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La protection de l’environnement

Tout en étendant la compétence du législateur pour déterminer les principes fondamentaux de la préservation de l'environnement (cf. l'article 34 de la Constitution ), la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 a donné valeur constitutionnelle à la Charte de l'environnement . Ont ainsi été consacrés des droits nouveaux distincts de ceux prévus par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le Préambule de la Constitution de 1946. Il reste que toutes les dispositions de cette Charte n'ont pas la même portée normative.

I. La constitutionnalisation de la Charte de l'environnement

Jusqu’en 2005, la protection de l’environnement ne figurait pas parmi les dispositions du « bloc de constitutionnalité », soit parmi les normes de valeur constitutionnelle. Cette situation tranchait avec celle d’autres Constitutions étrangères. Par exemple, le premier alinéa de l’article 45 de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 prévoit que « tous ont le droit de jouir d’un environnement approprié pour développer leur personnalité et le devoir de le conserver ». Pourtant, la question de la constitutionnalisation de la protection environnementale s’était depuis longtemps posée au détour :

  • d'initiatives parlementaires restées vaines pour des raisons d'ordre politique. C'est le cas notamment de propositions de loi enregistrées à l'Assemblée nationale dès la fin de l'année 1975 (cf. le rapport n° 1595 fait par Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 12 mai 2004) ;
  • d'une saisine du Conseil constitutionnel. En 1990, le Conseil constitutionnel a été saisi de dispositions législatives relatives aux constructions nouvelles situées à proximité de plans d'eau dans les zones de montagne. Le président du Conseil constitutionnel, M. Robert BADINTER, s'interrogeait en ces termes : « je me demande si cette décision ne constituerait pas l'occasion d'émettre des considérations sur le droit de l'environnement » ( délibération du 25 juillet 1990 ). Finalement, dans sa décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990 , le Conseil ne s'est pas prononcé sur le fond. Il a censuré les dispositions litigieuses pour des motifs tenant à l'irrégularité de la procédure législative « sans qu'il y ait lieu en l'état de s'interroger sur la conformité à la Constitution du contenu des dispositions » (décision n° 90-277 DC précitée ). Le Conseil constitutionnel n'a donc pas entendu pallier la carence du constituant en matière environnementale.

Ce n'est qu'à la faveur de la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 que la protection de l'environnement a reçu une consécration constitutionnelle par « l'adoption d'une Charte de l'environnement adossée à la Constitution » (exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle n° 992 relatif à la Charte de l'environnement, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 27 juin 2003). Désormais, le Préambule de la Constitution de 1958 prévoit que « l e peuple français proclame solennellement son attachement (...) aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004 ».

II. La portée normative de la Charte de l'environnement

Les dix articles de la Charte de l’environnement sont précédés de sept alinéas qui « en exposent en quelque sorte la philosophie » (Bertrand MATHIEU). Ils n’instituent pas des droits ou libertés que la Constitution garantit de telle sorte « qu’ils ne peuvent être invoqués à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité [QPC] sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution » (décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014). Il reste que ces alinéas peuvent être mobilisés par le juge constitutionnel. À titre d’illustration, s’agissant du sixième alinéa, le Conseil a jugé que « le secret de la défense nationale participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, réaffirmés par la Charte de l’environnement, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation et l’intégrité du territoire » (décision n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011). Plus récemment, c’est à partir des dispositions du préambule de la Charte que le Conseil constitutionnel a dégagé un objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains (décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020). De même, les dix articles de cette Charte n’instituent pas tous un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Par exemple,

  • les articles 1 (droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé), 2 (devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement), 3 (devoir de prévenir les atteintes à l’environnement ou d’en limiter les conséquences), 4 (contribution à la réparation des dommages) et 7 (droit de participation à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement) instituent des droits ou libertés dont la méconnaissance peut être invoquée à l’appui d’une QPC. Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes énoncés par la Charte, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.
  • l’article 6 relatif à l’exigence de promotion du développement durable n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit invocable dans le cadre d’une QPC (décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012). En contrôle a priori, le Conseil constitutionnel juge qu’il appartient au législateur de déterminer les modalités de la mise en œuvre de cette disposition (décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013).