législateur doive fixer lui-même le taux de chaque impôt. Il lui appartient seulement de déterminer les limites à l'intérieur desquelles le pouvoir réglementaire est habilité à arrêter le taux d'une imposition (2000-442 DC du 28 décembre 2000).
En adoptant l'article 34 bis F. II, il peut être démontré que le législateur a porté atteinte à ces règles et principes de valeur constitutionnelle. En effet :
* d'une part, le législateur a méconnu le champ de sa propre compétence en laissant au préfet une marge d'appréciation importante quant au taux de la contribution demandée (de deux à quatre),
* d'autre part, le législateur a imposé une contribution disproportionnée par rapport aux facultés contributives d'une entreprise qui, justement, a des difficultés économiques (au minimum, deux fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé),
* enfin on remarquera qu'en cas de versement au trésor public et contrairement à l'objectif poursuivi par la loi, aucune garantie n'est apportée pour que ces sommes soient affectées à la création d'activités dans le bassin d'emploi en question.
Pour toutes ces raisons, l'article 34 bis F II de la présente loi doit être déclaré non conforme à la Constitution.
b) Quant à la méconnaissance par le législateur du champ de sa compétence et à la violation de l'exigence de clarté de la loi qui découle de l'article 34 de la Constitution
Dans l'exercice de ses compétences, le législateur doit exercer pleinement celles-ci afin, soit d'écarter tout arbitraire ou toute incertitude lors de son application (par les sujets de droit, l'administration, le juge), soit d'empêcher les autorités en charge de la mise en oeuvre de la loi (pouvoir réglementaire, autorité administrative indépendante, partenaires sociaux le cas échéant) de s'immiscer inconstitutionnellement dans le domaine de la loi.
En d'autres termes, pour être conforme à la Constitution, la loi :
* doit être suffisamment précise et complète pour écarter tout risque d'arbitraire ou toute incertitude quant à sa portée,
* ne peut abandonner au décret la fixation de certaines règles.
Par ailleurs, pour être constitutionnelle, la loi doit être claire. En effet, lorsque la loi porte diverses obligations et/ou sanctions très précises à la charge de ses destinataires, elle ne doit pas être écrite de façon vague, imprécise, avec des concepts non normatifs ou non définis. En effet, dans le cas contraire, elle exposerait ses destinataires à ne pas savoir comment il faut les appliquer ou à se trouver face à plusieurs interprétations possibles, et elle donnerait aux autorités administratives ou juridictionnelles en charge d'en contrôler l'application, des pouvoirs exorbitants qui n'appartiennent constitutionnellement qu'au législateur.
Si tel est le cas, il peut être fait le reproche à la loi d'avoir contrevenu à l'exigence de clarté de la loi qui découle de l'article 34 de la Constitution.
De nombreuses dispositions du titre II de la présente loi encourent le risque d'incompétence négative du législateur et de manquement à l'exigence de clarté de la loi.

  1. L'article 31 (« Amendement Michelin ») :
    Dans la seconde loi sur la réduction du temps de travail, vous avez censuré des dispositions - qui instituait à la charge des entreprises, avant l'établissement de tout plan social, l'obligation de négocier un accord de RTT - au motif que le législateur n'avait pas pleinement exercé sa compétence en ne précisant pas les effets de l'inobservation de cette obligation et en laissant, en particulier, aux autorités administratives et juridictionnelles le soin de déterminer si cette obligation était une condition de validité du plan social et si son inobservation rendait nulles et de nul effet les procédures de licenciement subséquentes (99-423 DC du 13 janvier 2000).
    L'article 31 de la loi ici contestée - qui reprend le principe de cette obligation - est censé répondre aux reproches formulés par le juge constitutionnel.
    Or, à nouveau la loi n'indique pas expressément si la méconnaissance de l'obligation mise en place est une condition de validité du plan social et si son inobservation rend nulle et de nul effet les procédures de licenciement subséquentes. Elle se contente d'offrir au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel la possibilité de saisir le juge statuant en la forme des référés en vue de faire prononcer la suspension de la procédure et éventuellement de prononcer la nullité de la procédure de licenciement.
    Dès lors, il est aisé de démontrer que la loi ne précise toujours pas les effets réels sur les licenciements de l'inobservation de l'obligation préalable de négocier un accord de RTT.
    · En premier lieu, on peut penser que si les représentants du personnel ne saisissent pas le juge, la procédure peut continuer alors que l'obligation n'a pas été respectée. A l'occasion d'un contentieux prud'homal engagé par un salarié licencié en application du plan social, le conseil de prud'hommes pourra-t-il tenir compte de cette inobservation pour prononcer la nullité de la procédure et, partant, la nullité du licenciement ? La nouvelle version de l'article L.122-14-4 du code du travail n'invite pas à le penser. Cette dernière prévoit que « lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-4-1, il prononce la nullité du licenciement.... ». Ce cinquième alinéa, actuellement dans le Code du travail, dispose que « la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement de salariés intégrant au plan social n'est pas présenté aux représentants du personnel.. ». Or, cet alinéa ne traite pas de l'obligation préalable de réduire le temps de travail, ce qui laisse à penser que le juge prud'homal ne pourrait pas prononcer la nullité du licenciement.
    Ainsi, on constate, dans le cas de figure ci-dessus que les effets de l'inobservation de l'obligation de négocier un accord de RTT ne sont toujours pas clairement précisés dans la loi.
    · En second lieu, il est permis de se demander si le juge est tenu de suspendre la procédure de licenciement, dès lors que la phrase débute par « lorsque le juge suspend la procédure.... », ce qui peut laisser à penser qu'il n'est pas tenu de le faire. Mais, surtout, comment se réalise l'étape suivante (« dès qu'il constate que les conditions fixées par le deuxième ou le troisième alinéa du présent article sont remplies, le juge autorise la poursuite de la procédure ») ? Qui saisit, à nouveau, pour constater que l'obligation est respectée ? Le juge doit-il nécessairement attendre l'expiration du délai de fixation qu'il a lui-même fixé en convoquant les parties à cette date, ou doit-il attendre, lorsque l'obligation a été respectée pendant ce délai, que la partie la plus diligente (on pense évidemment à l'employeur qui a tout intérêt à le saisir) revienne vers lui ? Une fois encore, le législateur méconnaît ici le champ de sa compétence.
    · Enfin, en troisième lieu, le texte indique que, si à l'issue de ce délai, l'obligation n'a pas été respectée, le juge prononce la nullité de la procédure de licenciement. La sanction est alors liée, en partie, à l'ampleur du délai fixé par le juge. Or, on peut pronostiquer, sans trop se tromper, que ce délai va varier selon les contentieux. Le législateur n'aurait-il pas dû fixer lui-même ce délai pour éviter ces différences de traitement selon les juridictions compétentes ? On peut l'affirmer et, faute de ne pas l'avoir fait, le législateur a, une fois encore, méconnu le champ de sa compétence.
    Pour toutes ces raisons, l'article 31 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution.
  2. L'article 31 bis :
    Le nouvel article L 238-1 du code du travail, tel qu'il résulte de l'article 31 bis de la loi, débute ainsi : « toute cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois doit être ... ». Que faut-il entendre par ces deux notions ?
    · Quelle est tout d'abord l'acception juridique du terme établissement ? Est-ce la notion d'établissement, qui n'est du reste pas définie, utilisée, par exemple, pour la négociation collective ? Faut-il plutôt se référer à la notion d'« établissement distinct » qui prévaut pour la détermination du cadre de la mise en place des représentants du personnel ? On ne le sait. Rappelons que s'agissant de cette dernière, la définition varie selon l'institution à mettre en place. Récemment, la chambre sociale de la Cour de cassation a modifié sa définition de l'établissement distinct pour la désignation du délégué syndical (Cass. soc. 2 octobre 2001).
    · La même imprécision entoure la notion d'entité économique autonome. Ce concept est emprunté aux règles relatives aux sorts des contrats de travail en cas de transfert d'entreprise, d'établissement, de parties d'entreprises ou de parties d'établissement. Selon la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, est considéré comme transfert « celui d'une entité économique maintenant son identité, entendue, comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire ». Le droit communautaire propose ainsi une définition de l'entité économique que la chambre sociale de la Cour de cassation reprend en ces termes : « constitue une entité économique pour l'application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail, un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre » (V. not. Cass. soc. 26 avril 2000 : RJS 2000 , n. 634). Quand on se souvient des difficultés liées à la définition de cette notion d'entité économique, on pressent aisément un contentieux similaire pour cette notion d'entité économique « autonome » dont la loi ne dit pas s'il s'agit de la même ou d'une autre... que l'on retrouve, par exemple, en droit interne des concentrations économiques (v. article L 430-II du code de commerce tel qu'il résulte de l'article 86 de la loi NRE du 15 mai 2001) s'agissant des entreprises communes opérant sur le marché en y accomplissant toutes les fonctions normalement exercées par ses concurrents.
    Ces notions (que l'on retrouve à l'article 32 quater de la loi) conditionnent la mise en oeuvre des décisions et des consultations prévues à l'article L 238-1 du code du travail. On mesure donc le risque pour les sujets de droit de ne pas savoir comment il faut appliquer ces dispositions.
    Pour toutes ces raisons, l'article 31 bis doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  3. L'article 31 ter :
    On peut faire les mêmes reproches d'incompétence négative à l'article 31 ter de la loi qui crée un article L.238-2 du code du travail qui débute ainsi : « tout projet de développement stratégique... ». De quoi s'agit-il ? Est-ce une notion juridique, économique ? Qui plus est, le texte précise « et susceptible d'affecter de façon importante les conditions d'emploi et de travail ». En conséquence, il sera toujours difficile, en pratique, pour une entreprise de déterminer avec certitude si elle se trouve dans cette situation qui l'oblige à établir une étude d'impact social et territorial. Cette disposition manque donc à l'exigence de clarté de la loi.
    Pour cette raison, l'article 31 ter doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  4. L'article 32 :
    L'article 32 de la loi insère dans le code du travail un nouvel article L 431-5-1 dans lequel il est fait mention d'une « annonce publique portant exclusivement sur la stratégie économique de l'entreprise et dont les mesures de mise en oeuvre ne sont pas de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi ». Une fois encore, on peut formuler à l'égard de cette disposition le même risque d'incompétence négative du législateur. Cependant, dans ce cas, le risque d'erreur est, pour le chef d'entreprise, extrêmement pénalisant puisqu'un manquement à cette obligation peut constituer un délit d'entrave (v. dernier alinéa de l'article L 431-5-1).
    Au demeurant, dans le même article, on trouve un troisième alinéa ainsi rédigé : « lorsque l'annonce publique affecte plusieurs entreprises appartenant à un groupe, les membres des comités d'entreprise de chaque entreprise intéressée ainsi que les membres du comité de groupe et, le cas échant, les membres du comité d'entreprise européen sont informés ». A quoi correspond l'expression le « cas échéant » ? Signifie-t-il que lorsqu'il existe un comité d'entreprise européen, ce dernier doit être systématiquement informé ou que même si il existe un comité, l'information n'est pas obligatoire et dépend des circonstances (la première lecture est toutefois plus cohérente) ? En revanche, quelle que soit la réponse, le texte ne devrait-il pas organiser plus précisément ces différentes informations (délai notamment) puisque l'absence d'information de ces comités est passible des peines prévues au dernier alinéa ? Cette disposition manque donc à l'exigence de clarté de la loi.
    Pour cette raison, l'article 32 doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  5. L'article 32 bis :
    L'article 32 bis de la loi institue un nouvel alinéa 2 à l'article L 432-1 du code du travail qui débute ainsi : « le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les projets de restructuration et de compression des effectifs ». Qu'est-ce qu'un projet de restructuration ? Dans la mesure où l'on sait que le concept de « restructuration » est extrêmement difficile à appréhender (v. Ch. Masquefa, La restructuration, Bibl. dr. privé, LGDJ 2000) et qu'un droit d'opposition est ouvert au comité d'entreprise sur le projet des « restructurations » de l'entreprise pouvant comporter des effets sur l'emploi (alinéa 3) - ce droit d'opposition suspendant l'opération projetée et induisant la nécessité de saisir un médiateur -, on mesure ainsi le pouvoir exorbitant donné au comité d'entreprise du fait de la carence du législateur à avoir exercé sa compétence lorsqu'il a retenu le terme de « restructuration » dans l'article 32 bis de la loi. Cette disposition manque donc à l'exigence de clarté de la loi.
    Pour cette raison, l'article 32 bis doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  6. L'article 32 quater :
    L'article 32 quater insère un nouvel article L 432-1-3 dans le code du travail.
    Dans cet article, on peut lire que « le médiateur dispose dans le cadre de sa mission des plus larges pouvoirs pour s'informer de la situation de l'entreprise ». Quels sont ces pouvoirs ? Ceux d'un expert-comptable, d'un inspecteur du travail ? Le texte est imprécis.
    Toujours dans le même article, il est dit qu' « en cas d'acceptation par les deux parties, la recommandation du médiateur est transmise par ce dernier à l'autorité administrative compétente. Elle emporte les effets juridiques d'un accord au sens des articles L. 132-1 et suivants ». En renvoyant ainsi aux articles du Code du travail, le législateur a choisi de donner à l'accord conclu les effets d'un accord collectif de travail. Mais dès lors qu'il s'agit d'un accord de type particulier (ne serait-ce que parce qu'il résulte de l'acceptation du comité d'entreprise et non des organisations syndicales représentatives), il serait opportun de mieux définir le régime de cet accord. Cette recommandation acceptée qui a les effets d'un accord collectif de travail pourra-t-elle être révisée ? A quelles conditions ? Celles de l'article L. 132-7 dont il est fait expressément renvoi par la formule « L. 132-1 et suivants » ? Par ailleurs, cette formule implique-t-elle que pour produire effet l'acceptation doit être écrite car l'article L. 132-2 al. 1 du Code du travail dispose que « la convention ou l'accord collectif de travail est un acte, écrit à peine de nullité... » ? On pourrait multiplier les interrogations.
    Enfin, si l'on reprend le nouvel article L 432-1 sur le droit d'opposition (v. supra) du comité d'entreprise, on lit que « le comité d'entreprise dispose d'un droit d'opposition qui se traduit par la saisine d'un médiateur selon les modalités prévues à l'article L. 432-1-3 ». Or, ce dernier prévoit qu' « en cas de projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois, s'il subsiste une divergence importante entre le projet présenté par l'employeur et la ou les propositions alternatives présentées par le comité d'entreprise, l'une ou l'autre partie peut saisir un médiateur, sur une liste arrêtée par le ministre du travail. »
    Plusieurs questions se posent. Le comité d'entreprise peut-il saisir un médiateur pour tout projet de restructuration de l'entreprise pouvant comporter des effets sur l'emploi ou seulement, en cas de projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins cent salariés ? Une fois encore, l'imprécision de la loi empêche son destinataire d'en connaître la portée exacte.
    Pour cette raison, l'article 32 quater doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  7. L'article 33 A :
    Cet article prévoit une nouvelle définition du licenciement pour motif économique (article L 321-1 du code du travail). Mais les termes sont insuffisamment précis ou sans portée normative de nature à susciter le doute chez les destinataires de la règle de droit.
    Ainsi, la notion de « difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen » est très imprécise et risque d'entraîner des divergences d'interprétation.
    S'agissant de la notion de « mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise », il est légitimement permis de s'interroger sur le sens à donner à cette formule. La loi veut-elle indiquer que seules seront admises les mutations technologiques qui, faute d'être mises en place, menaceront la pérennité de l'entreprise ? Peut-on alors baptiser ces mutations de mutations mettant en cause la pérennité de l'entreprise ? S'agit-il simplement des mutations technologiques imposées car mettant en cause la pérennité de l'entreprise à l'exclusion de celles délibérément mises en oeuvre pour sauvegarder cette pérennité ?
    Enfin, s'agissant de la notion de « nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise », elle risque de donner lieu à un contentieux important tant la formule est vague. Il sera bien difficile pour un employeur qui invoquera ce motif d'avoir, si ce n'est une certitude, au moins une idée précise du risque encouru, à savoir le paiement des indemnités liées au défaut de cause réelle et sérieuse.
    Pour cette raison, l'article 33 A doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  8. L'article 33 :
    L'article 33 de la loi complète l'article L 321-1 du code du travail par un alinéa qui débute ainsi : « le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi.... ». Dans ce cas, que signifie « ne peut intervenir » ? Les représentants du personnel ou/et les salariés concernés par le licenciement ont-ils la possibilité de saisir en référé le juge pour obtenir une suspension de la procédure tant que l'employeur n'a pas correctement exécuté l'obligation de reclassement ? Quelle est la sanction si, après la mise en oeuvre du licenciement, le juge estime que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée ? S'agit-il d'un défaut de cause réelle et sérieuse de licenciement comme la jurisprudence l'admet aujourd'hui ? Nullité du licenciement puisque le « licenciement ne peut intervenir » ? Une fois encore, le législateur n'a pas ici exercé pleinement sa compétence.
    Pour cette raison, l'article 33 doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  9. L'article 34 :
    L'article 34 de la présente loi réforme, à l'article L 321-4-1 du code du travail relatif au plan de sauvegarde de l'emploi, les mesures que peut contenir le plan social. Cette liste est importante car la jurisprudence estime qu'un plan social insuffisant entraîne sa nullité et dans son sillage la nullité des licenciements (JP Samaritaine, Cass. soc. 13 février 2001). Or, le texte ne prévoit pas expressément cette hypothèse. Il énonce que « la procédure est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement de salariés s'intégrant au plan social n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel... » (actuel alinéa 2 de l'article L. 321-4-1). En d'autres termes, il aurait été nécessaire que le législateur précise les conditions de nullité, surtout que la jurisprudence estime que la possibilité de mettre en oeuvre chacune de ces mesures pourtant citées à titre d'exemples (« telles que par exemple » dit le texte), doit être recherchée par l'employeur (Cass. soc. 28 mars 2000, arrêt Lasnon).
    Pour cette raison, l'article 34 doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  10. L'article 34 bis F. I :
    Le I de cet article débute par « lorsqu'une entreprise occupant entre cinquante et mille salariés procède à des licenciements économiques susceptibles par leur ampleur d'affecter l'équilibre économique du bassin d'emploi considéré, le représentant de l'Etat dans le département peut réunir...... ». La condition d'intervention du représentant de l'Etat est vague. Qui l'apprécie ? Le représentant de l'Etat ? Quels sont ses critères d'appréciation ? La décision peut-elle être contestée ? Une fois encore les termes utilisés par le législateur, trop vagues, attribuent une marge d'action importante au représentant de l'Etat de nature à porter atteinte à divers règles et principes à valeur constitutionnelle (la liberté d'entreprendre, notamment).
    Pour cette raison, l'article 34 bis F. I doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  11. L'article 34 bis :
    Cet article est relatif au congé de reclassement (article L 321-4-3 code du travail). On peut y lire que « le congé de reclassement est effectué pendant le préavis, dont le salarié est dispensé de l'exécution. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté d'une durée égale à la durée du congé de reclassement restant à courir. Pendant cette période, le préavis est suspendu ». La dernière phrase est difficilement compréhensible car si le salarié est dispensé de l'exécution du préavis et que l'on prévoit le report de son terme lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée de ce dernier, pourquoi affirmer que le préavis est suspendu et de quelle période parle-t-on ?
    Pour cette raison, l'article 34 bis doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  12. L'article 36 bis :
    L'article L. 432-4-1 du code du travail est complété par un alinéa qui débute ainsi « lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire, .....il peut décider de saisir l'inspecteur du travail... ». Qu'est-ce qu'un recours abusif ? Le recours aux CDD ou au travail temporaire est fortement réglementé par le Code du travail : il y a une liste limitée de cas de recours. Dès lors, de deux choses l'une : ou il y a recours illégal et on connaît les sanctions (civiles et pénales), ou le recours est licite. Que vient faire alors dans cet environnement juridique la notion de recours abusif ?
    Pour cette raison, l'article 36 bis doit être déclaré non conforme à la Constitution.

III - EN CE QUI CONCERNE LES GRIEFS TIRÉS DE L'ATTEINTE A LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE.
Selon votre jurisprudence, « il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre » - qui a valeur constitutionnelle car « elle découle de l'article 4 de la DDHC » - « des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (2000-433 DC du 27 juillet 2000 ; 2000-439 DC du 16 janvier 2001 ; 2001-451 DC du 27 novembre 2001).
De ce point de vue, on en déduit que la présente loi en cause apporte des limitations à la liberté d'entreprendre, et que ces limitations sont liées à des exigences constitutionnelles (droit à l'emploi, participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises) ou justifiées par l'intérêt général (préserver « au mieux » les droits des salariés en cas de licenciement économique).
Toutefois, au cas d'espèce, il est possible de démontrer que le législateur a commis, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, une erreur manifeste d'appréciation constitutive d'une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'entreprendre.

  1. Sur l'article 33 A :
    Cet article donne une nouvelle définition du licenciement économique qui en réduit de façon limitative les causes. Rédigée sans intervention du Conseil d'Etat, cette disposition porte atteinte à la liberté d'entreprendre.
    En effet avec la nouvelle définition du motif économique proposée par la loi, le pouvoir du juge et de l'administration du travail dans l'appréciation de ce motif va se trouver disproportionné en raison non seulement de l'emploi de notions vagues mais aussi parce que l'un des motifs (« difficultés sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen... ») va permettre au juge et à l'administration de s'immiscer dans le contrôle des choix stratégiques de l'entreprise dont on avait cru comprendre qu'ils relevaient, en vertu de la liberté d'entreprendre, du pouvoir de gestion du seul chef d'entreprise (Cass. Ass. Plén. 8 décembre 2000).
    Par ailleurs, en limitant la liste des situations économiques permettant de licencier (suppression de l'adverbe « notamment » qui existe aujourd'hui à l'article L 321-1 du code du travail), le législateur écarte des situations imposées par le bon sens comme la cessation d'activité admise par la Cour de cassation (Cass. soc., 16 janvier 2001). Ainsi, à titre d'exemple, un chef d'entreprise qui voudrait cesser ses activités - pour des raisons tout à fait légitimes, ne serait-ce que parce qu'il a envie de s'arrêter de travailler (si on est libre d'entreprendre, on est aussi libre de ne plus entreprendre)... - ne peut pas le faire avec le nouvel article L 321-1 du code du travail (puisqu'il ne peut plus licencier le personnel de son entreprise pour ce motif) sauf soit à être contraint de continuer son activité soit à artificiellement mettre son entreprise en liquidation judiciaire, ce qui constituerait alors une atteinte indirecte à son droit constitutionnel de propriété.
    Pour toutes ces raisons, l'article 33 A dit être déclaré non conforme à la Constitution.
  2. Sur l'ensemble du dispositif :
    L'ensemble du dispositif anti-licenciement de la présente loi conduit potentiellement à un allongement démesuré des procédures qui, pour certaines entreprises, passeraient - entre le moment où elles seraient déclenchées jusqu'à la date de rupture effective du contrat de travail des salariés licenciés - de 106 jours à 474 jours.
    Les motifs visés dans la nouvelle définition empêchent toute mesure de type préventif pour éviter de licencier en présence d'une situation économique dégradée. Or, en allongeant les procédures, on accroît les difficultés de l'entreprise au point que certaines entreprises ne pourront pas éviter le redressement ou la liquidation judiciaire. Est-ce bien l'objectif recherché ? Quand on constate que dans la quasi-totalité des cas les licenciements économiques n'interviennent que dans des entreprises dont la situation économique est très dégradée, on mesure alors l'atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre dont la présente loi est porteuse.

IV - EN CE QUI CONCERNE LE GRIEF DE VIOLATION DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ.
Selon votre jurisprudence, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ou que le législateur ait fondé son appréciation « sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif de la loi ».
Deux articles de la loi déférée sont de nature à porter atteinte au principe d'égalité.

  1. L'article 31 (Amendement « Michelin ») :
    Selon cet article, l'employeur doit avoir conclu un accord de réduction du temps de travail portant la durée collective du travail des salariés de l'entreprise à un niveau égal ou inférieur à 35 heures hebdomadaires ou à 1600 heures sur l'année, ou avoir engagé des négociations.
    Par principe, la conclusion d'un acte collectif de travail est réservée aux organisations syndicales représentatives de salariés qui dans les entreprises d'au moins cinquante salariés ont la possibilité de désigner des délégués syndicaux. Faute de tels délégués (nombreuses sont les entreprises de plus de 50 salariés qui ne comptent pas de délégué syndical), l'employeur est privé de la possibilité de négocier sauf à essayer d'obtenir la désignation d'un salarié mandaté dans le cadre du mandatement prévu par la loi AUBRY II du 19 janvier 2000 ou éventuellement de négocier avec d'autres interlocuteurs conformément aux dispositions particulières prévues par la loi précitée. Or, ces formules dérogatoires ne permettent pas de conclure tout accord collectif de réduction du temps de travail (par exemple des accords de réduction sans accès aux aides financières de l'Etat). Il y a ainsi une différence de traitement entre entreprises qui n'est pas justifiée.
    Pour cette raison, l'article 31 doit être déclaré non conforme à la Constitution.
  2. L'article 34 bis A :
    Cet article prévoit que le taux de l'indemnité légale de licenciement (C . trav. art. L. 122-9) est désormais différent suivant que le motif du licenciement est le motif prévu à l'article L 321-1 ou un motif inhérent à la personne du salarié. N'y a-t-il pas là une rupture d'égalité entre salariés licenciés ?
    On pourrait penser que cette différence s'explique par le fait que le motif économique est non inhérent à la personne du salarié. En quelque sorte, le salarié n'y est pour rien ; il subit la décision de l'employeur, alors que pour le licenciement inhérent à sa personne, c'est son comportement qui explique la rupture du contrat de travail. Ce raisonnement est peu pertinent dès lors que le licenciement pour motif inhérent ne repose pas uniquement sur une faute du salarié. On sait par exemple « que si l'article L. 122-45 du Code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II de ce même code, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement » (Cass. soc. 16 juillet 1998 - 13 mars 2001). Or, pourquoi le salarié malade, qui subit aussi cette situation n'aurait pas droit à l'indemnité légale de licenciement perçue par un salarié licencié pour motif économique ?
    Pour cette raison, l'article 34 bis A doit être déclaré non conforme à la Constitution.

V - EN CE QUI CONCERNE LE GRIEF DE VIOLATION DE L'ARTICLE 8 DE LA DDHC (article 32 de la loi).
Selon votre jurisprudence, « il résulte des dispositions de l'article 8 de la DDHC, comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère ainsi que le principe du respect des droits de la défense et, ces exigences ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ».
En conséquence, le principe de légalité des délits et des peines s'applique aux sanctions administratives au même titre qu'aux sanctions pénales et implique que les éléments constitutifs des infractions soient définis de façon précise et complète.
Il appartient au législateur de « proportionner la répression à la gravité du manquement reproché au titulaire d'une autorisation administrative » tant en ce qui concerne le choix des sanctions que leur ampleur, qui doit être fonction de la gravité des manquements commis et des avantages tirés du manquement.
Ces principes ne sont pas respectés dans la présente loi s'agissant de l'article 32 de la loi qui prévoit dans un nouvel article L. 431-5-1 du Code du travail que « l'absence d'information du comité d'entreprise, des membres du comité de groupe, et le cas échéant, du comité d'entreprise européen en application des dispositions qui précèdent est passible des peines prévues aux articles L. 483-1, L. 483-1-1 et L. 483-1-2 ».
Or, cela est démontré ci-dessus, les conditions d'existence et de mise en oeuvre de l'obligation d'information à la charge du chef d'entreprise sont particulièrement vagues et sujettes à interprétations. Dès lors, puisque les éléments constitutifs de l'infraction passible des peines précitées ne sont pas définis de façon « précise et complète », l'article 32 de la loi encourt une deuxième fois l'inconstitutionnalité pour violation des dispositions de l'article 8 de la DDHC de 1789.

Pour ces motifs, et pour tout autre qu'il plairait à votre Conseil de soulever d'office, les auteurs de la présente saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution la présente loi de modernisation sociale.