Décision

Décision n° 2024-6355 AN du 24 janvier 2025

A.N., La Réunion (3e circ.), M. Gabriel FONTAINE

Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juillet 2024 d’une requête présentée par M. Gabriel FONTAINE, inscrit sur les listes électorales de la 3e circonscription du département de La Réunion, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6355 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations du ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le 11 septembre 2024 ;
  • les mémoires en défense présentés par M. Joseph RIVIÈRE, député, enregistrés le 25 septembre et le 21 octobre 2024 ;
  • le mémoire en réplique présenté par M. FONTAINE, enregistré le 11 octobre 2024 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

- Sur l’annulation des opérations électorales :

1. En premier lieu, aux termes de l’article L. 51 du code électoral : « Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales … Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l’élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l’emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu’en dehors des panneaux d’affichage d’expression libre lorsqu’il en existe … ».

2. S’il ressort des pièces du dossier que des affiches électorales et des banderoles ont été apposées sur les murs de la permanence de M. Alexis CHAUSSALET, candidat qualifié pour le second tour, que ce dernier a fait usage d’un véhicule comportant un affichage électoral et qu’ont été apposées des affiches en sa faveur sur la voie publique dans le centre et à l’entrée de la commune du Tampon, il ne résulte toutefois pas de l’instruction que ces irrégularités auraient revêtu un caractère massif, prolongé ou répété et qu’elles aient ainsi pu altérer la sincérité du scrutin. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 51 du code électoral doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

4. La page d’un réseau social au nom de « Huguette Bello », présidente du conseil régional de La Réunion, n’est pas la page officielle de cette région sur ce réseau social, quand bien même la page institutionnelle de cette collectivité comporte un lien vers celle de Mme BELLO. Il ne résulte par ailleurs pas de l’instruction que cette page aurait été administrée par des agents de la région agissant en cette qualité. Par suite, les publications de soutien de M. CHAUSSALET y figurant ne sauraient être regardées comme une participation de la région au financement de la campagne de ce candidat.

5. Si le requérant soutient, par ailleurs, que M. CHAUSSALET, qui occupe les fonctions de collaborateur de groupe à la région de La Réunion, aurait été rémunéré par cette collectivité pendant la campagne électorale, il n’apporte aucun élément permettant d’établir que l’intéressé aurait mené campagne pendant son temps de travail.

6. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que l’utilisation du site communal du Belvédère, qui est un lieu librement accessible au public, pour organiser une manifestation électorale aurait constitué une participation de la commune du Tampon au financement de la campagne de M. CHAUSSALET.

7. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral doivent être écartés.

8. En troisième lieu, aux termes du paragraphe II de l’article L.O. 132 du code électoral : « Sont inéligibles en France dans toute circonscription comprise en tout ou partie dans le ressort dans lequel ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins d’un an à la date du scrutin les titulaires des fonctions suivantes : … 22 ° Les membres du cabinet du président du conseil régional … ». Ces dispositions, qui fixent des inéligibilités, sont d’interprétation stricte.

9. Il ne résulte pas de l’instruction que les fonctions de collaborateur de groupe exercées par M. CHAUSSALET à la date du scrutin devraient être regardées comme celles d’un membre du cabinet de la présidente du conseil régional de La Réunion ou que l’intéressé se serait ou aurait été présenté comme occupant de telles fonctions. Dès lors, le grief tiré de ce que M. CHAUSSALET était inéligible doit être écarté.

10. En quatrième lieu, le requérant fait grief à M. CHAUSSALET d’avoir, en méconnaissance de l’article L. 106 du code électoral, organisé le 23 juin 2024 une manifestation festive sous la forme d’un concert d’artistes locaux, accompagné d’un pique-nique. Toutefois, ni la gratuité du spectacle, ni la circonstance que des aliments et boissons aient été offerts aux personnes qui ont pris part à cet événement ne sont de nature à établir l’exercice d’une influence ou pression sur le corps électoral.

11. En dernier lieu, si le requérant fait grief à M. CHAUSSALET d’avoir fait distribuer des tracts sur le marché de la ville du Tampon, il n’est pas établi que cette distribution aurait eu lieu le 6 juillet 2024, comme il le soutient. En tout état de cause, eu égard au nombre de voix obtenues par les candidats présents au second tour de scrutin, cette irrégularité, à la supposer avérée, n’a pas eu d’incidence sur le résultat de l’élection.

- Sur l’inéligibilité de M. CHAUSSALET :

12. Aux termes de l’article L.O. 136-3 du code électoral : « Saisi d’une contestation contre l’élection, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin … ».

13. Il ne résulte pas de l’instruction que les faits invoqués aient été constitutifs d’une manœuvre frauduleuse ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Il n’y a donc pas lieu pour le Conseil constitutionnel de prononcer à l’égard de M. CHAUSSALET une inéligibilité sur le fondement de ces dispositions.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. FONTAINE doit être rejetée.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - La requête de M. Gabriel FONTAINE est rejetée.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 janvier 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 24 janvier 2025.
 

JORF n°0021 du 25 janvier 2025, texte n° 47
ECLI : FR : CC : 2025 : 2024.6355.AN

À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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