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Les suites de la proclamation

Que se passe-t-il au lendemain du second tour de l'élection présidentielle ?

La présente note a pour objet de faire le point sur les questions de calendrier et de procédure soulevées par le changement de titulaire du mandat présidentiel.

I - Début et fin de mandat du Président de la République

1 °) Le cadre juridique

Aux termes de l'article 29 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001, le Conseil constitutionnel dispose de dix jours pour proclamer les résultats du second tour de l'élection. En pratique, il s'en acquitte en quatre jours.

Il subsiste donc un intervalle de six jours, entre la proclamation des résultats et la fin théorique du mandat. Quelles en sont les étapes ?

2 °) Les précédents

Le tableau suivant indique les principales étapes suivies au cours des précédents scrutins présidentiels.

Investiture ou de passation des pouvoirs

1974 19 mai 1974 24 mai 1974 aucune 27 mai 1974
1981 10 mai 1981 15 mai 1981 au plus tard le 24 mai 1981 (à 0 heure) 21 mai 1981
1988 8 mai 1988 11 mai 1988 le 21 mai 1988 (à 0 heure) 21 mai 1988
1995 7 mai 1995 12 mai 1995 au plus tard le 21 mai 1995 (à 0 heure) 17 mai 1995
2002 5 mai 2002 8 mai 2002 le 17 mai 2002 (à 0 heure) 16 mai 2002

3 °) Deux contextes doivent être distingués

  1. Si le Président de la République est reconduit dans ses fonctions, comme en 1988 et en 2002, la cérémonie d'investiture est réduite au minimum. Le Conseil constitutionnel fixe lui-même la date de l'entrée en fonction, qui se déduit mécaniquement, jour pour jour, de l'expiration du précédent mandat ;

  2. Si l'élection présidentielle conduit à un changement du titulaire du mandat, comme en 1981 et en 1995, la décision du Conseil fait de la « cessation des pouvoirs » (c'est-à-dire, en pratique, de la cérémonie de passation de pouvoirs) le point de départ du mandat.

La date de la passation de pouvoirs est fixée d'un commun accord entre le Président sortant et le Président nouvellement proclamé dans le délai séparant la proclamation du Président élu et l'expiration du mandat en cours (soit, en 2007, entre le 10 et le 16 mai).

La fixation de cette date n'obéit pas à des règles strictes. Le tableau ci-dessus montre que l'usage consiste à retenir plutôt la date médiane du délai juridiquement possible.

  1. Certains contextes présentent des caractéristiques particulières

Ainsi, en 1974, l'élection présidentielle mettait fin à une période d'intérim qui, par définition, doit demeurer la plus courte possible. Comme le montre la décision de 1981, le Conseil a implicitement considéré que la date de proclamation de 1974 mettait fin à la période d'intérim et marquait le point de départ du mandat de M. Valéry Giscard d'Estaing. Néanmoins, une cérémonie d'investiture a eu lieu trois jours après le début du mandat.

II – Démission et nomination du Premier ministre

1 °) la nomination du Premier ministre après l'élection présidentielle

Les seules restrictions prévues par la Constitution aux prérogatives du Président de la République concernent la période d'intérim(1). Elles ne visent ni le Président sortant, ni son successeur.

Ce dernier exerce donc, dès sa prise de fonctions, la plénitude de ses attributions.

Il peut procéder sans délai à la nomination du Premier ministre, prérogative dont aucun Président nouvellement élu ne s'est privé :

  • 27 mai 1974, nomination de M. Jacques Chirac (jour de la cérémonie d'investiture) ;

  • 21 mai 1981, nomination de M. Pierre Mauroy (jour de la passation de pouvoirs) ;

  • 17 mai 1995, nomination de M. Alain Juppé (jour de la passation de pouvoirs).

Dans le cas où le Président se succède à lui-même, la démission du Premier ministre en fonctions et la nomination du nouveau Premier ministre interviennent rapidement, avant même la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel :

  • 10 mai 1988, nomination de M. Michel Rocard (la veille de la proclamation) ;

  • 6 mai 2002, nomination de M. Jean-Pierre Raffarin (deux jours avant la proclamation).

2 °) la démission du Premier ministre « sortant »

Aux termes de l'article 8 de la Constitution : « Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement ».

a) L'usage des Républiques précédentes voudrait que le Premier ministre présente la démission de son Gouvernement au Président nouvellement élu plutôt qu'au Chef d'Etat sortant.

Il en a été ainsi en 1974 (M. Messmer ayant présenté la démission du Gouvernement le 27 mai 1974 à M. Giscard d'Estaing).

En pareil cas, trois dates coïncident :

  • entrée en fonction du nouveau Président de la République ;

  • acceptation de la démission du Gouvernement ;

  • nomination du nouveau Premier ministre.

b) Cet usage est cependant loin d'être toujours suivi.

Si le Président se succède à lui-même, le Premier ministre « sortant » n'attend pas, comme on l'a dit, la cérémonie d'investiture :

  • M. Jacques Chirac présente la démission de son Gouvernement le 10 mai 1988 (onze jours avant l'investiture) ;

  • M. Lionel Jospin présente la démission du sien le 6 mai 2002 (dix jours avant l'investiture).

En revanche, en 1981 et en 1995, la démission est adressée à un Président de la République en fin de mandat. Son acceptation ouvre une courte période (de quelques heures à quelques jours) au cours de laquelle le Premier ministre d'un gouvernement démissionnaire est chargé d'expédier les « affaires courantes », et de faire face aux urgences, notions que la jurisprudence a explorées sous deux républiques(2).

III – La cérémonie d'investiture et de passation des pouvoirs

Après la proclamation de l'élu par le Conseil constitutionnel, laquelle fait corps avec la décision recensant les suffrages au niveau national et tranchant les réclamations, une cérémonie d'investiture du Président proclamé élu se déroule au palais de l'Elysée.

L'installation d'un nouveau Président de la République se fait dans le cadre d'une cérémonie solennelle d'investiture.

Le Président élu entre au Palais par la cour d'honneur, passe devant un détachement de la Garde républicaine.

Il s'entretient, selon l'usage, avec son prédécesseur.

Puis il reçoit des mains du grand chancelier de la Légion d'Honneur les insignes de grand croix de la Légion d'Honneur.

La cérémonie d'investiture proprement dite a ensuite lieu dans la salle des Fêtes.

Elle comporte :

  • (pour mémoire) l'interprétation par l'Orchestre de chambre de la Garde républicaine d'une marche solennelle lors de l'entrée du Président élu, qui est accompagné du Premier ministre, du Président du Sénat et du Président de l'Assemblée Nationale ;

  • la lecture par le Président du Conseil Constitutionnel (accompagné de ses collègues) de la décision de proclamation. A la suite de cette lecture, le Président du Conseil prononce une allocution qui peut être substantielle (Y. Guéna en 2002), sobre (R. Dumas en 1995) ou réduite à sa plus simple expression. A la limite, son intervention peut se borner à la lecture du dispositif de la décision de proclamation. C'est cette intervention qui, selon nous, opère le transfert de pouvoirs et marque l'heure précise du début du nouveau mandat. ;

  • la présentation au nouveau Président de la République par le grand chancelier de la Légion d'Honneur du collier de grand maître de l'Ordre(3) ;

  • l'allocution du Président de la République nouvellement proclamé ;

  • la présentation des personnalités invitées (corps constitués, doyen du corps diplomatique, invités personnels).

A l'issue de la cérémonie, le Président de la République se rend sur la terrasse du parc en compagnie du Premier ministre et des Présidents des deux assemblées.

Les honneurs militaires lui sont rendus par la Garde républicaine.

Après avoir écouté la Marseillaise devant le drapeau, le Président passe les troupes en revue. Une salve de 21 coups de canons est tirée, soit après la lecture de la proclamation, soit pendant les honneurs militaires.

Lorsqu'un Président se succède à lui-même (1988, 2002), la coutume est qu'il prenne la parole après le président du Conseil constitutionnel.

Dans l'hypothèse où le Président proclamé élu n'est pas le Président sortant, les deux intéressés se mettent d'accord sur le principe d'une cérémonie de passation de pouvoirs, ses date et heure, ainsi que ses modalités qui peuvent déroger à celles précédemment exposées.

Cette passation de pouvoirs se double de contacts beaucoup plus fonctionnels (qui ont pu commencer quelques jours avant et peuvent se poursuivre quelques jours après) entre les deux équipes présidentielles (entrante et sortante). Ces contacts sont indispensables à la continuité de l'Etat : il suffit de songer aux responsabilités du Chef de l'Etat en matière de relations extérieures, de défense ou de nominations).

Conclusion : le calendrier envisageable pour les deux prochaines semaines

Quel est, au cours des deux semaines suivant le second tour, le scénario le plus conforme aux bonnes pratiques républicaines ?

Ce scénario est inspiré par la double préoccupation :

  • de respecter la durée normale du mandat présidentiel ;

  • d'assurer, dans l'intérêt national, une transition courtoise, sereine et efficace.

1 °) la proclamation des résultats

  • Lundi 7 mai, mardi 8 mai, mercredi 9 mai, matin du jeudi 10 mai : recensement des votes et traitement des réclamations par le Conseil constitutionnel ;

  • Jeudi 10 mai dans l'après-midi : proclamation des résultats par le Président du Conseil constitutionnel au cours d'une déclaration de presse.

2 °) la passation des pouvoirs

  • Mercredi 9 mai : dernier conseil des ministres présidé par J. Chirac ;

  • Le mercredi 16 mai 2007 dans la matinée :

  • Le Premier ministre actuel remet la démission de son Gouvernement au président sortant avant la cérémonie de passation de pouvoirs. Le Président sortant charge le Premier ministre et les ministres démissionnaires d'assurer l'expédition des affaires courantes ;

  • Cérémonie de passation de pouvoirs au terme de laquelle le nouveau Président entre en fonctions.

  • Le 16 mai 2007 dans l'après-midi ou le lendemain : nomination du nouveau Premier ministre. Celui-ci rassemble momentanément sur sa tête toutes les « casquettes ministérielles » tant que de nouveaux titulaires n'ont pas été nommés aux différents postes ministériels ;

  • Jeudi 17 mai ou/et vendredi 18 mai : nomination des membres du nouveau Gouvernement ;

  • Jours suivants : passation de pouvoirs dans les différents ministères ;

  • Mise au point des décrets d'attribution à l'hôtel de Matignon.

3 ° Changement de législature

  • Élections législatives : 10 et 17 juin ;

  • Fin de l'actuelle législature : 19 juin ;

  • Début de la XIIIe législature ;

  • 6 juillet : date limite de dépôt à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques des comptes de campagne des douze candidats à l'élection présidentielle de 2007 ;

  • Juillet : probable session extraordinaire du Parlement.


(1) cf. Constitution, art. 7 (dernier alinéa), qui renvoie aux articles 49 et 50 (question de confiance et motion de censure) et 89 (révision).

(2) Elle remonte à 1962 et s'appuie sur de nombreux précédents sous la IVe République.

(3) Notons que le Président de la République est reconnu comme grand maître de l'Ordre lors de la cérémonie de son investiture après que, le cas échéant, les insignes de grand'croix lui ont été remis par le grand chancelier nommé par décret présidentiel pris en conseil des ministres (article 13 de la Constitution du 4 octobre 1958) pour une période de six ans renouvelable.)