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Mémento des mandataires financiers des candidats à l'élection présidentielle

Par délibération du 4 mai 2006, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a arrêté le texte d'un « mémento à l'usage du candidat à l'élection présidentielle et de son mandataire financier », sur lequel le Conseil constitutionnel avait rendu un avis (non public) quelques jours auparavant (27 avril 2006).

Le mémento a été publié au Journal officiel du 25 mai 2006.

Voir le mémento à l'usage du candidat et de son mandataire financier (Legifrance)

Commentaire

La loi organique relative à l'élection du Président de la République, déclarée conforme à la Constitution le 5 avril 2006 (décision n° 2006-536 DC), a été promulguée le même jour et publiée au Journal officiel le lendemain. Un des principaux objets de cette loi est de confier à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) le premier examen des comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle.

La CNCCFP rejoint ainsi les deux autorités administratives indépendantes Commission nationale de contrôle et du Conseil supérieur de l'audiovisuel - qui apportent leur concours au Conseil constitutionnel, chargé par l'article 58 de la Constitution de veiller « à la régularité de l'élection du Président de la République ».

Il revient désormais à la Commission, en lieu et place du Conseil constitutionnel, de répondre aux questions des responsables de campagne au cours de l'année précédant le scrutin (plus précisément, pour la prochaine échéance, depuis le 1er avril 2006) et, notamment, de rédiger le « mémento » destiné aux mandataires financiers des candidats à cette élection.

Le Conseil constitutionnel n'en est pas moins consulté sur ce mémento. La base légale de cette consultation se trouve (comme pour tous les actes préparatoires au scrutin) dans les dispositions combinées du III de l'article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l'élection présidentielle et de l'article 46 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 (portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).

C'est ainsi que, le 27 avril 2006, le Conseil constitutionnel a rendu un avis (non public) sur le projet de mémento à l'usage des mandataires financiers des candidats à l'élection présidentielle élaboré par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

La nouvelle répartition des attributions oblige le Conseil constitutionnel à porter une attention particulière à l'avis à rendre sur le mémento, car cet avis le liera le jour où il aura à connaître d'un recours contre une décision de la CNCCFP statuant sur le compte de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle.

Or le Conseil constitutionnel n'est pas seul juge de la légalité du mémento. Conformément à la jurisprudence issue de la décision Hauchemaille du 25 juillet 2000 (par exemple : Conseil constitutionnel, de Villiers et Peltier, 7 avril 2005, cons. 3), c'est en effet le Conseil d'Etat qui devrait apprécier cette légalité, si un recours direct était formé contre la délibération de la CNCCFP arrêtant le contenu du mémento.

Le Conseil d'Etat pourrait donc annuler tel ou tel passage du mémento, comme en matière de circulaires (par exemple : Conseil d'Etat, Syndicat des avocats de France, 26 avril 2006, 6ème et 1ère sous-sections réunies), s'il l'estimait ajouter à la loi en posant telle ou telle règle ne résultant pas des textes.

Les inconvénients d'un tel contentieux pour la sécurité juridique de la campagne sont cependant à relativiser car le mémento a été publié au Journal officiel (25 mai 2006). Cette publicité a fait courir le délai de recours contentieux de deux mois. Si le Conseil d'Etat est saisi, il pourra statuer très vite. En l'absence de recours, seul le Conseil constitutionnel sera compétent pour statuer sur la légalité du mémento par la voie de l'exception, celle-ci ne pouvant être soulevée que lors de l'examen des décisions de la CNCCFP.

D'une manière ou de l'autre, le contentieux sera donc purgé en temps utile.

L'objet du mémento est double :

  • Rappeler aux mandataires financiers les règles de financement propres à la campagne présidentielle ;
  • leur prescrire une présentation des comptes de campagne.

Les expériences de 1995 et de 2002 ont en effet montré que la fixation d'un cadre comptable clair et précis était non seulement souhaitée par les mandataires financiers et leurs experts comptables, mais constituait également une condition indispensable à un contrôle effectif des comptes.

La CNCCFP est partie du mémento établi par le Conseil constitutionnel en mars 2001 pour la précédente élection.

La version précédente a été actualisée pour tenir compte des changements législatifs et réglementaires intervenus depuis 2002, en particulier la loi organique n° 2006-404 du 5 avril 2006 modifiant la loi du 6 novembre 1962 et le décret n° 2006-459 du 21 avril 2006 modifiant le décret du 8 mars 2001.

Quelles modifications apporte le nouveau mémento à son prédécesseur ?

  1. La partie I (concernant le mandataire) ne comporte que des adaptations mineures.

  2. La partie II (sur le fonctionnement et la présentation du compte de campagne) reprend toutes les améliorations apportées en 2002 à la suite des difficultés (liées à la présentation disparate des comptes) rencontrées par le Conseil constitutionnel en 1995.

Ainsi, les comptes devront être structurés en une dizaine de catégories de recettes et une trentaine de catégories de dépenses. Ils devront être accompagnés d'autant d'annexes, sans compter les annexes récapitulatives. A chaque annexe devra être joint le dossier des pièces justificatives, avec une numérotation normalisée. Tout cela est nécessaire pour que la CNCCFP et, le cas échéant, le Conseil constitutionnel soient en mesure d'exercer leur contrôle.

  1. En ce qui concerne les recettes, le mémento apporte une précision bienvenue en mentionnant que « les sections de partis ou groupements politiques dont les comptes ne sont pas agrégés au compte d'ensemble du parti, ne peuvent pas financer une campagne électorale ». En effet, « la commission n'est pas en mesure de vérifier que leurs fonds ne proviennent pas d'un versement effectué par une personne morale ». Dans ce domaine, il est clair que la CNCCFP, qui est chargée de vérifier le respect par les partis politiques de leurs obligations comptables et financières en vue de leur permettre de bénéficier de l'aide publique, est mieux outillée que le Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, le mémento est actualisé pour prendre en compte les nouvelles dispositions du code électoral permettant d'effectuer des dons par virement, prélèvement automatique ou carte bancaire et non plus seulement en espèces ou par chèque.

  1. C'est la partie IV (concernant les dépenses) qui a été la plus modifiée :
  • La liste des dépenses interdites est complétée : propagande électorale à l'étranger, émission publicitaire à caractère politique sur les chaînes de radio et de télévision, dons ou libéralités des candidats.
  • Une précision est apportée s'agissant des dépenses de la campagne officielle (qui n'ont pas, en tant que telles, à figurer dans le compte de campagne). Si un candidat souhaite améliorer la qualité de cette campagne officielle, les suppléments quantitatifs et qualitatifs (par exemple, les inserts dans les émissions de la campagne officielle) qui en résulteront deviendront, quant à eux, des dépenses de campagne à intégrer dans le compte de campagne. Ils devront faire l'objet d'une facturation séparée.
  • Un paragraphe spécifique traite des prestations facturées par les partis politiques aux candidats. Il est demandé aux mandataires de faire une distinction entre les prestations fournies par les formations politiques qui n'ouvrent pas droit à remboursement (dépenses payées directement par le parti, concours en nature fournis par le parti et versements définitifs consentis par la formation politique) et celles éligibles au remboursement (dès lors que le parti établit à l'intention du candidat une facture spécifique, individualisée et n'excédant pas le prix normal du marché).

Les dépenses facturées par les partis politiques ne pourront être remboursées que si elles concernent des dépenses supplémentaires spécifiquement liées à la campagne électorale concernée ou des dépenses pour lesquelles le parti n'a joué qu'un rôle d'intermédiaire entre le candidat et le fournisseur de services.

A l'inverse, ne pourront faire l'objet de remboursement les charges relevant de l'administration et du fonctionnement habituel du parti (loyer de son siège, rémunération courante des ses permanents...) et que ce dernier aurait dû de toute façon régler s'il n'y avait pas eu d'élection.

Il s'agit d'une position médiane entre le refus de principe que prônait auparavant la CNCCFP et le libéralisme manifesté par le Conseil d'État dans son avis Beuret du 30 juin 2000.

Si la loi n'interdit pas les concours des partis politiques, elle ne peut autoriser leur enrichissement sans cause. Or, c'est bien cela qui pourrait se produire si les dépenses ordinaires des partis politiques, que l'aide publique à ces derniers a pour vocation de couvrir, étaient remboursées une deuxième fois dans le cadre de la campagne du candidat.

Cette position peut s'autoriser des textes et du bon sens : les frais fixes d'un parti ne sont pas exposés en vue d'une élection ; ils ne constituent donc pas une dépense électorale. En revanche, les frais supplémentaires exposés par un parti en vue d'une élection peuvent être facturés au candidat car ils constituent des dépenses faites en vue de son élection.

Par analogie, le mémento expose que les concours financiers apportés sous forme de prêt aux candidats et financés directement par la trésorerie du parti ne peuvent être assortis d'intérêts. En revanche, un emprunt auprès d'une formation politique peut être contracté avec intérêts ouvrant droit, le cas échéant, au remboursement forfaitaire de l'État si la formation politique a elle-même souscrit un emprunt bancaire spécifique pour financer la campagne d'un candidat et ne fait que répercuter sur ce dernier, par un prêt miroir, les intérêts afférents.

  1. La partie V concerne le dépôt du compte de campagne et la clôture des comptes

Cette partie ne comporte aucun changement significatif sinon que, contrairement à ce qui se passe devant le Conseil constitutionnel, le cachet de la poste fera foi comme le prescrit en matière non contentieuse l'article 16 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

  1. Un nouveau chapitre a été ajouté au mémento. Il a trait aux décisions de la CNCCFP, plus particulièrement à l'examen des comptes par la Commission, à la fixation du montant du remboursement et aux voies et délais de recours devant le Conseil constitutionnel.

Il y est indiqué que, sous réserve de l'avance forfaitaire de 153 000 € allouée au moment de la publication de la liste des candidats, le montant du remboursement forfaitaire versé par l'État ne peut excéder l'un des trois montants suivants :

  • Le montant des dépenses électorales arrêté par la Commission, après soustraction, s'il y a lieu, des dépenses électorales non remboursables. La Commission peut être en effet amenée à constater l'existence de dépenses de caractère électoral, c'est-à-dire engagées en vue de l'obtention de suffrages, mais dont les justificatifs n'ont pas été apportés ou qui, par nature, ne peuvent être admises au remboursement (ex : cadeaux aux électeurs, gratifications à des militants non salariés, frais d'affiches apposées sur des emplacements interdits, propagande électorale à l'étranger...) ;
  • Le montant de l'apport personnel du candidat, ajusté au regard des réformations éventuellement opérées en dépenses ;
  • Le montant maximal prévu par la loi, qui est égal selon le cas :
  • Au vingtième du plafond des dépenses électorales applicable aux candidats présents au premier tour, pour ceux qui ont recueilli moins de 5 % des suffrages exprimés ;
  • À la moitié du montant du plafond des dépenses électorales applicable aux candidats présents au premier tour, pour ceux qui ont recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés ;
  • À la moitié du montant du plafond des dépenses électorales applicable aux candidats présents au second tour.

Il est indiqué qu'une dépense électorale non remboursable (car prohibée ou non justifiée) ou une dépense non électorale doit être réputée payée non par un donateur ou par un parti politique, mais par le candidat lui-même. Elle doit donc s'imputer sur l'apport personnel du candidat et être retranchée tant des dépenses que des recettes. Cette solution s'inspire de celle retenue par le Conseil d'Etat, dans sa décision du 11 janvier 2006 (élections régionales d'Ile de France), à propos du compte de campagne de Monsieur Copé.

Le mémento est également actualisé pour rendre compte de la possibilité nouvelle de moduler le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité des irrégularités entachant le compte de campagne, lorsque ces irrégularités ne conduisent pas au rejet du compte. Cette possibilité avait été souhaitée par le Conseil constitutionnel dans ses observations (publiées au Journal officiel des 15 novembre 2002 et 8 juillet 2005) en vue de la préparation de l'élection présidentielle de 2007 et obtenue par lui du législateur organique.

  1. Les annexes ont été complétées pour permettre de distinguer les concours en nature fournis par le candidat de ceux fournis par les formations politiques et les personnes physiques.

A l'annexe 8 disparaît la distinction opérée en 2002 entre les recettes tirées de la vente d'objets assurant la promotion du candidat (pour lesquelles il n'y avait pas de compensation entre recettes et dépenses) et les autres recettes commerciales (pour lesquelles était déclaré un solde bénéficiaire en recettes et rien en dépenses). Dans les deux cas, seront désormais comptabilisées les recettes brutes (annexe 8) et les dépenses brutes (annexe 21).

Seule la recette nette sera cependant déclarée, au titre des « autres recettes » (annexe 11), dans le cas particulier des banquets et dîners-débats. Une annexe particulière (11 bis) est créée pour expliciter le calcul du solde excédentaire des « banquets et dîners-débats ». Symétriquement, les soldes déficitaires des banquets et dîners-débats sont déclarés dans une annexe particulière (37 bis) et reportés en dépenses à l'annexe 37 (« autres frais divers »).