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Décision n° 2000-1 LP du 27 janvier 2000 - Président du Gouvernement de la Nouvelle Calédonie

Loi du pays relative à l'institution d'une taxe générale sur les services
Conformité

Sur le recours
Contre la loi du pays n° 99-003 du 7 décembre 1999 relative à l'institution d'une taxe générale sur les services en Nouvelle-Calédonie.
Déposé par Monsieur Robert Xowie, président de la province des îles Loyauté de la Nouvelle-Calédonie.
Présenté par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie représenté par son président 19, Avenue du Maréchal Foch - B.P M2 - 98849 - Nouméa cedex.
Par un recours enregistré au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie le 7 janvier 2000, Monsieur Robert Xowie, président de la province des îles Loyauté, défère au Conseil constitutionnel la loi du pays n° 99-003 adoptée en seconde lecture par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 28 décembre 1999, relative à l'institution d'une taxe générale sur les services aux fins de déclarer ladite loi non conforme à la Constitution, à la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, ainsi qu'à l'accord sur la Nouvelle-Calédonie du 21 avril 1998.
Les arguments développés par le requérant seront discutés ci-après (II).
Pour la bonne connaissance de cette affaire, cette discussion sera précédée d'un bref rappel chronologique (I).
I/ Rappel des faits
A la suite de la déclaration de politique générale du gouvernement, présentée par son président devant le congrès le 17 septembre 1999, la nécessité de trouver des ressources nouvelles pour le budget de la Nouvelle-Calédonie, apparue lors des travaux préparatoires du budget, a conduit le gouvernement à élaborer un projet de loi du pays, instaurant une taxe générale sur les services.
Conformément aux dispositions de la loi organique, ce projet de loi du pays a été soumis à l'avis du Conseil d'Etat le 25 octobre 1999 qui a rendu un avis le 23 novembre 1999.
Alors qu'il n'y était pas formellement tenu, le gouvernement a également saisi le comité économique et social le 25 octobre 1999, qui a rendu un avis le 2 novembre 1999.
Tenant compte des observations du Conseil d'Etat, le projet initial est arrêté par le gouvernement en sa séance du 25 novembre 1999.
Ce texte est alors transmis au congrès qui l'adopte en première lecture le 7 décembre 1999.
Cependant, le groupe Front de libération national Kanak et socialiste (FLNKS) au congrès demande le 15 décembre 1999 une seconde lecture. En sa séance du 28 décembre 1999, le congrès adopte de nouveau cette loi du pays.
C'est le texte qui est déféré à la censure du Conseil constitutionnel.

II / Discussion des moyens de la requête
Il est exposé que la loi du pays susmentionnée aurait été adoptée à l'issue d'une procédure non conforme à la loi organique et aurait violé le bloc de constitutionnalité.
Cette procédure est celle qui concerne la consultation du comité économique et social, d'une part, et celle, d'autre part, du comité des finances locales.
- Sur le premier moyen
Le requérant fait valoir que la consultation du conseil économique et social s'imposait en l'espèce au lieu du comité économique et social, s'agissant d'un texte à caractère économique et qu'en tout état de cause, le comité économique et social n'était plus compétent à la date du 2 novembre 1999 pour rendre un avis sur la saisine émanant du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
En ces deux branches, ce moyen n'est pas fondé.
- Contrairement à la qualification que le président de la province des îles Loyauté donne à la loi du pays portant taxe générale sur les services, cette loi n'a pas la nature d'un texte économique mais celle d'un texte purement fiscal.
En effet, l'objectif visé par la loi du pays est strictement fiscal. La taxe générale sur les services est destinée à assurer l'équilibre du budget de la Nouvelle-Calédonie compte tenu des dispositions de la loi organique. Il aurait pu en être autrement si l'objectif recherché était principalement d'ordre incitatif au développement économique de tel ou tel secteur d'activité.
La consultation du conseil économique et social n'était donc pas obligatoire.
Le comité économique et social a donc été saisi, à titre facultatif, en raison notamment des obligations nouvelles résultant pour les entreprises concernées de l'instauration de cet impôt et pour recueillir l'avis des représentants des acteurs de la vie économique, sociale et culturelle de la Nouvelle-Calédonie sur un projet important du nouvel exécutif élu de cette collectivité.
Par ailleurs, la consultation du conseil économique et social, qui n'était pas désigné, était une formalité impossible à accomplir à la date où le comité économique et social a été saisi pour avis.
L'absence de consultation du conseil n'a donc pu, en tout état de cause, entacher la constitutionnalité de cette loi du pays.
- En second lieu et contrairement à l'argumentation de requérant, le comité économique et social était encore compétent, selon l'article 232-IV - 2ème phrase - de la loi organique pour exercer les attributions du conseil économique et social jusqu'à la réunion de cette nouvelle institution.
Le délai de trois mois mentionné à la 1ère phrase dudit article 232-IV est un délai sans sanction, qui était destiné, selon les débats parlementaires sur le projet de loi organique, à ajuster au mieux le début du mandat des nouveaux conseillers sur celui des élus aux assemblées de province.
Tant que le conseil économique et social n'a pas été désigné et ne s'est pas réuni, le comité économique et social exerce ses attributions.
Ce premier moyen sera donc écarté.
- Sur le deuxième moyen
Il est fait grief au gouvernement de Nouvelle-Calédonie de n'avoir pas saisi le comité des finances locales, mentionné à l'article 48 de la loi organique, au motif que la taxe générale sur les services relève du domaine des « relations financières » au sens de l'article 48 de la loi organique.
Ce moyen est également non fondé en droit, le requérant ayant méconnu la portée de l'article 48 cité ci-dessus.
En effet, il résulte des travaux préparatoires de la loi organique que les relations financières visées audit article 48 ne concernent que les dispositions nouvelles à caractère fiscal devant régir la création et l'affectation d'impôts et taxes au profit de fonds destinés aux collectivités territoriales (article 22-1 °) ainsi que les textes qui fixeront le régime comptable et financier (article 27), au cas où cette compétence serait transférée et enfin les décisions éventuelles à intervenir pour la répartition des dotations aux provinces (article 99-11 °).
La création d'un impôt perçu au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie n'est donc pas au nombre des questions dont ledit comité doit connaître ;
Par ailleurs, ledit comité ne pouvait être consulté dans la mesure où le congrès de la Nouvelle-Calédonie n'a pas encore délibéré sur ses modalités d'organisation et de fonctionnement. La consultation d'un organisme dont l'organisation et le fonctionnement n'ont pas encore été fixés constitue une formalité impossible.
Ce moyen sera donc également rejeté.
Au regard des ces observations, il apparaît que la loi du pays qui vous est déférée n'est en aucune manière contraire à la Constitution.
Par ces motifs, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sollicite qu'il plaise au Conseil constitutionnel,
- juger la requête du président de la province des îles Loyauté non fondée,
- déclarer la loi du pays relative à l'institution d'une taxe générale sur les services en Nouvelle-Calédonie conforme à la Constitution.
Nouméa, le 4 janvier 2000