Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 - Saisine par 60 députés
Conformément à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et lui demandent de la déclarer non conforme à la Constitution, notamment pour les motifs suivants :
I. - L'article 3 de la loi n'est pas conforme à la Constitution
L'article 3 instaure un mécanisme de réduction dégressive de la contribution sociale généralisée et de la contribution du remboursement de la dette sociale payées sur les revenus d'activités pour les personnes gagnant moins de 1,4 fois le SMIC. Aucun abattement n'est prévu pour la CSG sur les revenus du patrimoine, les produits de placement et les jeux.
Cette réduction ne respecte pas l'article 34 de la Constitution et le principe d'égalité devant les charges publiques.
A. - En effet, vous avez considéré dans votre décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990, loi de finances pour 1991 que la contribution sociale généralisée est une imposition de toute nature La Cour de justice des Communautés européennes les assimile à des prélèvements de nature sociale (CJCE 15 février 2000, C 34/98 et C 169/98), étant donné leur affectation : CNAF, CNAMTS, FSV et CADES.
. La CRDS est aussi considérée comme une imposition de toute nature. C'est donc la loi, conformément à l'article 34 de la Constitution, qui fixe les règles concernant le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement de cette contribution. Or, l'article 3 renvoie à plusieurs reprises à des décrets pour la détermination des modalités du calcul de l'exonération : notamment, au deuxième alinéa (pour L. 136-2 du code de la sécurité sociale), au troisième alinéa (L. 721-1 et L. 771-1 du code du travail, aux 1o et 2o de l'article L. 722-20 du code rural et l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale), au quatorzième alinéa (C, pour les salariés visés aux articles L. 772-1 et L. 712-1 du code du travail), au quinzième alinéa (article L. 136-2 du code de la sécurité sociale), au seizième alinéa (pour les salariés visés à l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale), au vingt-quatrième alinéa (pour l'exercice simultané de plusieurs activités). En renvoyant au pouvoir réglementaire la détermination des modalités d'application de l'exonération de la CSG et de la CRDS, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence. Pour ces raisons, l'article 3 doit être considéré comme non conforme à la Constitution.
En réalité, le renvoi à des dispositions réglementaires est révélateur des difficultés et imprécisions qui ont été révélés lors de la discussion parlementaire. En effet, le législateur a tenté d'améliorer le dispositif afin d'éviter les censures au motif d'atteinte à la rupture du principe d'égalité devant les charges publiques en intégrant les salariés qui n'étaient pas considérés par le projet de loi initial : notamment, les employés de maison de particuliers, les personnes salariées dans plusieurs entreprises, les personnes non salariées exerçant plusieurs activités, les salariés agricoles rémunérés par le titre emploi simplifié en agriculture, les salariés agricoles non rémunérés à l'heure, les rémunérations accessoires des fonctionnaires Rapport de MM. A. Recours, C. Evin, D. Jacquat et Mme M.-F. Clergeau, no 2739, onzième législature, p. 14.
Ces améliorations n'ont pas cependant permis d'éviter l'atteinte à l'égalité devant les charges publiques que crée l'article 3.
B. - En effet, en vertu de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les contributions doivent être également réparties entre tous les citoyens à raison de leur faculté. Si une large marge d'appréciation est laissée au législateur, vous effectuez un triple contrôle : le critère de différenciation doit être en rapport avec le but que le législateur lui assigne, les intéressés ne doivent pas être traités de façon discriminatoire et vous vous réservez même la possibilité de censurer une erreur manifeste d'appréciation (décision no 83-164 DC du 29 décembre 1983).
1. L'importance de la CSG et de la CRDS dans le financement de la protection sociale n'a cessé de croître. Depuis 1991, date de sa création, la CSG est passée d'un taux initial de 1,1 % à un taux de 2,4 % en 1993 puis de 3,4 % en 1997 et enfin, depuis 1998, à un taux de 7,5 % sur les revenus d'activité, de patrimoine et de placement et de 6,2 % sur les revenus de remplacement. Alors qu'en 1991, la CSG n'avait rapporté aux régimes de protection sociale que 29,9 milliards de francs (soit 1,6 % des 1 880 MdF de recettes de la protection sociale), en 1996, elle a rapporté 98 milliards (soit 4 % des 2 438 MdF), et 354 milliards en 1999 (soit 13 % des 2 722 MdF de recettes de la protection sociale). CSG et CRDS occupent dorénavant une part équivalente à celle de l'impôt sur le revenu dans les prélèvements obligatoires supportés par les Français : en 1998, selon les chiffres de l'INSEE
« France, portrait social » 2000-2001.
, elles représentent 6,8 % des prélèvements obligatoires (contre 0 % en 1990), l'impôt sur le revenu s'élevant, quant à lui, à 6,9 % (contre 7,5 % en 1990). Alors qu'en 1999, plus de la moitié des foyers fiscaux potentiels ne sont pas imposés à l'impôt sur le revenu, la quasi-totalité d'entre eux supportent CSG et CRDS.
L'institution d'un abattement sur les bas salaires concernera environ 40 % des salariés (soit les 12 % de salariés au SMIC auxquels il faut ajouter 28 % de salariés payés entre le SMIC et le SMIC + 40 %). Elle concernera aussi des travailleurs indépendants et des agriculteurs (40 % d'entre eux) qui exercent simultanément une activité salariée. Compte tenu de la place prise dorénavant par ces contributions et du nombre de personnes concernées par la réforme, la juste appréciation des capacités contributives des redevables au regard de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen revêt une importance qu'elle n'avait pas en 1991.
2. Or, jusqu'à présent, CSG et CRDS étaient des contributions à taux proportionnel. La création d'un abattement sur les bas salaires les transforme en des impositions à taux progressif c'est-à-dire des impositions dont le taux progresse avec l'aisance des contribuables. En effet, après la réforme de la CSG et la CRDS, un salarié payé au SMIC (soit environ 5 700 F nets par mois) sera soumis à un taux d'imposition de 5,3 %, un salarié payé à 120 % du SMIC à un taux de 6,67 % et un salarié gagnant deux fois le SMIC (11 400 F par mois) au taux de 8 %.
Dans un système progressif, le législateur ne peut se désintéresser des deux éléments qui déterminent la capacité contributive d'un redevable : le total des revenus de son foyer et ses charges de famille. Alfred Sauvy, dans son ouvrage de référence « Théorie générale de la population » (PUF 1955), faisait une description parfaitement explicite de cette logique lorsqu'il écrivait : « La progressivité du taux (de l'impôt) se justifie parce que le superflu peut, par définition même, être réduit dans une proportion plus forte que le nécessaire... Un célibataire qui gagne 150 000 F par an a un niveau de vie supérieur à un père de quatre enfants ayant le même revenu. Les imposer également serait frapper également la partie de plaisir du premier et la viande, voire le pain du second. »
En ce sens, la progressivité des taux selon le niveau de vie de chaque foyer fiscal est nécessaire à l'application correcte, pour des esprits modernes, du principe d'égalité devant les charges publiques posé à l'article 13 de la DDHC, ainsi qu'il ressort des décisions du Conseil constitutionnel no 90-285 DC du 28 décembre 1990 et no 93-320 DC du 21 juin 1993.
Pour assurer l'égalité de traitement entre deux contribuables, il convient, en effet, de tenir compte à la fois du revenu total du ménage et du nombre de personnes qui le composent. Pour le calcul de l'impôt sur le revenu, le droit fiscal utilise le système des parts fiscales lui-même issu des échelles de consommation utilisées par les statisticiens pour l'estimation des niveaux de vie... Ainsi, un ménage composé d'un adulte et de deux enfants doit disposer d'un revenu deux fois supérieur à celui d'un célibataire pour avoir le même niveau de vie que lui et, par conséquent, les mêmes capacités contributives.
3. Or l'article 3 ne retient, pour appliquer l'abattement, qu'un seul revenu pris isolément et un seul critère. Il ne fait pas masse des différents revenus perçus par le foyer fiscal. Il ne tient pas compte du nombre de personnes qui le composent. Il en résulte, à titre d'illustration, les différences de traitement suivantes :
a) Du fait de l'absence de prise en compte des charges de famille du foyer :
- un salarié célibataire payé au SMIC bénéficiera de l'abattement ramenant son taux d'imposition de 8 % à 5,3 % alors qu'un salarié qui élève seul deux enfants et touche 1,4 SMIC supportera un taux d'imposition de 8 %. Pourtant, avec 1,4 SMIC, les capacités contributives d'une famille monoparentale avec deux enfants sont inférieures de 30 % à celle du célibataire au SMIC. De nombreux contribuables sont concernés car le salaire moyen des familles monoparentales correspond précisément à 1,4 SMIC ;
- la même différence de traitement affectera le salarié payé 1,4 fois le SMIC et qui a à sa charge une épouse et plusieurs enfants. 15 % des parents de trois enfants, 20 % des parents de quatre enfants et 25 % des parents de cinq enfants et plus gagnent entre le SMIC et 1,4 fois le SMIC. Ici encore, l'inégalité touche un grand nombre de contribuables et n'a pas, de ce fait, un caractère marginal ;
- enfin, au regard du revenu disponible par unité de consommation, des contribuables ayant le même niveau de vie (de 1 à 1,4 SMIC par unité de consommation
Ont un niveau de vie équivalent à celui d'un célibataire au SMIC les familles de trois enfants dont le revenu est égal à 15 000 F par mois. Il en est de même pour les familles de quatre enfants au revenu de 20 000 F et pour celles de cinq enfants avec 22 700 F.
feront l'objet d'une taxation très différente selon qu'ils sont célibataires (taux de 5,3 %) ou qu'ils ont des enfants à charge (taux de 8 %). 50 % des familles de trois enfants, 60 % des familles de quatre enfants et 54 % des familles de cinq enfants et plus se situent dans cette fourchette et seront pénalisées.
b) Différences de traitement du fait de l'absence de totalisation des revenus du foyer :
Une personne rémunérée au SMIC et dont le conjoint gagne trois fois ce salaire bénéficiera de l'abattement. Le taux d'imposition de son foyer fiscal sera de 7,3 %, alors qu'à capacités contributives analogues un foyer où deux salariés gagnent chacun deux fois le SMIC sera taxé au taux de 8 %.
4. De même, le projet ne tient pas compte des revenus non professionnels du contribuable.
Ainsi, à titre d'exemple chiffré, va bénéficier de l'abattement une personne à laquelle son patrimoine assure 20 000 F de revenu mensuel et qui occupe un emploi payé au SMIC, peut-être dans le but d'avoir la couverture de l'assurance maladie. Son taux de taxation au titre de la CSG et de la CRDS ne sera que de 7,33 %, alors qu'une personne ayant le même revenu total, tiré de son seul salaire, sera taxée au taux de 8 %. On pourrait multiplier les exemples.
Certes, la CSG se présente comme un ensemble de trois contributions différentes et le Conseil constitutionnel apprécie le respect par le législateur du principe d'égalité au regard de chaque imposition prise isolément (décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990).
Mais la distinction entre les trois GSG est assez factice. Elle provient essentiellement du souhait de faciliter leur recouvrement : la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement est prélevée à la source comme les cotisations sociales
On notera que, quoique étant un impôt unique, la contribution prévue par les articles L. 136-1 et 2 connaît deux taux différents (7,5 % pour les revenus d'activité et 6,2 % pour les revenus de remplacement).
; la contribution sur les revenus du patrimoine, au contraire, est prélevée comme l'impôt sur le revenu par voie de rôle ; la contribution sur les produits de placement est prélevée comme l'impôt sur le revenu par voie de rôle, sous réserve d'une partie prélevée à la source. Le taux de ces trois contributions (7,5 %) est, du reste, le même.
Pour des contributions de faible ampleur, le Conseil constitutionnel a jugé que l'absence de prise en compte des facultés contributives des redevables ne portait pas une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (décisions no 93-320 DC du 21 juin 1993 précitée sur le droit de timbre sur les opérations de bourse et décision no 99-424 DC du 29 décembre 1999 sur l'imposition des indemnités de licenciement). Mais dès lors que la CSG a pris l'importance qui vient d'être décrite et que les catégories de contribuables que la réforme va toucher ou laisser de côté sont aussi nombreuses, ainsi qu'il a été montré ci-dessus, il faut impérativement que soit respecté le principe fondamental de l'égalité devant les charges publiques posé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
La justice sociale recherchée par le législateur au travers de l'abattement sur la CSG et la CRDS ne doit pas être dénaturée par une rupture caractérisée de l'égalité entre les contribuables telle qu'elle apparaît dans l'économie du texte.
Il est illégitime, en effet, au regard de l'article 13 de la Déclaration, qu'un contribuable chargé de famille dont les capacités contributives sont inférieures à celles d'un contribuable célibataire ne puisse pas bénéficier de l'abattement dont profitera ce dernier. Il est également illégitime d'appliquer un abattement au bénéfice d'un contribuable qui a de forts revenus patrimoniaux ou dont le conjoint dispose d'un salaire confortable.
Cette rupture caractérisée de l'égalité entre les citoyens est d'autant plus choquante qu'elle s'applique à deux contributions sociales qui ont pour finalité commune la mise en eoeuvre du principe de solidarité puisqu'elles sont destinées à alimenter la CNAMTS, la CNAF et le Fonds de solidarité vieillesse. Au final, la recherche de la justice sociale qui alimente le projet de réforme va se traduire par d'importantes inégalités entre contribuables et par des injustices dues à la complexité du nouveau système : la CSG et la CRDS étaient des contributions au mécanisme simple et facilement acceptable, leur prélèvement à la source se faisait sans complication pour l'employeur et sans régularisation a posteriori. Avec la réforme, outre la charge administrative qui pèsera sur les entreprises, des contrôles vont être nécessaires. Ces contrôles seront particulièrement difficiles et source d'inégalité ou de fraude dans le cas des personnes ayant plusieurs employeurs ou des activités indépendantes et salariées.
Pour toutes ces raisons, l'article 3 doit donc être considéré comme non conforme à la Constitution.
II. - L'article 9 n'est pas conforme à la Constitution
L'article 9 modifie les assiettes de cotisations sociales des exploitants agricoles soumis à un régime forfaitaire d'imposition. Il n'en retient que deux périodes de référence : une assiette triennale (n-1, n-2, n-3) et une assiette annuelle (n-1).
En supprimant une troisième annuelle constituée par l'année n pour les adhérents au régime réel d'imposition, le législateur a porté atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, pendant la période transitoire. Ainsi, un même cotisant pourra être, dans la période transitoire, taxé deux fois au titre de la même assiette, alors que ses revenus peuvent s'être effondrés dans l'année suivante.
Pour cette raison, l'article 9 n'est pas conforme à la Constitution.
III. - L'article 21 n'est pas conforme à la Constitution
L'article 21 vise à faire prendre en charge par la Caisse nationale d'assurances familiales les majorations de pensions pour enfant versées auparavant par le Fonds de solidarité vieillesse.
Instituée en même temps que le régime général sur laquelle elle s'appuie, par l'article 68 de l'ordonnance du 19 octobre 1945, la majoration de pensions pour enfant est la plus ancienne de toutes les majorations de pension. Elle a été financée par la CNAVTS en raison de son caractère de prestation vieillesse, jusqu'en 1993 quand le législateur a décidé de mettre à la charge de la solidarité nationale, via le fonds de solidarité vieillesse, le financement de cet avantage. Cette prestation a le caractère d'une prestation vieillesse, l'esprit de ses initiateurs, issus de la Résistance, étant de prendre acte que les familles avec de nombreux enfants ne peuvent se constituer un patrimoine en vue de la retraite comparable à celui des familles de plus petite taille.
Tous les actifs, quels que soient leurs régimes sociaux d'appartenance, sont soumis au paiement des cotisations familiales au taux unique de 5,4 % ainsi qu'au paiement du 1,1 % de CSG. Ces sommes sont gérées par la CNAF qui, aux termes de l'article L. 223-1 du code de la sécurité sociale, assure le financement des prestations familiales de tous les régimes : le régime général des salariés, les deux régimes agricoles (salariés agricoles et exploitants) et les régimes spéciaux (fonctionnaires, EDF, GDF et RATP). La CNAF elle-même assure le paiement des prestations familiales aux salariés du régime général ainsi qu'aux travailleurs indépendants des professions non agricoles, aux employeurs et à la population non active. En pratique, si les régimes spéciaux versent les prestations directement à leurs ressortissants, c'est en vertu d'une délégation de service public et pour des raisons historiques et de commodité. Ils n'assurent d'ailleurs pas le service de prestations complexes comme l'AGED, l'AFEAMA et les allocations logement. De même, les régimes agricoles assurent-ils le paiement des prestations familiales par le truchement de la MSA.
Les prestations qui sont versées aux familles sont strictement identiques, quel que soit le régime dont elles ressortent.
La mise à la charge de la branche famille des majorations familiales des pensions de vieillesse du régime général porte atteinte à l'universalité des prestations familiales et à l'égalité des citoyens devant les charges publiques
En effet, tous les actifs qui paient des cotisations familiales et la CSG destinée à la branche famille n'ont pas vocation à bénéficier de majorations familiales de pension de retraite : si les ressortissants du régime général, de l'ORGANIC et de la CANCAVA ainsi que les salariés agricoles peuvent compter sur une majoration de 10 % de leurs pensions, les exploitants agricoles et les professions libérales n'ont pas droit à cet avantage. Il en est de même des employeurs et de la population non active.
En mettant les majorations familiales des pensions du régime général à la charge de la branche famille, le législateur fait financer par certains cotisants des avantages dont ils sont privés.
A l'inverse, les ressortissants de certains régimes spéciaux comme ceux de la fonction publique, cotisants dans les mêmes proportions que les autres auprès de la branche famille, ont vocation à recevoir des majorations familiales de pension de vieillesse plus importantes que celles des salariés du régime général : 10 % pour trois enfants élevés plus 5 % par enfant supplémentaire dans la limite de sept enfants. Il y aurait là une nouvelle inégalité entre les citoyens si ces majorations relevaient, comme le prétend le législateur, de la politique familiale. Or, ces majorations ne sont pas mises à la charge de la branche famille par le présent projet et ne pourront pas l'être en application de la décision du Conseil constitutionnel no 94-DC du 29 décembre 1994, étant des charges permanentes de l'Etat.
Dans sa décision no 97-393 DC du 18 décembre 1997, le Conseil constitutionnel a, certes, estimé que « l'exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 implique la mise en oeuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur de la famille ; qu'il est cependant loisible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités d'aide aux familles qui lui paraissent appropriées ». Cette latitude ne lui permet pas, toutefois, d'accorder, au titre de la mise en oeuvre de cette politique, des majorations familiales à certaines familles et non pas à d'autres sans qu'il y ait entre elles une différence de leur situation : à cet égard, rien dans le soutien aux familles ne justifie qu'un salarié du régime général bénéficie de 10 % de majoration de pension pour trois enfants élevés alors qu'un exploitant agricole en est privé. La justification de pareille différence relève, en réalité, de la politique des retraites qu'il n'appartient pas à la branche famille de financer.
De plus, l'article 21 n'est pas conforme à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, qui pose dans son paragraphe 3o le principe de l'autonomie des branches.
L'article 21 n'est donc pas conforme à la Constitution.
IV. - L'article 49 n'est pas conforme à la Constitution
L'article 49 détermine un nouveau mode de calcul du reversement des dépassements du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique, établi par les articles L. 138-10 et suivants. D'une part, pour le seuil de déclenchement de la contribution, au taux de progression de l'ONDAM est substitué un taux de progression fixé à 3 % pour 2001. D'autre part, pour le calcul de la contribution, le mécanisme actuel qui est fonction de l'importance du dépassement est abandonné au profit d'un système de récupération linéaire permettant de récupérer jusqu'à 70 % du dépassement.
Or, la contribution, dite « clause de sauvegarde », est qualifiée par votre jurisprudence d'imposition de toute nature (no 98-404 DC du 18 décembre 1998, rec. p. 316). Elle doit donc être conforme aux principes constitutionnels de la légalité fiscale tels qu'ils résultent des articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789, de l'article 34 de la Constitution.
1. Ainsi qu'il ressort de votre jurisprudence, l'article 13 de la Déclaration de 1789 fonde la nécessité de l'impôt et, partant, conduit à exiger que celui-ci soit défini sur la base de critères clairs, objectifs et rationnels, ce qui, en définitive, garantit l'égalité de tous devant les charges publiques (cf. décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990, rec. p. 95, cons. 27 à 36). Vous rappelez ce principe à propos de la clause de sauvegarde elle-même (no 98-404 DC du 18 décembre 1998). La fixation de ces critères doit, à cet égard, se faire en fonction du but que le législateur s'assigne. A cet égard, vous avez considéré qu'en se fondant sur l'ONDAM comme facteur déclenchant du paiement de la contribution le législateur s'était fondé sur un critère rationnel et objectif en rapport avec le but qu'il poursuivait, c'est-à-dire faire contribuer les laboratoires lors d'un dérapage des dépenses médicales.
Or, l'article 49 substitue le taux de 3 % au taux de progression de l'ONDAM pour mettre en oeuvre la contribution, taux de 3 % qui n'est fondé sur aucun élément objectif ou rationnel en rapport avec l'intérêt général poursuivi par le législateur. Ainsi, M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis, de la commission des finances de l'Assemblée nationale, reconnaît que ce taux ad hoc est " déconnecté de tout lien avec l'ONDAM
Rapport no 2631, p. 142-144.
". M. Jacques Oudin, rapporteur de la commission des finances du Sénat, stigmatise ce taux « dont le dépassement déclenche le versement de la contribution arbitrairement fixé par le Gouvernement est totalement indépendant de l'ONDAM » Rapport no 68, p. 190.
. Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de solidarité, a cru préciser en affirmant qu'il se situait « dans le cadre de l'ONDAM » JO Débats, AN, 2e séance, 27 octobre 2000, p. 7675.
Dans ces conditions, ce taux de progression ad hoc dont les travaux parlementaires montrent que nul ne connaît la nature exacte, et dont le lien avec le taux de l'ONDAM est plus qu'incertain, ne peut être regardé comme fondé sur des objectifs clairs et rationnels.
2. L'article 49 méconnaît aussi le principe de progressivité de l'impôt qui découle, selon votre jurisprudence, du principe de nécessité de toute contribution publique visé aux articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789.
Le tableau figurant au paragraphe II de l'article 49 laisse apparaître une certaine progressivité du calcul de la contribution puisque trois taux d'imposition sont différenciés à raison de trois tranches d'accroissement du chiffre d'affaires de l'ensemble des entreprises redevables. En réalité, cette progressivité est illusoire ainsi qu'il en résulte des travaux parlementaires. En effet, le taux plancher de la troisième tranche d'imposition est fixé à 4 % d'accroissement du chiffre d'affaires des entreprises redevables (K + 1 point) alors que M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail (JO, AN, 1re séance du 24 octobre 2000, p. 7366), que la ministre de l'emploi et de la solidarité (JO, AN, 1re séance du 24 octobre 2000, p. 7359) ont admis que la dépense de médicaments progressera de 6 % à 7 %. Dans ces conditions, la fixation de tranches correspondant à un taux d'accroissement de chiffre d'affaires inférieur à 4 % est, dans l'esprit même du législateur, absolument inutile. Le seul taux opérant de contribution est le taux unique de 70 %. La progressivité de la contribution n'est qu'apparente. Qui plus est, tout mécanisme de taux marginal est ignoré, de telle sorte que ce sera le taux supérieur et unique de 70 % qui s'appliquera uniformément.
3. Pour finir, le taux retenu de 70 % d'imposition calculé sur le chiffre d'affaires excédant le taux K est manifestement confiscatoire.
Ainsi, en premier lieu, la fixation d'un tel taux calculé non sur les bénéfices mais sur le chiffre d'affaires procède d'une erreur manifeste d'appréciation dans la prise en compte des entreprises redevables (cf. décision no 83-164 DC du 29 décembre 1983).
En deuxième lieu, ce niveau d'imposition sans comparaison dans aucun secteur de l'activité économique a pour effet de dénaturer la liberté d'entreprendre (décision no 98-401 du 10 juin 1998). Sur ce terrain, vous vérifiez si « la baisse de la capacité de production des entreprises résultera des nouvelles dispositions est d'une ampleur ou d'une prévisibilité » telles que vous puissiez relever une erreur manifeste d'appréciation (décision no 99-423 DC du 13 janvier 2000). En l'occurrence, compte tenu d'une imposition du chiffre d'affaires de 70 % au titre de la clause de sauvegarde à laquelle s'ajoute un relèvement très fort des taux d'imposition de la taxe sur les ventes directes à l'officine (article 50), la capacité du secteur industriel concerné à mener une politique de recherche et d'innovation pharmacologique et chimique sera très certainement compromise.
En troisième lieu, le taux de 70 % crée une rupture d'égalité devant les charges publiques (décision no 86-200 DC du 16 janvier 1986) entre les entreprises redevables de la contribution et les entreprises exonérées. La différence de situations existant entre ces deux catégories d'entreprises ne peut en aucun cas justifier un traitement aussi inégal
Cf. votre décision no 85-200 DC du 16 janvier 1986. Loi relative à la limitation des possibilités de cumul entre pensions de retraite et revenus d'activité, à propos des deux taux de contribution fixés à 50 % et 10 % selon que les personnes redevables étaient, dans un cas, actives et titulaires d'une pension de retraite et, dans un autre, actives mais non titulaires d'une pension.
Il s'ensuit qu'en modifiant de la sorte et de manière aussi nette la seule clause de sauvegarde le législateur remet en cause l'équilibre fixé par votre jurisprudence relative à la différence de traitement entre les entreprises conventionnées et celles qui ne le sont pas et rompt l'égalité entre les entreprises du secteur concurrentiel.
Enfin, le niveau d'imposition fixé est tel qu'il rejaillit sur la politique conventionnelle du médicament et porte nécessairement atteinte à la liberté contractuelle de l'ensemble des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques. En réalité, non seulement le choix de l'option conventionnelle n'est plus libre mais « forcé » devant la menace constituée par la contribution accrue de l'article L. 138-10, mais en outre la liberté de négociation inhérente à la liberté de contracter dans des conditions qui portent atteinte à la liberté individuelle des entreprises concernées.
Pour toutes ces raisons, l'article 49 doit être déclaré non conforme à la Constitution.
V. - L'article 50 n'est pas conforme à la Constitution
L'article 50 augmente le barème de la taxe sur les grossistes répartiteurs, taux qui dépend de l'évolution trimestrielle du chiffre d'affaires hors taxe réalisé par l'ensemble des entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques.
Outre le fait que cet article augmente encore les impôts pesant sur l'industrie pharmaceutique (cf. l'argumentaire sur l'article 49), l'augmentation du prélèvement s'applique au chiffre d'affaires réalisé à compter du 1er octobre 2000.
La rétroactivité des lois fiscales est admise par votre jurisprudence, le législateur pouvant « pour des raisons d'intérêt général, modifier rétroactivement les règles que l'administration fiscale et le juge de l'impôt ont pour mission d'appliquer » (décision no 86-223 DC du 29 décembre 1986, rec. p. 184). Cependant, votre jurisprudence a posé certaines limites : « si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles » (décision no 98-404 DC du 18 décembre 1998). De plus, les dispositions fiscales rétroactives ne sauraient avoir pour conséquence, par leurs effets sur le patrimoine des contribuables, de porter atteinte au droit de propriété (décision no 91-298 DC du 24 juillet 1991, rec. p. 82).
Or, aucune justification à la rétroactivité de cette disposition n'a été avancée si ce n'est des recettes fiscales plus importantes, ce qui ne saurait justifier cette rétroactivité.
Ainsi, en l'absence de motif d'intérêt général, l'article 50 doit être considéré comme non conforme à la Constitution.
VI. - Les paragraphes IV et V de l'article 53 ne sont pas conformes à la Constitution
L'article 53 crée un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Afin d'éviter les recours contentieux, le législateur a posé dans ces articles IV et V des limites aux recours contentieux. Ainsi, le choix de recourir à l'indemnisation par le fonds équivaut pour la victime ou ses ayants droit à se désister des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et à renoncer à toute action juridictionnelle en réparation du même préjudice.
Or, vous avez considéré qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution », « il résulte de cette disposition qu'en principe il ne doit être porté d'atteintes substantielles au droit de personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction » Décision no 96-373 DC du 9 avril 1996, loi organique portant statut de la Polynésie française, rec. p. 43, cons. 83.
. Vous avez depuis précisé ce principe à valeur constitutionnel du droit au recours effectif dans vos décisions no 99-422 DC du 22 décembre 1999 et no 99-425 DC du 29 décembre 1999.
Or, le dispositif des paragraphes IV et V est restrictif eu égard à ce principe. Tout d'abord, le désistement est reconnu d'office en cas de « décision juridictionnelle définitive » à la suite d'un recours contentieux contre une offre du fonds : en contestant une offre du fonds devant le juge d'appel, le requérant s'expose automatiquement à se voir fermer toutes les voies de recours ultérieures s'il devait être débouté de son action ou s'il était insuffisamment indemnisé. Ainsi, la rédaction retenue peut aboutir à ce que, en cas de demande devant le fonds, les victimes ne pourraient plus se porter partie civile et agir devant les tribunaux afin que soit établie la part des responsabilités des intervenants. La deuxième phrase du troisième alinéa du IV laisse même à penser que les victimes de l'amiante qui n'ont pas obtenu au cours de ces dernières années une décision favorable du juge sur leur demande de réparation intégrale ne pourront plus se pourvoir à l'avenir devant le juge pour présenter des demandes sur le même préjudice, étant entendu que la procédure devant le fonds ne devrait pas être considérée comme une procédure juridictionnelle. Le paragraphe V limite, quant à lui, les ouvertures de recours contre les décisions de la commission d'indemnisation seulement dans trois hypothèses : le rejet de la demande d'indemnisation, le non-respect du délai, la non-acceptation de l'offre par le demandeur.
En conséquence, pour le demandeur engager un recours contre la décision du fonds risque d'épuiser automatiquement les voies de recours ultérieures devant d'autres juridictions. Toutes ces dispositions portent atteinte au droit au recours effectif et doivent donc être considérées comme non conformes à la Constitution.
VII. - L'article 55 n'est pas conforme à la Constitution
L'article 55 fixe l'objectif national de dépenses d'assurance maladie à 693,3 milliards de francs. Or, de l'ONDAM dépend la mise en oeuvre du mécanisme des lettres-flottantes. Vous avez considéré que le mécanisme des lettres-flottantes institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 était conforme à la Constitution, car l'ONDAM était un critère objectif et rationnel (décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999, cons. 47). Ce n'est pas le cas dans l'actuel projet de loi. En effet, l'ONDAM, qui est nécessairement sous la forme d'un agrégat comptable, devient cependant chaque fois plus arbitraire, dépourvu de tout contenu en santé publique. Ainsi, l'ONDAM 2000 a été « rebasé » pour tenir compte du dépassement constaté l'année précédente, puis à nouveau majoré lors d'une « nouvelle étape » et l'ONDAM 2001 calculé à partir de cet ONDAM 2000. Conformément à votre jurisprudence posée par la décision no 85-187 DC du 25 janvier 1985, rec. p. 43, une loi « peut être contestée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient », la constitutionnalité du mécanisme des lettres-flottantes étant conditionnée à un critère objectif et rationnel.
L'ONDAM ne pouvant être considéré comme objectif et rationnel, le mécanisme des lettres-flottantes ne peut plus être considéré comme conforme à la Constitution. L'article 55 doit être considéré comme non conforme à la Constitution.
VIII. - Plusieurs dispositions ne sont pas conformes à la Constitution, car elles échappent à l'objet des lois de financement de la sécurité sociale
La loi no 96-646 du 22 juillet 1996 a déterminé l'objet des lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, outre les dispositions relatives aux orientations de la politique de santé et de sécurité sociale, les objectifs relatifs à l'équilibre général, les objectifs de dépenses, les lois de financement ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi les dispositions dépourvues d'effet financier direct sur l'équilibre des comptes sont déclarées contraires à la Constitution (décision no 99-422 du 21 décembre 1999 déclarant contraire à la Constitution le quatrième alinéa de l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000). L'irrecevabilité des articles doit être préalablement soulevée par le Parlement (décisions no 96-384 DC du 19 décembre 1996, no 97-393 DC du 18 décembre 1997, no 98-404 DC du 18 décembre 1998).
Or, plusieurs dispositions de la loi de financement de la sécurité pour 2001 ne correspondent ni à des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ni une amélioration du contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
A. - L'article 4 n'est pas conforme à la Constitution
L'article 4 a pour objet d'exonérer de la CRDS les retraités et invalides pensionnés, lorsqu'ils ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu ou sont imposables pour une somme inférieure au plancher de mise en recouvrement de 400 francs.
Cette disposition ne relève pas d'une loi de financement de la sécurité sociale, comme l'a relevé M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances
Rapport no 2631, p. 29.
. En effet, la CRDS finance la CADES. Or, la CADES est exclue du champ d'application de la loi de financement comme vous l'avez considéré dans votre décision no 97-393 DC du 18 décembre 1997 : ce n'est que parce que l'article 31 de ce texte prolongeait de cinq ans la durée de perception de la CRDS et de la mission de la CADES, et avait donc une incidence significative sur les frais financiers à la charge du régime général, et donc sur son équilibre général, que l'article 31 n'a pas été déclaré contraire à la Constitution Cons. 53, rec. p. 331.
L'article 4 doit donc être déclaré contraire à la Constitution.
B. - L'article 24 n'est pas conforme à la Constitution
L'article 24 abroge la loi no 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne. Cet article est lui aussi un cavalier et n'a pas sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Lors de l'examen du projet de loi de financement pour 1999, un amendement similaire avait été adopté par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale. En séance, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait déclaré qu'un tel amendement ne lui semblait pas « avoir sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale... parce qu'il constituerait, sur le plan juridique, un cavalier sans lien direct avec la loi de financement de la sécurité sociale » JO, Débats, AN, 2e séance du 28 octobre 1998, p. 7528.
. Elle ajoutait : « nous avons consulté tant les juristes que le secrétaire général du Gouvernement. Aujourd'hui il est clair que ni vous-même ni même le Gouvernement parce que ce n'est pas l'objet initial du texte et parce qu'il n'aurait pas de conséquences sur le financement de la sécurité sociale, ne pouvaient déposer un amendement » Ibidem, p. 7528.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui s'était déplacé pour l'occasion, ne disait pas autre chose : « l'abrogation de cette loi serait même à la limite inutile car des décrets d'application n'ont jamais été pris par le Gouvernement en sorte qu'elle ne peut avoir d'application concrète » Ibidem, p. 7531.
. Entre-temps, M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, avait fait valoir que « si l'amendement avait été adopté, nous courrions le risque d'une censure par le Conseil constitutionnel ».
Ainsi, le Gouvernement avait choisi d'inscrire dans le projet de loi de modernisation sociale Projet de loi AN, no 2415, 11e législature.
l'abrogation de la loi Thomas à l'article 11 :
« I. - La loi no 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite est abrogée.
» II. - Le 1o ter de l'article 83, le b ter du 5 de l'article 158, le 11 de l'article 206, la dernière phrase du 3 de l'article 209 bis et le dernier alinéa de l'article 219 quater du code général des impôts ainsi que, au cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « y compris les abondements des employeurs aux plans d'épargne retraite » sont abrogés.
« III. - Le I bis de l'article 235 ter Y du code général des impôts est abrogé. »
Deux ans plus tard, les avis sont opposés : M. Alfred Recours considère que « l'abrogation de loi Thomas a sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale dans la mesure où elle entraînera potentiellement des non-dépenses pour la protection sociale » JO, Débats, AN, 2e séance du 26 octobre 2000, p. 7591.
. M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, pense de même : « je pense que cet amendement a sa place dans la mesure où la loi Thomas prévoit explicitement que les cotisations versées par les salariés dans le cadre de cette épargne sont déductibles de l'assiette des cotisations sociales » Ibidem, p. 7592.
. Et Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, donnait un avis favorable à l'amendement.
Il semble difficile d'affirmer que l'abrogation de la loi Thomas ait une influence sur l'équilibre financier des régimes de base, les décrets d'application de ladite loi n'ayant jamais été pris et le Gouvernement ne souhaitant pas les prendre.
L'article 24 n'est donc pas conforme à la Constitution.
C. - L'article 44 n'est pas conforme à la Constitution
L'article L. 6211-5 du code de la santé publique prévoit que la transmission de prélèvements aux fins d'analyses n'est autorisée qu'au pharmacien d'officine installé dans une agglomération où n'existe pas de laboratoire exclusif ou qu'entre laboratoires.
L'article 44, qui résulte d'un amendement du Gouvernement, permet aux professionnels de santé libéraux et aux établissements et centres de santé qui ne disposent pas d'un laboratoire d'analyse de biologie médicale d'effectuer des transmissions de prélèvements en vue d'analyse aux laboratoires d'analyses de biologie médicale.
Cette disposition est comme le souligne le rapport de M. Charles Descours « l'archétype du cavalier » Rapport Sénat, no 67, tome IV, p. 147.
et n'a pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale, conformément à la loi organique. Il doit donc être déclaré non conforme à la Constitution.
En conclusion, les articles 3, 4, 21, 24, 29, 44, 49 et 50, les paragraphes IV et V de l'article 53, l'article 55 doivent être considérés comme non conformes à la Constitution. De plus, en raison du caractère indivisible de ses dispositions avec l'ensemble de la loi sans lesquelles la loi n'aurait pas été adoptée, l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 doit être considéré comme non conforme à la Constitution