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Sénatoriales 2014 - Présentation de la procédure contentieuse

Aux termes de l'article 59 de la Constitution, « le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs ».

Indépendamment des requêtes émanant d'un électeur ou d'un candidat aux fins d'annuler l'élection d'un sénateur (I), le Conseil constitutionnel peut également être saisi comme juge d'appel dans le contentieux de la désignation des délégués sénatoriaux (II). Il peut également, pour la première fois à l'occasion des élections sénatoriales de 2014, être saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (III). Il peut enfin être saisi pour faire constater une incompatibilité ou une inéligibilité (IV).

I. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, JUGE DE L'ÉLECTION DES SÉNATEURS

La Constitution a confié au Conseil constitutionnel le contrôle de l'élection des sénateurs dans les conditions fixées par l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

L'élection d'un sénateur peut être contestée devant le Conseil constitutionnel par tout électeur de la circonscription intéressée (et non par les seuls membres du collège électoral sénatorial) ou par toute personne qui y a fait acte de candidature. La procédure est enserrée dans des délais brefs puisque le recours est ouvert jusqu'au dixième jour qui suit la proclamation des résultats du scrutin, au plus tard à dix-huit heures. Pendant ces dix jours, les procès-verbaux des bureaux de vote restent à disposition des personnes pouvant exercer le recours dans les bureaux de la préfecture.

La requête est obligatoirement formulée par écrit. Elle peut être rédigée sur papier libre. Elle est dispensée de tous frais de timbre ou d'enregistrement. Elle est adressée au préfet ou au représentant de l'État dans les collectivités d'outre-mer, qui la transmet au Conseil constitutionnel. Le Conseil peut aussi être saisi directement par requête adressée à son secrétaire général. Le délai de dépôt (dix jours) est le même, quel qu'en soit le lieu. La requête peut être adressée par voie électronique accompagnée de l'ensemble des pièces nécessaires à l'examen de la requête à l'adresse
« greffe@conseil-constitutionnel.fr ».

La requête doit préciser le nom, les prénoms, l'adresse et la qualité du requérant et le nom des élus dont l'élection est contestée ainsi que les moyens d'annulation invoqués. Conformément à ce que prévoit le premier alinéa de l'article 4 du règlement applicable à la procédure devant le Conseil constitutionnel, le requérant doit justifier de sa qualité d'électeur ou de candidat dans la circonscription (par exemple en produisant une copie de sa carte d'électeur).

Tout au long de la procédure, le requérant ou l'élu dont l'élection est contestée peuvent être assistés ou représentés par un avocat ou toute autre personne qu'ils désignent expressément par écrit.

Les requêtes manifestement irrecevables ou fondées sur des griefs manifestement sans influence sur le résultat de l'élection sont rejetées par le Conseil constitutionnel sans instruction contradictoire préalable.

Les autres requêtes sont soumises à une instruction contradictoire conduite par une section d'instruction, composée de trois membres du Conseil constitutionnel, ou par le Conseil lui-même. La section est assistée pour chaque affaire par un des dix rapporteurs adjoints. Ces rapporteurs adjoints sont, pour cinq d'entre eux, membre du Conseil d'État et, pour les cinq autres, de la Cour des comptes.

L'instruction se caractérise par une procédure contradictoire, avec échange de mémoires entre les parties. Il peut être ordonné une enquête ou la communication de toute pièce permettant d'apporter un éclairage utile au Conseil. L'instruction est entièrement faite par voie électronique. Par suite, toute partie doit communiquer au secrétariat général du Conseil constitutionnel l'adresse électronique à laquelle les notifications lui sont valablement faites.

Le règlement applicable à la procédure devant le Conseil constitutionnel permet également l'audition des parties. Le Conseil fait droit à une demande d'audition d'une des parties lorsqu'il s'avère utile de préciser les arguments de celle-ci ou d'obtenir des éléments de fait utiles à la résolution de la contestation. Toutes les parties sont alors convoquées. L'audition a lieu non pas devant la section d'instruction mais en séance plénière. L'audition donne lieu à un procès-verbal versé au dossier. Le Conseil peut lui-même, à titre de mesure d'instruction et en dehors de toute demande des parties, organiser une audition. Le rapporteur adjoint assiste à toutes les auditions.

La section d'instruction entend le rapporteur adjoint chargé de présenter l'affaire ainsi qu'un projet de solution.Elle délibère sur ses propositions, peut ordonner toute mesure d'instruction et porte l'affaire devant le Conseil en vue de son jugement au fond. La date d'examen en séance plénière est déterminée par le Président. Le rôle est rendu public quarante-huit heures avant la séance sur le site Internet du Conseil.

Lorsque le Conseil se réunit en séance plénière, le rapporteur adjoint assiste au délibéré sans toutefois prendre part au vote et met en forme la décision résultant du délibéré.

La décision est motivée. Elle est notifiée au Président du Sénat et est publiée au Journal officiel. Les parties en reçoivent copie. Le sénateur dont l'élection est contestée est systématiquement informé de la suite donnée à la requête.

La requête formée contre l'élection d'un sénateur n'a pas d'effet suspensif. Tant qu'une décision d'annulation des opérations électorales n'est pas rendue, la personne proclamée élue continue d'exercer son mandat de sénateur.

Le Conseil constitutionnel peut soit rejeter la contestation et valider l'élection, soit prononcer l'annulation de l'élection, soit réformer les résultats et proclamer élu un autre candidat. Ses décisions sont s'imposent à tous et sont insusceptibles de recours. En effet, aux termes de l'article 62 de la Constitution « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».

II. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, JUGE D'APPEL DE LA DÉSIGNATION DES DÉLÉGUÉS SÉNATORIAUX ET DES DÉCLARATIONS DE CANDIDATURE

Les contestations relatives à l'élection des délégués sénatoriaux sont portées devant le tribunal administratif. Par dérogation au droit commun, c'est le Conseil constitutionnel qui juge en appel ces décisions et non le Conseil d'État ou les cours administratives d'appel. Toutefois, la décision du tribunal administratif ne peut être contestée devant le Conseil constitutionnel que si celui-ci est saisi d'un recours contre l'élection d'un sénateur élu par le ou les délégués sénatoriaux en cause.

Le Conseil constitutionnel est également juge en appel des décisions des tribunaux administratifs relatives aux déclarations de candidature. En effet, si une déclaration ne remplit pas les conditions requises, le préfet saisit dans les vingt-quatre heures le tribunal administratif qui statue dans les trois jours. Son jugement ne peut être contesté que devant le Conseil constitutionnel saisi de l'élection. Il en va de même de l'enregistrement de la candidature d'une personne inéligible. Le préfet sursoit à statuer à l'enregistrement de la candidature et saisit dans les vingt-quatre heures le tribunal administratif qui statue dans les trois jours. La décision du tribunal administratif ne pourra être contestée que devant le Conseil constitutionnel à l'occasion de la contestation de l'élection elle-même.

III. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL SAISI PAR LA COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES (CNCCFP)

En vertu de l'article L. 308-1 du code électoral, les dispositions du chapitre V bis du titre Ier du livre Ier du code électoral, relatif au financement et au plafonnement des dépenses électorales, sont désormais applicables aux candidats aux élections sénatoriales. Par conséquent, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peut saisir le Conseil (A) et le contentieux de l'élection peut également porter sur la contestation du financement de la campagne du candidat élu (B).

A – Saisine directe du Conseil constitutionnel par la Commission

Tous les candidats dont la candidature est enregistrée sont tenus de déposer un compte de campagne devant la CNCCFP, au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Ce compte retrace en dépenses et recettes les sources de financement de la campagne menée par le candidat et son suppléant, ainsi que l'affectation des dépenses engagées. Est obligatoire la désignation d'un mandataire financier (personne physique ou association de financement), seul admis à recevoir les dons consentis par les personnes physiques en vue du financement de la campagne et de procéder au paiement des dépenses, de quelque nature qu'elles soient. Enfin, le compte de campagne doit être présenté par un expert-comptable.

Seuls sont dispensés de ces formalités les candidats ayant recueilli moins de 1 % des suffrages exprimés et qui n'ont recueilli aucun don. Ceux dont le compte de campagne ne présente aucune dépense et aucune recette ne sont pas non plus astreints au dépôt d'un compte de campagne présenté par un expert-comptable. Ils doivent seulement déposer une attestation en ce sens signée du mandataire financier.

La CNCCFP saisit le Conseil constitutionnel, en tant que juge de l'élection, du cas de tout candidat astreint au dépôt d'un compte qui n'a pas respecté cette obligation ou qui ne l'a respectée qu'après l'expiration du délai imparti. Le Conseil constitutionnel est également saisi de tout rejet de compte. La saisine du Conseil constitutionnel ne peut intervenir que dans ces trois cas et dans le délai de six mois qui suit le dépôt du compte de campagne.

Le Conseil constitutionnel vérifie si le candidat a manqué à l'obligation de dépôt de son compte de campagne dans les conditions prévues par le code électoral ou si ce compte a été rejeté à bon droit par la CNCCFP. Si tel est le cas, il peut déclarer le candidat inéligible à tout mandat pour une durée qui ne peut excéder trois ans.

La procédure d'instruction est sensiblement la même que celle précédemment décrite.

B – Le contentieux portant sur la contestation du financement de la campagne du candidat élu

Le contentieux de l'élection peut porter sur des irrégularités alléguées touchant au financement de la campagne du candidat proclamé élu. Dans ce cas, l'enregistrement de la requête par le greffe du Conseil constitutionnel conduit la CNCCFP à instruire les comptes de campagne des candidats de la circonscription dans un délai de deux mois qui suit le dépôt des comptes. Pendant ce temps, l'instruction de l'affaire par le Conseil constitutionnel est suspendue.

Lorsque la Commission a statué sur les comptes des candidats de la circonscription, le Conseil constitutionnel est automatiquement saisi de l'ensemble des comptes, quel que soit le sens des décisions individuelles adoptées par la Commission (approbation, réformation, rejet).

La suite de la procédure se déroule comme indiqué précédemment.

IV. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, JUGE DES INCOMPATIBILITÉS ET DE L'INÉLIGIBILITÉ

S'agissant des sénateurs, le Conseil constitutionnel peut également être saisi par le Bureau du Sénat. Tel est le cas en matière d'incompatibilité (A) ou en matière de transparence financière de la vie politique (B).

A. Les incompatibilités

Le mandat de sénateur est incompatible avec d'autres fonctions électives, ou avec l'exercice de certaines professions.

On peut signaler que la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a modifié les règles d'incompatibilité avec l'exercice d'activités professionnelles. Ces modifications sont applicables, s'agissant des sénateurs, lors du prochain renouvellement de la série à laquelle appartient le sénateur. En conséquence, les nouvelles règles d'incompatibilité seront applicables aux sénateurs de la série 2 renouvelés en 2014 (sans l'être pour autant aux sénateurs de la série 1).

Les cas d'incompatibilités ne peuvent être soumis au Conseil constitutionnel que par le bureau du Sénat, le Garde des sceaux ou le sénateur lui-même.

B. L'inéligibilité en cas de non-dépôt d'une déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

Les sénateurs sont concernés par l'obligation de dépôt d'une déclaration de situation patrimoniale ainsi que d'une déclaration d'intérêts et d'activités imposée aux membres du Parlement.

Dans les deux mois qui suivent son entrée en fonction, chaque sénateur est tenu de déposer une déclaration, certifiée sur l'honneur exacte et sincère, de situation patrimoniale. Ces déclarations sont déposées auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Dans les mêmes conditions, chaque sénateur adresse au président de la Haute autorité ainsi qu'au bureau du Sénat une déclaration faisant apparaître les intérêts détenus à la date de son élection et dans les cinq années précédant cette date, ainsi que la liste des activités professionnelles ou d'intérêt général, même non rémunérées, qu'il envisage de conserver. En cas de non-dépôt, la Haute autorité saisit le bureau du Sénat. À son tour, le bureau du Sénat saisit le Conseil constitutionnel, lequel, le cas échéant, va constater l'inéligibilité du sénateur et le déclarer démissionnaire d'office.